Paesi è pievi

Filitosa
Dernière mise à jour : 13/03/2018

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Le site archéologique de Filitosa est situé dans la vallée du Taravo, sur la commune de Sollacaro. Le site fut occupé depuis le Néolithique ancien jusqu'au Moyen Âge mais principalement durant l'Âge du bronze. Il comporte trois monuments torréens et treize statues-menhirs.

Historique

Le site est signalé en 1946 par Charles-Antoine Cesari, propriétaire du terrain : l'ensemble est enseveli sous le maquis et considéré localement comme un ancien couvent. Il signale sa découverte à Roger Grosjean en 1954 et celui-ci y mène des fouilles de 1957 à 1972.

Le site est classé au titre des monuments historiques, une première fois le 4 décembre 1967 et une seconde fois le 10 décembre 1980 et sur la liste des « 100 sites historiques d'intérêt commun aux pays de la Méditerranée ».

Le site

Il correspond à une colline haute (environ 60 m d'altitude) longue de 128 m et d'une largeur moyenne de 40 m, au-dessus du ruisseau de Barcajolo, au lieu-dit Turrichju (« lieu des tours ») improprement qualifié d'éperon barré par Grosjean. La fouille de la torra centrale a permis de découvrir quarante-cinq fragments de monolithes, dont treize statues-menhirs qui devaient provenir d'un ou plusieurs alignements situés à proximité, et des outils lithiques (meules, mortiers, broyeurs) utilisés en remploi dans la muraille. La destruction de ces alignements pourrait dater, du début de l'âge du fer lors de la réfection du castellu, ou plus tardivement lors de l’installation de moines sur le site au Moyen Age. La disposition des statues-menhirs actuellement visibles sur le site correspond uniquement à un aménagement touristique. Une carrière de granite est visible à proximité.

Castellu

Le « castellu » correspond à une enceinte constituée de gros blocs rocheux délimitant un espace tabulaire d'environ 6 000 m2, encadrée à ses extrémités est et ouest par deux tours (« torre »). Il comporte un édifice circulaire central entouré de maisons oblongues juxtaposées, aux murs curvilignes construit en moellons de granite. Elles étaient recouvertes d'une toiture. A l'intérieur, le seul aménagement découvert correspond à un foyer avec sole d'argile. La tour ouest conserve plusieurs pièces en rez-de-chaussée mais le départ d'un escalier indique qu'elle comportait à l'origine un étage.

Statues-menhirs

Ce sont des statues à la silhouette massive, parfois géométrique (Filitosa V, Tappa II). Le visage est bien représenté ((Filitosa VI, IX et XIII) avec les yeux et la bouche en creux, le nez et le menton en relief. Les oreilles sont suggérées (Filitosa IV). Les épaules sont bien dégagées (Filitosa III et IV). Plusieurs personnages sont armés, soit d'une épée (Filitosa I et VI), soit d'un poignard (Filitosa V) parfois suspendus à un baudrier scapulaire (Filitosa VII). Le bombement de la tête est interprété comme la représentation d'un casque. Au dos, les omoplates sont figurées en relief et la colonne vertébrale en creux ; sur la statue Filitosa X les côtes sont visibles.

Contrairement aux alignements de Cauria (I Stantari, Rinaghju), l'alignement de statues-menhirs de Filitosa ne doit pas être demeuré en place très longtemps et la réutilisation des pierres dès le Bronze final « semble même suggérer un refus profond de ce que représentaient ces statues ».

Toutes les statues-menhirs visibles sur le site n'ont pas été découvertes à Filitosa : certaines proviennent des environs immédiats (Barcajolo, Tappa) et de découvertes effectuées dans le Taravo par Roger Grosjean (Scalsa Murta, Micalona I et II) et rapportées à Filitosa pour leur conservation. L'alignement visible au pied de la colline à l'ouest est un alignement artificiel.

