Cette rubrique
a pour but de présenter quelques uns des films que j'apprécie particulièrement , notamment des œuvres peu connues voire méconnues.
J'ai
bien cru ce cinéma disparu à jamais avec les années Berlusconi, et j'ai reçu
un choc avec La Meglio Gioventù (Nos meilleures
années) de Marco Tullio Giordana, qui est un des plus beaux films qui
m'aient été donnés de voir.
Nos
meilleures années
raconte l’histoire d’une famille italienne de la fin des années
soixante à aujourd’hui. Le récit tourne autour de deux frères : Nicola
et Matteo. Au début, ils partagent les mêmes rêves, les mêmes espoirs,
les mêmes lectures et les mêmes amitiés, jusqu’au jour où la rencontre
avec une jeune fille souffrant de troubles psychiques (Giorgia)
détermine le destin de chacun : Nicola décide de devenir psychiatre,
Matteo abandonne ses études et entre dans la police.
Tous les personnages sont extrêmement attachants et nous deviennent
familiers, depuis le père Angelo, Adriana (la mère), admirable,
Giovanna, la fille aînée, Francesca, la cadette, qui épousera Carlo, le
meilleur ami de Nicola, qui deviendra pour cela une cible possible du
terrorisme durant les années de plomb. Il y a également Giulia, la
grande histoire d’amour de Nicola, qui donnera naissance à Sara, et
puis Mirella, qui croisera, à des époques différentes, le chemin de
Matteo et de Nicola.
La figure de Matteo hantera longtemps les mémoires. Ces personnages
nous font vivre les évènements et les lieux qui ont joué un rôle
crucial dans l’histoire italienne : l’inondation de Florence, la lutte
contre la mafia, les mouvements étudiants, le terrorisme...
Ce film est
la fresque d’une génération qui – avec ses contradictions, sa fougue
tantôt ingénue, tantôt violente, avec sa rage parfois déplacée – a
essayé de ne pas se résigner au monde tel qu’il est, mais de le rendre
un peu meilleur.
Les six heures de projection passent trop vite !
La meglio
gioventù est un film
admirable
d'intelligence et de sensibilité. A travers les destins contrastés de
Nicola, qui agit lucidement pour rendre le monde un peu meilleur et de
Matteo, qui refuse, jusqu'à en mourir, de supporter la réalité, ce film
est tout simplement un hommage à la vie, avec les joies, les peines,
les moments comiques, les drames. Ce qui en ressort, au-delà des
moments d'intense émotion, c'est une irrépressible joie de vivre. S'il
porte un message, c'est que la vie vaut vraiment la peine de la vivre à
fond, avec les autres.
Avec (il faut citer tous les comédiens):
Luigi Lo Cascio (Nicola Carati), Alessio Boni (Matteo), Jasmine Trinca
(Giorgia), Maya Sansa (Mirella), Lidia Vitale (Giovanna), Adriana Asti
(Adriana), Andrea Tidona (Angelo Carati), Sonia Bergamasco (Giulia) et
Fabrizio Gifuni (Carlo Tommasi)
C'eravamo tanto amati est
un de mes films préférés.
Ettore Scola met en scène dans ce film tourné en 1974, à travers la vie
de trois amis et d'une jeune femme qui passera de l'un à l'autre,
trente ans d'histoire de l'Italie contemporaine (1945-1975). Cette
comédie est également un hommage mélancolique à Vittorio de Sica.
Gianni Borego
(Vittorio
Gassman), Antonio (Nino Manfredi) et Nicola Palombo (Stefano Satta
Flores) se sont connus dans le maquis, se sont retrouvés à la
Libération, ont formé les mêmes espoirs dans une société plus juste, et
ont vécu les premières déceptions de l'après-guerre.
La première scène est en fait la scène finale (Nicola, Antonio et Luciana, croyant Gianni pauvre, découvrent sa superbe villa et préfèrent rebrousser chemin). Puis l'image passe au noir et blanc pour évoquer la Résistance.
Au lendemain de la
guerre,
Gianni, jeune avocaillon, refuse d'assurer la défense d'un promoteur
sans scrupules, avant de devenir son collaborateur. Il épousera sa
fille Elide (Giovanna Ralli) par intérêt et dépassera en cynisme son
patron et beau-père (Aldo Fabrizi); Antonio travaille comme infirmier
dans un hôpital. Nicola est enseignant, passionné de cinéma. Renvoyé de
son poste après une altercation avec les notables locaux, il
abandonnera sa famille pour devenir critique de cinéma à Rome. Antonio
fait la connaissance de Luciana (Stefania Sandrelli) dont il tombe
amoureux. mais celle-ci succombe bientôt au charme de Gianni. Scène
savoureuse quand Gianni vient s'excuser auprès d'Antonio. Après une
tentative de suicide, c’est chez Nicola que Luciana ira vivre.
Superbe fresque
désenchantée,
ce film est servi tout d'abord par un scénario très riche d’Age et
Scarpelli, traversant le cinéma italien (De Sica, Fellini, Mastroianni)
et la vie politique, passant de moments hilarants (Manfredi ramené par
l'ambulance après son altercation Place de Trevi) à des passages
mélancoliques (la scène du photomaton précédée de la reconstitution de
la scène du landau dans le Cuirassé Potemkine).
