La musique d’A Filetta est une traversée… On pourrait dire qu’il s’agit d’une proposition vocale polyphonique contemporaine exigeante,
audacieuse, issue d’une puissante tradition orale.
C’est en 1978 que de très jeunes gens - parfois adolescents, mus par une volonté farouche de contribuer à la sauvegarde d’un patrimoine oral en plein déclin - se sont mis en route… et leur route aura été longue, parfois sinueuse mais jalonnée de découvertes et de rencontres exceptionnelles. Les chanteurs avouent d’ailleurs volontiers que « la rencontre » est inscrite dans leur ADN musical. C’est ce qui explique probablement qu’ils n’aient pas voulu circonscrire leur voyage au périmètre de leurs racines : poussés par les rivages d’une tradition reçue en héritage, ils se sont très vite ouverts à d’autres : autres territoires, autres disciplines, autres artistes (interprètes, compositeurs, metteurs en scène, chorégraphes).
Le répertoire aujourd’hui produit par ce sextuor vocal, est un fidèle reflet de ce qu’est, depuis le début des années 80, sa marche en avant : une trajectoire esquissant un mouvement initié dans une oralité séculaire et s’affirmant dans les méandres d’une écriture décomplexée et affranchie de toute obligation filiale ; s’y côtoient des chants sacrés ou profanes aux influences diverses, des musiques de film de Bruno Coulais, des compositions pour des chorégraphies de Sidi Larbi Cherkaoui, des extraits du chœur d’une tragédie antique ou encore des pièces issues d’un requiem commandé par le festival de Saint-Denis.
Une musique au service d’une vision du monde rejetant sans ambiguïté tout repli identitaire et dont la philosophie pourrait se résumer à ce bel aphorisme de René Char : « Les plus pures récoltes sont semées dans un sol qui n’existe pas ; elles éliminent la gratitude et ne doivent qu’au printemps ».
Avec maintenant quarante-quatre ans d'existence et un total de vingt
albums, A Filetta est le plus somptueux des groupes de polyphonie corse.
Composé actuellement de six voix d'hommes, cet ensemble d'une
créativité inouïe perpétue avec passion la tradition orale insulaire de
chant sacré et profane, mais est également reconnu pour son exploration d'autres domaines du chant
polyphonique, notamment à travers des créations d'œuvres contemporaines.
Le chemin parcouru par A Filetta en quatre décennies est riche
d'expériences et de rencontres, tant dans le domaine du théâtre que dans celui des
musiques de film ou de créations scéniques.
Mais auparavant, place aux témoignages personnels de quelques-uns de
ceux qui ont
été conquis par ce chant.
A Filetta en 2018.
De gauche à droite : Petru Antò Casta, François Aragni, Jean-Claude Acquaviva,
Paul Giansily, Maxime Vuillamier et Stéphane Serra. -
Photo : Armand Luciani
Témoignages d'amateurs
La première fois que j'ai entendu A Filetta,
c'était il y a environ vingt-cinq ans, sur la bande-son d'un documentaire
télévisé sur la Corse. Ce groupe avait un son à part, son
chant dégageait une émotion particulière.
A l'occasion d'un de leurs trop rares passages à Paris, je suis allé
assister à mon premier concert. C'était, je crois, en l'église
Saint-Médard, le 19 octobre 1995. Depuis ce concert, et le
suivant à
la Conciergerie, je suis sous le charme. Et toute ma famille aussi.
Anne Marie, Claire,
Pierre, Pascale, nous avons tous été pris à la gorge par ce chant.
Nous avons assisté à de nombreux concerts
depuis cette année
1995, en région parisienne (à St Louis-en-l'Ile, au Théâtre de
la Ville, etc.) , en Corse bien sûr, jusqu'en Bretagne, à Lille, en
Belgique, jusqu'en Allemagne, et non seulement l'émotion est toujours au rendez-vous, mais
elle est de
plus en plus présente.
Ces chants
profonds peuvent être âpres
ou doux, violents ou tendres, criés ou murmurés. Ils sont souvent
mélancoliques, mais pas tristes ; graves et fatalistes, mais jamais
désespérés. Dans tous les cas, ils ne peuvent manquer de soulever
l’émotion de celui qui les écoute. Ce chant vous traverse
puissamment.
