Cette
page, comme la majeure partie de ce site, est dédiée à l'île, la seule, Cursichella, la Corse.
Sans mythologie, sans nostalgie excessive, "forme boîteuse de la mémoire", sans idéalisation, mais sans complexe, c'est l'amour d'un pays et de ses habitants qui s'exprime ici. Cette page est également dédiée au débat d'idées.
Pour moi, la Corse et son histoire sont très bien reflétées par la musique
et le répertoire d'A Filetta, qui, vous l'aurez compris en parcourant
ce site, fait l'objet d'un véritable culte dans la famille.
Ce répertoire, sans être le moins du monde passéiste, retrace à lui
seul l’histoire quotidienne de la Corse.
Prenez trois ou quatre chants différents pour vous en convaincre.
Même sans être corse et sans comprendre les paroles, il suffit de se
laisser porter par la musique pour en comprendre le sens.
Mettez votre CD, fermez les yeux et imaginez…
Affrescu, tiré de la BO du film "Comme un Aimant"
est un chant ambivalent : il fait penser tout d'abord à la
douceur du paysage, à son caractère paisible, à la quiétude du maquis
frémissant sous le meziornu. Mais la suite révèle
une histoire troublée, un désespoir, une fureur intérieure.
La Corse a un passé tumultueux. On connaît la vendetta, mais on oublie
trop souvent les invasions auxquelles l'île a dû faire face, les
épidémies de peste qui ont quasiment réduit la population à néant, et
plus près de nous la grippe espagnole, sans parler de la guerre de
14-18 qui a précipité le déclin de l’île.
Les livres d’histoire parlent peu des conditions dans lesquelles la
Corse a été rattachée à la France. Changez maintenant de CD, prenez un
des plus anciens disques d'A Filetta: "Una Tarrà Ci Hè", et
écoutez A paghjella di l’impiccati qui évoque le
massacre perpétré en 1774 par les troupes de Louis XV dans le Niolu.
Le peuple corse n'est pas, comme veulent souvent le faire croire une
partie des médias continentaux, un peuple de fainéants ou de dangereux
terroristes ! C'est un peuple laborieux qui, pour subsister, a dû
composer avec l'escarpement de son relief, comme l’attestent les restes
de cultures en terrasses et les murs de pierres sèches.
Ainsi, mon arrière grand-père
faisait une dixaine de kilomètres à pied chaque matin pour travailler
dans les champs pour les sgii.
C'est cette Corse là que j'aimerais
faire connaître. La Corse de mon arrière-grand-mère qui faisait des
blagues incroyables à son entourage avec l'aide de ses cousines; la
Corse des veillées.
Alors, toujours sur "Una
Tarrà Ci Hè", écoutez "Trè", sûrement
mon chant préféré, parce qu'il me rappelle tout ce que j'aurais aimé
connaître de la vie de mes ancêtres.
"Trè" commence
par les bruits de la nature corse, la nuit: le vent, l'orage qui tonne
au loin, puis les instruments de musique traditionnelle comme la cetera
font leur entrée.. Et là, vous y êtes : vous êtes au coin du feu avec
votre famille, vos amis, vous partagez peut être un "spuntinu"
(un en-cas) et les anciens racontent des histoires, transmettent les
traditions qui se perpétuent depuis des siècles.
Les femmes, habillées de noir, font l'"ochju" (l'oeil, sorte de voyance), qu'elles apprennent aux nouvelles générations.
En fin de soirée, les hommes entonnent un chjami è respondi,, véritable joute chantée, chacun devant répondre à l'attaque de l'autre chanteur.
D'autres hommes chantent des paghjelle, forme la plus traditionnelle du chant corse. A Filetta en donne plusieurs exemples, mais celle que je préfère est la paghjella chantée avec Philippe Léotard dans La complainte corse, car il y ajoute une dimension émotionnelle indescriptible.
J'entends encore les paroles de la chanson, enregistrée peu de temps avant la mort de Philippe Léotard : " Dans ma maison naquit un bel amour, dans ma maison un rossignol chantait, mais je suis déjà couleur de deuil et le rossignol ne chante plus. "
Tous ces chants semblent éternels mais la Corse et son chant n'en est pas moins inscrite dans la modernité.Entre un déclin programmé et la perspective de devenir un grand parc à touristes, il y a forcément une troisième voie.
Claire Casanova
Avvèdaci.
Anne Marie Casanova
J’ai la chance d’être né dans une terre où l’homme compte. J’aime le rapport particulier qui se noue à l’autre sur l’île. La Corse est une petite communauté, dans laquelle tout le monde se connaît. Ce n’est ni un titre de gloire, ni une "spécificité", ce sont les circonstances qui l’expliquent sans doute. Le maillage social est important, mais il nous rend sans cesse exposés aux regards des autres.
J’ai la chance d’être né dans une terre splendide, qui n’a pas trop souffert des excès d’industrialisation. Une terre qui se veut exemplaire, à sa manière, d’un certain modèle de développement. C’est un rêve utopique, que cette île dans notre société mondialisée. Mais une société qui ne rêve pas n’avance plus. Ce qu’il faut c’est que nos rêves soient communs. J’ai la chance d’être né dans un pays qui a ses traditions. Dans les années 1970, la situation culturelle de la Corse était catastrophique. L’êtat avait mis sous le boisseau la culture corse, la langue corse. Il n’a jamais voulu reconnaître notre part d’italianité. Cela a suscité trop de malentendus et de violences ….
J’ai la chance d’être né dans un pays qui possède un héritage. Mais le discours "ethniciste" véhiculé par certains aujourd’hui, qui se gargarisent à grands coups d’identité corse, est dangereux. Notre culture s’est formée dans le métissage, dans les échanges, même s’ils furent douloureux, dans des invasions. Il y a toujours eu en Corse des gens qui sont venus d’ailleurs. Notre culture n’est pas un sanctuaire, elle doit évoluer. Nous-mêmes essayons d’introduire des nouveautés dans nos chants, des dissonances, de faire vivre nos traditions. Parce que la tradition est comparable à un tamis : si on ne lui amène rien, le tamis ne sert à rien. Certains prétendent, en chantant corse, faire vivre une langue. Pour moi c’est l’inverse : je vis en chantant cette langue.
Jean-Claude
Acquaviva, déclaration recueillie par Isabelle de GAULMYN,
parue dans
La Croix du 1er août 2004
Mon
affection pour l’île de Corse a commencé il y a
plus de 30 ans avec une photo que j’avais vue dans un journal : une
cascade dans une forêt, et je pensai alors : “ Je
voudrais être là ". Alors, de nombreuses années ont passé
pendant lesquelles nous avons visité quelques pays de la Méditerranée,
et puis est venu le temps de découvrir la Corse. C'est en 1990 que nous
sommes partis en Corse pour la première fois et je savais que j’avais
trouvé là ma patrie.
Les vacances des années suivantes, nous les avons passées
avec nos enfants dans plusieurs villages près de la mer. De
cette époque, j’ai un souvenir particulièrement
intense de trois semaines dans une très vieille maison à
Patrimonio avec vue sur les vignes jusqu’à la mer, de la
messe de Pêques à Lumio en 1996 oê nous avons eu
l’occasion d’assister ê une communion
(imprévu pour nous parce que dans notre région la
fête est toujours une semaine après) et d’une
messe à l’église orthodoxe à Cargèse.
Alors, la séduction des montagnes deviendra de plus en plus
forte.
Nous avons commencé par des excursions d’une journée, jusqu’à septembre 2002 oê nous avons empaqueté nos sacs à dos et sommes partis pour un excursion d’une semaine. Mon mari accompagne depuis 30 ans mes entreprises, ce qui est admirable parce que souvent il ne partage pas mon enthousiasme. Nous avons commencé notre randonnée à Corte, passé la vallée de la Restonica, les lacs de Melo et Capitello, sommes restés la nuit au Refuge de Manganu, avons passé le lac de Nino, passé la deuxième nuit au Castel di Verghio, avons continué notre chemin jusqu’à Calacuccia, avons marché un jour au vieux sentier de la Scala di Santa Regina et le jour suivant par le refuge de Sega sommes retournés à Corte.
Les deux années suivantes, nous étions aussi en chemin dans les montagnes du nord, et en 2005 nous avons fait trois semaines à vélo dans la région d’Ile Rousse. Aller à la montagne en Corse est pour moi a une vraie détente. Du fait que les sentiers demandent une attention permanente, chaque faux pas peut avoir des résultats fatals, alors en peu de temps on se calme… On éprouve seulement le présent et les problèmes triviaux sont très loin. Quand on va plusieurs jours de gîte en gîte, la vie se réduit aux besoins élémentaires: nourriture, mouvement et repos. On éprouve un sentiment de liberté, on constate qu’on peut renoncer à tout luxe (au moins pour quelques jours), que l’eau froide suffit pour boire et se laver et que l’on n’a pas besoin de beaucoup de nourriture.
De plus il y a des contacts avec des gens intéressants qu’on rencontre en route. Chacun a une autre histoire, une autre motivation, mais tous nous nous traitons comme des amis. C’est la même aventure qui nous unit, ainsi que le respect devant la nature. A la montagne, on peut très vite faire connaissance avec ses propres limites, on apprend l’humilité.
Je crois que c’est cela qui fait l’amour des Corses pour leur terre. Ce paysage impressionnant et inhospitalier qui tolère les hommes, mais où ils ne sont pas bienvenus, qui les expose à de telles forces de la nature, a, de même que l’histoire, imposé son empreinte. Les hommes corses, comme la terre, s’ouvrent seulement de façon hésitante aux étrangers. Ils se fondent sûrement sur un passé dangereux. Mais si l’on se trouve dans une situation où l’on a besoin d’aide, les Corses montrent aux étrangers leur véritable nature et se comportent comme de vrais amis.
Ursula Glöckner
Ursula est une amie allemande qui m'avait demandé, par l'intermédiaire de Carole, de lui traduire quelques phrases de Jean-Claude Acquaviva. Passionnée par A Filetta, elle s'est acheté la version bilingue du texte du Medea de Sénèque pour ne rien perdre des chants. Bien que parlant très mal le français (dit-elle), c'est dans cette langue qu'elle a tenu à rédiger ce texte exprimant son amour pour la Corse. Et c'est en langue corse qu'elle a écrit le poème ci-dessous. Grazia à tè, Ursula !
(*)
Le titre original était "Mûre pour l'île" qui
évoque une chanson allemande, mais qui est peu compréhensible sans
explication pour un francophone.
Mi prumettu al di là di a mè
vita à a nostra Mamma Corsica,
ê a quale appartimu incu tutti i penseri.
Hè a tarra ind’è ci s’arradicamu è u celu ind’è crescimu.
Hè a surghjente di a nostra forza è u sole di a nostra maturità,
Hè u sonniu di e nostre notte è l'opera di i nostri ghjorni.
Ind’ ella sola diventaremu ciò che Diu vole.
Poème écrit en corse par Ursula Glöckner d’après un texte d'Emil Strauss
Corse, je t'ai écrit un livre
il te parle par la voix de tes poètes et chanteurs
il te parle en langues et accents divers
en corse, bien sûr, et en allemand
et en français, comme médiateur,
tout leur imaginaire mis en relief par les reflets de ta lumère.
Je t'ai écrit, je t'ai "chanté"
et deux amis, comme moi passionnés
se sont joints à mes côtés
pour explorer les eaux, les sources abondantes
inépuisables, retentissantes
remarquables, révélatrices
de ce souffle vital qui est ton chant.
je t'ai écrit, filtré des gouttes
écouté des "notes" pour tracer ton portrait chanté
sous le regard des paroliers
que tu as toujours inspirés
pour faire suivre tes "lignes ondulées"
en signatures, en hommages
même en hymne, si tu veux !
Je t'ai écrit un livre comme un choeur
en plurilingue poésie
cherchant une certaine harmonie
saluant tes paysages, tes caractères
si captivants, si contrastés
en ces entre-deux
de ta nature-identité.
J'ai évoqué quelques bouts de tes vies
de tes morts et tes ruines aussi
quelques joies et épreuves et douleurs
dans la complexité des choses et les générations passées
par les témoignages, les évènements
les impressions marines, les émotions telluriennes
les rêves secrets d'ici et même de l'exil.
Corse, je t'écris
car je crois
que tes vers et tes voix
font toucher ta vérité
à ce (petit) monde d'étrangers.
Gerda-Marie Kühn
Texte sélectionné aux Rencontres internationales de théêtre du Guissani
On est toujours triste en quittant l'île. Nous le sommes doublement cette année; d'abord de quitter la Balagne et nos amis, puis d'abandonner le Sartenais et la Corse. C'est toujours "Barbara Furtuna" qui vient à l'esprit en montant dans l'avion. A cette différence notable que, contrairement aux exilés du célèbre chant, nous avons la certitude de revenir dès septembre prochain.
Nos impressions (très subjectives) de voyage : Une Balagne active, volontaire dans les difficultés. Une Antenne médicale d'urgence en bonne voie d'achèvement, toujours pas de lieu pour la culture, une souscription pour l'achat du Teatru bien partie, mais encore bien loin du but... Mais l'important en la matière est avant tout de manifester à ceux qui nous gouvernent qu'il y a une forte mobilisation pour la création d'un lieu de spectacle vivant à Calvi. Au fait, vous pouvez encore souscrire. Même symboliquement, faites-le !
Les plaisanciers ? Merci, tout va bien pour eux, bichonnés qu'ils sont par la municipalité, qui leur a fait un port tout neuf. Qui dira la dure vie du plaisancier dont le bâteau reste amarré à demeure à son anneau du port d'honneur, et qui semble passer l'essentiel de son temps à astiquer, astiquer et astiquer encore son yacht...
Pour en revenir à U Teatru, on attend un geste de tous ces gens du show-biz qui ont choisi la Balagne comme résidence très temporaire pour la plupart (ce qui, entre autres, ne facilite pas la vie des Calvais obligés, eux, de se loger à l'année...).
Quand au Sud, le contraste est flagrant avec la Balagne. On sait les difficultés de l'Aghja à Ajaccio, on se réjouit du succès des spectacles au Lazaret Ollandini et de la belle programmation estivale du Théâtre de Propriano, mais on s'étonne de ne trouver aucun CD corse au supermarché...
Sartène ne change pas, Tizzano se transforme peu à peu, un peu anarchiquement, en port de plaisance et lieu de résidence...
Mais que les
couchers de soleil sur le Valincu sont beaux !
Jean-Claude Casanova
Zonza, Sainte Lucie de Talano, Olmeto, Fozzano, Campo Moro, Tizzano, Orasi, Roccapina... des liens invisibles semblent me rattacher à vous, comme si le poids des générations passées n'en finissait pas de faire entendre sa voix...
Comme si l'écho venu de là bas ne réussissait pas à s'estomper, malgré le temps, en dépit des chaudes journées d'août qui durcissent les sols et assèchent les gosiers, en défi aux froides heures de neige et de gel qui cisaillent la pierre et mouillent les paupières.
La braise des racines n'a nul besoin d'une théorie pour exister, elle répugne même à utiliser un canal pour se manifester, sa force première est de s'imposer, sans violence mais avec l'évidence insoumise des monts et des rocs et le regard droit des paladins de Filitosa.
On a dit des insulaires qu'ils étaient avant tout d'un village, et que ce sentiment d'appartenance à une micro-communauté était l'obstacle le plus naturel à l'émergence d'une véritable conscience nationale. Je ne sais si l'analyse est exacte... Il me semble que la micro-communauté n'est pas véritablement le village, mais un espace naturel composé d'un ensemble de bourgs et de hameaux, de terres escarpées et de plaines littorales. Un lieu de rencontres et d'échanges à l'intérieur duquel il n'y a ni unité, ni uniformité, ni cohérence imposés du dehors.
Mon espace linguistique est structuré par les cacuminales qui sont l'un des marqueurs du sud insulaire. Pour moi, le royaume de l'enfance ne peut se dire que "zitiddina", le cheval n'aurait pas de crinière si je n'entendais pas "cavaddu" et la soeur que je n'ai pas ne pourrait se nommer autrement que "surredda".
Lorsque ces mots sont prononcés à la douce manière de l'En-deça des monts, je les reconnais, bien sûr, mais il me semble qu'une main policée est venue les embellir, ils me deviennent étrangers, j'ai presque envie de les vouvoyer.
Les deux variantes sud insulaires qui se côtoient, se mixent et se toisent dans la région de Sartène, le font pareillement dans ma tête. Il m'arrive de dire "iddu" et d'écrire "eddu", d'entendre "siccu" et de répondre "seccu", il m'est même arrivé, enfant, de penser que le mot "fretu" était moins glacial que "fritu" et que la croix était certainement plus lourde à porter lorsqu'elle était désignée par "cruci" plutôt que par "croci". De la même manière je pensais que "pilu" était réservé aux animaux alors que "pelu" désignait le système pileux de l'homo sapiens.
Cette ambiguïté, ce léger flou sémantique, ne dérange en fait personne; il fait partie de ce qu'en termes savants on nomme "la polynomie" et je puis assurer qu'il n'a jamais été un obstacle à la communication, ni soulevé, au sein de la communauté, de controverses induisant une hiérarchie des valeurs. Les sociétés traditionnelles sont, au fond, plus ouvertes et plus tolérantes qu'on pourrait le penser. Elles peuvent s'accomoder de différences car la proximité de l'élément naturel leur a enseigné que les choses et les êtres ne peuvent être identiques et que les mêmes faits ne se produisent jamais deux fois. C'est notre monde qui tente de nous persuader qu'il n'est de salut que dans la norme imposée, qu'elle vienne des marchands de bibelots ou des faiseurs de théories.
Norbert PaganelliDipoi a me prima zitellina, avia in core un sonniu, una fiura, una picondria tamanta... Chì era? Ùn a sapia manch'eiu: a brama di truvà un altrò scunnisciutu, ‘ssa parte persa di l’anima ch’ellu ci vole à à circà? Qualcosa, qualchissia mi parlava in una lingua misteriosa, bella ma incumprensibule. Ed era bella ch’ùn vi dicu nunda...
Da grande, messi à circà. Battii l’Italia, a Francia, a Grecia... À deci anni digià principiai à amparà u francese è u talianu, u francese in iscola, u talianu da per mè. Poi vensinu u latinu, i studii - di francese è di talianu, ma ùn m'arrecavanu mai ciò ch’e cercava. Per anni è anni l’aghju circata in Italia, senza truvalla, sempre suffrendu di sta picondria inspieghevule...
A prima volta ch’e l’aghju intravista sarà stata à l’iniziu di stu seculu. A vidia da luntanu è ùn l’aghju ricunnisciuta subitu. L’aghju vista chì mi parlava, in a distanza, sussurendu. Innò, cumu puderia cunnoscela, capilla, eiu... Ma avia intesu a so voce, 'ssa voce dolce è linda, è ancu s’e ùn distinsi una sola parolla, ne era sicura ch’ella mi vulia dì qualcosa. Ma quale sarebbe, allora? Chì mi vulia dì? Induve l’averia scontra nanzu?...