Le site offre un incomparable ensemble de ces monuments mégalithiques, véritables sculptures aux formes le plus souvent anthropomorphes, qui sont les témoins des grandes civilisations qui régnèrent dans l’île avant notre ère, évoquant des rites religieux encore mystérieux.
La fonction de ces volumineux fragments de granit reste encore à déterminer, même si l’on sait que les menhirs du 4ème millénaire avant notre ère ont été retravaillés en statues-menhirs aux alentours de -1200 Av. J.C. Epée, poignard, casque et cuirasse, la panoplie des détails gravés sur ces « hommes de pierre » donnent encore lieu à de nombreuses interprétations.
Bien des interrogations subsistent sur la signification à donner à ces menhirs et statues-menhirs. Les premiers monolithes du Néolithique sont-ils des symboles phalliques élevés par les paysans, dans l’espoir qu’ils fertilisent la terre ? S’agissait-il de marqueurs d’espaces à l’époque où l’homme lutte pour garder un territoire ? Ou s’agissait-il de monuments commémoratifs à l’effigie d’un guerrier ou d’un personnage distinctif ? L’énigme demeure.

Pour l’archéologue du CNRS Roger Grosjean, les statues-menhirs représenteraient les guerriers Shardanes (« Peuple de la mer ») alliés des Philistins qui s’attaquèrent puis s’allièrent à l’Égypte pharaonique entre le XIVe et le XIIe siècle avant J.C. Les sculpteurs mégalithiques auraient immortalisé dans la pierre la force de ces guerriers.

Les artistes ont d’ailleurs eu le souci du détail. Le personnage est figuré avec un casque hémisphérique à couvre-nuque accentué. Les clavicules et les omoplates sont protégées par des bourrelets. Les longues épées se portent sur la poitrine, suspendues à un baudrier. Le poignard est accroché transversalement à une ceinture tenant un pagne.

D’autres interprétations sont envisageables. Les épées et les poignards sont les attributs du chef guerrier courageux, tel que le rapporte la tradition orale ; tradition du « Paladinu », chevalier corse protégeant le peuple contre les pillards et l’arbitraire. Ces statues étaient peintes voire parées d’attributs variés qui servaient d’ornement lors de cérémonies.

filitosa
Ces statues-menhirs, découvertes enfouies sous le maquis de Filitosa, se dressent sur une butte à l’ombre d’oliviers centenaires. / © Antonin Borgeaud

Les mystères de Corse : Filitosa, une énigme minérale figée dans le granite

France - Hugues Derouard / GEO - Mercredi 7 mars 2018

Un vallon verdoyant, planté d’oliviers et de chênes, où paissent les vaches, au bord du ruisseau de Sardelle. Douceur champêtre en Corse. Quiconque pénètre ici ne peut qu’être troublé par la sérénité des lieux. Et puis, soudain, au détour du sentier, une apparition étrange : treize statues de granite aux formes humaines… Il y a d’abord, semblant monter la garde, l’imposante «Filitosa V», massive, carrée, à la colonne vertébrale bien dessinée, portant sans équivoque une épée et un poignard. 

Puis, au sommet d'une butte, une série de sept monolithes alignés telle une armée, dont «Filitosa VI», l’air sévère, coiffé d’un casque hémisphérique, et «Filitosa IX», au visage sculpté, d’un réalisme troublant. Plus loin, en contrebas, disposées en arc de cercle, cinq statues raides comme des lances, terriblement expressives.

Nous sommes ici sur le site de Filitosa, chez Charles-Antoine Cesari, 32 ans, en Corse-du-Sud. Au printemps 1946, son grand-père et homonyme Charles-Antoine Cesari, agriculteur, découvrit sur son terrain de la basse vallée du Taravo des vestiges d’occupation préhistorique et, surtout, d’énigmatiques pierres couchées, aux formes humaines, face contre terre, enfouies dans le maquis. Son ouvrier proposa illico de les relever pour les utiliser comme poteaux pour les clôtures. «Je n’ai jamais mis de chaîne au cou d’un homme, je ne vais pas commencer à le faire avec un homme de pierre», aurait rétorqué, selon la légende familiale, Charles-Antoine Cesari. D’un tempérament obstiné, le Corse, persuadé d’avoir fait une grande trouvaille, n’eut dès lors qu’une obsession : mettre au jour son «trésor» et, surtout, le protéger contre les bergers qui espéraient trouver de l’or dans ces guerriers de pierre.