Au sortir d'un concert d'A Filetta, on se sent transfiguré, ému et
heureux
à la fois. Depuis sa création en 1978, A Filetta a sans cesse
progressé en prônant l’ouverture tout en conservant la
spécificité du langage vocal insulaire. Chants sacrés et profanes
hérités de la tradition se mêlent à des créations,
témoins d’une culture en mouvement et non pas figée dans le
passé. Ce qui guide ce groupe, c'est la fidélité à l'esprit
de la tradition sans que jamais celle-ci ne bride l'inspiration.
Et puis, la voix
étonnante de Jean-Claude, tour à tour caressante et âpre, son visage
déformé par la passion, sont fascinants. Ce qui fait aussi la magie d'A
Filetta, c'est la communion spirituelle, émotionnelle et physique qui
lie les
chanteurs et qui émane d'eux.
De surcroît, ces artistes à l'immense talent sont des
êtres
confondants de modestie, de générosité et
d'humanité.
Ce site est
une modeste
tentative de les remercier pour ces moments magiques et de rendre
l'hommage qui lui est
dû à ce groupe majeur qui, comme l'écrivait Gabriel-Xavier Culioli en
1998, "aura marqué cette fin de siècle et de millénaire par la
pureté de son art".
* * *
Par quel
mystère des personnes d'origines, de culture ou d'horizons
différents sont-elles toutes si profondément émues par le chant d'A
Filetta ?
Il y a, bien sûr, la beauté des voix. Mais d'autres très belles voix
peuvent laisser de marbre les auditeurs que nous sommes. Il y a la
façon de
chanter ; le premier qualificatif qui vient à l'esprit, c'est la
douceur, le
recueillement, le sens des nuances. Même dans les passages forte,
les
chanteurs ne donnent jamais l'impression de forcer leur voix ou de
rechercher la
performance. "Dire tendrement des choses puissantes et puissamment des
choses tendres",
c'est la leçon retenue des voix géorgiennes.
Et c'est vrai que tous les autres groupes corses, même ceux de Balagne
qui leur
sont proches, ne laissent pas cette impression. Il y a la personnalité
et la force
de l'interprétation exceptionnelles de Jean-Claude Acquaviva, qui vit
intensément tout ce qu'il chante. Il y a encore la façon dont les voix
se
partagent l'espace, se mêlent ou se singularisent. Il y a la force des
mélodies et des harmonies des chants de création, mais même quand ils
chantent des chants traditionnels, on ressent une différence.
Le secret d'A Filetta, c'est peut-être son côté fusionnel, c'est le
fait que ce groupe constitue un corps dans lequel chacun est acteur de
son propre
rôle mais aussi d'une partie du rôle des autres, où chacun s'abandonne
au collectif tout en gardant sa personnalité. Ce qui caractérise le
plus A
Filetta, c'est probablement sa capacité à transmettre quelque chose de
fort. On ne ressort pas indemne d'un concert d'A Filetta, on est dopé
par
l'empathie que ce groupe sait créer avec le public, le sens de la
communion, de la
générosité, du partage qu'il transmet. Oui, ce chant ouvre le
cœur. Jean-Claude Casanova
Un échantillon (commentaire en allemand) :
Et un court extrait du documentaire de Don Kent
Je me souviens parfaitement du jour où j'ai entendu pour la première fois les voix de A Filetta. C'était aussi la première fois que je mettais le pied sur le sol corse.
J'avais atterri à Ajaccio et je devais rejoindre la Balagne pour une rencontre littéraire. Mon ami Jérôme Ferrari m'avait dit qu'il m'emmènerait en
voiture dans le nord de l'île. « Par la route côtière »,
avait-il précisé, « pour que tu voies d'emblée la beauté de la Corse...» Ajaccio, Cargèse, Piana, Osani, Galeria. Jusqu'à Lumio.
Je ne me doutais pas que le trajet serait si long... Qu'il y aurait tant de virages... Et que ce serait si beau. Je ne me doutais pas non plus qu'à un certain moment, Jérôme mettrait de la musique
et que je serais instantanément happé par les voix que j'allais entendre. C'était A Filetta. Les chants ont empli l'habitacle de la voiture, ont habillé les paysages alentour. U lamentu du Ghjesù. Cette chanson-là est restée
dans mon cœur, ou plutôt, devrais-je dire, s'est logée dans mes os.