A seconda volta, aghju capitu subitu subitu ch’ella fù ella. Era più vicina, mi parlava in frase sane è chjare, annant’à un dischettu datumi da un’amica. Era sempre assai luntana, è ancu s’e stava à sente centu volte e so parulle, ùn e pudia manc’appena capì. Eranu stranamente familiare, quantunque. Una memoria pruvava à sorge in u me cerbellu, ma ùn si facia vede sana sana. Cumu fà per vede a so faccia, per capì ciò ch’ella mi vulia dì? À rombu di ascultalle, a so voce è e so parulle mi parianu di più in più familiare. Ma tandu eiu ùn sapia micca qual’era, ella...
L’idea di duvè cunnoscela, d’avella digià scontra ùn mi lasciava più. Mi sbulicava a memoria, in darnu. Ma un ghjornu, à casu, l’aghju vista torna, o piuttostu u so ritrattu, nant’à u webbu. Avale sapia qual’era, ma micca ciò ch’ella mi vulia dì, cù sse parolle strane chè però in mè facianu ogni volta ribumbà l’ecu d’una memoria sminticata... Era bella... d’una billezza magica, fascinante, salvatica. D’una pustura ritta ritta, à capu pisatu, fiera. M’hà chjappu una brama tamanta di stammine vicinu à ella...
Tandu aghju capitu chè pè avviccinammi d’ella ci vulia à amparà a so lingua. Dicisi d’ùn tricà più è cumminciai subitu subitu. 'Ssi soni chì dipoi anni m’avianu allisciatu l’arechje infine piglionu una forma capiscitoghja. È iè ch'e le cunniscia digià, dopu un’iniziu appena difficiule e parulle di sta lingua anu trovu à a lestra u so locu in u me cerbellu, o piuttostu in u me core... un lucucciu chì c’era dipoi sempre apposta per elle.
À l’iniziu, ùn avia u curagiu nè di scrive, nè di parlalli... Era cusì bella è luntana è paria cusì inaccessibile. Masimu ch’avia capitu chì a so vita ùn era stata faciule. Era stata furzata, umiliata, oppressa. Oghje chì hè oghje, ne pate sempre, e cose ùn sò micca tantu cambiate... Per indettu, a so lingua, sta lingua maravigliosa, a lingua di i so antichi, u mezu più adattu pè trasmette a so storia, e so suffrenze è a so billezza, sta lingua à spessu ùn a vole più parlà... Ma leghje, aghju lettu appena i so scritti. Aghju cunnisciutu a so dulcezza, i so tratti azezi, u so latu macagnosu, e so passione, a so cultura. Quant’è mi sò campa à leghje i so libri, e so puesie...
Cusì ghjè avvenutu dopu mez’annu d’amparera u nostru primu scontru veru. Firmai muta videndu i so culori, sentendu u so calore, u so muscu. Faccia à facia cun ella, mi sintia chjuca chjuca... Ùn avia ancu u curagiu di parlà, ma circai è truvai a so bella voce, è a steti à sente à l’appiattu. M’avia chjappu una malatia strana... una focu tamantu mi picciava in core: m’era innamurata. A prima notte vicin’à ella ùn pudia micca dorme, sintii un piacè tremendu. U so soffiu dolce intorn’a mè, u so prufume chì mi stuzzicava u nasu, u so sapore chè m’era fermatu nant’à e labbre - tuttu què m’infiarava i sensi.
Aghju seguitatu i so passi pè deci ghjorni beati. Stava à sente u cantu di i so figlioli, tastava a bona roba ch’ella mi scucinava, gudia di a so billezza meravigliosa, ma ùn cappiava manc’una parolla... T’avia una paura di quelli è ogni volta ch’e ci vulia pruvà mi stantarava, a me lingua s’attrunchjava, mi si stringhjia a canella, turnava rossa cum’è a pumata chè mi hà datu u so nome... Dopu deci ghjorni mi ne sò cunturrata ind’è mè avendu parlatu a so lingua una sola volta, à pena...
Ma sò vultata ind’ella. Aghju parlatu è amparatu. Ogni volta m’hà accoltu à bracce aperte, parlendumi, aiutendumi, insignendumi e so parulle di billezza, di tennerezza, d’amarezza... Ma più ci parlemu, più mi n’avvecu ch’ell’ùn sarà mai a meia. A cunnoscu dipoi un’eternità, dipoi centinaie di vite passate, ma in quessa a vita sò nata in altrò, ed una parte d’ella ùn vole capì ch’e a capiscu, ùn pò o ùn vole micca acittà u m’amore... Ghjè un amore sì, ma un amore amaru amaru...
Marleen Verheus
Marleen (Marilena) a décidé, voilà même pas un an, d'apprendre le corse. Voici un magnifique échantillon du résultat. J'oubliais un détail : Marleen est néerlandaise !!
PS : Marilena (plus connue sur internet sous le surnom d'"A Pumataghja", a obtenu en juiillet 2010 le certificat de langue corse.
"A tous mes détracteurs qui pensent erronément que je n'ai jamais connu que la Corse comme destination, qui me disent : "tu sais, il y a d'autres pays à visiter...", je rétorque : oui, certainement. Et si j'étais très riche, je ferais le tour du monde. Mais que, surtout, il y a la CORSE, dont je suis viscéralement amoureux.
Amoureux de ses extraordinaires et magnifiques paysages variés , comme nulle part ailleurs.
Amoureux de sa qualité de vie, comme nulle part ailleurs.
Amoureux de sa culture, de ses chants comme nulle part ailleurs. Admiratif de son peuple très attaché à sa terre, à ses traditions, à ses Anciens, comme nulle part ailleurs.
Un peuple sincère, chaleureux, accueillant.. et je manque de qualificatifs.. comme nulle par ailleurs rencontré.
Je leur dis: allez en Corse et vous verrez ce qu'il en est.
Si vous y allez une fois, vous n'aurez qu'une envie, y retourner très vite.
Si vous y allez une deuxième fois, vous serez atteint du virus Corse. J'y ai de nombreux amis. Me rendre dans un pays lointain uniquement pour me dorer au soleil ne m'intéresse pas. Aller dans un pays lointain, dans un hôtel super luxueux en "all in" pour me saouler la gueule tous les jours ne m'intéresse pas.
Je préfère à tout cela la simplicité Corse, la modestie Corse, l'humilité Corse, la sincérité Corse, la CORSE qui au delà des clichés médiatico-politiciens néfastes, reste une Corse RESPECTUEUSE, une Corse que j' aime pour tout ce qu'elle est, naturelle et digne."
Michel Forges
Libération, 2 avril 2011
Originaire d’une île envahie d’idées reçues et de touristes, l’écrivain Jérôme Ferrari raconte comment
il a mis du temps, lui aussi, à comprendre ce territoire si singulier dans sa déconcertante nudité. Oui,
les clichés sont bien pratiques mais ils ne disent rien du réel. Qui reste, lui, le matériau principal de
la fiction, et donc de la littérature.
Par JÉRÔME FERRARI
I - Le sujet qui me fâche
Je ne suis que trop conscient du fait que j’aborde un sujet a priori exaspérant mais je ne veux pourtant pas
différer davantage cette importante révélation : en quelques décennies, l’île dans laquelle je vis est devenue un
bronze-culs, avec toutes les conséquences que cela implique. Car la Corse, avant d’être une terre farouche et
insoumise, est, comme une bonne partie du sud de l’Europe, une terre de bronzage que plébiscitent chaque
année de très nombreux culs, anonymes ou célèbres. Et c’est ce fait, si trivial et peu séduisant soit-il, qui en
décrit la réalité fondamentale, bien plus que les innombrables clichés qui circulent à son sujet.
Non que je veuille lutter contre les clichés. Il faudrait être stupide d’engager une telle lutte. D’abord parce que
les clichés sont inévitables. Ils ne font que pervertir, en la poussant à son paroxysme, la faculté de
conceptualisation qui nous permet de découper le monde en catégories générales. Ensuite parce que c’est une
lutte perdue d’avance. Le cliché est invincible, comme l’est la bêtise elle-même. Aucun argument rationnel,
aucun fait ne peut le réfuter car il ignore superbement la réalité et c’est précisément dans cet aveuglement
inaltérable que réside sa force. Cette année, au festival du livre de Mouans-Sartoux, au cours d’une conversation
de pure courtoisie, j’ai commis l’erreur d’avouer que j’étais professeur de philosophie à Ajaccio.
Cette innocente confidence a instantanément bouleversé mon interlocuteur qui a posé sur moi un regard plein
de douloureuse compassion. Il connaissait bien le problème. Un de ses amis exerçait le dangereux métier de
Conseiller Principal d’éducation dans un établissement insulaire et, tous les jours, il devait affronter des élèves
qui transportaient des armes de guerre dans leur cartable. Au lieu de tourner les talons pour aller me servir un
verre de rosé, j’ai persévéré dans l’erreur en lui assurant qu’en quinze ans de pratique continue, je n’avais
jamais vu d’armes dans l’enceinte du lycée et que les problèmes de discipline les plus délicats que j’avais eu à
régler concernaient plutôt la mastication de chewing-gum, l’utilisation délictueuse des tables comme support
d’expression plus ou moins artistique ou l’échange intempestif de SMS pendant l’étude d’un texte de Heidegger.
Ma remarque n’eut bien évidemment aucun effet et il continuait à me regarder en disant, mais si ! mais si, je
vous assure ! exactement comme si mon expérience et toutes les paroles que je venais de prononcer étaientégalement nulles et non avenues. J’ai fini par comprendre qu’il était inutile de rajouter quoi que ce soit et je
suis finalement allé me servir ce verre de rosé. J’étais en colère, une colère noire, contre cet abruti et contre
moi-même qui ne pouvais pas m’empêcher de me mettre en colère, sans même avoir l’excuse d’avoir été pris par
surprise.
Car, en vérité, je suis un récidiviste incorrigible. Quelques années plus tôt, en allant à Porto-Vecchio,
j’avais pris un auto-stoppeur. Il faut vraiment aimer aller au devant des ennuis, mais c’était le mois d’août, il
faisait une chaleur à crever et j’ai cédé à un élan de pitié que je ne me suis pas pardonné : je me suis arrêté le
long de la route, le type a balancé son gros sac à dos dégueulasse sur la banquette arrière et il s’est affalé,
dégoulinant de sueur, sur le fauteuil du passager, en poussant un râle de délivrance dans la fraîcheur de l’air
climatisé.
Dès qu’il eut à peu près séché et repris figure humaine, il commença à me vanter la beauté de la Corse qu’il
visitait pour la première fois et à me féliciter de la chance que j’avais d’y vivre, tout entouré de beauté et
exempté, de surcroît, d’impôts sur le revenu. Au lieu de me taire et de me concentrer sur ma conduite en
pensant à autre chose, j’avais entrepris de le détromper en lui affirmant que je payais mes impôts comme tout le
monde. Il n’en crut pas un mot, bien sûr, et se contenta de grogner sur un ton vaguement affirmatif, n’osant pas
me contredire frontalement de peur que je le débarque de la voiture illico, ce qui, je dois l’avouer, venait
précisément de me traverser l’esprit. Je ne le fis pas. Nous traversions la vallée de l’Ortolo, il n’y avait pas un
brin d’ombre et, bien que la perspective de sa lente agonie au soleil ne fût pas dénuée de charme, je n’avais pas
encore renoncé à le convaincre. Il m’était intolérable de penser que ce type était convaincu que je vivais de sa
charité et que je devais sans doute lui en être reconnaissant. J’échafaudais les plans les plus extravagants,
envisageant même de l’emmener de force chez moi pour lui mettre sous le nez mes avis d’imposition – ce qui
aurait été parfaitement inutile, il aurait cru que c’était des faux, obtenus par piston, une ruse d’assisté visant à
mystifier les honnêtes contribuables.
J’ai fini par me taire et je l’ai laissé en ville, en me maudissant de lui avoir évité l’insolation qu’il méritait en
juste rétribution de son imbécillité. Mais il n’y a pas de justice immanente et j’étais moi aussi un imbécile. Car
la lutte contre les clichés n’est pas seulement perdue d’avance, elle nous transforme aussi nécessairement en
imbéciles en nous entraînant sur un terrain d’où toute forme d’intelligence, de finesse, de compréhension de la
complexité est exclue. Accepter de mettre un seul pied sur ce terrain, c’est se condamner à entendre des idioties
globalisantes auxquelles on ne peut opposer que les idioties globalisantes symétriques. C’est donc se
condamner à proférer soi-même des idioties, comme l’attestent les discussions sur les forums internet des
quotidiens, dès qu’une information a trait, de près ou de loin, à la Corse.
Il faudrait avoir la force de se préserver, ne pas accuser, ne pas se justifier, en aucun cas, mais simplement
détourner le regard à chaque fois que c’est nécessaire, sans colère, et sans ressentiment. C’est bien difficile.
D’autant que les clichés, s’ils sont sans fondement, ne sont pas sans effets ; ils ont joué un rôle considérable
dans la manière dont la Corse s’est perçue, et sans doute façonnée, au cours des deux derniers siècles, dans une
subtile dialectique du regard, en adoptant pour son compte les clichés élaborés sur le continent ou en leur
opposant ceux qu’elle avait elle-même fabriqués en réaction – ce qui revient, bien sûr, exactement au même.
L’imaginaire est, dans les sociétés humaines, aussi important que le réel, peut-être même davantage, si l’on en
juge à l’obsession paranoïaque avec laquelle les institutions et la presse régionales veillent comme des vestales
sur l’image de la Corse.
La sortie du film d’Audiard, Un prophète, ou la série Mafiosa ont ainsi donné lieu à des débats publics
proprement hallucinants où il s’agissait de déterminer si, oui ou non, il était porté atteinte à l’image de la
Corse, et ceci sans prendre une seconde en considération le fait pourtant remarquable à mes yeux qu’on a
affaire, dans le premier cas, à un excellent film et, dans le second, à une série d’une indigence presque comique.
Je ne sais pas s’il est encore possible de mesurer combien cette image a été pesante, étouffante au point de
manquer de nous rendre stériles.
II - Un type qui s’emmerde sur la place de son village
Peut-être une des possibilités fondamentales de la littérature est-elle justement de faire valoir les droits du réel
contre les prétentions exorbitantes de l’imaginaire. En 2000, la publication de Prighjuneri, le recueil de
nouvelles de mon ami Marco Biancarelli, a montré que le réel n’avait pas été tout à fait englouti sous une
montagne de clichés et qu’il pouvait encore s’exprimer avec une vitalité incroyablement violente et forte.
Prighjuneri donne à voir un réel partiel, fragmentaire, paradoxal, indigeste, qui ne peut en aucun cas rivaliser
avec le merveilleux cadre d’intelligibilité que procurent les clichés, il n’y est pas question d’hospitalité,
d’honneur perdu ou de vendetta, ni de quoi que ce soit de romantique, on y trouve un type qui s’emmerde sur la
place déserte de son village, une lycéenne transparente, des voyous impuissants ou narcissiques, un club échangiste, un pêcheur psychopathe,
une villageoise nymphomane, de la cocaïne de mauvaise qualité, un
condottiere couard et chanceux, et toutes les figures de la désillusion et de l’ennui qui montrent, très
modestement, ce que cela peut vouloir dire d’être un homme, ici et maintenant – mais c’est seulement cela, la
grande affaire de la littérature.
Et Marco a bien raison : le réel est indigeste. En tous cas, j’ai mis bien longtemps à le digérer. Après avoir passé
toute mon enfance et mon adolescence à Vitry-sur-Seine, je suis venu m’installer en Corse en décembre 1988. Il
me semblait que j’attendais cela depuis une éternité et que, pour la première fois, ma vie allait devenir ce que
j’avais souhaité qu’elle soit. Je m’étais mis à haïr minutieusement Paris, la banlieue, le métro, les couloirs de la
Sorbonne et tous ceux que j’y croisais. La philosophie elle-même me semblait vaine et détestable. Je ne rêvais
que de partir et, quand mes parents, dans leur naïveté, ont jugé que mes diplômes universitaires me mettaient à
l’abri de la précarité, ils m’ont laissé faire. Il faut se méfier de ses propres rêves, bien sûr, mais on ne peut pas
toujours éviter de les affronter. Je me suis inscrit en DEA à l’Université de Corte.
J’ai appris ce que c’était que de vivre ici en dehors du temps béni des vacances. J’ai découvert combien mon
esprit était lui aussi rempli de fantasmes et de clichés et, au contact de la réalité, je les ai vus s’effacer l’un après
l’autre, douloureusement, jusqu’à ce qu’ils aient tous disparu. Quand ce fut fait, il était trop tard : par une de ces
séries de hasards qui parodient le destin, le monde dans lequel j’avais grandi avait été purement et simplement
balayé, en quelques mois, et je n’avais plus aucune possibilité de repli.
Mais, au début, j’avais bel et bien le sentiment de retrouver une terre farouche et insoumise, peuplée d’êtres
exceptionnels – parmi lesquels je me comptais – des héros antiques qui avaient su conserver leurs valeurs
morales millénaires dans un monde qui les avait toutes perdues – et en écrivant ceci, je me rends compte que,
malgré mes idées de gauche, je développais de sérieuses tendances fascisantes. Je n’étais manifestement pas
prêt à ne trouver que des hommes perdus dans un hiver interminable. Au village, la maison de famille que
j’avais toujours connue remplie de lumière et de vie s’était transformée en un caveau glacial qui sentait le bois,
la mousse et le linge humide. Je ne la quittais que pour monter à Corte, c’est-à-dire, pour moi qui ne m’étais
jamais aventuré au nord d’Ajaccio, au bout du monde, là où tout m’était étranger. Le long de la route, les
villages étaient différents du mien, presque hostiles, avec leurs maisons noires aux toits de lauze, et si la
solitude qui les recouvrait ne m’avait pas été familière, j’aurais pu croire que j’avais changé de pays.
A Corte, pourtant, l’ambiance était extraordinaire, il y avait des guitares et des violons dans tous les bars, on y
entendait des polyphonies et des jigs irlandaises et nulle part je n’ai rencontré une telle concentration de
chanteurs et de musiciens aussi doués. Mais c’est pourtant cela, surtout, qu’il est pénible de se rappeler. Car si
nombreux soient les talents, dans quelque domaine que ce soit, on dirait qu’ils sont condamnés à se flétrir,
comme sous les rafales d’un vent toxique et brûlant, pour ne servir au bout du compte qu’à alimenter une
interminable désillusion. Les musiciens finissent à la terrasse des restaurants où ils jouent pour des touristes
qui ne les écoutent pas.