Magnifique séquence
quand
Manfredi, qui n’a pas vu Gassman depuis plus de vingt ans, le prend
pour un gardien de parking (alors qu’il est richissime), discourt sur
son idéalisme si mal récompensé par cette société pourrie, et lui donne
un pourboire que Gassman n’ose pas refuser, ne voulant pas le détromper.
C’eravamo tanto
amati
bénéficie également d'un quatuor d'acteurs en état de grâce.
Manfredi dans son rôle d'homme du peuple sincère et réaliste, Gassman
en riche homme d'affaires ayant raté sa vie, Satta Flores en
jusqu'au-boutiste malheureux, sans oublier une magnifique et sensible
Stefania Sandrelli.
Ce film sur les
idéaux trahis
(« nous voulions changer le monde, mais c’est lui qui nous a
changés ») est finalement plus émouvant qu‘amer, car le regard
acéré porté sur les personnages est malgré tout indulgent, même s’il
est souvent négatif.
Merveilleux passage du noir et blanc à la couleur, belle musique d’Armando Trovajoli : un chef d'œuvre, vous dis-je !
Ettore Scola est mort à Rome à l'âge de 84 ans. Né à Trevico, province d'Avellino, le 10 mai 1931, il fut l'un des plus grands cinéastes et scénaristes du cinéma italien. Ayant commencé la mise en scène en 1964, son premier grand succès fut quatre ans plus tard Riusciranno i nostri eroi a ritrovare l'amico misteriosamente scomparso in Africa? Parmi ses chefs d'oeuvre, Una giornata particolare et C'eravamo tanto amati. Son dernier film : en 2013, le documentaire Che strano chiamarsi Federico, dedié à Fellini.
Edition en DVD d'un des chefs d'oeuvre de Dino Risi et du cinéma italien : Une vita difficile (1961). Malheureusement, comme Les Nouveaux Monstres, cette édition se limite à la version doublée en français, ce qui est proprement scandaleux.
Alors, parlons seulement du film :
C'est l'histoire d'un idéaliste (Alberto Sordi, grandiose) qui va tout perdre par fidélité à ses idéaux. Abandonné par sa femme (Lea Massari), petite-bourgeoise fascinée par la réussite économique, fauché, emprisonné, seul, il finit par se résoudre à "être réaliste". Jusqu'au sursaut final...
Cette évocation grinçante qui pourrait être sinistre est rythmée de scènes irrésistibles. On retiendra notamment l'entretien d'embauche et surtout le dîner chez les aristocrates le soir du référendum de 1946, où Sordi et Léa Massari boivent du champagne seuls après la proclamation de la fin de la royauté.
Un film à sketches comme l'Italie en
produisait dans les années soixante. Trois épisodes sur le thème des
complexes : Una giornata decisiva de Dino
Risi, Il complesso della schiava nubiana de
Franco Rossi et Guglielmo il dentone de Luigi
Filippo d'Amico.
Ce film
est une illustration en sept épisodes de déviances érotiques
diverses. Certains épisodes sont très drôles, d'autres émouvants, tous
sont servis par un très grand Nino Manfredi. Avec aussi Sylva
Koscina dans son propre rôle, Véronique Vendell,
Umberto D'Orsi et Daniela Giordano...
1/ La Diva. -
L'actrice Sylva Koscina recueille un blessé grave qu'elle porte à
l'hôpital le plus proche. Là, les médecins et les infirmiers lui
portent une telle attention qu'ils en oublient le blessé et le laissent
mourir.
2/ A uscio chiuso. - Un paysan demeuré passe en jugement pour avoir violé une poule..."Elle m'a cherché. On n'est pas de bois", dit-il pour sa défense.
3/ Ornella. - Ercole est un jeune employé de poste timide et homosexuel refoulé qui entretient une correspondance, sous le pseudonyme d'Ornella, avec Carlo Rinaldo. Quand celui-ci, en visite à Rome, décide de venir faire la connaissance d'Ornella, Ercole se fait alors passer pour le frère d'Ornella. Mais Carlo découvre peu à peu la vérité, et l'accepte.
4/ Il guardone. - Un culturiste myope croyant observer une jeune fille se déshabillant devant une fenêtre qui fait face à la sienne s'excite en fait à la vue de son propre corps se reflètant dans un jeu de miroirs.
5/ L'ultima vergine. - Une petite oie blanche provinciale prend un
réparateur de téléphone pour le maniaque sexuel dont on parle à la
radio et se donne à lui pour avoir la vie sauve.
6/ Motrice mia. - Nino, traumatisé par les bombardements durant la guerre, abandonne chaque soir sa très belle femme pour aller se coucher entre les rails et jouir quand passe au-dessus de lui, à pleine vitesse, le Paris-Rome. "Anche quella del Brennero ?", lui demande son épouse résignée.