Ce que j'ai ressenti d'emblée, c'est la verticalité que crée le chœur A Filetta. Plus rien n'a d'âge. Le temps s'ouvre.
Nous ne sommes plus aujourd'hui. Ou plutôt aujourd'hui devient comme hier.
Je n'ai absolument pas ressenti cela comme un chant passéiste mais plutôt un de ces rares moments que l'art offre parfois lorsqu'il nous débarrasse de
notre époque pour être face à la permanence
d'une humanité. Les mères ont pleuré ainsi de toute éternité. Les hommes ont chanté ainsi leur peine, leur colère,
leurs espoirs depuis des siècles. Ecouter A Filetta, c'est accepter de se laisser traverser par le temps pour s'inscrire dans une longue chaîne d'humanuté.
En 2022, j'ai pu entendre A Filetta lors d'un concert à Paris avec l'ensemble Constantinople. Cette fois, l'émotion est venue de l'horizontalté, de la façon
dont A Filetta résonnait avec d'autres géographies, embrassait un paysage infiniment
large. J'ai été sidéré de voir à quel point ces chants corses se mariaient harmonieusement, intensément, et même joyeusement avec d'autres
rythmes, d'autres cultures. Loin d'un chant qui voudrait rester replié sur son ancrage patrimonial, A Filetta
n'a pas peur de l'ailleurs. Ce qui se déployait lors de ce concert, c'était l'espace méditerranéen, dans sa diversité profonde, de l'Occident à
l'Orient. Les voix se tressaient magiquement. Les couleurs se répondaient l'une l'autre, dialoguaint.
Ces deux expériences, à quelques années d'écart me font comprendre ce que j'aime dans A Filetta. Ce ne sont pas des chants qui se seraient donnés
comme mission de protéger un pré carré patrimonial,
inquiet du monde. C'est un art qui nous permet de toucher du doigt, pendant quelques instants, le cœur du temps. Et qui peut aussi ouvrir sur le vaste espace de l'altérité.
Comme un balcon éternel d'où l'on pourrait contempler le monde,
le convier, le célébrer.
Et puis, il y a la beauté de ce mot : le chœur. Qui prend toute sa force lors d'un concert. Des voix d'hommes, regroupés, serrés les uns contre les autres, comme pour se tenir chaud, et qui s'écoutent. Comme la définition parfaite , incarnée, de la fraternité.
Avec la voix de ténor qui fraye le chemin, fait des arabesques de souffrance ou d'appel, les barytons qui consolident, construisent le rythme, élargissent le chant, lui donne une profondeur et une force solide. Et les graves, enfin, qui creusent las abîmes. Et tout cela
pour faire apparaître devant nous, des constructions invisibles, comme des chamans qui connaîtraient le chemain de l'émotion, nous y inviteraient, puis, lentement, décideraient de refermer le cercle. Il est profondément
réconfortant qu'en notre temps A Filetta existe. Que cette voix d'éternité se fraye un cemin juqu'à nous. Que nous ayons encore grâce à eux, le contact avec les mondes immenses de tout ce que les yeux ne voient pas, de tout ce que la raison n'appréhende pas mais qui donne de la chair à la vie, et nous fait pleurer.
Laurent Gaudé
Ce très beau texte figure sur la pochette d'I Balconi, le dernier disque d'A Filetta. Je me suis permis de le reproduire in extenso tellement j'y ai retrouvé
l'écho de mes sentiments.
"J'avais repéré sur un tract que A Filetta passait à l'église
des Billettes à Paris.
A 17 heures, je fais la queue pour pénétrer dans l'église. La
majorité des personnes qui attendent ne sont pas corses. Cela s'entend
et se voit.
Après quelques dizaines de minutes, toutes les places sont remplies.
Les
lumières s'éteignent.
Commence alors "LA MAGIE A FILETTA..."
Je n'ai rien retenu des intitulés des chants. Je ne sais rien d'autre
que la
présence de cette émotion qui pendant une heure et demie m'a
étreint. Que l'on ne s'y trompe pas : la Corse n'y était que pour
partie.