III - Un hiver de dix mois
Le tourisme est l’alpha et l’oméga de la Corse et c’est bien dommage, car il a beau être une nécessitééconomique incontestable, le tourisme est une infamie. à cause de lui, il n’y a ni printemps ni automne, mais
seulement l’été et l’hiver, un hiver de dix mois, pour reprendre une expression de Marco Biancarelli. A cause de
lui, nous sortons brutalement d’un désert pour nous retrouver dans un cloaque frénétique de chaleur, de chairs
et de bruits avant d’être renvoyés, du jour au lendemain, au fin fond du désert. à cause de lui, les relations
humaines se réduisent à l’ignominie du commerce et le talent le plus pur ne vaut plus qu’en tant que souvenir
de vacances.
Les clichés eux-mêmes ne sont rien d’autre que des produits touristiques. Ce n’est la faute de personne, bien
sûr, et mes tendances fascisantes ne vont pas jusqu’à me faire prôner la suppression des vacances ou
l’extermination des touristes et des commerçants. Non, ce n’est de la faute de personne et nous vivons dans un
monde où les nécessités économiques s’imposent avec la souveraineté des catastrophes naturelles. Il faut bien
les accepter même s’il est assez long de les digérer.
Pour ma part, cela m’a pris sept ans, sept ans pendant lesquels je n’ai pas écrit une ligne. Je ne me souviens
plus de ce que j’ai fait – je ne veux pas m’en souvenir. Mais je sais que c’est le temps qu’il m’a fallu pour
comprendre que les réalités, fussent-elles infâmes, constituaient un bien meilleur matériau littéraire que les
clichés.
Peut-être ai-je été injuste : la Corse est en effet un bronze-culs mais c’est aussi, à mes yeux, un réservoir
inépuisable de fictions. La violence de l’été, la violence de l’hiver, la brume et la canicule, les échecs, la
désillusion, les facéties d’une histoire qui nous a fait rater l’intégralité du XXe siècle, le mélange d’orgueil et de
haine de soi, la ligne de fuite de l’exil, la force étrange qui régit les départs et les retours fébriles, les caveaux
magnifiques et les maisons en ruine, les guerres menées pour un empire injuste et déchu, il y a dans tout cela
une puissance esthétique que je ne me lasse pas d’exploiter.
IV - J’ai souvent regretté de n’être pas Ouzbek
La Corse est présente dans tous mes romans et, en vérité, si c’était là l’effet d’un calcul, il serait pour le moins
malheureux. Car si les clichés ont le pouvoir d’occulter la réalité, ils s’intercalent encore bien plus facilement
entre un texte et son hypothétique lecteur que la simple mention du mot «Corse», comme c’est peut-être le cas
en ce moment même, suffit à renvoyer à un univers de représentations figées et folkloriques. Le texte a donc de
sérieuses chances de n’être tout bonnement pas lu. Et s’il l’est, on pourra lui reprocher d’être partial ou
mensonger du seul fait qu’il ne reprend pas les clichés auxquels s’attend le lecteur. Il est donc beaucoup plus
habile de situer son intrigue en Ouzbékistan – et, je le confesse, j’ai souvent regretté de ne pas être Ouzbek.
Hélas, construire un roman en fonction des attentes du public demande des compétences dont je suis
absolument dépourvu et j’ai dû me contenter d’écrire cela seul qu’il était en mon pouvoir d’écrire, en essayant de
ne pas trop me soucier des lectures qui en seraient faites.
C’est vrai, mais ce n’est pas tout – et c’est seulement au cours d’une conversation avec Jean-Baptiste Predali,
auteur de deux très beaux romans chez Actes Sud, que j’ai compris la raison profonde de mon étrange
obstination. Je demandais à Jean-Baptiste ce qu’il cherchait à faire, lui, en prenant la Corse comme cadre de
ses fictions. Il m’a répondu après avoir réfléchi qu’il essayait sans doute de «faire accéder la Corse à la dignité
littéraire» et, en l’entendant, j’ai eu immédiatement la certitude qu’il venait de m’offrir les mots qui me
manquaient pour décrire ma propre entreprise, celle de Marco Biancarelli et de quelques autres.
Il ne s’agit pas de lutte, de militantisme ou de revendication chauvine. Ça n’a rien à voir avec un quelconque
chauvinisme. Cela signifie au contraire que la dignité littéraire ne connaît ni pays ni territoire et que toute
réalité humaine, pour peu qu’elle soit portée par l’écriture, est digne d’y accéder.
Jérôme Ferrari a publié en 2010 Où j’ai laissé mon âme, chez Actes Sud.
A lire aussi : Marco Biancarelli, Vae Victis, Materia Scritta, 2010, et Jean-Baptiste Predali, Autrefois Diana,
Actes Sud, 2007.
L'écrivain, lauréat du prix Goncourt en 2012 pour Le Sermon sur la chute de Rome, a publié Les mondes possibles de Jérôme Ferrari en début d’année, une série d’entretiens sur l’écriture (éd. Actes Sud). Il enseigne la philosophie en Corse, où il vit depuis plus de trente ans.
GEO : Vous avez grandi en banlieue parisienne et vous avez décidé de vous installer en Corse à l’âge de 20 ans. Pourquoi ce choix ?
Jérôme Ferrari :Ma famille maternelle est originaire de Corse et je passais mes vacances scolaires dans notre village de Fozzano, à côté de Propriano. Mon père travaillait à Air France et j’aurais pu partir pour très peu cher partout dans le monde. Mais non, je retournais en Corse ! J’y trouvais le plaisir de vivre dans un village où les relations humaines étaient différentes de celles que j’avais nouées au collège ou au lycée. Je ne me souviens pas, par exemple, d’avoir rencontré mes amis de Fozzano, c’est comme si je les avais toujours connus. Ma fille de 12 ans vit la même chose aujourd’hui et cela me rend heureux. Depuis l’âge de 10 ans, je rêvais de revenir vivre en Corse. Je dis d’ailleurs « revenir » alors que je n’y avais jamais réellement vécu. J’ai pu le faire en 1988. J’étais inscrit en maîtrise de philo… et j’avais choisi une option sociologie qui nécessitait de faire une enquête de terrain dans le seul but de m’installer là-bas.
C’est à ce moment-là, que vous avez vraiment découvert l’île…
Oui. A l’âge de 20 ans, je connaissais mon village, sa région et Propriano. Le point le plus au nord où j’étais allé jusque-là, c’était Ajaccio ! En 1988, je suis « monté » pour la première fois en Haute-Corse et j’ai été stupéfait. J’avais la sensation de découvrir un nouveau lieu et de ressentir une forme de dépaysement. Il m’arrive encore aujourd’hui, alors que je roule en voiture, de m’arrêter devant des paysages que j’ai vus cent fois mais qui continuent à me couper le souffle. Et, à 51 ans, je découvre encore certains lieux. Il y a, en Corse, quelque chose d’inépuisable, comme dans une relation amoureuse.
Quels paysages vous touchent le plus ?
L’un des plus beaux est l’arrivée sur Piana. Ce village situé à cent mètres au-dessus de la mer vous apparaît au dernier moment, au détour d’un virage. Au loin, on aperçoit deux avancées de granite rouge qui sont les entrées du golfe de Porto. Plus récemment, en passant par Venaco, dans le centre de l’île, j’ai découvert d’incroyables paysages de vallées de montagnes et de forêts de pins. Mais la Corse n’est pas qu’une carte postale. La vie peut aussi y être dure.
A quoi faites-vous référence ?
J’ai vécu huit ans à Porto-Vecchio, une ville minuscule… et une énorme station balnéaire. Ce qui m’a le plus pesé, mais qui a aussi été un moteur d’écriture, c’est l’organisation schizophrénique de l’année. Cet énorme hiver de dix mois, glacial et désertique, suivi d’un tourisme de masse durant l’été. On expérimente deux formes de solitude différentes. Dans le premier cas, parce qu’on est effectivement tout seul. Dans le second, parce que les gens sont trop nombreux, et qu’on ne peut pas leur parler.
Vous pensez qu’il y a une âme corse, un caractère particulier à cette île ?
Il est difficile de répondre à cette question sans tomber dans les généralités et laisser croire à une uniformité qui n’existe évidemment pas. Mais il est vrai que les différences individuelles se jouent dans un cadre commun : le village, unité de référence. En Corse, la première chose que l’on demande à quelqu’un c’est d’où il vient. C’est-à-dire de quel village. Comme tous les gens originaires d’un village se déterminent par rapport à ce lieu et y reviennent, cela crée un brassage social très rare. Parmi mes amis de Fozzano, j’ai par exemple un ami archéologue, un agriculteur, un avocat et même un autre qui a fait de la prison… Ces gens se connaissent tous et se parlent. Cette particularité est extrêmement rare et elle m’est très précieuse.
➤ Entretien paru dans le magazine GEO de juillet 2020 (n°497, l'Irlande).
Mais qu'est ce que les Corses font encore en Corse?
Avec tout l'argent qu'on leur donne depuis des siècles!
Et toutes ces aides fiscales, sur les cigarettes, sur l'alcool, sur les produits de base et même sur les carburants. Elles étaient bien vues ces aides. Ça permettait de les voir disparaître plus vite parce que c'est bien connu le "tabac tue", "l'alcool tue" et la "route tue".
Après tout, se débarrasser de ces gêneurs en sacrifiant quelques euros fiscaux permet de récupérer plus vite ces dizaines de milliers d'hectares sauvages en bord de mer.
Oui, au fond ce sont les Corses qui dérangent en Corse...
On ne va quand même pas laisser vierges ces splendeurs de la nature aux autochtones alors que nos chers people, nos chers ministres, nos amis milliardaires russes, coréens, chinois ont tellement besoin de s'isoler sur les bords de la Méditerranée en été.
D'ailleurs pour quelles raisons des dizaines de jeunes désargentés ont-ils sacrifié leur avenir, leur liberté et parfois leur vie au fil des décennies? Pour défendre quoi? Pour protéger quoi?
Des kilomètres de plages sans constructions. Des sites d'une beauté tellement préservée qu'elle arrive parfois à nous faire effleurer la fragile majesté de l'univers. Peut-être aussi pour protéger cette langue qui plonge dans les racines profondes de notre civilisation et qui par ses chants arrive à toucher l'intimité de toutes nos âmes.
Ont-ils sacrifié leur vie pour préserver l'histoire d'un peuple qui s'est octroyé la première constitution démocratique européenne en 1755 et un 14 juillet en plus? Date bien prémonitoire pour une petite nation qui s'est battue contre l'impérialisme royal de la France et a fini par se faire écraser par lui. Malgré cet anéantissement, ce qui restait des "résistants" corses a tout de suite adhéré à la Révolution de 1789 quand le pouvoir est devenu républicain et que le droit divin a été remplacé par le droit Constitutionnel.
Après tout, les Corses ont su résister à tous les envahisseurs venus les armes à la main depuis l'antiquité et ils ont toujours su les assimiler au bout du compte, mais celui du XXI ème siècle est bien plus redoutable parce qu'il n'est ni français, ni réellement humain. Cet envahisseur circule à la vitesse de la lumière, il se dématérialise de plus en plus et en tire sa force.
L'argent roi envahit la Corse et finira par la détruire
La Lorraine paye le prix fort, la Bretagne se révolte contre ses effets, les savoyards ne peuvent même plus vivre en Savoie. Que feront les Corses? Les soi disant énormes avantages fiscaux et les aides considérables octroyés à la Corse à travers les PEI et les niches fiscales sont autant de trappes dans lesquelles le peuple corse se fait piéger. Nombre de nos compatriotes perçoivent ces aides comme des privilèges. Qu'en est-il? Une catastrophe économique.
L'Insee nous révèle une situation en plein "boum":
"Le premier semestre 2014 a connu l'une des pires progressions du chômage enregistrée depuis que les données existent. Les offres d'emploi sont à un plus bas historique. Le flux de dépôts bancaires est tombé au plus bas depuis 2008. Le flux de crédit ralentit de plus en plus nettement. Les défaillances d'entreprises progressent. Le RSA progresse.(Insee Corse Économie le 09/07/2014)".
Le secteur touristique qui génère 32% du PIB de l'île a subi des dommages considérables avec la grève des marins de la SNCM. Le gouvernement s'est comporté de manière indigne en préservant uniquement les avantages de la ville de Marseille et des marins CGT tout en obérant les intérêts économiques de la population corse.
Le Premier Ministre a révélé la profonde condescendance qu'il a pour les insulaires en faisant des promesses "bidons" pour les socio professionnels dont aucune n'est respectée par les services de l'État.
Et cerise sur le gâteau, l'abrogation des arrêtés Miot
Ces arrêtés napoléoniens qui exemptaient la Corse des droits de succession sont abrogés par le Conseil Constitutionnel le 29 décembre 2012. Sous prétexte d'égalité les Corses vont se faire spolier de leurs biens ancestraux. Le résultat se fera vite sentir: ceux qui ne pourront pas payer ces droits devront céder leurs biens pour les régler. A qui?
A ceux qui pourront se les payer tout simplement et ce ne sera pas l'immense majorité des résidents corses. Ceux qui possèdent des terrains ou des habitations venus de leurs héritages dans les zones spéculatives de Corse seront obligés de vendre. Même les villages de l'intérieur prennent de la valeur. Les terrains agricoles de Balagne se valorisent à vingt fois leur valeur SAFER (Société d'aménagement foncier et d'établissement rural). Les acheteurs attendent qu'une partie devienne constructible pour les revendre à 200 euros du m². Un hectare de maquis et d'oliviers brûlés rapporte 2.000.000 euros!!! Et oui un bon incendie ça peut être utile parfois.
Souvent la reconstitution des titres de propriétés sur plusieurs générations s'avère plus coûteuse que la valeur des biens eux mêmes. Le statut de résident, l'un des rares remparts possible, voté par l'Assemblée de Corse (Assemblée de Corse 25/04/2014), n'a aucune chance de voir le jour sous des prétextes juridiques de constitutionnalité alors que l'on sait bien que nos ministres aussi ont bien envie de se payer des résidences de vacances en Corse.
Face à ce dépeçage programmé, les 230.000 électeurs de l'île ne pèsent que 0,5% de l'électorat français. Politiquement, la Corse est devenue un accessoire bien utile pour dévier l'intérêt de l'opinion.
Taper sur les Corses est facile et bon marché quand 30% de la population française est toujours largement favorable pour octroyer son indépendance à l'île (sondage Atlantico 20/10/12).
Bien sûr la cage serait bien plus belle sans les oiseaux comme le disait Mussolini. Alors autant la garder et faire payer les graines à prix d'or en espérant que les canaris chanteurs ne se transforment pas en dangereux faucons ou en grands ducs plastiqueurs.
Contrairement à ce que l'on peut s'imaginer c'est bien la Corse qui génère les Corses et non l'inverse. Les corses ne sont ni une ethnie ni une race mais bien un peuple qui sait et a toujours su accueillir, assimiler les nouveaux arrivants. Les Grecs, les Étrusques, les Phocéens, les Romains, les Vandales, les Lombards, les Pisans, les Juifs d'Italie, les Génois, les Maures, les Français et tous se sont fondus dans l'identité et la culture corse quand ils ont choisi cette terre pour y vivre.
Ce sont leurs descendants qui vont réagir contre la soumission au "tout pognon", dont la seule volonté est de transformer l'île de Beauté en bronzoir spéculatif pour millionnaires bedonnants.
La seule fortune de Bill Gates (77 milliards de dollars) équivaut à presque 8 fois le PIB de la Corse (8 milliards d'euros, 10,5 milliards de dollars).
Les lois "républicaines" ne sont même plus capables d'assurer une protection durable et réelle contre ces forces colossales et si en plus elles s'assurent la complicité de nos "élites" via l'impossibilité de faire évoluer le cadre juridique constitutionnel.
Que reste-t-il comme solution?
Comment l'État français compte-t-il assurer la continuité républicaine alors qu'il n'est même pas capable d'assurer durablement la continuité territoriale depuis quarante ans.
Une partie des clandestins a abandonné la lutte armée, conséquence politique des succès électoraux des mouvements nationalistes corses (Territoriales de 2010, municipales 2014). Malgré tout, les moyens judiciaires et policiers restent considérables en Corse en rapport avec la population insulaire pour pacifier et lutter contre ces dangereux terroristes. Mais il est vrai que nos chers gouvernants et nos chers "people" préfèrent passer des vacances "tranquilles" en Corse plutôt qu'à Roubaix.
Faisons leur confiance pour dénoncer les attaques contre l'intégrité de la République et du peuple français à la moindre dérive identitaire. Les relais télévisés d'information continue seront là pour les "éditions spéciales". Le moindre chat écrasé en Corse devient tout de suite un événement médiatique national, la République est en danger, alors que les millions de dollars injectés par les mafias du monde entier dans le secteur de l'immobilier insulaire ne suscitent que peu de soupçons.
Croit-on vraiment que la jeunesse corse ne réagira pas quand elle sera obligée d'aller faire ses études à Varsovie ou à Bucarest par manque de moyens pour se loger?
La Corse est un laboratoire de l'avenir et ce qu'il pourrait s'y passer sera un modèle des réactions futures de la "plèbe" française. Si la perfusion sociale qui permet de maintenir une apparence de vie dans les territoires de l'intérieur diminue ou s'arrête, les relais politiques locaux qui s'assurent ainsi des ré-élections "ad vitam aeternam" ne pourront plus contenir la colère. D'autant plus qu'il est bien connu que certains décideurs profitent abusivement de cette manne. Il est tout de même impensable de ne pas envisager des réactions désespérées de la part d'une partie de la jeunesse.
"Les corses n'ont pas inventé la poudre; mais, ils savent s'en servir!"
Les responsables politiques ont le devoir de prendre en compte ces dérives potentielles avant que la théorie du chaos ne devienne une réalité morbide. Malheureusement les autruches gouvernementales ne savent faire que la politique de leur espèce en attendant les prochaines échéances électorales.
Bientôt les Corses n'auront plus les moyens de vivre sur leur terre ancestrale et comme l'a si bien dit Christophe Barbier avec ce ton aux relents de condescendance coloniale, "Si les corses n'ont plus les moyens de vivre en Corse qu'ils s'en aillent ailleurs..." (Europe Matin 10/08/2013)
Casse toi pauvre Corse!
Publié par huffingtonpost.fr
Propos recueillis par Axel Gyldèn. Source : L'Express, 21/08/2008.
Ex-membre des Jeunesses communistes révolutionnaires, l'écrivain Gabriel Xavier Culioli, qui a, entre autres curiosités, été associé à la traduction de la Bible en langue corse, est assurément une personnalité iconoclaste. Ce qu'il revendique. Auteur du classique La Terre des seigneurs (1986), de dictionnaires de langue corse et de chroniques régulières dans la presse locale et nationale, il sonde l'âme de son peuple depuis vingt ans.
Chaque année, aux 250 000 habitants de l'île de Beauté s'ajoutent, le temps des vacances, 2 millions de visiteurs. Sont-ils vraiment « bienvenus chez les Corses » ?