7/ Vedo nudo. - Le directeur d'une agence publicitaire est atteint d'une maladie singulière : il voit nues toutes les femmes qu'il rencontre. Après avoir suivi un traitement dans une clinique psychiatrique suisse, il reprend ses fonctions, apparemment guéri...
La notoriété de Comencini commence par un gigantesque malentendu : ses Pane amore e fantasia (Pain, amour et fantaisie) et Pane amore e gelosia (Pain, amour et jalousie) furent qualifiés de comédies à l'eau de rose, signant la fin du néo-réalisme, alors que son engagement social fut évident dès notamment Tutti a casa (La Grande pagaille, 1960) et A cavallo della tigre (A cheval sur le tigre, 1961). Lo scopone scientifico (L'Argent de la vieille, 1972) est une fable grinçante sur la fatalité de la misère, tandis que Delitto d'amore (Un vrai crime d'amour, 1973), évoque le travail en usine.
Mais Comencini est surtout connu à juste titre pour sa peinture de l'enfance
: si Incompreso (L'incompris) fut hué à Cannes, ce
film est reconnu depuis comme un grand chef d'oeuvre. Comencini
réalisera également Infanzia e prime esperienze di Giacomo
Casanova, veneziano (Casanova, un
adolescent à Venise, 1969) qui retrace la jeunesse du séducteur en
restant très fidèle à ses Mémoires, puis Le Aventure di
Pinocchio, véritable hymne à la liberté individuelle. On
retiendra également Mio Dio, come sono caduta in basso !, La
donna della domenica et Il Gatto, satires
de la bourgeoisie.
Filmographie
:
1937 :
La novelletta (court métrage)
1946 : Bambini in città (court métrage)
1948 : Proibito rubare
1949 : Il museo dei sogni (court métrage)
1949 : L'imperatore di Capri, 1949
1950 : L'ospedale del delitto (court métrage)
1951 : Persiane chiuse
1952 : La tratta delle bianche
1952 : Heidi
1953 : La
valigia dei sogni
1953 : Pane amore e fantasia
1954 : Pane amore e gelosia
1955 : La bella di Roma
1956 : La finestra sul Luna Park
1957 : Mariti in città
1958 : Mogli pericolose
1959 : Und das am Montag Morgen
1959 : Le sorpese dell'amore
1960 : Tutti a casa
1961 : A cavallo della tigre
1962 : Il commissario
1963 : La ragazza di Bube
1965 : La bugiarda
1965 : Il compagno Don Camillo
1967 : Incompreso
1968 : Italian secret service
1969 : Senza sapere niente di lei
1969 : Infanzia, vocazione e prime esperienze di Giacomo Casanova
veneziano
1970 : I bambini e noi
1972 : Pinocchio
1972 : Lo scopone scientifico
1974 : Un delitto d'amore
1974 : Educazione civica (court métrage)
1974 : Mio Dio, come sono caduta in basso !
1975 : La donna della domenica
1977 : Il gatto
1978 : L'amore in Italia
1979 : L'ingorgo
1980 : Voltati, Eugenio
1984 : Cuore
Plus des épisodes dans les fims à sketches collectifs :
Tre notti
d'amore
La mia signore
Le
bambole
Signore e signori, buonanotte
Basta che non si sappia in giro !
Quelle strane occasioni
Mario Monicelli s'est suicidé le 29 novembre 2010, à l'âge de 95 ans, en se jetant par une fenêtre du service d'urologie de l'hôpital romain San Giovanni où il était soigné pour un cancer de la prostate. Son père Tomaso, écrivain et journaliste connu, s'était lui aussi donné la mort en 1946, à 63 ans. "La mort ne me fait pas peur, elle me dérange. Cela me dérange par exemple que quelqu'un puisse être là demain et que moi je n'y sois plus. Ce qui m'ennuie, c'est de ne plus être vivant, pas d'être mort", avait confié Monicelli en 2007 à Vanity Fair.
Mario Monicelli était l'un des maîtres de la comédie à l'italienne, qu'il avait rendue populaire avec ses compères réalisateurs Dino Risi et Luigi Comencini.
"Mes chers amis", où l'on découvrait l'acteur français Philippe Noiret en journaliste florentin partant faire les 400 coups avec ses copains quinquagénaires, dont Ugo Tognazzi, est resté comme un sommet du genre et l'un de ses meilleurs films. L'ancien maire de Rome et ex-leader du Parti démocrate (PD) Walter Veltroni a rendu hommage à "un homme extraordinaire" : "Il était considéré par tous comme le grand ancien du cinéma italien". De son côté, l'acteur-réalisateur Michele Placido a salué un "homme d'une grande énergie : personne n'arrivait à le suivre".
Ironie
Mario Monicelli était né le 15 mai 1915 à Viareggio, en Toscane, où il a passé toute son enfance. À 19 ans, il met en scène deux courts-métrages avec son ami Alberto Mondadori : Cuore rivelatore et I ragazzi della via Paal, déjà remarqué à la toute nouvelle Mostra de Venise, créée deux ans plus tôt. Jusqu'à la fin des années quarante, il collabore à une quarantaine de films, parfois comme scénariste, d'autres fois comme assistant-réalisateur. À partir de 1953, Monicelli se lance seul dans la réalisation, mettant en scène les petits travers de la société de l'époque, en pleine évolution.
