Certains de mes amis (certaines, surtout : ce sont semble-t-il en majorité les femmes qui n’aiment pas le jazz) déclarent ne pas apprécier le jazz. Pourtant, ils reconnaissent souvent aimer tel ou tel musicien, tel ou tel disque de jazz. Ce qu’on appelle communément « jazz » est tellement divers que chacun peut y trouver un style qui lui plaira. C’est ce que je vais essayer de démontrer ci-dessous, en espérant donner envie aux « non-amateurs » de découvrir certains aspects de cette musique qui leur auraient peut être échappé.
Qu’est-ce que le jazz, d’abord ? On le définit généralement comme « un genre de musique né aux États-Unis au début du XXe siècle, issu du croisement du blues, du ragtime et de la musique européenne ». Cette définition, bien qu’exacte, ne rend pas du tout compte de ce qu’est le jazz aujourd’hui. On pourrait le définir en creux par ce qu’il n’est pas : ce n'est pas du classique, ce n'est pas du rock, ce n'est pas de la world music, etc… Ainsi, à la différence de la musique classique, les temps faibles sont accentués, les musiciens ne cherchent pas à avoir une sonorité « standard » mais au contraire cultivent une expression personnelle. A la différence du rock, la rythmique du jazz est très rarement binaire, le plus souvent ternaire, etc.
Cependant, les frontières des genres sont de moins en moins étanches, et c’est très bien ainsi.
Je
tenterais pour ma part de définir le jazz comme « une musique dans
laquelle la pulsation rythmique et l’improvisation collective ont une
grande importance. »
Je suis conscient des limites de cette
proposition. On me rétorquera que le rythme est parfois très
évanescent, que bien d’autres musiques du monde donnent de l’importance
au rythme et à l’improvisation, que d’ailleurs tout n’est pas
improvisé, etc. J’admets ces objections, mais je n’ai rien de plus satisfaisant à proposer !
Le jazz a connu une multiplicité
de styles et a su intégrer au cours de son histoire de nombreuses
influences (blues, rock, musique latine).
Petite histoire du jazz
Le
jazz est né aux États-Unis au début du XXe siècle, d'un mélange de
musiques élaborées par les Noirs américains. Ses ancêtres sont les work
songs, chants de travail des esclaves africains et les chants
religieux, negro spirituals et gospel, chantés dans les églises lors
des cérémonies religieuses. Au début du XXe siècle, le blues se
développe dans le Delta du Mississippi et est largement diffusé à
partir de 1920 et le premier enregistrement de Bessie Smith.
Parallèlement,
le ragtime apparaît, style de piano incarné par Scott Joplin, musique
syncopée influencée par la musique classique occidentale. Dans les
années 1920, le stride se développe à Harlem. Héritier du ragtime, il
introduit l'utilisation d'une pulsation ternaire, et la virtuosité des
musiciens augmente, comme par exemple chez James P. Johnson. Le
boogie-woogie se développe à la même époque à Chicago.
C'est
à la Nouvelle-Orléans que l'on fait en général naître le jazz, avec les
formations orchestrales des « brass bands », mélange de marches
militaires revisitées par les noirs américains et les créoles, qui
privilégie l'expression collective. Le premier enregistrement de jazz
voit le jour en mars 1917 par l'Original Dixieland Jass Band.
Autoproclamé inventeur du jazz, Jelly Roll Morton est en effet un
passeur entre ragtime et jazz, mais ce sont Kid Ory, Sydney Bechet et
surtout Louis Armstrong qui s'imposent comme les grands solistes des
formations Nouvelle-Orléans, ce dernier ouvrant avec ses solos la porte
à l'ère du Swing.
Considéré comme l'âge d'or du jazz, apparu
vers les années 1930, le swing (ou middle jazz) se démarque du jazz
Nouvelle-Orléans par un orchestre de plus grande taille, et privilégie
les solistes au détriment de l'expression collective. C'est l'ère des
big bands de Duke Ellington, Count Basie, Glenn Miller, avec un
répertoire marqué par les compositions de Cole Porter, Richard Rodgers
et même de Gershwin et les chansons de variété de Tin Pan Alley, qui
forment l'ossature de ce qu’on appelle les « standards ». Les grands
solistes de cette époque sont Coleman Hawkins et Lester Young.
Au
début des années 40 naît le be-bop, en forte rupture par rapport au
style précédent. Caractérisé par des tempos très rapides, une
virtuosité époustouflante, des innovations harmoniques et rythmiques, le
be-bop, essentiellement joué en petites formations, provoquera, comme
tout nouveau style émergent, de vives polémiques. Ses principaux
représentants seront Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Thelonious Monk.