Absolument. D'abord parce que, ici, chacun sait que, sans le tourisme, la Corse serait dans une situation économique encore plus fragile qu'elle ne l'est. Ensuite parce que, comme tous les insulaires du monde, les Corses ont envie de savoir ce qui se passe ailleurs. C'est une constante de l'histoire de l'île attestée par les archives des XVIIIe et XIXe siècles : les Corses sont curieux des autres. Cela étant dit, le rythme, en accordéon, de la saison touristique constitue en soi un problème. Pendant l'automne, l'hiver et au début du printemps, l'île est dépeuplée. On s'y sent seul, isolé. Il m'arrive de parcourir 40 kilomètres sans rencontrer personne. Les villages sont déserts. Certains sont même fermés. N'oublions pas que la Corse détient, avec le département de la Lozère, le record de la plus faible densité d'habitants en France. Puis vient l'été. Soudain, c'est la surabondance. Les plages sont bondées. Des embouteillages se forment et... les grands commerces en profitent pour augmenter scandaleusement leurs prix. Ce qui constitue une source d'agacement généralisé. Bref, le trop-plein de la mi-juillet contrarie. Mais, dès la première semaine de septembre, le vide déprime.
Mais quel type de relation, au juste, les Corses souhaitent-ils établir avec les touristes ?
Le mode d'emploi est très simple. Comme partout dans le monde, il faut se comporter avec naturel. Les Corses détestent les gens qui, comme dans L'Enquête corse (bande dessinée de Pétillon), exagèrent leur enthousiasme sur le mode : « Ils sont formidables, ces Corses, et leurs paysages sont fa-bu-leux. » Rien n'est plus maladroit et vain que de mettre ses sentiments entre parenthèses dans l'espoir d'être agréable aux Corses. Ces derniers préfèrent les touristes qui disent vraiment ce qu'ils ont sur le cœur. Y compris s'ils critiquent certains aspects de notre île et de ses habitants.
Ah ? Les Corses ne sont donc pas aussi susceptibles qu'on le dit...
Attention, il est permis de critiquer. Mais à condition que ces observations reposent sur des faits précis et des expériences vécues, et non pas sur des racontars ou des témoignages de seconde main. Quoi qu'il en soit, il ne faut pas confondre susceptibilité et hostilité. Il est important de comprendre que, dans son rapport à l'autre, le Méditerranéen est souvent agressif, du moins, en apparence. Cela n'est pas méchant. Il s'agit seulement de taquiner son interlocuteur afin de déclencher chez lui une réaction qui débouchera sur une vraie discussion, laquelle permettra peut-être de savoir ce que l'étranger pense réellement de la Corse. Que les visiteurs se rassurent : dans le fond, les Corses sont des vrais gentils mais qui restent profondément maladroits dans leur rapport à l'argent et au commerce. Ils ont du mal à « vendre » leur île et à « se vendre » tout court. Une fois évacuée l'approche un peu agressive qui peut parfois exister, les Corses sont des gens adorables. En réalité, les frictions entre les Corses d'ici et ceux du continent sont beaucoup plus fréquentes qu'entre les îliens et les Français de métropole.
Nombreux sont les Français de métropole qui considèrent cependant la Corse comme un endroit dangereux. Ils pensent qu'ils s'exposeraient à un risque de plastiquage s'ils achetaient une résidence secondaire sur l'île. Ils se trompent ?
Rappelons, pour commencer, qu'une écrasante majorité de Corses regrettent les attentats et que les nationalistes radicaux recueillent moins de 8 % des suffrages lors des élections. Cela signifie que 92 % des Corses désapprouvent leur idéologie et leurs méthodes. Par ailleurs, environ 5 000 permis de construire sont délivrés chaque année. Or on dénombre, durant la même période, à peu près 80 plastiquages. Selon moi, ceux-ci sont en partie dus à des conflits de voisinage, à des problèmes de mur mitoyen ou à la jalousie ordinaire. Rien de tout cela ne concerne les estivants. En fait, tout dépend de la façon dont on perçoit les choses : l'aîné de mes trois enfants s'est par exemple rendu à Paris pour la première fois de sa vie cette année ; il en est revenu traumatisé. Il m'a expliqué qu'il s'y sentait en insécurité et qu'il ne voulait plus jamais y retourner. Bastia et Ajaccio comptent parmi les villes les plus sûres de France.
Comme on sait, les clichés sur la Corse et les Corses sont légion. Ces derniers seraient ainsi violents par nature, orgueilleux, paresseux, etc. Comment en est-on arrivé à une telle caricature ?
On attribue trop souvent à Prosper Mérimée (1803-1870) la paternité de ces préjugés. Il est vrai que, dans Colomba, un roman beaucoup plus subtil qu'on ne le croit, il insiste sur l'étrangeté de la Corse et les moeurs exotiques de ses habitants. Pour ma part, j'explique dans Le Complexe corse que ces clichés remontent au Ier siècle de notre ère et qu'ils concernaient également la Crète, mais aussi toutes les îles sauvages un tant soit peu éloignées de la civilisation. Pour le géographe grec Strabon, la Corse était un pays invivable du fait que la population, confinée dans les montagnes, pratiquait, selon lui, le brigandage et que, de surcroît, ses habitants étaient plus sauvages que des bêtes fauves. J'ai étudié à fond ces préjugés, dont l'aspect le plus intéressant est qu'ils possèdent toujours une double face, l'une positive, l'autre négative. Face A : le berger est un être pur qui vit d'eau fraîche et de fruits. Face B : ce même berger corse est un affreux brigand qui, du haut de ses montagnes, guette les bateaux naufragés dans l'espoir de dérober leur cargaison. Même chose pour le code d'honneur. Côté pile, c'est une vertu positive qui équivaut à la préservation d'une certaine identité ; côté face, sa conséquence première, la vendetta, aboutit à des tueries pour des motifs futiles. Cette ambivalence s'applique à la Corse tout entière, présentée alternativement comme un paradis ensoleillé naguère bercé par les roucoulades de Tino Rossi et comme un territoire balayé par des luttes tragiques menées par des maîtres éphémères. Les Corses eux-mêmes sont présentés de manière contradictoire dans leur relation à l'Etat. Ils sont à la fois hyperprésents au cœur de la fonction publique et cependant... réfractaires à l'assimilation dans la République. Cherchez l'erreur ! Le problème, c'est que l'on insiste toujours sur les détails les plus négatifs afin de valider les clichés qu'on souhaite entretenir. Voilà pourquoi l'on ignore trop souvent que 9 Corses sur 10 désapprouvent la violence et forment une population de braves gens attachés à leur identité.
Cependant, quelle est la part de vérité dans de tels clichés ?
Je l'ignore. Le problème est que les clichés se nourrissent d'eux-mêmes et finissent par adhérer à la peau des victimes de ces clichés. C'est une spirale sans fin. Ces préjugés sont jetés à la face des autochtones, lesquels traversent une crise d'identité forte, en raison des transformations sociales inhérentes à l'évolution du monde moderne. Et, faute de repères stables, ils imprègnent la Corse tout entière. A répéter que les Corses placent nécessairement l'honneur au sommet de leur échelle de valeurs, on se retrouve avec des adolescents qui deviennent les vecteurs d'une violence dite identitaire afin de se conformer au cliché.
Existe-t-il quelque chose que l'on puisse appeler « l'humour corse » ?
Oui. Le problème, c'est qu'il se manie un peu comme l'humour juif. Tout comme les juifs tolèrent les blagues antisémites à condition que celles-ci soient racontées par leurs coreligionnaires, les Corses n'apprécient guère que les non-Corses rient à leurs dépens. En revanche, lorsque nous sommes entre nous, nous ne manquons pas de moquer nos travers, qui sont très nombreux.
On dit ici que les Corses sont en avance sur la médecine moderne dans la mesure où les bienfaits de la sieste sur l'organisme font maintenant l'objet d'études scientifiques au niveau mondial...
C'est vrai que les Corses l'avaient déjà démontré ! Mais, en ce qui concerne le cliché de la paresse corse, rappelons que, pendant longtemps, les gens du Nord ne se sont pas rendu compte de ce que signifiait vivre sous un soleil écrasant. Ils voyaient les agriculteurs se reposer de 10 à 16 heures et en concluaient qu'ils ne travaillaient jamais. Pour ma part, je suis favorable au droit à la paresse. Dans la vie, le travail n'est pas une fin en soi. En France, on estime à 15 % le nombre de gens passionnés par leur boulot. Les 85 % restants s'y ennuient ferme. S'ils peuvent obtenir davantage de temps pour leurs loisirs et leurs congés, tant mieux ! Au reste, l'être humain n'est jamais totalement inactif : il réfléchit, il pense, il se détend. Ce qui n'a rien d'inutile. Au contraire. C'est là le sel de la vie.
La Corse, qui a donné à l'Europe un empereur, au Venezuela deux présidents (Raul Leoni et Jaime Lusinchi, dans les années 1960 et 1980) et à la France d'innombrables politiciens, aurait-elle un talent inné pour la chose politique ?
Non. A mon avis, cela tient plutôt à l'« effet Cocotte-Minute ». Historiquement, la Corse est une société comprimée par un couvercle où le regard de l'autre pèse constamment sur vos épaules. Autrefois, il fallait sans cesse faire attention à ce que l'on disait de peur de mettre en danger des alliances ou des liens de parenté. Bridé chez lui, le Corse ressentait, à l'extérieur de son île, une incroyable sensation de liberté. Soudain, toutes les forces utilisées, sur l'île, à résister à la jalousie et à la rumeur pouvaient se libérer et s'exprimer dans un projet positif. Napoléon, qui avait subi en Corse échec sur échec, incarne un tel schéma. Lequel, dans une certaine mesure, est encore valable aujourd'hui. Sur le continent, vous n'avez pas idée de ce que représente le qu'en-dira-t-on dans l'usu corsu (la coutume corse). C'est une chape de plomb. En Corse, on dit que la langue n'a pas d'os mais qu'elle peut rompre les os.
C'est à ce point insupportable ?
Je donne un exemple. Autrefois, quelqu'un dont un parent était assassiné devait théoriquement le venger, c'est-à-dire retrouver le tueur et le supprimer. Certains en avaient la force morale mais d'autres hésitaient. Dans ce dernier cas, on faisait alors « u rumbiccu » à l'intéressé. Cela consistait à faire pression en lui chuchotant tous les jours à l'oreille : « Eh ! dis donc, toi, tu n'es qu'une figue molle pour ne pas avoir encore vengé ton parent... » Quand vous subissez une telle violence quotidienne, vous finissez par péter les boulons. Alors, de deux choses l'une : soit vous quittez la Corse, soit, un soir d'ivresse, vous décrochez votre fusil de chasse pour aller venger votre parent. Le qu'en-dira-t-on, c'est invivable. Aujourd'hui encore, je suis convaincu que nombre de contentieux liés à des problèmes dérisoires de mur mitoyen se terminent dans le sang à cause de ce genre de « coutume ».
Que représente la montagne dans l'imaginaire corse ?
Bien que l'écrasante majorité des Corses vive sur le littoral, ils continuent à se penser comme des montagnards. C'est un peu comme la France, ce pays de citadins qui se considère toujours comme le grenier à blé de l'Europe. Autrefois, la plaine et le littoral étaient paludéens. A partir du printemps et jusqu'à la fin septembre, il fallait se réfugier en altitude afin d'échapper aux moustiques. C'est également là-haut que la population se repliait quand les Barbaresques, ces pirates musulmans, razziaient les villages pour capturer des esclaves et les emmener dans l'Empire ottoman, comme ils le firent jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Plus tard, au milieu du XXe siècle, après l'éradication du paludisme, le Corse s'est définitivement installé en plaine. Mais il est demeuré « aquaphobe ». Pour lui, l'eau est restée quelque part dans son inconscient le synonyme de malheur et de danger. Jadis, il ne savait pas nager. Ce pourquoi la plupart des pêcheurs étaient napolitains. Aujourd'hui, même si la mentalité montagnarde tend à s'estomper, elle perdure à travers ce qu'on appelle le campanilisme et l'« esprit de vallée ». D'un clocher à l'autre, d'une vallée à l'autre, les mentalités et les histoires locales changent radicalement. Dans l'extrême Sud, par exemple, les gens de Bonifacio sont différents de ceux de l'Alta-Rocca, dont les habitants, à leur tour, n'ont rien à voir avec ceux de la vallée, toute proche à vol d'oiseau, du haut Taravo. L'écrivain et journaliste Paul Silvani a, un jour, tout résumé en une formule : la Corse est un archipel. Cela reste vrai aujourd'hui. Notre avenir est dans les passerelles que nous saurons bâtir entre nous et avec le monde extérieur ; afin que tout le monde reste le bienvenu en Corse.
En Corse, on bourre les urnes, on fait voter les morts et les femmes cachent des Vendetta dans leurs bas. Voilà, maintenant qu’on a évacué les clichés qui ne manqueront pas de déclencher rires gras et jeux de mots, si l’on en sortait?
Affligée par certains articles ou commentaires de responsables politiques sur les dernières élections en Corse, j’ai désiré partager quelques informations encore méconnues sur ce territoire profondément politique, l’un de ceux qui s’est le plus battu pour défendre sa démocratie.
1/ La Corse n’est pas démocratique
La Corse est au contraire l’un des endroits du monde les plus attachés à la démocratie, à une structure d’organisation du pouvoir. La Corse n’est pas anarchiste, elle aspire au contraire à des règles précises (code d’honneur, mais ça serait un raccourci de la réduire à cela.)
La Corse a été le premier territoire du monde à se doter d’une constitution écrite, en 1755 sous l’impulsion de Pascal Paoli, constitution qui a d’ailleurs très clairement inspiré la Constitution Américaine, dont de nombreux passages sont identiques. Cela fait de la Corse la 1ère République démocratique d’Europe, basée sur le Suffrage universel et la séparation des pouvoirs.
"La Corse se donne une constitution basée sur la souveraineté du peuple et la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif reste confié aux consultes. L'exécutif est assuré par un Conseil d'État présidé par le Général et subdivisé en trois sections: politique, économique et militaire. Le pouvoir judiciaire est donné, suivant l'importance des délits, à des tribunaux situés au niveau de la paroisse, de la pieve, de la province ou de la Nation (Rota civile et Conseil d'État)"
2/ En Corse, les hommes décident, les femmes se taisent
Les femmes Corses ont au contraire toujours joué un rôle politique primordial. La 1ère femme conseillère municipale de France n’était ni à Paris ni à Marseille, elle siégeait à Ajaccio, avant même le droit de vote ou d’éligibilité des femmes!
Il s’agit de la résistante Renée Pages, sœur de Danielle Casanova, notamment dirigeante des Comités Clandestins de Femmes. Plus généralement, concernant les droits des femmes, la Corse est la région où l’on compte le moins d’agressions sexuelles vs autres crimes.
"En Corse il y a moins de viols que d’homicides par balles" soulignait Jean-Marc Ayrault alors Premier ministre. C’est l’un des seuls endroits de France où les jeunes femmes peuvent sortir dans la rue dans n’importe quelle tenue sans se faire harceler, le respect des femmes étant érigé en valeur suprême. Et une phrase de boutade en dit long: "N’essayez pas de draguer les Ajacciennes. Même nous, on n’y arrive pas."
Au demeurant, quand il y aura autant de femmes que d’hommes dans les sommets internationaux, la Corse (berceau de Colomba et terre où les chefs de famille sont les femmes) sera prête à entendre des leçons de féminisme du monde entier.
3/ L’Etat a tout essayé avec la Corse
L’excellent livre Flic & Corse passe en revue les différents promesses de "nettoyer la Corse" des gouvernants de tous bords… finalement risibles, si ça n’était pas triste. Non, l’Etat n’a pas tout essayé "pour la question Corse" ou "le problème Corse" à commencer par la sémantique et la vision nécessairement conflictuelle de la Corse, pourtant source de richesses pour l’ensemble de la France (1er pôle touristique).
Pensant éviter les problèmes, l’Etat a même souvent évité la Corse, tout simplement, alors même que la Corse ne demande pas moins d’Etat mais plus d’application des lois, comme la loi littoral: qui défend encore son application ? Des associations Corses. Ne serait-ce pas le rôle de l’Etat? De protéger la Corse des spéculateurs immobiliers y compris internationaux, en appliquant la loi et en faisant démolir les constructions illégales qui privatisent le littoral et le défigurent, dépossédant la Corse de ses trésors naturels. Si l’Etat ne fait pas respecter la loi nationale sensée protéger l’île et laisse le soin aux insulaires de le faire, (comme le faisait Gênes en son temps) comment peut-il ensuite être crédible et en rappeler à la République une et indivisible (souhaitable)?
Sur ce point, l’un des seuls hommes à la hauteur des enjeux fut Michel Rocard qui dressât en préalable à toute discussion une liste des "coups" portés par la France à la Corse depuis son achat à Gênes – suivi d’une guerre de conquête dans laquelle, rappelle-t-il, la France perdit encore plus d’hommes que pendant la Guerre d’Algérie.
4/ La Corse est structurellement raciste
La Corse est pourtant la seule région de France à n’avoir dénoncé et déporté aucun Juif pendant la Deuxième guerre mondiale et décrétée "Juste parmi les justes" pour la quantité de Juifs cachés et sauvés, en proportion à ses habitants.
La Corse est à ma connaissance le seul endroit du monde à avoir choisi comme drapeau "la bandera", la tête de Maure: le visage de quelqu’un d’une autre couleur de peau.
Enfin, en 1938, c’est en Corse que sont constitués les premiers comités antifascites structurés de France, contre Mussolini, repris ensuite à Paris.
5/ 2 ou 3 familles décident de tout en Corse
D’après Ptolémée, la Corse a été constituée par 12 nations réparties sur les territoires de l’île. Effectivement, il peut exister un mode de fonctionnement clanique, répondant à un certain nombre de codes, comme dans n’importe quel endroit du monde, sans plus.
6/ La Corse est violente
C’est la Corse qui a demandé à Gênes le désarmement, en 1715. Par paresse et par manque de courage, Gênes ne voulant pas s’occuper de la justice en Corse, avait décidé de fournir des armes en masse afin de laisser les Corses régler leurs comptes entre eux. C’est la population elle-même qui a exigé que l’on y mette fin.
Par ailleurs, alors que des nationalistes ont en effet utilisé la force pour se faire entendre, ils ont récemment pris le pouvoir à l’Assemblée territoriale par les urnes, pacifiquement, plusieurs années après avoir annoncé renoncer aux armes. Au demeurant, on peut s’interroger sur la liberté des Bonnets rouges ou d’autres groupes radicaux d’user de violence alors que cette même "expression musclée" serait prohibée sur l’île… et rappeler au passage que la paillote Chez Francis a été plastiquée par un Préfet.
7/ L’économie Corse ne vaut rien
Derrière tous ces préjugés et ces méconnaissances, une petite musique se fait entendre, disant que les Corses seraient un peuple d’incapables obsédé par son autonomie et les armes à feu. Pourtant la Corse a tout de même fourni nombre de dirigeants, un empereur, Buonarotti; le Coca-Cola a été inventé par les Corses (le pharmacien Angelo Mariani exactement), le téléphone aussi, mais ça, personne ne confirme réellement à part mon arrière-grand-mère. Plus concrètement, l’économie Corse est factuellement plus plombée qu’aidée par l’Etat français (1,053 milliards d’euros de recettes fiscales en 2006).