Monicelli sait manier avec un style inimitable l'ironie et l'humour qui ont fait le succès de ses films jusqu'à la fin des années 1970. Lundi soir, le cinéaste et ancien directeur de la Mostra Carlo Lizzani a d'ailleurs salué "l'universalité du sens comique" de Monicelli. "Sa durée dans l'histoire du cinéma italien donne la mesure de sa stature", a-t-il ajouté. Le conseil municipal de Rome, réuni au moment de l'annonce de son décès, a observé une minute de silence.
65 films
Monicelli a fait tourner les plus grands : en 1958, il réunit Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni et Claudia Cardinale dans Le pigeon. Avec La grande guerre (1959), toujours avec Gassman, sa réputation dépasse les frontières. Le film lui vaut un Lion d'or à Venise et une nomination aux Oscars. Monicelli, qui a aussi travaillé pour le théâtre et la télévision, a tourné en tout 65 films. "Il est mort comme il avait vécu, en homme, avec un courage exemplaire. C'était un irréductible", a réagi Riccardo Tozzi, producteur de Bienvenue dans le Sud, remake italien du film phénomène français Bienvenue chez les Ch'tis.
Mario Monicelli, proche de la gauche, était très critique de la société actuelle. Il avait collaboré à un documentaire sur le sommet du G8 à Gênes en 2001, lorsque des centaines de militants altermondialistes avaient été blessés dans des affrontements avec la police. En juin, il avait encore provoqué une polémique en appelant des étudiants à "se rebeller" contre des coupes dans le budget culture prévues par le gouvernement de Silvio Berlusconi. "Vous devez utiliser votre force pour subvertir, pour protester, faites-le vous qui êtes jeunes, moi, je n'en ai plus la force", avait lancé Monicelli, à une assemblée d'élèves de l'Institut d'État pour la cinématographie et la télévision.
"L'Italie est connue à l'étranger seulement pour sa culture, et c'est justement cela qu'on cherche aujourd'hui à combattre", avait-il estimé, dénonçant à l'inverse une "culture de l'enrichissement".
Le Point.fr - Publié le 30/11/2010
Biographie
Mario Monicelli naît le 6 mai 1915 à Viareggio. Son père Tomaso était journaliste et fut aussi critique de théâtre et dramaturge. Après des études à Rome et à Viareggio, il fait ses études universitaires à Milan. là il rencontre Riccardo Freda, Remo Cantoni, Alberto Lattuada, Mondadori e Vittorio Sereni et fonde avec eux le journal "Camminare", dans lequel Monicelli tient la critique cinématographique.
Il entre dans le cinéma très tôt (à l'âge de 19 ans) alors qu'il réalise son 1er court métrage avec son ami Alberto Mondadori en 1934 intitulé Il Cuore Rivelatore puis un moyen métrage I ragazzi della via paal tourné en 16 mm et primé à Venise, inspiré de the boys of paul street de Ferenc Molnar. En 1937 il réalise Pioggia d'estate (pluie d'été) sous le pseudonyme de Michele Badiek. Il fait ses preuves jusqu'en 1949 en tant qu'assistant-réalisateur aux côtés de Gustav Machaty, Pietro Germi, Giacomo Gentilomo, Mario Camerini, ou encore Mario Bonnard. De 1939 à 1942 il contribue à l'écriture d'une quarantaine de scénarii.
Les années 1949 à 1953 sont marquées par sa collaboration prolifique avec Stefano Vanzina, plus connu sous le nom de Steno, avec huit films à succès en 4 ans pour l'acteur Totò, parmi lesquels Totò cerca casa (Toto cherche un appartement) , (Lion d'or à Venise en 1949, et Guardie e ladri (1951).
En 1953 il commence à travailler seul. Pendant sa longue carrière il collabore avec tous les plus grands acteurs italiens : Alberto Sordi, Totò, Aldo Fabrizi, Vittorio De Sica, Sophia Loren, Amedeo Nazzari, Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi, Adolfo Celi, Walter Chiari, Elsa Martinelli, Anna Magnani, Nino Manfredi, Paolo Villaggio, Monica Vitti, Enrico Montesano, Gigi Proietti, Gastone Moschin, Giancarlo Giannini, Giuliano Gemma, Stefania Sandrelli, Ornella Muti, Ivo Garrani e Gian Maria Volonté.
I soliti ignoti en 1958 rassemble une distribution exceptionnelle : Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni, Totò et Claudia Cardinale, ainsi que Tiberio Murgia, et est considéré par la critique quasi unanime comme le premier film de ce qu'on appellera "la comédie à l'italienne". Ce film rassemble comme scénaristes Monicelli lui-même et Age, Scarpelli et Suso Cecchi D'Amico. Dans Totò e Carolina (1955) l'extraordinaire acteur napolitain joue le rôle d'un carabinier. La censure de l'epoque ne prend pas bien l'ironie sur les forces de l'ordre. L'année suivante, Monicelli tourne ce que certains considèrent comme son meilleur film : La grande guerra, Lion d'Or à la Mostra del cinema de Venise en 1959, avec les interprétations mémorables d'Alberto Sordi et Vittorio Gassman. En 1963 il tourne I compagni (Les Camarades) qui est nominé aux oscar dans la catégorie meilleur scénario et qui reçoit l'oscar du meilleur film.