Ce qui a envahi ce lieu sacré, c'est bien une beauté douce, parfois
mélancolique mais toujours espérante. Les quelques paroles destinées
à présenter les chants n'avaient pas ce côté surajouté
et artificiel qu'elles auraient pu avoir. Le leader du groupe
s'adressait à nous
comme à des frères, comme à des soeurs, exprimant ce qu'il y a de
grand dans l'âme insulaire. Pas de violence, pas de folklore, mais la
certitude
d'un destin parfois douloureux mais plein de promesses.
Jamais je n'avais entendu pareilles harmoniques ; jamais je n'avais
compris à quel
point le dépouillement peut être porteur du divin. Le groupe a dû
revenir deux fois tant fut grand et spontané l'enthousiasme des
auditeurs. Je n'ai
pas osé féliciter ou plutôt remercier les chanteurs après le
spectacle. Plus encore que la joie, ils m'avaient conforté dans l'idée
que,
même quand tout semble difficile, il y a matière à espérer.
Pour tout cela, pour tous ceux et celles qui applaudissaient, les
larmes aux yeux, pour
cette culture sans frontière, sans haine et pétrie de
fraternité...
MERCI
A Filetta..."
C.S.
Culioli
En
vacances à Calvi, nous avons eu envie
de découvrir le "Folklore Corse" et sur recommandation, sommes allés
à un concert d "'A Filetta" à la Basilique Saint Jean-Baptiste. Ce fut
une
révélation ! Là, nous avons trouvé bien autre chose que ce
fameux folklore... Nous avons vu et entendu un groupe qui nous a
éblouis et
envoutés!
Nous ne sommes
pas
"musicologues", mais tous deux avons été enthousiasmés et
complètement sous le charme. Nous vivons avec eux une véritable
communion.
Quelques temps plus tard, nous avons eu la chance de revoir "A Filetta"
dans notre
région, nous y avons emmené notre fille alors âgée de 13 ans.
A la fin du concert,elle était aussi fan que nous ! Depuis,comme nous,
elle
assiste à un maximum de ces fabuleuses soirées que nous offrent nos
amis.
Nous sommes devenus au fil du temps des inconditionnels de plus en plus
fans et nous
parcourons la France en suivant leurs déplacements. L'émotion est à
chaque fois plus grande et nous attendons avec impatience leur prochain
spectacle car les
voir et les écouter est à chaque fois un plaisir sans cesse
renouvelé. Merci à tous, Jean-Claude, Paul, Jean, Maxime, José,
Jean-Luc. Merci pour ce que vous nous apportez par vos chants, votre
talent, votre
gentillesse et votre humanité. Appelons ça... le Bonheur !!!!... Joëlle & Jean-Paul Pillot
Ils arrivent en file indienne, vêtus de couleurs sombres, Jean,
Jean-Claude et
Jean-Luc en chemise, Paul, José et Max en pull. Ils s'installent en
demi-cercle
face au public, de gauche à droite Max, José, Jean, Jean-Claude,
Jean-Luc
et Paul. Jean-Claude donne la note, et le premier chant (le plus
souvent Makharia)
s'élève. Et l'on est tout de suite fasciné par la ferveur des
chanteurs et par la beauté de leurs voix: voix à la fois douce, nasale
et
rauque de Jean-Claude, voix grave et agile de Max, voix douce et virile
de José,
voix dense et pleine de Jean, voix pastorale de Jean-Luc, voix de miel,
chaude et
enveloppante, de Paul. Sur les chants plus dramatiques, le visage de
Jean-Claude est
habité par la passion. On retient son souffle tellement on est
concentré
sur l'écoute. C'est bien davantage que du son que l'on ressent, c'est
l'humanité, la leur et la nôtre, la joie d'appartenir à la même
communauté : "si di mè", tu es des miens. Quand le chant s'arrête,
c'est à la fois une libération du souffle retenu et une frustration que
le
chant soit fini. Il n'y a pas de mots pour exprimer ce que l'on
ressent, il faut le vivre
pour le comprendre.