Par exemple, les clémentines Corses produites en Corse partent en bateau aux sièges des hypermarchés, sont taxées, puis ne reviennent qu’ensuite en Corse, avec un prix alourdi et au mépris de toute logique écologique. Cela, avec la spéculation immobilière sauvage, a contribué à faire d’Ajaccio la ville la plus chère de France. Si l’Etat français reste l’employeur principal de la Corse, le niveau des services publics n’est pas celui que l’on attend partout ailleurs sur le territoire.
Le débat n’est pas simplement théorique, entre Jacobins et régionalistes, il est plus subtil que cela et même Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni ont fait des discours mesurés et rassembleurs, quoi que l’on en pense politiquement.
Alors que l’on peine encore à débattre de l’identité nationale, il faudrait définir l’identité Corse… si c’est nécessaire, relisons Pascal Paoli: "Tous les dignes Corses sont animés du plus beau feu, du plus intrépide courage, du zèle le plus ardent pour la liberté. Je compte autant de héros que de Corses. Voici l'occasion de vous montrer dignes de vous. (…) Généreuse jeunesse, chacun de nous est convaincu qu'il ne peut survivre à la perte de là liberté, à la ruine de la patrie. Jurons-tous de défendre l'une et l'autre jusqu'à la dernière goutte de notre sang. II n'est pas aisé de vaincre un peuple libre, et rien n'est impossible aux âmes nobles et magnanimes."
Et souvenons-nous de la devise de la Corse : A spessa conquista, mai sottummessa. Traduction ? Souvent conquise, jamais soumise.
Arrêtez de vouloir soumettre la Corse, commencez enfin à la conquérir au sens philosophique du terme, par vos propositions politiques pour elle, pour les Corses, pour la République française.
12 mai 2014
Par Massimu Blog : Nutizie di Corsica
On ne peut comprendre les problèmes qui secouent la Corse si l'on ne prend pas le problème à la racine. Cette terre est l'une des rares colonies françaises à ne jamais avoir été considérée comme telle. Alors que le processus de décolonisation s'est déroulé naturellement partout dans le monde, il n'a pas touché cette île de Méditerranée conquise par la force à la fin du dix-huitième siècle. Elle n'est rien d'autre qu'un bout de France comme un autre, que l'on considère comme métropolitain quand cela arrange. Pourtant, au même titre que la Nouvelle-Calédonie ou la Guyane aujourd'hui, ou bien l'Algérie en d'autres temps, la Corse est bel et bien une colonie. Peut-être aurait-il fallu que la couleur de peau des Corses soit différente pour que l'imaginaire français intègre ce fait ?
Qu'est ce qu'une colonie ? Nous prendrons, pour rester neutres, la définition de Wikipédia (dont l'on ne peut mettre en doute la fiabilité sur un sujet aussi général) :
Une colonie est un établissement humain entretenu par une puissance étatique appelée métropole dans une région plus ou moins lointaine à laquelle elle est initialement étrangère et où elle s'implante durablement. Résultat d'un processus politique, économique, culturel et social appelé colonisation, et qui consiste en l'exploitation des ressources de la zone en même temps que sa mise en valeur, la colonie est généralement intégrée dans un Empire colonial marqué par le colonialisme, une idéologie dont le précepte est la conquête de nouvelles régions et la sauvegarde de celles sur lesquelles s'exerce déjà une mainmise. Lorsque cette dernière s'accompagne d'une migration importante depuis la métropole, on parle de colonie de peuplement.
Bien. Prenons point par point cette définition et comparons-la au cas de la Corse:
La Corse a été conquise ("établissement humain") à la fin du XVIIIe siècle par le Royaume de France ("la puissance étatique") après une guerre sanglante. Cette terre, séparée de la France par des centaines de kilomètres d'eau salée que d'aucuns appellent "la mer" ("région plus ou moins lointaine") , a été Romaine, Aragonaise, Pisane, Gênoise ou indépendante, mais jamais française ("à laquelle elle est initialement étrangère"). Cela fait aujourd'hui plus de deux siècles que la Corse est française ("où elle s'implante durablement").
Les ressources de la Corse ont bien évidemment été exploitées par la France. Le visage de l'île a été changé après la conquête: elle est passée d'une terre productive, tournée vers l'agriculture et la petite industrie à un territoire stérile, fortement militarisé puis au bout de quelques décennies tourné exclusivement vers le tourisme. L'ensemble des forêts domaniales a été cédé gracieusement à l'Etat (en échange de quoi les Corses ont obtenu les fameux "arrêtés Miot" que l'on nous présente aujourd'hui comme un cadeau). De toutes ces décisions d'aménagement global, les habitants de l'île ont toujours été exclus.
Y-a-t-il besoin de préciser que la France a été, du XVIe au XXe siècle, l'un des plus grands empires coloniaux du monde ?
A notre époque, plus de 5000 migrants métropolitains viennent chaque année s'installer en Corse (île de 300 000 habitants). Dans le même temps, les conditions de sous-développement créées par l'Etat en Corse obligent de nombreux Corses à s'installer en métropole. On peut même accompagner le terme "colonie de peuplement" de "génocide par substitution", expression employée par Aimé Césaire dans les années 1970 pour décrire la même situation en Martinique.
Alors, la Corse est-elle une colonie ? Difficile de dire le contraire. Seulement, à l'heure où l'ensemble de la société française condamne le colonialisme passé et présent, on considère toujours les Corses comme de simples métropolitains qui "exaltent leurs différences" de manière malsaine. Lorsque les Calédoniens demandent un statut de résident pour ne pas se faire spolier par les continentaux, c'est normal, et ils l'obtiennent. Lorsque les Corses le demandent, ce sont de dangereux fascistes. Lorsqu'un Algérien demande que les emplois publics ne soient plus réservés aux métropolitains, c'est normal. Lorsqu'un Corse demande la même chose, c'est le retour des "heures les plus sombres de l'histoire". Est-ce qu'en 2014, on serine au quotidien les habitants des colonies ou ex-colonies sur les bienfaits de la République ? Pourtant on répète encore -à tort- aux Corses qu'ils bénéficient grassement des aides de l'Etat1 et qu'à ce titre, ils n'auraient pas le droit de se plaindre. Le Français a vraiment la tolérance et l'indignation sélective.
Mais pourquoi ?
Peut-être parce que le Corse n'a pas l'air aussi "exotique" que les autres peuples colonisés. Peut-être qu'il est trop latin, trop blanc, trop catholique. Cela n'empêche pas qu'il soit différent, que le peuple Corse existe et qu'il mérite son autodétermination comme tous les peuples du monde. Peut-être qu'au fond, pour le Français moyen, il faut absolument être bronzé pour ne pas partager la culture, l'histoire et l'identité parisiano-gauloise. Et si le seul tort des Corses était d'être blancs ?
J'ai longtemps hésité avant de publier in extenso cet article du Point qui, appliqué à tout autre groupe humain, serait à juste titre considéré comme raciste. Mais dans son genre, il est exemplaire...
Fuyant comme ils peuvent les tirs français, les miliciens corses sont massacrés par leurs propres alliés, des mercenaires prussiens.
On connaît le Corse poseur de bombes, le Corse incendiaire, le Corse gabelou, le Corse fatigué, le Corse chanteur a cappella, le Corse truand, le Corse "si tu touches à ma soeur, t’es mort !". Mais peu le Corse "sauve-qui-peut". Pour cela, il faut remonter au 8 mai 1769, le jour de la bataille de Ponte Novu qui vit le massacre de centaines de Corses par l’armée de Louis XV. Ces nationalistes de la première heure ne combattent pas encore la tête dans une cagoule, mais l’arme au poing à visage découvert. Remarquez, cela ne leur réussit pas tant que ça : ce jour-là, non seulement le fier Corse prend ses jambes à son cou devant la mitraille ennemie, mais il se fait massacrer par ses alliés prussiens ayant reçu l’ordre de Paoli d’empêcher quiconque d’emprunter le pont de Ponte Novu. Cette terrible défaite livre la Corse à la France.
Voici les faits : l’immense héros corse Pasquale Paoli donne l’ordre à sa troupe d’attaquer l’armée royale sur la rive gauche du Golo. En deuxième rideau, il dispose un millier de mercenaires prussiens avec à leur tête le maréchal de camp Antoine Gentili, sur le Ponte Novu commandant l’accès à sa capitale de Corte. La troupe prussienne a reçu pour consigne d’empêcher les patriotes de refluer par le pont en cas de retraite. Effectivement, les régiments corses ne font pas le poids devant l’artillerie française qui a su intelligemment occuper plusieurs éminences. Hachés par la mitraille, les miliciens de l’île de Beauté se disent qu’il est temps d’aller taper une belote sur l’autre rive. Ils se précipitent donc sur le pont. Mais pour un Prussien, la consigne, c’est la consigne. Ils refusent le passage, baïonnette au fusil. La cantinière Laetitia Casta a beau onduler devant eux, ils restent de marbre. Jenifer leur chante avec des sanglots dans la voix : "Ma révolution". Ils s’en battent les c...
Tragédie
Des centaines de Corses se pressent sur le pont, la bousculade étouffe nombre d’entre eux. Soudain un coup de feu claque depuis les rangs prussiens, puis c’est un tir nourri. Les patriotes tombent par dizaines, par centaines. De leur côté, les Français ne chôment pas non plus. Le préfet Érignac est déchaîné... C’est un horrible massacre. Le sang coule à flots dans le Golo en crue. Bientôt, le pont, long d’une centaine de mètres, n’est plus qu’un immense charnier. Par dizaines, les Corses tentent de franchir le fleuve à la nage, mais la plupart se noient dans les flots tumultueux. I Muvrini sanglote : A voce rivolta.
Pasquale Paoli, qui observe de loin la tragédie, est incapable d’apporter le moindre secours à ses hommes. La nuit tombe sur la déroute, sonnant la fin des espoirs corses. À l’aube, le sous-lieutenant Luccarotti d’Ortiporio se réveille parmi les morts, grièvement blessé. Voilà ce qu’il écrira plus tard : "Aux premières heures du matin, je me réveillai, l’âme et le cœur oppressés, et me trouvai avec le bras gauche pendant, ensanglanté et criblé de blessures au milieu d’un amoncellement de cadavres et de tant d’autres moribonds qui demandaient du secours. Je me traînai jusqu’au sommet d’un rocher et, regardant dans la direction du pont, je vis un spectacle horrible : par centaines, les morts étaient entassés dans l’étroit passage... Et, regardant plus loin, j’en aperçus un grand nombre encore étendus et privés de vie, entre les margelles du fossé et baignant, pour ainsi dire, dans le sang. Je fermai les yeux et me sentis défaillir... Partout régnait le silence de la tombe..."
Pasquale Paoli comprend alors que son rêve d’indépendance est fini. Les Français, à qui Gênes a cédé ses droits sur l’île un an avant, le 15 mai 1768, peuvent maintenant marcher sur Corte. Le Babbu di a Patria s’exile en Grande-Bretagne avec cinq à six cents de ses partisans. Il ne reviendra dans sa patrie que vingt ans plus tard, en 1790, acclamé par les Jacobins dont Robespierre. Louis XVI le fait lieutenant-général et commandant de l’île. C’est le héros du jour. Pietragalla s’offre à lui... Oubliés les morts de Ponte Novu.
Le Point du 8 mai 2013 - Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos
Monsieur le directeur,
Vous avez publié dans votre journal le 8 mai dernier un article intitulé « 8 mai 1769. La Défaite de Paoli à Ponte Novu livre la Corse à la France. Le début des emmerdes… » signé FRÉDÉRIC LEWINO et GWENDOLINE DOS SANTOS. Permettez-moi de vous demander, en ma qualité d’historien et au nom d’un peuple insulté, de publier cette lettre en guise de droit de réponse.
Depuis la chute du Second Empire, les attaques corsophobes sont légion et nous sommes habitués à être insultés, mis en accusation collectivement et bafoués. Clémenceau, déjà, voulait « rendre la Corse à l’Italie pour le franc symbolique ». Un journal de votre standing aurait pu se passer de participer à cette corsophobie ambiante.
Ecrit dans un français très moyen et très grossier, cet article, peu en rapport avec le niveau habituel de votre journal, initie un style nouveau, celui du révisionnisme. Vos pseudo-journalistes ont refait la bataille de Ponte Novu en faisant passer les patriotes corses pour des lâches. Il y avait pourtant d’autres choses à dire sur cette bataille qui a marqué la fin de la première démocratie de type moderne en Europe et l’arrivée en Corse de la France de l’Ancien Régime…
Nous aurions pu, nous aussi, chercher dans l’Histoire de France quelques défaites – il ne doit pas exister beaucoup de peuples qui n’en ont jamais connu – pour décrire la manière dont des troupes françaises ont battu en retraite avec, certainement, des détails passionnants. Mais, contentons nous de rester sur le même terrain et à la même époque et, laissons la parole au général de Narbonne qui commandait les renforts français venus attaquer les troupes de Paoli qui encerclaient le colonel De Ludre à Borgu en octobre 1768 : « C’est la première fois que j’ai tourné le dos à l’ennemi ». Ce fut une défaite honteuse pour l’une des plus puissantes armées du monde face à des paysans corses mobilisés pour défendre leur patrie en danger. Paoli reçut à sa table les officiers français défaits et libéra tous les prisonniers, s’assurant qu’il pourrait trouver des vivres au prix du marché, pour rentrer chez eux. Pendant ce temps là, le Roi de France entassait les soldats corses dans les souterrains de la Grosse Tour de Toulon.
Alors oui, monsieur le directeur, nous avons perdu la bataille de Ponte Novu et ce fut selon vos pseudo journalistes « le début des emmerdes » pour la France, mais l’Europe qui dans les semaines suivantes honorait Paoli sur son passage, et plus tard les révolutionnaires français en 1790 ne s’y étaient pas trompés, son œuvre est immense, il est un précurseur dans ce siècle des Lumières, lui qui a mis en place la Démocratie à une époque ou Robespierre n’osait y penser ! Voltaire qui vantait le courage des Corses à Ponte Novu doit se retourner dans sa tombe en lisant votre journal…
Monsieur le directeur, je vous invite à plus de modération et surtout à respecter les peuples, tous les peuples, surtout ceux qui perdent des batailles les armes à la main, car la Corse n’a de leçon de courage à recevoir de personne, surtout pas en cette année 2013. Je vous rappelle qu’il y a 70 ans, pendant que le gouvernement de Vichy, au garde-à-vous devant les Allemands, organisait les convois pour Dachau et Auschwitz avec la collaboration de nombreux français, la résistance corse déclarait l’insurrection et faisait de la Corse le premier département d’Europe à se libérer du joug fasciste et nazi !
Je vous remercie par avance, monsieur le directeur, de publier mon droit de réponse et je vous prie de croire en l’expression de ma considération.
Ghjuvan Filippu ANTOLINI, docteur en Science Humaines et militant culturel corse.
Et pour finir, citons Voltaire :
« L'arme principale des Corses était leur courage. Ce courage fut si grand que dans un de ces combats, vers une rivière nommée Golo, ils se firent un rempart de leurs morts pour avoir le temps de recharger derrière eux avant de faire une retraite nécessaire ; leurs blessés se mêlèrent parmi les morts pour affermir le rempart. On trouve partout de la valeur, mais on ne voit de telles actions que chez les peuples libres. »
C'est insupportable, mais ça ne va pas s'arrêter. Quand on se lève le matin de bonne humeur et qu'on a envie de se gâcher la journée il suffit d'aller sur le site d'un grand quotidien et de regarder les commentaires de n'importe quel article dans lequel il y a le mot "corse".
On suscite des réactions avec des variations hystériques : soit une répulsion intolérable, soit une admiration de gens dont il serait bien de ne pas être admirés. Et c'est leur problème ! Moi ce qui m'intéresse c'est ce qui se passe ici. Et j'aimerais bien de temps en temps, tout énervé qu'on soit en lisant les commentaires, qu'on soit un peu moins obsédés par l'image qu'on donne sur le continent. Après tout, si des gens ont un problème d'image avec la Corse, c'est leur problème à eux, pas le nôtre. Et Dieu sait ce que je pense de Christophe Barbier et de l'éditorialiste du Courrier Picard...
Il est absolument évident qu'il ne pourraient écrire ce qu'ils écrivent sur aucune autre communauté. Ils finiraient au tribunal, il y aurait des plaintes déposées contre eux. Mais moi je suis content qu'on ne dépose pas plainte contre eux. Donc ils délirent et on a ce petit privilège qu'on peut se faire taper dessus.
C'est fâcheux, mais c'est pas la peine de se détourner complètement de ce qui se passe ici pour focaliser là-dessus, c'est deux choses complètement différentes."
Publié le 28.06.2017
Justement, dire de quelqu'un qu'il/elle est une croix, est une expression très corse. Mais que seuls les Corses sont en droit d'utiliser. Ce qui pose le problème sans tortiller : le Corse est fondamentalement moqueur, vis-à-vis des autres Corses et aussi, beaucoup, de lui-même. Il manie la macagna – la blague, la plaisanterie – avec la dextérité d'un jongleur de tasses en porcelaine à Médrano. Mais gare ! Si la moquerie vient de l'extérieur, du touriste, du faux-Corse (ils sont légion), l'accueil sera glacial et vous finirez rouge de honte et par raser les murs jusqu'à la onzième génération.
Sur le terrain des vacances, parler à un Corse est aussi facile que parler à un Basque, un Breton ou un Touquetois. Tous sont Français et comprennent parfaitement ce qu'on leur dit. On aimerait donc bien savoir d'où sort cette manie récente qu'ont prise les touristes blanchâtres à s'adresser au Corse comme s'il était un demeuré, articulant exagérément chaque parole. « Vous-sau-riez-où-je-peux-trou-ver-quel-que-chose-qui-re-ssemble-à-une-poste-euh ? » Boula matari ça y en a belle locomotive comme on lisait dans Tintin au Congo. En revanche, jamais de bonjour ni de s'il vous-plaît. C'est bien connu, être poli, ça fend les lèvres et ça fait tomber les dents. Le pire est celui qui, par excès de sollicitude du colon envers l'indigène, se risquera à demander ce qu'il fait en hiver. Entendre implicitement : comment et de quoi peut-il bien vivre quand lui, le touriste-payeur, est parti. Réponse cinglante d'un bon copain, chauffeur de taxi assurant les liaisons avec l'aéroport d'Ajaccio : Dieu m'a donné la chance d'avoir deux enfants agiles qui montent au cocotier tous les matins. Prends-ça, scemu...