Avec L'armata Brancaleone (1966) et, un ton en-dessous, avec Brancaleone alle crociate (1969), Monicelli met en scène un Moyen-Âge tragi-comique, dans une langue bizarre.
Autres films notables dans son abondante filmographie, La ragazza con la pistola, (1968), Romanzo popolare (1974), Amici miei (1975) et sa suite, Amici miei 2 (1982).
Un borghese piccolo piccolo (1977) rompt avec sa verve tragi-comique. c'est un film profondément dramatique.
En 1991 on lui décerne le lion d'or pour sa carrière ; à cette occasion il déclare : " le cinéma ne mourra jamais, maintenant il est né et ne peut pas mourir . La salle de cinéma mourra peut être, mais de cela je m'en fous ".
La force de Monicelli réside assurément dans ce mélange de générosité et d’esprit sardonique qui lui permirent de considérer ses congénères avec une rare acuité. Pas plus que ceux de Risi, ses films ne prétendent à être ceux d’un grand styliste façon Visconti ou Fellini (encore que Monicelli leur tint la dragée haute dans le super-film à sketches Boccace 70), Antonioni ou Bertolucci. Mais à leur manière faussement désinvolte, ces comédies témoignent sans doute encore mieux de leur époque: celle de la défaite salutaire, de la course effrénée au bien-être des années 1960-1970, et pour finir celle de la vulgarité télévisuelle triomphante.
En fin de carrière, Monicelli trouva parfois refuge au petit écran (Feu Mathieu Pascal, d’après Pirandello), mais à contrecœur et sans lui faire de concessions. De Mesdames et messieurs, bonsoir (1976) à Un autre monde est possible (2001), il fut de tous les combats collectifs, constatant avec terreur l’emprise croissante de la pieuvre Berlusconi sur l’Italie. Même si ses derniers films sont clairement plus faibles, il résista ainsi jusqu’à son ultime court-métrage, en 2008.
Filmographie
* 1948 : Les Misérables ou L'Évadé du bagne (I Miserabili) de Riccardo Freda (co-scénariste)
* 1948 : Le Cavalier mystérieux (Il Cavaliere misterioso) de Riccardo Freda (co-scénariste)
* 1949 : Al diavolo la celebrità (co-scénariste et co-réalisateur, avec Steno)
* 1949 : Totò cherche un appartement (Totò cerca casa)
* 1951 : Totò et le roi de Rome (Totò e i re di Roma)
* 1951 : Gendarmes et voleurs (Guardie e ladri)
* 1954 : Du sang dans le soleil (Proibito)
* 1955 : Un héros de notre temps (Un eroe dei nostri tempi)
* 1956 : Donatella
* 1957 : Pères et fils (Padri e figli)
* 1958 : Le Pigeon (I soliti ignoti)
* 1959 : La Grande Guerre (La grande guerra)
* 1960 : Larmes de joie (Risate di gioia)
* 1962 : Boccace 70 (Boccaccio '70), segment Renzo et Luciana
* 1963 : Les Camarades (I compagni)
* 1964 : Haute infidélité (Alta infedeltà), segment Gente Moderna
* 1965 : Casanova 70 (Casanova '70)
* 1966 : L'Armée Brancaleone (L'armata Brancaleone)
* 1966 : Les Ogresses (Le fate) segment Fata Armenia
* 1968 : La Fille au pistolet (La ragazza con la pistola)
* 1970 : Drôles de couples (Le coppie)
* 1970 : Brancaleone s'en va-t'aux croisades (Brancaleone alle crociate)
* 1971 : Mortadella (La mortadella)
* 1973 : Nous voulons les colonels (Vogliamo i colonnelli)
* 1974 : Romances et confidences (Romanzo popolare)
* 1975 : Mes chers amis (Amici miei)
* 1976 : Bonsoir, Mesdames et Messieurs (Signore e signori, buonanotte), co-réalisation
* 1976 : Caro Michele
* 1977 : Un bourgeois tout petit petit (Un borghese piccolo piccolo)
* 1977 : Les Nouveaux Monstres (I nuovi mostri), segments Autostop et First Aid
* 1979 : Voyage avec Anita (Viaggio con Anita)
* 1980 : Rosy la Bourrasque (Temporale Rosy)
* 1981 : Chambre d'hôtel (Camera d'albergo)
* 1981 : Le Marquis s'amuse (Il Marchese del Grillo)
* 1982 : Mes chers amis 2 (Amici miei atto II)
* 1985 : La Double Vie de Mathias Pascal (Le due vite di Mattia Pascal)
* 1986 : Pourvu que ce soit une fille (Speriamo che sia femmina)
* 1987 : I Picari (Une catin pour deux larrons)
* 1990 : Il male oscuro
* 1991 : Rossini ! Rossini !