Mais Charles-Antoine Cesari avait-il vraiment «redécouvert» ces pierres ? En réalité, «nombre des menhirs de Corse étaient déjà connus des habitants, et leur emplacement avait souvent gardé une dimension sacrée et mystérieuse», signale Franck Leandri, le conservateur régional de l’archéologie à la Direction régionale des affaires culturelles. Les bergers corses les appellent des stantari, des «pétrifiés». «La tradition disait qu’il s’agissait de personnes punies pour avoir transgressé le code moral de la société :une bonne soeur aux moeurs particulières, par exemple, poursuit l’expert. Parfois, déterrés par hasard, ils avaient été volontairement réenfouis, par crainte ou par respect.» Quoiqu’il en soit, c’est avec les fouilles de Filitosa que débuta l’exploration de la préhistoire corse et la mise au jour de merveilles, comme le site mégalithique de Cauria, dans la région de Sartène, ou les alignements de menhirs d’Apazzu dans la vallée de l’Avena… 

Il fallut toutefois attendre la nomination, en 1954, sur l’île, de Roger Grosjean, chercheur au CNRS, pour que Filitosa soit étudié en profondeur. Durant vingt ans, l’archéologue découvrit des vestiges d’abris, des céramiques, des menhirs… Puis il conclut que ce lieu fut occupé du VIe millénaire avant notre ère jusqu’à l’époque romaine. Quant au rôle des fameuses statues-menhirs, qu’il put dater de l’âge du bronze (vers 1200 avant notre ère), sommet de l’art mégalithique méditerranéen, mystère… Que pouvaient signifier ces pierres anthropomorphes, dont on sait désormais qu’elles étaient à l’origine peintes à l’ocre rouge ? Par qui furent-elles vandalisées ? D’aspect phallique vues de dos ou de profil, étaient-elles censées fertiliser la terre ? Ou sont-elles des représentations de paladini, ces chevaliers, qui, dans la tradition orale, protégeaient le peuple des pillards ? 

Roger Grosjean avança, le premier, une hypothèse romanesque : ces statues représenteraient les Shardanes, «peuples de la mer», dont on retrouva des traces jusqu’en Egypte et qui conquirent, un temps, la Corse. «Une façon de figer dans la pierre la force de ces ennemis pour qu’elle ne puisse plus se manifester, un peu comme avec une poupée vaudoue, raconte Charles-Antoine Cesari, petit-fils du découvreur de Filitosa. Et la rage des Shardanes lorsqu’ils s’emparèrent du site fut telle qu’ils détruisirent ces menhirs façonnés à leur image.»

A moins que ces représentations païennes n’aient été vandalisées lors de la christianisation, comme le suggère aujourd’hui Franck Leandri. Charles-Antoine Cesari, qui a appris à marcher au pied des statues, les regarde pour sa part avec ses yeux d’enfant. «Je les vois comme des protectrices, des gardiennes, dit-il. C’est ici un monastère à ciel ouvert, un sanctuaire hors du temps, où se ressourcer.» Son père, Daniel Cesari, explique aller au coucher du soleil se promener sous les oliviers millénaires, quand les jeux d’ombre et de lumière font s’animer les menhirs. Et plus encore les nuits de pleine lune, «lorsque les statues, illuminées, vous fixent droit dans les yeux». 

Le lieu dégage une énergie positive phénoménale, assure l’homme, sans qu’on sache s’il fait la promotion du site ou s’il y croit dur comme fer : « Si vous êtes au plus bas, vous approchez, et vous repartez requinqué», promet-il. Plus de deux mille ans après leur abandon, les fantômes de pierre revivent. Les propriétaires de Filitosa livrent quantité d’anecdotes. «Une femme est ressortie le visage ruisselant de larmes… de joie : son mal de dos qui la faisait souffrir depuis des années avait subitement pris fin», affirme Daniel. Il marque un silence : « D’autres, qui viennent avec un pendule, sont bouleversés, car ils sentent qu’il s’est passé des choses terribles ici, que le sang a coulé.» Nombre de visiteurs, sur le site, baissent naturellement la voix, caressent le dos des menhirs ou les enlacent…

La plus grande des énigmes corses sera-t-elle un jour résolue ? «L’étude du graphisme des statues, de l’environnement, de la végétation et des tempêtes de la vallée du Taravo permettront d’en savoir plus sur la chronologie et l’occupation du site», assure Franck Leandri. La famille Cesari se dit prête à laisser les experts mener de nouvelles fouilles. Mais la magie de Filitosa ne tient-elle pas justement à son mystère ? 

Source: GEO


 

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