Parler à un Corse, quand on est un brin malin, revient à adopter l'attitude des trois singes de la sagesse. Rien vu, rien entendu, rien dit. Ne rien dire de la politique, notamment. C'est pourtant l'argument systématique brandi par le touriste qui se veut éclairé et intégré – ça fait trois ans qu'il vient et revient au même endroit, et donc, il se sent investi pour en parler. Non ! Pas voix au chapîitre. Tu la boucles coco. Les plus fourbes sont ceux qui font mine d'adhérer aux thèses des uns et des autres pour tester les réactions de l'autochtone, et raconter au retour qu'ils ont pris la température de l'île est qu'on approche de l'indépendance à grands pas. Gros bide en vue. Soit on lui tourne le dos, soit le Corse se met à parler en corse avec les autres Corses, histoire de bien faire comprendre que l'impétrant s'est empêtré. Couvert de ridicule, mieux que le goudron et les plumes. L'autre sujet qui énerve c'est l'économie touristique. Là aussi, zittu ! On la boucle. Vous n'êtes pas là pour faire un audit des structures hôtelières ni une étude DRH des serveurs et des serveuses. Quoi qu'il arrive, vous gardez vos réflexions pour vous. Et vous ouvrez bien les esgourdes : écouter est un spectacle pur bourré de drôlerie. Les Corses aiment avoir un bon public qui sait rire sans se mettre au milieu. Ne prenez pas parti, c'est tout. Premier avertissement...
Si le Corse est fort railleur, il est aussi très critique. Mais pas d'ingérence dans le process : la critique circule en circuit fermé et pas question qu'un corps étranger, même habillé d'une veste bleue chino de pêcheur identitaire, mette son grain de sel. On ne dit jamais du mal de quiconque, sauf entre-soi, à l'apéro. Le Corse est d'une famille qui connait toutes les autres familles. Les imbrications et les ramifications sont infinies et totalement absconses au regard du touriste, même si notaire. Parler ici à un Corse se bornera à lui demander des nouvelles de ses parents en rusant sec, car cet hiver, c'est tombé comme les mouches. Il ne vous en voudra pas mais bon, vous auriez dû: être au courant que son père, ou sa mère reposent en paix. Comment le savoir ? C'est votre problème. Popopo. Si votre réseau est à ce point mauvais, au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable. Conseil pour éviter ces impairs : s'abonner à Corse-Matin en ligne pour consulter la page des avis de décès, toujours très instructive, notamment à propos des chers défunts dont on découvre la véritable identité alors qu'on ne les connaissait que de leur seul surnom. On y apprend qui a cassé sa pipe et donc, en cas de connaissance, même lointaine, on formulera ses condoléances d'une manière ou d'une autre. Sur place, au moment des funérailles, se manifester physiquement. Monter au cimetière ou écrire un mot, même tardif, exprimant votre sympathie et votre humanité discrète. Ne pas bouger un cil, faire le mort, vaudra pour mépris durable : en Corse, tout se sait. Ignorer un tel fait dira quel sale type vous êtes. Second avertissement...
Stéphane M., un bon copain corse qui sait vivre, me faisait récemment remarquer que c'est fou le nombre de Parisiens qui ont une grand-mère corse ces jours-ci. L'argument est même brandi par la boîte de com' très parisienne en charge de la presse du nouveau 5 étoiles du Cap Corse, le Misincu, par ailleurs dans le collimateur de la justice et condamné à démolir ses bâtiments abusifs sur la plage, grand-mère ou pas. Morte, la mina (grand-maman), évidemment, mais il reste des cousins chez qui ces para-corses squattent chaque été de Calvi à Lumio via Piana. Et de cette parentèle, ils tirent l'intime conviction d'être Corses. Inno'! Le nadir de l'horreur est ici le Marseillais bombé qui vient en Corse depuis des années et qui se croit plus Corse que les Corses. Cet allochtone, haï des Parisiens, peut bien racheter, comme eux, chaque année l'Intégrale Corse de Pétillon, Astérix en Corse (en corse) et poser visiblement le Corsa Nostra du Canard Enchaîné sur la table basse du salon, il peut bien lire ostensiblement sur la plage le magazine Paroles de Corse – excellent numéro de juin sur l'ubérisation de la société corse –, ou encore apprendre par cœur le dictionnaire des Injures Corses compilées par Araziolu, il ne sera jamais Corse. Il peut bien fréquenter les fromageries artisanales, les céramistes vernaculaires, les fabricants de couteaux de berger, les viticulteurs en bio-dynamique, les canistrellistes, des oléiculteurs et tutoyer Babbu le pêcheur pour être le premier servi en poissons aux zaubes, il ne sera jamais Corse. Mais il lui FAUT des amis corses. C'est très important pour sa crédibilité. Sur l'île, en congés, comme sur le continent, tout le reste de l'année. C'est son socle social, sa mystique perso. Ce cercle d'amis corses doit au moins compter un musicos connu, un politique activiste, un hôtelier étoilé, un écrivain de polars et un forestier qui fait-du-cochon pour profiter du jambon annuel, mais jamais moins de 7 kilos, hein, plus petit, c'est pour les autres touristes. Traduire : les ploucs. Tout le monde a un « ami corse », mais on ne saura jamais son nom. L'ami corse non plus vu qu'il n'est pas au courant. Au-delà de l'embrouille et du malentendu (un Sarde !), dit-on ailleurs, autrement, qu'on a « ami breton », un « ami alsacien », un « ami aveyronnais » ? Faccia di...
Parler à un Corse, c'est savoir aussi manier l'art du klaxon. En voiture, le Corse corne quand il aperçoit ou qu'il croise quelqu'un qu'il connaît. C'est à dire tout le monde. C'est sa manière de dire bonjour. Tout comme il peut parfaitement s'arrêter au milieu de la route pour saluer un autre conducteur roulant dans le sens inverse, lui parler, etc... Tant pis pour ceux qui sont derrière. Le touriste en SUV de location 2A/2B qui se hasardera à klaxonner, sera remis fissa à sa place. Même chose pour le pinz' qui klaxonnera pour dire bonjour. À qui ? . De quoi tu te mêles ? Tu connais personne ici ! Avà... Moralité : ne klaxonnez pas. Autre forme de salut, verbal cette fois-ci : le « aho! » plus ou moins bref, étiré, allongé, exagéré qu'on ne peut manquer d'entendre au café, en terrasse, en voiture quand un Corse croise un ami, une connaissance, un parent ou chose. Il existe mille façons de prononcer ce « aho » voire « ho »" avec a-muet, en y mêlant la surprise, la joie, le fatalisme, l'invective, bref un tas de nuances impénétrables au continental ayant déjà du mal à dire ou à répondre à un bonjour. Autrement, oser le « aho! », c'est s'exposer à une opprobre cinglante et néanmoins muette, du genre on n'a pas gardé les chèvres ensemble. Tout sera dans le regard...
En parlant à un Corse, éviter absolument d'évoquer la conduite des Corses au volant. Ce ne sont pas les routes qui sont périlleuses. C'est vous qui ne savez pas conduire et basta ! Conduire avec le bras gauche sorti le long de la portière ne signalera pas non plus l'expert local du virage en épingle à cheveu. Le bras dehors, c'est comme l'accent qu'on s'efforce d'avoir pour se croire Corse : un pauvre ersatz qui met le ringardar en alerte rouge. À ce titre, n'imitez pas non plus les Ajaccien/nes dans leur manière de poser une question : tu l'auras reçue, la nouvelle coque de l'a-phone, tu l'auras ? Autant passer ses vacances dans les allées du Géant Casino, ce que fait un tas de monde birkenstocké en soldes.
Parler à un Corse c'est savoir décoder certaines parades – si un Corse, sur la plage, dit qu'il est dans l'immobilier, c'est qu'il garde les clés des villas en location –, mais aussi prévenir les gaffes. Débarqué avec phantasmes multiples sur l'île et ses habitants, le touriste qui se sait surveillé comme la granajola sur le feu, les accumule avec l'entrain incongru d'une majorette en roue libre. « Je peux payer en euros français ? » « Je croyais qu'en Corse on faisait ce qu'on voulait ! » « Vous êtes un vrai Corse ? » « Vous avez du saucisson d'âne ? » « C'est combien le demi-abricot ? » « C'est une année à méduses ? » « Il est où le village des vieux corses ? » « Elle est comment votre charcuterie ? » « Nous, en France, le Paris-Match, il arrive le mercredi. » « Y a des vipères ? » Non, pas en Corse. Elles ne survivent pas. La seule que je connaisse, de vipère, c'est ma cousine à Ajaccio. Personnellement, depuis que je suis tout petit, les premiers éléments de dialogue corse se résument à deux choses qui tiennent lieu de dépêche : « Papa-maman, comment ça va ? » et « Tu repars quand ? » ou sa variante « Tu es là jusqu'à quand ? », laissant entendre qu'ils ont le temps pour vous voir, boire un verre, monter dîner à la villa. Ou rien.
Enfin, trève de blabla : le touriste qui veut parler au Corse ne doit jamais oublier qu'il n'est pas chez lui. Toléré, comme dirait ma cousine Dumè quand elle est colère. Il ne doit surtout pas oublier que le Corse est partout chez lui, qu'il connaît tout le monde qui connaît tout le monde qui a le bras long. Troisième et dernier avertissement... Vous repartez quand ?
Derrière le concierge masqué se cache Pierre Léonforte. Journaliste et auteur partageant sa vie entre Paris et Milan, il collabore à de nombreux titres de la presse magazine dont AD et la revue Schnock. Outre ses ouvrages publiés notamment chez La Martinière, il signe plusieurs des City Guides Louis Vuitton qu'il a co-créés en 1998.
Source : VanityFair
Les clichés ont la peau dure ; beaucoup de gens sont persuadés que les Corses ont le sang chaud et s’offensent pour un rien.
Ce n’est bien sûr qu’une image d’Épinal, mais si vous voulez énerver un Corse, vous pouvez toujours tenter une des méthodes suivantes.
Attention c'est de l'HUMOUR.
Bien que,.....
1. DEMANDER AU SERVEUR DE DIVISER LA NOTE.
En Corse, demander au serveur de faire des additions pour que chacun puisse payer uniquement ce qu’il a consommé est assez mal vu.
Ne faites pas ça si vous dîner avec des amis corses.
L’argent est généralement un sujet délicat.
Être généreux, dépenser sans compter est pour les Corses une marque de politesse.
2. ALLER AU SUPERMARCHÉ EN MAILLOT DE BAIN.
Si vous voulez passer pour une cloche et agacer les gens, promenez-vous au supermarché en tenue de plage, maillot de bain dégoulinant et sable encore collé sur le dos.
Aucun Corse qui se respecte n’irait en maillot de bain n’importe où ailleurs qu’à la plage.
3. MENTIONNER VOTRE ADMIRATION POUR NAPOLÉON.
Les continentaux, pleins de bonnes intentions, croient souvent faire plaisir à leurs interlocuteurs corses en mentionnant l’Empereur natif d’Ajaccio.
Or les Corses n’ont que peu d’admiration pour Napoléon, qui, poussé par sa dévorante ambition personnelle et familiale, a toujours négligé son île natale pour se consacrer à sa formidable carrière européenne, forgeant ainsi un Empire français et distribuant terres et distinctions aux membres de sa famille et à ses amis proches.
4. PASCAL QUI ?
Les Corses vous citeront certainement Pascal Paoli comme un meilleur exemple de Corse célèbre.
Il a été un personnage important et connu en Europe à l’époque des Lumières, les programmes d’histoire ont tendance à négliger la Corse et à occulter les faits importants qui la concernent.
Or Paoli est LE héros, LE personnage historique de la Corse.
Il est aux Corses ce que Simon Bolivar est à l’Amérique du sud, ce que Thomas Jefferson est aux Américains : le « Babbu di a Patria », le père de la patrie.
5. DIRE QUE LES CORSES SONT IMPOLIS.
La Corse est un pays qui a subi en permanence des hordes d’envahisseurs divers et variés à travers les âges : les Romains, les Goths, les Sarrasins, les Vandales, les Génois, puis les Français, la Corse a toujours été occupée, conquise par la violence.
Toujours conquise, jamais soumise, dit l’adage populaire.
Au plus profond de la psyché corse se niche une certaine peur de ce qui vient de l’extérieur.
Ceci dit, la Corse a assimilé une grande part de ses envahisseurs et a toujours été capable de fabriquer des Corses.
Si vous brisez la glace, les Corses peuvent être incroyablement gentils, généreux et solidaires.
S’ils ouvrent à vous, ils le font sans réserve et offrent une amitié authentique.
6. ROULER COMME UNE LIMACE.
Nos routes sont étroites et pleines de virages, ce qui rend les dépassements rares et difficiles.
En pleine saison, il suffit d’une personne qui roule à la moitié de la vitesse autorisée pour former une queue interminable de véhicules.
Cela rend les gens dingues et ils ont tendance à prendre des risques inconsidérés pour se débarrasser des charrettes, ce qui peut vite devenir dangereux.
En Corse nous Klaxonnons pour dire bonjour à un ami; vous ne connaissez personne, ne klaxonnez pas !
7. DORMIR DANS VOTRE VOITURE SUR UN PARKING.
Si vous voulez passer un boulet aux yeux des Corses, dormez dans votre voiture sur un parking pendant votre séjour, mangez des sandwichs faits maison tout le temps sans jamais aller dans un restaurant, bref, soyez aussi avares que possible.
L’attitude Picsou, on l’a dit, est une grave offense en Corse.
Il y a un mot corse spécial pour cette catégorie de touristes, on les appelle les pumataghji, c’est-à-dire les mangeurs de tomates.
8. COMPARER LES CORSES AUX ITALIENS.
Si vous comparez sans cesse la Corse à l’Italie, et les Corses aux Italiens, vous risquez d’en agacer plus d’un.
La Corse a été génoise durant de nombreux siècles, bien plus longtemps qu’elle n’a été française à ce jour.
Pisans et Génois ont laissé leur empreinte sur l’architecture et la toponymie de la Corse, la plupart des noms de familles sont originaires de la péninsule, certains remontent même au temps des Romains, et l’italien est restée la langue officielle jusqu’au milieu du 19e siècle.
Cependant, les Corses ont toujours eu des sentiments mitigés vis-à-vis de leurs voisins et cousins de la péninsule.
L’occupation génoise, particulièrement brutale, a laissé de mauvais souvenirs, et plus récemment, la période mussolinienne a provoqué un certain ressentiment vis-à-vis de l’Italie qui voulait purement et simplement annexer la Corse.
9. DIRE QUE LA LANGUE CORSE EST UN DIALECTE ITALIEN.
Le Corse est une langue latine romane apparentée aux dialectes italiens (et beaucoup d’Italiens vous diront que leur dialecte est une langue).
Elle est même plus proche du toscan, qui a donné naissance à l’italien standard, que bien des dialectes de la péninsule.
Toutefois, le nord et le sud de l’île présentent des versions différentes, la version parlée dans l’extrême sud présentant plus de similitudes avec les langues du sud de l’Italie.
10. DIRE QUE VOUS AVEZ PEUR DE VENIR EN CORSE À CAUSE DE LA VIOLENCE.
C’est probablement une des choses les plus irritantes que vous puissiez dire à un Corse.
La vérité, c’est que si vous n’êtes pas dans le business du crime organisé, vous n’avez absolument rien à craindre en Corse, où la délinquance de droit commun est extrêmement basse.
Cambriolages, vols à l’arrachée ou agressions sexuelles dans les transports en commun, la Corse est épargnée par tous ces fléaux des grandes villes.
On peut pratiquement laisser les clés sur sa voiture.
Bonus : si vous êtes une femme, vous n’avez aucune crainte à avoir pour votre sécurité physique, les Corses sont très respectueux des femmes et malheur à ceux qui les agressent.
Si vous êtes un homme, n’essayez même pas d’être lourd avec une nana, ça peut mal finir.
Les Corses sont très fiers de cette situation, cela les console de bien des choses.
Gare à ceux qui porteraient atteinte à cette tranquillité.
11. CRITIQUER LA CORSE.
Si vous ne voulez pas finir avec trois dents en moins, évitez toute critique virulent de l’île de Beauté devant des Corses.
Comme le dit l’adage populaire, « il y a deux types d’individus dans le monde : les Corses et ceux qui rêvent de l’être ».
Plus sérieusement, après des siècles d’histoire violente et d’exil, les Corses demeurent très attachés à leur île.
Cet amour inconditionnel de la terre natale est sans doute ce qui nous unit par-delà nos différences.
La Corse manque à un Corse comme le paradis manquait à Adam et Eve.
Tout Corse a un village, qu’il considère comme le jardin d’Éden.
Beaucoup d’exilés ne peuvent même pas envisager de passer leurs vacances ailleurs.
Alors certes, les Corses sont assez chauvins, mais qui ne l’est pas ?
Là où un continental ne verra que des chiffres, nous, nous sentons l’odeur du maquis après une chaude journée d’été, nous voyons la beauté d’un lever de soleil sur les sommets, le bleu de la mer dans un golfe, le goût du miel du maquis sur une tartine, et toutes ces choses qui font que la Corse restera pour nous à jamais le plus beau pays du monde, et que nous sommes incroyablement heureux d’y être nés.
Comme disait Pido dans le film l’Enquête corse :
- PEUT-ON CRITIQUER LES CORSES ?
- OUI ON PEUT,
- MAIS IL NE FAUT PAS LE FAIRE !
12 TÉLÉPHONER À L'HEURE DE LA SIESTE.
Chez nous il fait chaud, après le repas nous apprécions un moment de repos.
Et le repos chez nous est sacré.
Augustin Chiodetti.
Source : by CorsicaNow
On dit que nous sommes "bien nez". Voici donc le nouvel autocollant.
L'Extrême-Sud de la Corse cache de nombreuses criques et plages toutes plus belles les unes que les autres...
Et notamment, entre Tizzano et Roccapina, l'un des derniers littoraux sauvages que la Corse a à offrir…
Adeptes du sable fin, de l'eau turquoise…
Une escale s'impose à Tradicettu, un havre de paix qui s'étend sur deux kilomètres. Splendide.
La plage de Tradicettu, à 30 minutes de Sartène, est, en effet, une magnifique plage de sable doré et fin, entourée par une nature luxuriante et qui donne sur une belle eau cristalline.
C'est un petit coin de paradis très calme et accessible à tous.
L'on peut s'y rendre en voiture, en 4x4 de préférence, par un chemin de terre, à partir du camping de Tizzano.
Attention toutefois aux amortisseurs…
Elle est également accessible par des sentiers toujours depuis le hameau de Tizzano…
Le plus
Deux paradis pour le prix d'un, avec accessible à pied, à 5 minutes de Tradicettu, la plage d'Argent, du nom de la couleur de son sable fin.
En cette journée du patrimoine 2019, nous avons suivi la visite-conférence du château du Prince Pierre avec Olivier Bianconi. Une visite passionnante qui donne envie de faire d'autres découvertes avec Bianconi scuperta.