* 1992 : Une famille formidable (Parenti serpenti)
* 1995 : Facciamo paradiso !
* 1998 : Panni sporchi
* 2006 : Le rose del deserto
Sortie nationale en Italie du nouveau film d'Ermanno Olmi, "Torneranno i Prati", musique de Paolo Fresu et Daniele Di Bonaventura.
1914-2014. A l’occasion du Centenaire de la Première Guerre Mondiale et des commémorations de l’Armistice du 4 novembre 1918, la présidence italienne du Conseil des ministres, en collaboration avec le Ministère italien des Affaires étrangères, organise en avant-première la projection simultanée, dans les ambassades, consulats ou Instituts culturels italiens du monde entier, du dernier film d’Ermanno Olmi, “Torneranno i prati”. Le film sort sur les écrans en Italie le 6 novembre.
Inspiré de faits réels survenus après les combats sanglants de 1917, ce film retrace le cours d’une nuit dans les tranchées des Préalpes vicentines, à travers les souvenirs et les récits de jeunes soldats, ayant chacun leur propre vision de la guerre et de la vie.
Mon père avait 19 ans lorsqu’il fut appelé sous les drapeaux. A’ cet âge-là l’exaltation de l’héroisme enflamme les esprits et les cœurs. Il choisit le corps d’élite des bersaglieri, bataillons d’assaut, et il se trouva en plein carnage sur le haut plateau du Carso et la bataille du Piave, qui a marqué sa jeunesse, ainsi que le reste de sa vie. (Ermanno Olmi)
Avant-première le 4 novembre dans les Instituts culturels italiens de France et de presque 100 autres pays
Projections de
Torneranno i prati [Italie 2014 – 80’ (VOST en français)
de Ermanno Olmi
Avec Claudio Santamaria, Alessandro Sperduti, Andrea Di Maria
Date: mardi 4 novembre 2014
Lieux: IIC Paris à 19h
IIC de Marseille à 18h30
IIC Strasbourg à 18h30
IIC de Lyon à 18h
Entrée libre dans la limite des places disponibles - Réservation obligatoire - Consultez les sites des différents Instituts culturels italiens de France
Le cinéma italien de 1911 (Inferno) à 2011 (Habemus papam). Préface de Ettore Scola.
Editions La Martinière
Indispensable à tous les amateurs de cinéma italien.
Dans une scène des Nouveaux Monstres, un cardinal en panne de voiture échoue dans une paroisse ouvrière. Dès son arrivée, il connaît un vif succès au détriment du prêtre progressiste qui s'efforce de rénover la liturgie. En rétablissant le culte traditionnel, il attire soudain la foule à l'église... Touché par la grâce du mauvais esprit, Dino Risi entrevoyait ainsi, dès 1977, un phénomène que la plupart des cinéastes ne pouvaient saisir, emprisonnés dans les codes du modernisme ou de l'engagement : le retour massif du religieux, voire de l'obscurantisme.
Présents à ses côtés dans ce film à sketches, les maîtres de la comédie italienne ont toujours privilégié les paradoxes, les personnages veules et une vision du monde désabusée, voire cynique, pour saisir la condition humaine dans sa drôlerie déconcertante. Pour la même raison, on les a regardés comme de vilains petits canards, quand Rossellini, Pasolini, Visconti ou Fellini portaient le septième art italien à ses sommets.
Sauf que personne comme eux, dans les années de l'après-guerre, n'a su mettre en scène des pauvres types désargentés tentant de monter des coups foireux (le Pigeon, de Monicelli), de jeunes machos ridicules jusqu'à en devenir touchants (le Fanfaron, de Risi), ou des rapports de classe totalement immoraux (l'Argent de la vieille, de Comencini) ; autant de scénarios qui réinventent la comédie populaire en jetant un regard aigu sur la modernité.
La parution des Mémoires de Dino Risi est un événement, vu la minceur de la bibliographie sur le sujet. Disparu comme son compère Monicelli à 90 ans passés, le maître de la comédie italienne ne livre pas un récit chronologique, mais une multitude de souvenirs, organisés en petits chapitres, comme autant d'anecdotes qui auraient pu nourrir ses films. Elles nous conduisent de Milan sous la botte de Mussolini à Rome au temps de la dolce vita.
Elles nous proposent des portraits de ses grands amis, tels Vittorio Gassman ou Ugo Tognazzi, qui, frappé par un léger AVC, subit - dans une scène digne des Monstres - l'étonnante diatribe du médecin lui reprochant d'avoir trop profité de la vie et lui annonçant que, maintenant, c'est fini !
Elles dressent surtout le portrait d'un homme sensible à chaque détail de la vie, plus intéressé par les femmes (comme en témoigne son beau Parfum de femme) que par la théorie cinématographique. Il parle aussi de sa relation complexe avec Paris, ville qu'il juge hautaine malgré ses liens étroits avec la France illustrés par Trintignant (dans le Fanfaron) ou même Coluche dans le Bon Roi Dagobert.