Anne Marie Casanova
Mon débarquement en Corse date de 1983 et, à cette époque, il est
certain que je ne m’y suis pas rendu par attirance pour la musique
locale, mais
parce que l’île cumulait mer et montagne à deux pas l’une de
l’autre. Enthousiasmé par les merveilles naturelles prodiguées par la
montagne insulaire, j’y suis retourné chaque année depuis, mais, au
début, sans imaginer un instant qu’elle puisse abriter un art musical
particulier. Ce n’est donc qu’en 1988, que cette révélation eut
lieu par le biais d’une initiation à la paghjella en pleine montagne
corse
par un groupe de chanteurs ajacciens, qui m’indiqua alors A Filetta comme un des groupes
phares de la
région.
A dater de ce jour, je n’eus de cesse de retrouver ces chants
extraordinaires
d’âpreté et de rauques discordances maîtrisées, pour moi
indissolublement liés à la montagne corse, et nous
commençâmes, ma femme et moi, à acheter massivement cassettes puis
CDs des chanteurs locaux : I Muvrini en tête au démarrage, assez vite
abandonné pour A Filetta que nous trouvions un groupe plus original et
plus
fidèle à ses traditions.
Ce fut le temps de " Machja n’Avemu Un’Antra " et
de A’u Visu
di Tanti " qui rythmaient nos vacances en Corse avec leurs
airs traditionnels de
paghjelle et lamenti (Lamentu di Ghjesu) et leurs
morceaux de style troubadour
(Terra Brusgiata). Ensuite vint le moment de la
découverte visuelle de
leurs spectacles (voir Jean-Claude en concert est toujours un grand
moment) : le premier
à l’Haÿ-les-Roses, en Région parisienne lieu de notre domicile
d’alors, en 1992 à la sortie d’Ab Eternu où je
découvris ce sublime morceau que constitue "Sumiglia",
puis d’autres,
plus tard, lorsque nous étions avertis (rarement, tant ce groupe est
peu
médiatisé !) de leur passage en Ile-de-France (Palais Royal,
Saint-Denis,
…).
Après cette date, chacun de leur nouveaux disques fut une réussite,
avec
une mention spéciale pour leur rencontre avec Bruno Coulais qui fut
pour moi une
bénédiction : les polyphonies particulières, aussi bien
pratiquées a capella qu’accompagnées instrumentalement, issues de
cette rencontre ont fait de ce groupe le plus créatif, le plus original
et le plus
émouvant de tous les groupes et chanteurs/chanteuses corses, avec une
capacité inégalable pour produire des créations admirables
d’innovation et d’ouverture tout en conservant un lien très fort avec
les racines ancestrales de la polyphonie insulaire.
Et voilà comment un pinzutu, ignorant et non mélomane au départ, est
devenu en quelques années un admirateur inconditionnel de la polyphonie
corse,
interprétée, enrichie et sublimée par A Filetta ! Philippe Evrard
Ma
première rencontre avec A Filetta
Je ne m'étais
jamais intéressée à la musique. Des
livres, des films et des voyages en Corse suffisaient à mon bonheur. Et
puis en Allemagne j'ai vu sur Arte le film "A Filetta - Voix
de Corse" et j'ai
été enthousiasmée. J'ai retrouvé exactement dans cette musique
mes sentiments pour l'île de Corse. J'ai recu quelques CDs
en cadeau
de ma famille et j'ai commencé à les écouter chaque jour. J'aime les
voix du groupe ainsi que la multiplicité de leurs chants.
Écouter la musique d'A Filetta attentivement suscite des sentiments
très
forts; elle ouvre le coeur. Mais expliquer l'effet serait comme réduire
un lever
du soleil magnifique à ses qualités physiques.
J'ai essayé de traduire les paroles et j'ai cherché des informations
sur le
groupe, et je suis très heureuse d'avoir trouvé "l'Invitu" et
Jean-Claude.
La première rencontre personnelle en concert a eu lieu enfin pendant
les 18es
Rencontres de Chants Polyphoniques à Calvi. Malheureusement, il y avait
trop peu A
Filetta pour moi (arrivée seulement le jeudi, j'ai raté "Medea" !),
mais
c'était un événement inoubliable. J'espère revoir le groupe
en 2007 en Allemagne, et cela me réjouirait beaucoup. Ursula Glöckner
Retour à Calvi de l'oriflamme
"A Filetta Montrouge"
(Festival Chorus 2005)
Le témoignage de Bruno Coulais
"Les membres d'A Filetta sont très différents mais on ne
décèle chez aucun d'eux la plus petite once de médiocrité. Si
la tradition corse est omniprésente, ce sont des chanteurs intemporels.