Dimanche 30/08/2015
Selon Alain Gauthier, agrégé de l’université, docteur en géologie, la Corse consacre une histoire géologique vieille de plus d’un demi-milliard d’années et riche de bouleversements.
Il existe plusieurs manières de voir la Corse. L’une d’elles consiste à adopter l’approche géologique. Car dans ce registre s’est instituée une forme d’exception.
Au gré de millions d’années de tension, l’île est devenue centre essentielle, concentré fulgurant et somme de bien des systèmes en interaction. Son rythme est dense, puissant et primordial.
« Elle se caractérise par une très grande diversité de roches, par une histoire géologique vieille de plus d’un demi-milliard d’années et par de nombreux bouleversements », résume Alain Gauthier. Pour l’agrégé de l’université, docteur en géologie, elle deviendra aussi vecteur de recherches et de découvertes.
Des années durant, il scrute son sujet. Les problématiques sont posées et les hypothèses s’affinent au fil du temps. Alain Gauthier arpente le terrain et trouve la bonne distance scientifique. Au passage, il choisit le camp de l’écriture et de la transmission de l’envie d’apprendre et d’explorer. Les parutions s’enchaînent pour mettre la connaissance à portée de tous. Désormais, c’est Corse l’Élysée du géologue, qui figure le point de rencontre avec le grand public.
Les travaux précédents sont l’un des moteurs du passage à l’acte. « Ce volume est le fruit d’une longue réflexion et de plusieurs publications dans lesquelles j’ai déjà tenté de présenter la géologie de la Corse », précise-t-il.
Projections volcaniquesEn parallèle, le cheminement sera mené sur un mode novateur. « Des éléments seront repris, mais ils seront présentés de façon tout à fait différente, originale, enrichie, d’une part et simplifiée de l’autre », précise l’auteur. Le récit géologique comprendra 78 thèmes, associés à autant de fiches et à 700 photos d’illustration.
Il reposera aussi sur des considérations pratiques. « Le cas échéant, un petit paragraphe intitulé comment s’y rendre ou comment les trouver, précise en quelques lignes comment aller observer une roche ou bien une formation géologique », indique l’auteur. La pédagogie est omniprésente dans sa Corse géologique. Dans cet espace, l’île mènera une double vie géologique.
Sur la façade occidentale, c’est le granite à travers ses différentes variétés qui crée la pulsion, et laisse entrevoir 340 à 240 millions d’années d’histoire. Sur la partie orientale, en revanche, la logique des Alpes occidentales et le souvenir d’un « océan disparu appelé liguro-piémontais » prennent le relais. A l’Ouest, comme à l’Est, le territoire se heurtera aux limites de ces genres codifiés et répétitifs.Comme si une sorte de fantaisie et une liberté extrême lui permettaient d’imposer son style bien à elle.
Le tableau est brutal. Il bascule du côté fantastique. Il porte la trace de chocs, exalte les variations de la roche et procure quelques grands frissons.
Une carrière de dioriteDes pans entiers de paysage font écho à des violences d’outre temps. A cet égard, les projections volcaniques servent de référence. Le phénomène trouve son illustration « de la presqu’île de Scandola au sommet du Monte Cinto sur 30 km et près de 700 km2.
Dans ce périmètre existent « des roches volcaniques qui se sont mises en place il y a 250 millions d’années.
Elles correspondent à un volcanisme explosif », note le chercheur. Ailleurs, l’île met à profit le calcaire pourcréer la sensation forte. Elle va au bout du spectacle à Saint-Florent et à Bonifacio.
Elle a fait oeuvre originale, en Conca d’Oru, à travers « la barre calcaire du Sant’Anghjelu » puis des « falaises et du piale » dans l’Extrême-Sud. Un autre exercice de style s’accomplit en Balagne, dans la région de Lumio, d’Algajola et de Calvi.
Désormais, le granite – en général, « des roches riches en micas noir, donc souvent de teinte assez foncée, présentant souvent de gros feldspaths potassiques » - trace les lignes, dessine les courbes d’un monolithe et semble, dans un même élan, capable de toutes les métamorphoses. L’ensemble fascine par son altérité radicale et par son esthétisme âpre.
Il possède la valeur d’un premier acte. « Les granites au Sud de Revellata sont les plus vieux de Corse. Ainsi celui sur lequel est bâti le sémaphore de Cavallu a-t-il été daté de 340 millions d’années », commente Alain Gauthier.
Le dispositif est tout à fait lisible. « La route côtière permet de faire de jolies observations sur des coupoles granitiques, leur débit en dalles concentriques et les zones de contact entre deux granites de couleursuffisamment différentes pour qu’il soit permis de découvrir ce contact ». Dans tous les cas, cette portion de Balagne ne se contente pas de fasciner, d’être un lieu ouvert à toutes les inventions géologiques ou presque. L’intérêt est de fonctionner sur le mode économique aussi.
La géologie mène à l’entreprise du côté du Capu Spanu. « Il s’agit d’une carrière circulaire de diorite à grain assez fin au milieu d’un granite à gros grains. Cette roche à fait au début du XXe siècle l’objet d’une exploitation assez soutenue. Des titres ont même été émis », souligne l’auteur.
Des aiguilles emblématiquesOn débite et on exporte, en particulier sur l’autre rive, plus au Nord de la Méditerranée. Ainsi, « la roche était transportée par bateau jusqu’à Calvi et de là sur le Continent. La rue de la République à Marseille a été pavée, au moins en partie avec cette diorite ».
La roche est prisée pour ses qualités naturelles. « Sa résistance à l’écrasement est bien supérieure au granite à grains grossiers ». Ailleurs, la roche se confrontera sans cesse à l’art.
La trame est tissée, de préférence, par « les granites leucocrates, pauvres en minéraux colorés tels que les micas. Ils sont, en outre, recouverts d’une patine rousse du plus bel effet ». « Leur résistance à l’altération chimique » est un autre principe à l’oeuvre. Ces différents paramètres soutiendront la créativité naturelle, pour, entre autres, donner naissance aux taffoni, et fournir quelques repères domestiques aux premiers Corses. « Les plus grandes des cavités ont été utilisées par l’homme depuis la nuit des temps », relève le géologue. A Roccapina, à Tradicettu, dans le sud de l’île, on se laisse emporter par d’étranges mirages optiques.
Les compositions renvoient, tour à tour, à un lion avec sa couronne, à un éléphant ou un oiseau. Le vent, la pluie mettent en ordre les formes. Dans les Calanche de Piana, tous les détournements, toutes les transgressions sont autorisés. La ligne artistique s’assimile à un étrange bestiaire. Quitte à susciter un peu d’épouvante et à rapprocher sans cesse de l’irrationnel. La géologie remue les imaginaires, inspire légendes et mystères. Quitte à faire sentir l’emprise du diable lui-même.
En attendant, « c’est une rocheà grain moyen – 3 à 4 mm – constituée de quartz de feldspath potassique rose qui domine » et qui donne sa consistance et sa couleur à la composition. La Corse a ses motifs emblématiques, à l’image des aiguilles, de Bavella, D’Aïtone, de Bonifatu, d’Upulasca. Au centre de la représentation, elle place aussi « Boules granitiques » et chaos.
L’eau est la force motrice du système. Elle procède à partir de points d’ancrage et de lignes de fuite. « Le granite est, par nature, fissuré. L’eau circule au niveau des fissures et provoque par dissolution et par désagrégation l’arrondissement progressif des blocs ainsi que la formation d’une arène granitique qui peut retenir l’eau et entretenir l’altération du granite. Si l’arène est enlevée par l’érosion, il ne reste plus que des boules empilées constituant un chaos, développe l’auteur.
La montagne ne fait aucune concession au mouvement et aux débordements non plus. Les mécanismes privilégient le vertige comme au Monte Cintu, au Capu Tafunatu, font appel sur la Paglia Orba, à un poudingue – une formation de plusieurs centaines de mètres d’épaisseur constitués de galets parfois mal roulés et d’anciens sédiments plus fins ».
Unique au mondeDans tous les cas, il y aura des abîmes et des outrances. D’autres séquences inattendues renvoient au lac de Bracca et à ses cristaux de grenats, aux plages à galets de Crovani et de Galeria.
Les sites « sont remarquables par la nature et l’aspect des sédiments qui les tapissent ». Ils portent, sans doute, l’empreinte d’une époque « où le niveau de la mer plus bas devait mettre en communication les deux baies et permettre ainsi que les galets de Galeria soient redistribués au Nord ».
L’extrémité Ouest du cap ménage quant à elle quelques moments de grâce. Sans doute parce qu’elle apparaît comme un espace unique au monde. La péridotite est le principal contributeur dans l’affaire. « Il s’agit d’un affleurement très exceptionnel puisque représentant une portion de manteau terrestre qu’il est très rare de pouvoir observer à l’affleurement.
Cette roche se trouve à plusieurs dizaines de kilomètres de profondeur à la base de la croûte terrestre mais lorsqu’elle affleure, les phénomènes tectoniques qui lui ont permis de gagner la surface l’ont profondément transformé », explique Alain Gauthier. D’autres fois, l’île revendique filons, cuvettes, cavités, grands étangs, et nappes comme en Balagne.
Celle-ci, visible depuis le col de San Colombanu, laisse quartier libre aux spéculations diverses. « Elle est au cœur de discussions passionnées et passionnantes », admet l’auteur. On change de perspective mais la fresque demeure saisissante.
Extrait du nouveau Settimana, en supplément de votre Corse-Matin du vendredi 28 août.
Nous devons ces images admirables à ESA France, l'agence européenne spatiale, qui a relayé il y a quelques heures les tweets de Terry W. Virts, un astronaute de la Nasa qui fixe depuis le mois de Décembre dernier, très haut au-dessus de nos têtes, les plus belles images du Globe. La Corse s'est trouvée à plusieurs reprises dans le viseur de son objectif. Le résultat est superbe !
La première image est celle de la Corse au crépuscule. Les pics bien enneigés transpercent la brume qui enveloppe l'île.
Dans le second cliché, la Corse, et à un degré moindre, la Sardaigne se détachent sous l'effet du soleil couchant.
C'est beau, non ?
Et voici maintenant les photos de Thomas Pesquet !
La Corse, joyau de la Méditerranée, habillée de quelques neiges d’hiver. Pace e salute !
La baie de Calvi, son aéroport et sa citadelle. On me dit qu’un excellent piano-bar est perché sur cette dernière, avis aux mélomanes !
L’Île-Rousse ! Un endroit magique.
Gilles Fumey, 10 janvier 2018 dans Libération
Comment paupériser un territoire ? En déménageant des usines. Ou en installant des zones commerciales. En comme en Corse où la fracture sociale est en train de s'accroître.
Aux portes d’Ajaccio, à Sarrola-Carcopino, le boss local, Patrick Rocca, a ouvert en novembre 2017 le « plus grand centre commercial de Corse ». Avec 55 000 m2 de surface commerciale et ses 800 « collaborateurs » (traduisez employés), le Wifi « gratuit et illimité », les insulaires sont faits comme des rats dans ce grand filet de la consommation de masse.
Quels clients vont déambuler dans les rayons de ce mastodonte ? Des nouveaux habitants, gagnés depuis 2008 car la Corse a dépassé les 320 000 habitants, avec une hausse de près de 20% sur les dix dernières années ? Des « continentaux » qui risquent fort, s’ils ne sont pas natifs de l’île, de se trouver en porte-à-faux avec des nationalistes agitant le chiffon rouge d’une « colonisation » et d’une « disparition programmée du peuple corse ».
Pas besoin d’être sociologue pour constater que la Corse des bergers a disparu. Antonia Luciani, géographe et élue nationaliste, a présenté il y a quelques mois une situation assez dramatique de la Corse exposée à la consommation de masse : en dix ans, presque tous les projets d’aménagement commercial ont été acceptés.Représentant la bagatelle de plus de 270 000 mètres carrés, convertis en stades de foot : soit 39 stades !
Voyez, comme dans le reste de la France, cet étalement urbain qui ne cesse pas. Les zones agricoles disparaissent. L’anarchie des constructions révèle la puissance des promoteurs qui promettent monts et merveilles fiscales que les maires avalent sans broncher. Pour quelle raison ? Serait-ce pour loger ces nouveaux habitants dans un territoire très précarisé ? En 2015, on notait déjà que 30 000 habitants (soit 10%) ont un revenu inférieur à 760 euros par mois et un Corse sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Dans les dix dernières années, ceux qui sont assujettis à l’impôt sur la fortune sont passés de 180 à plus de 1000...
La Corse est-elle un échantillon des ravages de la paupérisation en France face à un enrichissement des classes aisées ? L’effet de loupe est possible. Pendant que les riches font du bateau, les pauvres déambulent dans des centres commerciaux climatisés. Viva Corsica !
La Corse aux 117 sommets dépassant les 2.000 mètres ne compte encore que deux stations de ski alpin, Val d'Ese (Corse-du-Sud) et Ghisoni (Haute-Corse) mais le domaine skiable insulaire devrait s'étendre avec un projet de réouverture d'une troisième.
Les deux petites stations sont fréquentées chaque année par plusieurs dizaines de milliers de skieurs qui peuvent pratiquer leur sport en voyant scintiller au loin la Méditerranée ou la Tyrrhénienne, suivant qu'ils se trouvent dans l'une ou l'autre.
Ese (1.600 m), le "stade de neige" du village de Bastelica, offre neuf pistes rouges, bleues et vertes parfois en forêt, à 50 km d'Ajaccio, soit à une heure de route. Pour le maire de Bastelica, Jean-Baptiste Giffon, "avec 15.000 à 20.000 skieurs par an, la station permet de relancer l'économie villageoise en hiver".
Dans ce village réputé pour sa production de charcuterie, l'une des premières de Corse, "cela permet de dégager un petit profit pour équilibrer notre budget, voire d'investir", souligne M. Giffon.
Dans son local de location de matériel de ski, Marie-Jeanne Nadizi, toute emmitouflée, se réjouit "des bonnes chutes de neige de février et de l'arrivée de vacanciers du continent, ce qui va permettre de compenser l'ouverture tardive cette année, avec beaucoup de réservations pour les prochaines semaines".
Avec ses cinq remontées mécaniques, Ese emploie une vingtaine de personnes durant une saison devenue plus courte avec la diminution de l'enneigement ces dernières années.
Propriétaire d'un hôtel à Bastelica qui, grâce au ski, peut rester ouvert toute l'année, Christophe Giffon plaide pour "une véritable économie de la montagne, axe de développement dont les élus doivent mieux prendre conscience".
"Frilosité" des élus
Dans l'est de l'île, à Ghisoni, on tient le même discours mais on a aussi du mal à équilibrer le budget alors que 45.000 euros, selon la direction de la station, ont été investis cette saison pour les équipements de sécurité des remontées mécaniques, vieux d'une trentaine d'années.
Sur un versant du Monte Renoso (2.352 m), du haut des pistes (de 1.580 à 1.870m d'altitude), c'est la mer Tyrrhénienne que l'on voit briller en dévalant les pistes.
La clientèle vient plutôt de Bastia, de la plaine orientale et de Porto-Vecchio au Sud, mais aussi parfois d'Italie, voire d'Autriche. Quatre jeunes surfeurs de ce pays alpin sont venus ces jours-ci tourner un film sur la montagne corse.
Un projet de réouverture d'une troisième station est à l'étude, à Asco (Haute-Corse), au pied du Monte Cinto (2.708 m), point culminant de Corse. Première station de l'île, elle dut fermer en 1991 après des glissements de terrain catastrophiques.
La relance du tourisme blanc a été au cœur des 9e Hivernales du col de Vergio ((Haute-Corse), début février. Un millier de personnes ont participé à cette manifestation de promotion de la filière montagne, selon son organisateur Dominique Fazi.
A côté de démonstrations de ski de fond, raquette à neige, peau de phoque et secours en montagne, des débats ont été consacrés à la structuration des activités de montagne.
"Avec la randonnée, l'escalade, le VTT, les sports d'hiver peuvent générer une véritable économie à l'année pour l'intérieur sous-peuplé" de l'île, a souligné Paul-André Acquaviva, président du Comité régional de montagne. Il a déploré toutefois "la frilosité et l'inertie" de nombreux élus départementaux et régionaux insulaires "pour un développement réel dans cette voie".
Extrait d'un article de Jérôme Ferrari paru dans Libé.
" Le tourisme est l’alpha et l’oméga de la Corse et c’est bien dommage, car il a beau être une nécessité économique incontestable, le tourisme est une infamie. À cause de lui, il n’y a ni printemps ni automne, mais seulement l’été et l’hiver, un hiver de dix mois, pour reprendre une expression de Marco Biancarelli. A cause de lui, nous sortons brutalement d’un désert pour nous retrouver dans un cloaque frénétique de chaleur, de chairs et de bruits avant d’être renvoyés, du jour au lendemain, au fin fond du désert. à cause de lui, les relations humaines se réduisent à l’ignominie du commerce et le talent le plus pur ne vaut plus qu’en tant que souvenir de vacances.
Les clichés eux-mêmes ne sont rien d’autre que des produits touristiques. Ce n’est la faute de personne, bien sûr, et mes tendances fascisantes ne vont pas jusqu’à me faire prôner la suppression des vacances ou l’extermination des touristes et des commerçants. Non, ce n’est de la faute de personne et nous vivons dans un monde où les nécessités économiques s’imposent avec la souveraineté des catastrophes naturelles. Il faut bien les accepter même s’il est assez long de les digérer.
Pour ma part, cela m’a pris sept ans, sept ans pendant lesquels je n’ai pas écrit une ligne. Je ne me souviens plus de ce que j’ai fait – je ne veux pas m’en souvenir. Mais je sais que c’est le temps qu’il m’a fallu pour comprendre que les réalités, fussent-elles infâmes, constituaient un bien meilleur matériau littéraire que les clichés.
Peut-être ai-je été injuste : la Corse est en effet un bronze-culs mais c’est aussi, à mes yeux, un réservoir inépuisable de fictions. La violence de l’été, la violence de l’hiver, la brume et la canicule, les échecs, la désillusion, les facéties d’une histoire qui nous a fait rater l’intégralité du XXe siècle, le mélange d’orgueil et de haine de soi, la ligne de fuite de l’exil, la force étrange qui régit les départs et les retours fébriles, les caveaux magnifiques et les maisons en ruine, les guerres menées pour un empire injuste et déchu, il y a dans tout cela une puissance esthétique que je ne me lasse pas d’exploiter."
05/08/2020
Début juillet, l'émission "Faut pas rêver" a posé ses caméras en Corse pour deux semaines de tournage.
De la Balagne à Bonifacio en passant par les aiguilles de Bavella, la présentatrice Carolina de Salvo et son équipe sont partis à la découverte de lieux insolites et secrets.
En trente ans d'existence, c'est la première fois que Faut pas rêver s'arrête sur l'Île de Beauté.