On perçoit dans ce regard tout ce qui différencie la comédie italienne de la nouvelle vague : les jeunes Français étaient critiques, étudiants, intellectuels ; ils voulaient jeter un regard cinématographique sur le monde. Les Italiens étaient plus souvent caricaturistes, comme Fellini (qui commença lui aussi par la comédie), ou arrivés par hasard au cinéma, comme Risi.
Ils voulaient saisir par l'image la drôlerie toute crue du monde. Ils y sont parvenus de façon incomparable, pendant une trentaine d'années, dans quantité de films qu'on s'indigne de ne guère trouver en réédition, moins encore en version française - ce qui témoigne d'un fâcheux rétrécissement de notre mémoire cinématographique.
Benoît Duteurtre pour Marianne
Comment décrire cette sensation unique
qui saisit le spectateur dès la première image d’un film, pour ne
jamais le quitter tout au long d’un spectacle qu’il voudrait voir se
prolonger bien après sa fin ? Comment parler d’une de ces œuvres
tellement pleines, tellement riches qu’on sait tout de
suite qu’on les gardera longtemps en soi ?
Etreintes
brisées est une magnifique
déclaration d'amour à une actrice, Pénélope Cruz, mais aussi au cinéma,
et à l'amour même. Un metteur en scène, Mateo Blanco (Lluis Homar)
tourne une comédie, Filles et valises, qui
s'inspire très
franchement de Femmes au bord de la crise de nerfs.
La vedette en est une
débutante, la femme qu'il aime et qui l'aime, Lena (Pénélope Cruz),
devenue pour s'en sortir la maîtresse d'un magnat magouilleur, Ernesto
Martel (José Luis Gomez), autoproclamé producteur pour ne pas perdre
Lena. Martel a un fils complexé (et secrètement amoureux de Mateo)
chargé de réaliser le making of de Filles et valises,
afin
d'espionner les deux amants...
Tout ça, on le saura plus tard, car, à
présent, Mateo s'appelle Harry Caine, il a tué son nom en tuant Lena
dans un accident de voiture qu'il a rendu aveugle. Il écrit des
scénarios, veillé par Judit, sorte de louve aimante et jalouse (Bianca
Portillo) et le fils de celle-ci, Diego. Passé et présent s'entremêlent
intimement, l'intrigue se fait de plus en plus riche et intrigante,
ainsi Mateo est trahi, profitant de sa cécité, on lui vole Filles et
valises qui est remonté pour en faire un mélo absurde, chaque
scène
est si pleine de vie, de drames et de péripéties, si nourrie du plaisir
de filmer, d'inventer, de raconter qu'on en demeure pantois, ravis, au
tapis. Un personnage prononce cette phrase banale: «Il aime
beaucoup le gaspacho.» Et l'on voit plein écran le rouge
éclatant
d'une tomate sur laquelle glisse une goutte d'eau. C'est sensuel et
génial...
Pénélope
Cruz est extraordaire. Tour à tour
blonde évaporée à la Jean Harlow ou brune distinguée à la Audrey
Hepburn, elle est en même temps enfantine et fatale, maladroite et
géniale, belle comme une tempête et griffée de fatigue, folle de joie
et sûre du malheur à venir, époustouflante.
Ultime malice d'Almodovar, Etreintes brisées, qui nous laisse
brisés d'émotion, s'achève sur une dernière pirouette
scénaristique,
"Ours d'or" à Berlin en 2004 pour Head On, Fatih Akin est un Allemand né de parents turcs. Cette cohabitation de ses deux cultures est au cœur de ses films
Prix du
scénario au Festival de Cannes 2007, De l'autre côté
est un film magnifique.
En faisant se
croiser ses personnages entre Turquie et Allemagne, le film de Fatih
Akin orchestre une ambitieuse réflexion sur l'identité et l'altérité.
L'amour, la
mort, le deuil, le pardon, sont les thèmes de ce film bâti autour de
deux morts violentes et de trois face à face familiaux : un père et son
fils qui ont du mal à se comprendre et deux mères et leurs filles. De
l'autre côté évoque le dialogue, souvent difficile, entre les
générations et leurs relations fortes et complexes. Le jeune professeur
et son père, la prostituée et sa fille activiste, la jeune étudiante
allemande et sa mère : aucun de ces personnages ne restera figé dans sa
posture initiale, poursuivant dans l'éloignement un échange nourri par
un amour silencieux.
C'est dans la dextérité avec laquelle il entremêle les destins de ses six protagonistes que Fatih Akin étonne et émeut. Les personnages vont se croiser, se chercher, se rater, mais aussi s'apprivoiser, s'aimer, s'adopter. On suit avec passion les personnages et les événements.
Construit avec
un efficace sens de l'ellipse, ce film impressionne par sa maîtrise, sa
profondeur humaine, son plaidoyer pour l'échange culturel, la sérénité
de l'apaisement. Scandé par l'ironique transit des cercueils, l'un
renvoyé en Turquie, l'autre renvoyé en Allemagne), ce film magnifique
culmine avec la visite de Susanne , la mère de Lotte, qui va "incarner"
de façon bouleversante le thème principal du film : la réconciliation.