Leur
musique traverse le temps, les amarres terrestres n'existent plus. Leur
répertoire
est un réceptacle constamment ouvert sur le monde, ne se confinant
jamais au champ
clos d'une culture recroquevillée sur elle-même"
(propos recueillis par Jean-Marc Raffaelli pour Corse-Matin- édition du
11 mai
2003).
Un« filu » di a
filetta…
A Filetta
ti aspetta
goccia à goccia
di a so terra
ràdica
cù a so forza
di u prufondu
à la filigrana
ti aspetta
a filetta
È ti canta
A Filetta
voce alzate di a terra (corsa)
di u prufondu
à l’alt’armunia
cù a ricchezza
di purezza
chì ti parla à l’arechja, à a pelle
chì ti tocc’à u fondu di u to core
è ti aspetta…
A
Filetta
chì ti aspetta
corpu interu
in pulifunia
chjama è carezza
rispondenu à u mondu
sin’à l’orizonti
in meludia
chì ti guidà
à a filetta (corsa)
È ùn ti scurdà
di a filetta
chì spunta
di a petra è di l’acqua
cù a speranza
di a memoria
cum’e rifugiu
pè oghje è dumane
è pè
mai ùn ti
scurdà
di a filetta…
Gerda-Marie
Kühn
A FILETTA
ou
Rêve-partie dans les étoiles
Me voilà, les amis : je m’étais
jurée de vous offrir un compte-rendu de concert pas ordinaire pour la
nouvelle année terrienne, pari tenu !
Je serai franche, j’ai hésité un moment en
pensant que vous ne me croiriez pas, tellement c’est incroyable, mais
cet instant de doute n’a pas fait long feu devant le fait totalement
avéré que rien n’est impossible, rien n’est inconcevable aux adorateurs
de la sublime Fougère : tout peut être follement improbable et
granitiquement réel !!!!
Petit retour en arrière en 2006 !
La rumeur enfle depuis quelque temps, comme
celle qui courut un jour sur un peut-être possible éventuel concert d’A
FILETTA sur Orion, astérisque prémonitoire accrochée au programme (les
initiés comprendront) et s’éteignit brutalement, presque anonymement.
Pourtant, ce nouveau murmure annonçant le concert sur Andromède, je le
tourne et le retourne dans ma tête, je sens que je ne dois pas le
prendre à la légère.
La durée du voyage commande une prise de
risque totale : bien que située dans notre Groupe Local, il y
a entre Andromède et la Voie Lactée où niche notre Terre, et dixit le
télescope Hubble, près de 2,9 millions d’années-lumière (890 000
parsecs), soit environ 27 milliards de milliards de km. C’est
vertigineux !
Vu que mon char se déplace à 500 000 km/h,
c’est au bas mot de 12 milliards d’années de ma vie, aller et retour,
dont il s’agit, rien à voir avec les sauts de puce
habituels d’un fan un peu déjanté (suivez mon regard) ! Mais
quand on aime, on ne compte pas !!!
Et puis, en souvenir de l’homme de ma vie
d’avant, fan de SF, fou du livre « La Nébuleuse
d’Andromède », il faut que je fasse le chemin vers cette
galaxie de la paix et de la tolérance pour les voir et les entendre
chanter dans ce lieu de l’avenir radieux décrit par Ivan
EFREMOV. Est-ce un signe : cette année, sur la
planète Terre, Noël et l’Aïd se frôlent pour la première fois depuis
très longtemps, on ne peut donc rêver mieux qu’Andromède pour un
rassemblement de partage et d’espoir .