"Nous étions à la recherche d'un territoire avec une histoire, des paysages forts et la Corse s'est présentée comme la destination idéale. Nous avons aussi rencontré des personnes exceptionnelles et nous nous sommes retrouvés dans des lieux incroyables, avec une végétation foisonnante, dans lesquels on se sent toujours accueillis", s'enthousiasme Carolina de Salvo.
Prévu au printemps, le tournage a été repoussé et certains sujets ont été modifiés en raison de la crise sanitaire. Si l'équipe regrette de ne pas avoir pu participer aux grands événements estivaux, eux aussi annulés, ces nouvelles contraintes imposées ont permis de "nous recentrer sur les rencontres, d'aller encore plus vers l'humain et la nature", explique Hervé Arduin, le rédacteur en chef de l'émission.
Parmi les moments les plus marquants du tournage, la rencontre avec un jeune homme qui étudie la communication entre les châtaigniers séculaires à Pianello, en Castagniccia."S'ils se sentent attaqués ou menacés, ces châtaigniers communiquent entre eux grâce à des hormones et nous avons vraiment pu voir ce phénomène en étant au contact des arbres", se souvient Carolina de Salvo.
Un tournage très sportif pour l'ensemble de l'équipe : "Nous ne nous sommes pas arrêtés, ces deux semaines ont été très physiques, nous avons fait de l'escalade, traversé des rivières, j'ai même volé au-dessus de l'eau à l'aide d'un e-foil sur le lac de Tolla", ajoute Carolina de Salvo en rigolant. "Sans oublier la plongée avec des spéléologues à Bonifacio..."
Pour leurs derniers jours de tournage, l'équipe s'est arrêtée dans la citadelle de Bonifacio pour mettre en valeur un espace peu connu : sa partie souterraine. Pendant quatre jours, ils ont suivi un groupe de spéléologues au cœur du cimetière marin pour révéler les secrets du puits Saint-Barthélemy et de sa nappe phréatique. "Nous avons pris les escaliers et sommes descendus tout en bas du puits pour accéder au lac souterrain. L'objectif est de comprendre la manière dont la ville était approvisionnée en eau", précise Carolina de Salvo.
"À Bonifacio, nous avions l'impression de vivre une immersion hors du temps mais cela s'est aussi ressenti dans d'autres régions. La Corse cache de nombreux trésors très précieux et nous avons ressenti que les habitants en sont assez conscients et qu'ils font tout pour le préserver. Il n'y a pas un seul paysage qui n'est pas propice à la rêverie", affirme la présentatrice.
Pour découvrir les secrets de l'Île de Beauté, il faudra encore patienter. L'émission devrait être diffusée sur France 3 à l'automne. Mais comme le dit Hervé Arduin, "cela permettra de réchauffer les cœurs quand il fera frais dans les chaumières".
La Revue Fora ! élance la Corse vers le monde et vous fait prendre le large sans vous déraciner.
Contre l’uniformisation et l’enfermement, Fora ! rapproche les cultures et fait briller leurs singularités.
La jeune équipe qui anime cette revue créée en 2007 a choisi un titre provocateur : "Fora !", non pas pour exclure, mais au contraire pour faire se rencontrer la culture corse et les autres cultures. Cinq numéros parus à ce jour, le thème du prochain (à paraître en janvier 2010) sera : Corsitude, négritude : être au monde ?
Sommaires
des précédents numéros :
n°1 - La Corse au miroir du Japon
- Eté / automne 2007
Entretiens avec Ange Leccia, Frédéric Antonetti, Orso Miret, Patrizia
Gattaceca, Pierre Hermé…
Contributions de Jean-Louis Andreani, Anne Meistersheim, Charlie
Galibert…
n°2 - Corse et Maghreb, côte à côte - Hiver / printemps 2008 Avec Danièle Maoudj, Marcu Biancarelli, Jérôme Ferrari, Jacky Micaelli, Georges Ravis-Giordani, Marie-José Loverini, Didier Rey..
n°3 - Corse et Mexique : A latins, latin et demi - Eté / automne 2008 Avec Marie-Jean Vinciguerra, Ghjacumu Thiers, Jean-Pierre Mattei, Tomas Heuer, Pierre Dottelonde, Alizée, Pascal Genot, Gilles Panizzi...
n°4 - Corses et Juifs : Peuples et diasporas ? - Hiver / printemps 2009 Avec Amos Oz, Gabriel-Xavier Culioli, Rachel Ertel, Edmond Simeoni, Shlomo Sand, Philippe Lazar, Daniel Sibony, Lætitia Himo, Antoine Casanova...
n°5 - Corse
& USA : Exemple ou repoussoir - Eté / automne 2009
Avec Laure Limongi, Jean-Louis Fabiani, Francis Beretti, Alexandra
Jaffe, Francis Pomponi, Linda Calderon, David Berkeley...
Deux vidéos pour en savoir plus :
http://www.dailymotion.com/video/x93svb_la-revue-fora-invitee-de-mare-nostr_news
et
http://www.dailymotion.com/video/xbju7b_mcsp-chronique-revue-fora-16-decemb_news
L’atmosphère balayée par la tempête Zeus le 7 mars a donné lieu à une étonnante et superbe photo de la Corse prise depuis Nice, à près de 200 km de distance. En vérité, il s’agit plutôt d’une photo d’un « mirage » de l’Île de Beauté. Explications.
Par France 3 Corse ViaStella / GB - 09/03/2017
La visibilité le 7 mars relevée à Nice, Calvi ou Ajaccio était de l’ordre de 50 à 60 km, ce qui est la définition d’un air limpide selon Météo-France, mais bien loin de pouvoir expliquer seul le phénomène.
Dans le meilleur des cas, la distance la plus courte entre la Corse et le continent est de 160 km, entre le Cap Corse et la ville de Nice, trois fois plus importante de ce qu’il était possible d’observer ce jour-là.
Alors comment cette vue a-t-elle été possible ? "En fait, il s’agit d’un mirage", explique Patrick Rebillout, directeur du centre météo d’Ajaccio.
"Les trajets lumineux ne sont pas forcément rectilignes suivant la stratification thermique de l’atmosphère", explique le météorologue.
"L’œil ne suit pas toujours une ligne droite pour transmettre une image, mais suit parfois le trajet de la lumière. Là, la lumière dans une atmosphère très dégagée - associée à d’autres paramètres météorologiques - a suivi la rotondité de la terre et a donné l’illusion d’observer en direct l’île de Corse."
Une certaine température, un bon coup de vent comme celui qui a soufflé en tempête le 7 mars et la pluie associée dans les grains ont "lavé l’atmosphère" et contribué à rendre l’observation possible.
L’appareil photo, qui fonctionne comme l’œil humain en captant la lumière, a fait le reste et donné cette superbe observation du mirage de la Corse...
Juillet 2020
Publié le: 03 juillet 2020
Deux frères chevriers à Galeria. Un troupeau de 300 têtes. Une transhumance pédestre vers le Niolu, 60 kilomètres sur les pavés d'un monument du pastoralisme insulaire. L'entraide des villageois, deux cols mythiques, un périple inédit depuis des décennies. Reportage exclusif, entre folklore et tradition
Il est 6 heures passé de quelques minutes, ce mardi matin. Le jour éclaire déjà le Ponte-Vechju, qui enjambe la rivière Fangu sur la commune de Galeria. Une piste 4x4 s'élève, au nord, vers le lieu-dit Chjumi. Les minutes s'écoulent dans la fraîcheur matinale, avant qu'un lointain bruit de clochettes se fasse entendre...
Une journée spéciale débute dans le Falasorma. Tous les habitants de la vallée, ou presque, savent que les bergers Simeoni s'apprêtent à transhumer leurs chèvres à pied jusqu'au Niolu, lieu d'estive par excellence. C'est un événement dans cette vallée au riche passé agropastoral. Le sentier du col de Caprunale, véritable autoroute de jadis, n'a plus été emprunté par les bergers, muletiers et tragulini depuis des décennies !
Les clochettes se rapprochent du Ponte Vechju. Dans un épais nuage de poussière, trois cents chèvres de race corse sont en train de dévaler la colline. À la tête de cet imposant cortège se trouve Jean, pas encore 60 ans, petit mais tout en muscles. Sa voix forte guide les bêtes vers un chemin qu'aucune n'a déjà parcouru.
Voir la vidéo : https://twitter.com/i/status/1278594023989612544
Si Jean et son jeune frère Casimir ont convenu d'un départ si matinal, c'est qu'une très longue route pleine de péripéties les attend pour rejoindre les bergeries de Biccarellu, sur les contreforts du Monte Cintu, commune de Lozzi. D'habitude, c'est à bord d'une bétaillère que le troupeau effectue le trajet. Mais cette année, par envie et à cause de difficultés logistiques, c'est par la montagne que tout se fait.
L'entraide des paisaniLe début de la transhumance n'est qu'un aperçu des difficultés qui attendent les frères bergers. Huit kilomètres de route asphaltée séparent le pont de Barghjana, hameau de Mansu. Il faudra deux heures au troupeau pour le rejoindre.
La marche forcée des chèvres est ponctuée de nombreux écarts : un saut sur le fossé pour goutter aux ronces, une escalade sur le talus pour déguster les feuilles d'un petit chêne. Sans chiens, et pour éviter la débandade, une dizaine d'amis du village est venue prêter main-forte. Courir derrière les chèvres, ça demande pas mal d'énergie.
À Barghjana, la route se transforme en piste qui serpente en fond de vallée jusqu'à la fontaine de Tassi. Il faudra une nouvelle paire d'heures pour y ramener les bêtes, alors que la chaleur devient pesante. Puis, sous l'ombre d'immenses arbres, même les chèvres respecteront la pause méridienne.
Un Mirage sème la paniqueDébut d'après-midi, un spuntinu vite avalé et il faut déjà repartir. Une montée franche, tout en lacets, mène jusqu'au col de Caprunale. Lieu mythique du pastoralisme insulaire, sa route était entièrement pavée car d'importants convois muletiers y transitaient durant toute la belle saison. Aujourd'hui, le pavement s'est arraché, les murs sont effondrés, le sentier tombe en ruine...
Soudainement, un bruit assourdissant fend le ciel. Deux avions Mirage de l'armée de l'air viennent de raser le fond de vallée. Prises de panique, les chèvres se dispersent. Jean et Casimir auront beau appeler et sortir les sacs de maïs pour les faire revenir, rien n'y fera. Entre Tassi et Omita, les choses se corsent.
Les « jeunes », Thomas Angeli et Paulo le fils de Jean, sont envoyés rattraper les chèvres. Ils y passeront l'après-midi, entre maquis et rochers escarpés. Lentement, les animaux épuisés sont regroupés et le convoi franchit le col de Caprunale en fin d'après-midi. Une heure plus tard, alors que le soleil plonge dans la Grande Bleue, le refuge de Puscaghja et sa gardienne Anne-Marie accueilleront la petite équipe et les 300 chèvres, parquées dans un enclos d'un autre temps.
Trente kilomètres environ ont été parcourus, et tout autant reste à faire jusqu'au Niolu, par un chemin défoncé serpentant jusqu'à Guagnerola, à presque 2 000 mètres d'altitude. Nous n'avons pas pu accompagner les bergers jusque-là, à notre grand regret. Mais ce n'est que partie remise puisque le rendez-vous est pris pour l'impiaghjera, le retour de l'estive, prévue pour la dernière semaine d'octobre.
Le jeu de scopa est l’un des plus anciens et des plus populaires de Corse.
Il se joue à 2, 3 ou 4 joueurs à l'aide d'un jeu de cartes, dès 7 ans. Il développe l'esprit de stratégie et favorise la sociabilité.
Les personnages sont issus de l'histoire de la Corse.
Illustrations de l'artiste-peintre Tonì Casalonga.
« Ils jouent la scopa, ce jeu national par excellence, que tout enfant bien né est censé savoir en naissant. » (G. Faure, 1885)
Règles du jeu
Le jeu de scopa est l’un des plus populaires de Corse.
Il se joue à 2 ou à 4 (par équipe de 2) avec un paquet de 36 cartes.
Les cartes possèdent les valeurs numériques suivantes :
As (assu) vaut 1 ; 3 (trè), 4 (quattru), 5 (cinque), 6 (sei) et 7 (setti) valent respectivement 3, 4, 5, 6 et 7.
Le valet (u sbiru) vaut 8, la dame (a donna) vaut 9 et le roi (u rè) vaut 10.
On distribue 3 cartes à chacun des joueurs, puis 4 cartes sont retournées sur la table.
Les joueurs doivent chacun à leur tour tenter de faire un pli, c’est-à-dire ramasser, avec une seule carte, une ou plusieurs cartes du tapis dont la valeur ou les valeurs additionnées lui sont égales. Ainsi, un 7 prend un 4 et un 3 ou un 6 et un as, mais aussi un autre 7. On est obligé de prendre la carte de valeur égale plutôt que plusieurs additionnées si le tapis le permet (le 7 prend obligatoirement un 7 plutôt qu’un 4 et un 3).
Si un joueur ne peut ou ne veut pas (par stratégie) prendre de carte, il doit en déposer une des siennes au choix et passer son tour.
Lorsqu’un joueur a joué toutes ses cartes, on lui en distribue trois autres.
La mène se termine lorsque les joueurs n’ont plus de cartes en main et que le paquet a été épuisé.
S’il reste des cartes sur le tapis, elles reviennent à celui qui a fait le dernier pli.
Décompte des points
Le vainqueur est celui qui, à l’issue de plusieurs mènes, atteint le premier le score de 21 points avec deux points d’écart sur le suivant. On continue de jouer tant que cet écart n’est pas réalisé.
A scopa : au cours de la partie, celui qui ramasse toutes les cartes du tapis en un pli fait unescopa et marque un point. Après une scopa, le joueur suivant doit déposer une carte sur le tapis et passer son tour.
En plus des points de scopa, à la fin de chaque mène sont distribués les 4 points suivants.
I carti : celui qui a remporté le plus de cartes marque un point.
I danari : celui qui compte le plus de carreaux (danari) marque un point.
U settebellu (ou settibonu) : celui qui possède le 7 de carreau marque un point.
A primiera : celui qui possède les 4 cartes (de chaque couleur différente) ayant la plus grande valeur marque un point. Pour la primiera seulement, le 7 vaut 21, le 6 vaut 18, l’as vaut 16, le 5 vaut 15, le 4 vaut 14, le 3 vaut 13 et les figures (R, D, S) valent 10. Quatre 7 ou trois 7 et un 6 sont imbattables.
S’il y a égalité des décomptes, le point de primiera n’est pas attribué.
Avec a Scopa, on passe du bon temps, mais on révise aussi l'histoire de Corse à travers ses personnages illustres !!
Les figures du jeu de scopa
Danari (carreau)
Rè di danari : Tiadoru
Théodore de Neuhoff, premier (et dernier) roi de Corse, « régna » quelques mois en 1736. Il était d’origine allemande.
Donna di danari : Culomba
Colomba della Rebbia est l’héroïne du célèbre roman de Prosper Mérimée. Elle a vraiment vécu à Fuzzà au xixe siècle sous le nom de Culomba Carabelli.
Sbiru di danari : u nutaru
Le notaire est le gardien des biens et de la mémoire du territoire. Le plus célèbre d’entre eux fut Giovanni della Grossa, auteur d’une chronique considérée comme la première histoire de Corse.
Fiori (trèfle)
Rè di fiori : Sambucucciu
Sambucucciu mena la révolte paysanne de 1357 contre les féodaux. Son nom est devenu légendaire. Il incarne l’esprit de révolte insulaire.
Donna di fiori : Letizia
Letizia Bonaparte, mère de Napoléon Ier, était connue pour son caractère trempé. Elle portait le titre inédit de Madame Mère.
Sbiru di fiori : u pastore
Le berger est la figure emblématique du peuple corse qui vécut de ses troupeaux des millénaires durant. Il est « l’inventeur » du délicieux brocciu.
Cori (cœur)
Rè di cori : Pasquale
Pasquale Paoli, u Babbu di a Patria, fonda et dirigea l’État indépendant corse quinze années durant, jusqu’en 1769.
Donna di cori : Faustina
Faustina Gaffori fut l’épouse du général Gaffori qui dirigea les insurgés corses contre les Génois. Sa détermination et son courage lors des sièges de la citadelle de Corti (1746 et 1750) sont restés légendaires.
Sbiru di cori : u guardia
Les Corses constituèrent la Garde des papes jusqu’au XVIIe siècle en raison de leur réputation de courage, de force et de fidélité.
Picche (pique)
Rè di picche : Sampieru
Sampiero Corso, condottiere et mercenaire, tenta de libérer la Corse de la tutelle génoise au xvie siècle.
Donna di picche : Vannina
Vannina d’Ornano, forte personnalité, fut l’épouse malheureuse de Sampiero Corso. Ce dernier l’étrangla de ses propres mains, persuadé d’avoir été trahi au profit des Génois. Elle fut aussi la mère d’Alphonse d’Ornano qui devint maréchal de France d’Henri IV.
Sbiru di picche : u suldatu
Son talent pour l’art de la guerre, sa force et son courage étaient de grande renommée. Nombreuses furent les nations européennes à constituer un corps spécifiquement corse.
Notons qu'en Italie la scopa se joue avec un jeu de 40 cartes (cavaliers en plus). Il existe plein de variantes, mais la plus célèbre est celle popularisée par Luigi Comencini dans "Lo scopone scientifico".
Le jeu du scopone est basé sur celui de la scopa. Dans ce jeu, qui se joue à deux équipes de deux, les équipiers s'installent face à face puis le donneur distribue 9 cartes à chaque joueur, et retourne 4 cartes sur la table. On joue suivant les règles classiques jusqu'à ce que chaque joueur n'ait plus aucune carte en main, puis le décompte des points se fait de la même manière que pour la scopa.
Une variante du scopone est le scopone scientifico. Dans cette variante, le donneur distribue toutes les cartes en début de partie, et n'en retourne aucune sur la table. Chaque joueur commence donc la partie avec 10 cartes en main, et le joueur à droite du donneur engage le jeu en posant une première carte sur la table. Cette variante du jeu peut être jouée en tournoi ou en concours par équipe.
Cette dernière variante est dite scientifique (de l'italien scientifico) car les tactiques y sont plus élaborées. Il existe une incertitude sur les dates des premiers écrits autour du jeu du scopone scientifico, mais l'ensemble de ces écrits formalisent les tactiques à appliquer et concordent autour de deux notions primordiales. Tout d'abord, la mémorisation des cartes déjà jouées et donc la gestion des cartes encore possédées par les 4 joueurs, qui sont les cartes restant à jouer : l'équipe du donneur s'attache à faire en sorte que le nombre de cartes de même valeur faciale reste pair parmi les cartes restant à jouer, alors que l'équipe adverse fait en sorte que leur nombre soit impair (par exemple en capturant plusieurs cartes en une même prise). La seconde notion la plus importante du déroulement d'une partie est la bonne gestion des 7 restants à jouer, selon que chaque joueur fait partie de l'équipe du donneur ou pas, et selon le nombre de 7 en sa possession.