Nejat, de son côté, va retrouver son père de l'autre côté du Bosphore.
Fatih Akin, dont on avait déjà aimé Head-on, construit son film en boucle, avec des ruptures de ton et de temps : des histoires parallèles qui se recoupent sans cesse, des personnages qui se cherchent sans se croiser et se croisent sans le savoir. Ainsi la jeune femme que l'on voit dormir à poings fermés, lors du cours que Nejat donne à l'université, est celle - mais on l'apprendra bien plus tard - qu'il va s'obstiner à chercher...
Sans lourdeurs
ni caricature, le cinéaste évoque aussi la minorité turque d'Allemagne,
le désir du retour au pays et les expulsions, la soif de connaissance
et de partage, la tentation du racisme et du repli sur soi…
Le Synopsis officiel du film:
Malgré les réticences de son fils Nejat (Baki Davrak), Ali (Tuncel Kurtiz) , qui est veuf, décide de vivre avec Yeter (Nursel Koese), une prostituée d'origine turque comme lui. Mais Nejat, jeune prof d'allemand, ne tarde pas à se prendre d'affection pour Yeter lorsqu'il comprend qu'elle envoie presque tout son argent à sa fille en Turquie, pour lui payer des études supérieures. La mort accidentelle de Yeter éloigne durablement le père de son fils. Nejat se rend à Istanbul dans l'espoir de retrouver la trace d'Ayten (Nurgul Yesilcay), la fille de Yeter. Mais Nejat ignore qu'Ayten, activiste politique d'une vingtaine d'années, a fui en Allemagne pour échapper à la police turque. A Hambourg, Ayten sympathise avec Lotte (Trycia Ziolkowska), une étudiante allemande aussitôt séduite par le charme et l'engagement politique de la jeune Turque. Lotte propose même à Ayten de l'héberger chez elle, malgré les réticences de sa mère, Susanne (Hanna Schygulla). Arrêtée et placée en détention, Ayten est finalement reconduite à la frontière puis incarcérée en Turquie. Sur un coup de tête, Lotte décide de tout abandonner et de se rendre en Turquie, où elle se heurte à une bureaucratie pesante : tous les efforts pour faire libérer Ayten semblent vains. Elle rencontre Nejat par hasard et devient sa colocataire. Un événement tragique fait prendre à Susanne la décision de venir à Istanbul pour remplir la mission de sa fille. En se rapprochant de Susanne, Nejat ressent le besoin de renouer avec son père qui vit désormais en Turquie, au bord de la mer Noire. Il décide alors de partir à sa recherche …
Dans un bel hôtel troglodyte d’Anatolie profonde vivent Aydin, le propriétaire, ancien comédien fortuné, actuellement rédacteur de chroniques pour la feuille de chou locale, sa jeune et belle épouse Nihal et sa sœur Necla, récemment divorcée. Il y a aussi l'homme à tout faire, Hidayet et son épouse Fatma. La fortune d'Aydin, qu'il tient de son père, lui permet de posséder des biens partout dans la région. Les clients sont rares (deux touristes japonais et un motard globe-trotter), la vie semble douce. Cette tranquillité engourdie par l’arrivée de l’hiver va être perturbée par un incident : un gamin jette une pierre sur la voiture d’Aydin. Le petit garçon ne supporte pas les humiliations que subit son père endetté de la part de ce propriétaire apparemment insensible à la détresse d'une famille pauvre victime d’une saisie d’huissier pour cause de loyers impayés.
Cet incident déstabilise Aydin, renvoyé brutalement à son statut de propriétaire exploiteur. Et petit à petit le malaise s'installe au sein du trio. Aydin, Nihal et Necla finissent par se dire leurs quatre vérités. C'est d'abord un affrontement entre Aydin et sa soeur, qui le méprise et quitte bientôt la maison. Puis c'est entre Aydin et Nihal. Nihal collecte des fonds pour améliorer le quotidien des écoles de la région. La vie qu'elle mène ne lui convient pas, avec un mari qu'elle n'aime plus mais qui est prêt à tout pour la garder.
Quelques illuminations dans ce film "contemplatif", inspiré des trois nouvelles de Tchékov : le galop de chevaux sauvages, le cheval épuisé qui sort de l'eau, le lapin blessé, l'enfant qui s’évanouit, l'homme humilié qui jette un paquet de billets au feu…
Ce film est très long (3h 16 !) et quasiment sans action ; pourtant, on ne s'ennuie pas une seconde. On ne ressent aucune empathie avec le personnage principal, homme riche et suffisant, persuadé d'être aimable et humaniste, finalement névrosé et imbu de lui-même, incapable de s'intéresser à autre chose qu'à lui-même. Au fur et à mesure que le film avance, ses certitudes vont se craqueler. Les acteurs impressionnent par leur souffle et leur subtilité, donnant à ces longs échanges l’intensité de scènes d’action. En particulier Haluk Bilginer (Aydin) offre une magnifique prestation.