Je sens, je
sais, qu’il y a une impérieuse nécessité à faire le voyage, le si long
voyage vers le bonheur. C’est décidé, je pars ! Je
ne peux pas, je ne dois pas, sous de futiles prétextes, renoncer à ce
rendez-vous pourtant encore hypothétique sur Andromède ! C’est
comme une mission ! D’abord, quelques photos, pour preuves de
mon périple intergalactique :La première, c’est l’affiche, vue
à la sauvette en quittant la Voie Lactée, accrochée à un objet céleste
en gravitation erratique : mais quelle mouche a donc piqué
l’organisateur du concert pour oublier d’en coller chez nous ?
Cà s’appelle un test d’amour : je te dis rien, et si tu
m’aimes tu vas finir par trouver ! Et vous savez tous que ça
marche !
A gauche, la Nébuleuse
est encore à 580 parsecs de mon astronef poussif mais néanmoins
valeureux. Je sais maintenant ce que signifie avoir la tête dans les
étoiles !
A
droite, il n’y a plus que 3 parsecs à franchir pour accéder à l’espace
de concert qui a lieu précisément là (suivre la flèche !). Je
pénètre dans le cœur du beau, c’est indescriptible, avec, comme à
chaque fois que je vais les voir, cette émotion inexplicable qui
déconnecte de tout et transporte dans un autre monde : là, en
vrai, je suis dans cet ailleurs où le temps n’a pas de sens !
Voilà, je suis au bout de la route, sur la
Nébuleuse d’Andromède. La galaxie de l’espérance !!!
Valérie est
là, naturellement là, retrouvailles, bisous, chaleur, joie, comme
partout, comme toujours ! Je sens une présence immense,
impossible à voir, à quantifier et il n’y a ni bousculade, ni cris mais
une sorte d’attente fraternelle, planante. Quelqu’un me tape sur
l’épaule, je me retourne : c’est pas un terrien, c’est sûr,
mais qu’est-ce qu’il est beau !!! On s’est vu à Calvi l’année
dernière, me dit-il (et si c’était "elle" ?), vous vous
souvenez, Faiz Ali Faiz, Rassegna, Voce Ventu, Julia Sarr, …, c’était
génial, non ? Cool Françoise, tout est normal, tout va
bien ! Bon, tu l’as pas reconnu, c’est pas facile, mais il y
était, c’est sûr, vu qu’il te montre des photos des Rencontres et que
tu as à peu près les mêmes à la maison ! Ici, pas de lumières
qui s’éteignent pour annoncer leur arrivée, alors ils arrivent je ne
sais pas comment, parce qu’il n’y a pas non plus de rideau à
franchir ! Ils sont là et c’est la seule chose qui
compte !
Pause contemplative
indispensable !
En les voyant enfin, après un si long voyage,
pas une seconde leur présence ne me semble incongrue tant ils sont chez
eux partout ! Ils sont posés sur une barque en bois qui flotte
dans le vide, l’arc magique rituel qu’ils forment immuablement est en
place (Maxime, José, Ceccé, Jean, Jean-Claude, Jean-Luc et Paul), des
milliards d’étoiles les entourent comme un écrin en poussière de
diamants !
Déjà, je n’ai pas
envie de rentrer !
Chose étrange (je suis novice en concert
sidéral !), chacun des spectateurs est face à eux, à 5 m
environ. Je dis bien chacun, c’est à dire que, quelle que soit la place
que l’on occupe dans l’espace, devant, derrière, dessus, dessous, ils
sont inexplicablement en face, et dans le même sens que chacun de
nous ! Par ailleurs, ils ont des micros parce que le concert
est retransmis en direct vers d’autres galaxies du Groupe Local mais
aucune trace d’un quelconque dispositif de sonorisation ! Un
hologramme géant circule dans toutes les directions pour nous livrer le
programme et il me semble tout à coup être au cœur de la
Citadelle à Calvi, ou ailleurs, avec eux, avec vous ! Il
faudrait peu de chose pour sentir l’odeur du maquis !
Programme (un
joyau !)
Alors, dans un silence
de bout du monde,
Ils incendient l’Univers
Plus que les mots de Jean-Claude, plus que
l’harmonie envoûtante de leurs voix et la beauté de leurs chants, plus
que leurs corps qui se frôlent, plus que la complicité tendre et
joyeuse qui les relie, dans cette nuit perpétuelle ce qui me bouleverse
comme jamais, c’est le frisson qui parcourt notre multitude
cosmos-polite, le frisson intense et incontrôlable qui traverse chacun
de nous, suspendu à leur écoute : à cet instant, ils sont le
langage universel qui dit l’amour, le partage, la douleur, la colère,
la joie, la mémoire, la mort, la vie, l’espoir, la terre, …, partout, à
tous, sans médiateur. Sentir, ressentir, c’est traduire. A Filetta ou
l’esperanto incarné !