Vers
les années 50 apparaissent des évolutions du bebop, comme le cool et le
hard bop. Le cool et le jazz West Coast regroupent des évolutions du
bop moins marquées par le rythme, et généralement faites par des
blancs. Les Four Brothers de Jimmy Giuffre, les innovations de Lennie
Tristano et la collaboration entre Miles Davis et Gil Evans sont
généralement regroupées sous cette bannière. Au contraire, le hard bop
est plutôt un mouvement noir, visant à ré-introduire plus de soul et de
blues dans le bop, et pour qui l'aspect rythmique est prédominant. Art
Blakey, Horace Silver ou Sonny Rollins y participent. D'autres
personnalités inclassables émergent: Bill Evans, Charles Mingus, Oscar
Peterson...
A la fin des années 50, les structures
harmoniques et l'improvisation sont portées à leurs limites par John
Coltrane. Emmenés par Coltrane et Ornette Coleman, les musiciens
bouleversent la structure musicale et les techniques instrumentales. La
grille harmonique, le rythme régulier, et même le thème sont supprimés,
au profit d'improvisations collectives, de la prédominance de l'énergie,
et de l'utilisation de techniques non conventionnelles. C'est la naissance
du free jazz. Les réactions des critiques à cette nouvelle forme de
jazz sont féroces, et le public beaucoup moins nombreux à suivre cette
musique nouvelle.
Dès les années 60, et surtout les années
70, s'amorcent des mouvements de fusion entre le jazz et d'autres
courants musicaux : jazz et musique latine (latin jazz),
mais c'est surtout la fusion entre le jazz et le rock, le jazz-rock, qui
remporte l'adhésion du public. Les grandes figures en sont Miles Davis
et le groupe Weather Report. Un courant important voit le jour en
Europe, sous l’égide de la maison de disques ECM à Münich : un jazz
plus « européen », aux sonorités plus feutrées et subtiles, inspiré par
la musique classique, la musique contemporaine et les musiques du
monde. Jan Garbarek, John Surman, Louis Sclavis, Kenny Wheeler en sont
quelques représentants.
Ceux qui aiment …
- la musique classique devraient apprécier Bill Evans
- la chanson peuvent écouter Stacey Kent ou Lisa Ekdahl
- les voix doivent écouter Ella Fitzgerald ou Diana Krall
- les musiques latines ont l’embarras du choix avec Dizzy Gillespie,
Stan Getz, Gato Barbieri
- le rock apprécieront certainement Weather Report, Mahavishnu
Orchestra, John Abercrombie, Terje Rypdal...
Les instrumentistes les plus importants (liste TRES limitative) :
- Trompette : Louis Armstrong, Miles Davis, Dizzy Gillespie, Chet
Baker, Paolo Fresu...
- Trombone : J.J. Johnson...
- Saxo ténor : Lester Young, Coleman Hawkins, Sonny Rollins, Stan Getz,
John Coltrane, Wayne Shorter, Michael Brecker...
- Saxo alto : Johnny Hodges, Charlie Parker, Paul Desmond...
- Saxo soprano : Sidney Bechet, John Coltrane...
- Piano : Thelonious Monk, Bud Powell, Oscar Peterson, Bill Evans, McCoy Tyner, Paul
Bley, Keith Jarrett, Herbie Hancock...
- Guitare : Django Reinhardt, Wes Montgomery, Charlie Christian, Pat Metheny...
- Vibraphone : Lionel Hampton, Gary Burton...
- Contrebasse : Paul Chambers, Charles Mingus, Scott LaFaro, Charlie
Haden, Gary Peacock, Steve Swallow...
- Batterie : Max Roach, Art Blakey, Elvin Jones, Paul Motian, Jack
DeJohnette...
Pour conclure, quelques incontournables à toute culture jazz :
Sidney Bechet ("Jazz Classics")
Louis Armstrong ("Louis and the Good Book")
Duke Ellington ("The Quintessence")
Count Basie ("Atomic Basie")
Ella Fizgerald ("Live in Berlin")
Charlie Parker ("Bird, the Original recordings")
Dizzy Gillespie ("For Musicians Only")
Thelonious Monk ("With John Coltrane", "Monk Alone")
Chet Baker ("Chet")
Charles Mingus ("Pithecanthropus Erectus")
Sonny Rollins ("Saxophone Colossus", "What's New")
Art Blakey ("Moanin'")
John Coltrane ("A Love Supreme", "Ballads")
Bill Evans ("Sunday at the Village Vanguard")
Miles Davis ("Kind of Blue", "Bitches Brew")
Keith Jarrett ("The Köln Concert", "Survivors Suite")
Diana Krall ("All for You", "When I Look in Your Eyes")
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