Et puis, pour l’avoir si souvent dit, j’en ai
désormais la certitude au cœur des étoiles : s’ils chantent,
les anges ont la voix de Paul ! Sublime !
Ici, les larmes que l’émotion enfante ne
coulent pas sur les joues, elles s’envolent dans l’espace en ruisseaux
innombrables, filaments de bonheurs liquides, d’émotions salées qui
cheminent entre les objets célestes. Et si les traces guettées par les
astronomes sur les planètes lointaines étaient en réalité les
empreintes indestructibles de nos joies polyphoniques à l’écoute d’A
Filetta ? Peut-être qu’un jour quelqu’un ramènera mes larmes
sur la Terre !
Je ne sais plus combien de temps nous sommes
restés ainsi arrimés à eux, mais quand le concert s’est définitivement
arrêté, nous n’arrivions pas à jeter les amarres. C’est partout et
toujours pareil !
Je suis allée les embrasser, c’est mon rituel
à moi, et nous étions heureux d’être ensemble ici ! A les voir
si rayonnants malgré la fatigue, j’ai compris que nous avions été à la
hauteur de leurs offrandes tant ils sentaient à chaque instant notre
communion avec eux ! Moment magique !
Les quitter sera toujours une déchirure, un
chagrin d’enfant, tempéré par la douceur des joies vécues, plein de la
promesse de celles à venir !
J’ai dit au revoir à la cohorte galactique
des nouveaux amoureux inconditionnels de la Fougère : chacun
de nous sait bien que c’est un phénomène contre lequel on ne peut pas
lutter ! A bientôt, sur ma Terre !
Je pars, la route est longue, mais, magie d’A
Filetta, je suis ivre du bonheur qu’ils m’ont offert, que nous avons
partagé, ivre et merveilleusement paisible.
Je pense à ces vers
d’Antonio Machado :
« J’ai rêvé
cette nuit
Ô erreur merveilleuse
Que des abeilles dans mon cœur
Transformaient mes échecs en miel. »
Je le déclare
: sans
être Corse, sans comprendre la langue, la chair de poule m'envahit à
l'écoute de leurs chants...
Surtout pendant les 4:10 de "A Paghjella di l'impicatti", sans oublier
le dramatique et
sublime "Medea"...
Je crois que tout a commencé avec "Le Peuple migrateur".
Dieu merci, A Filetta évite le piège de la variété
commerciale. Leurs chants sacrés sont un bijou tragique de pureté.
A l'écoute, les poils se hérissent, ça décoiffe et c'est bien
ainsi !
C'est grâce à la télé que j'ai découvert A Filetta. Ils
n'ont jamais donné de concert dans ma région, mais tous leurs CD sont
sur
mon Mac. Danièle Leroy
C’était,
je crois, en
1993.
Au hasard d’un
abonnement au
centre culturel du Perreux (comme quoi les abonnements cela a du bon
j’assistais
à mon premier concert d’A Filetta. A l’époque, si mes origines
corses me rendaient un peu enclin à écouter Antoine Ciosi, Petru
Guelfucci
ou les Nouvelles polyphonies corses, j’avoue que je n’étais pas plus
accro que cela. J’aimais ces voix amples et mélodieuses, cette
rugosité du chant, cette identité affirmée, mais quelque chose
d’indéfinissable m’empêchait d’adhérer pleinement
à cette musique. Je n’attendais donc rien particulier de ce concert
d’A Filetta à part le plaisir d’y être et celui d’entendre
ces chants résonne dans une église.
Et ce
fut le choc !
Dès
les premiers chants, pourtant
très austères (c’était l’époque d’Ab
eternu), quelque chose se passait.
Les voix
étaient bien là, parfaitement placées et à
l’unisson, mais une émotion me nouait petit à petit le ventre.
Une espèce de ferveur, de communion formidable gagnait peu à peu
l’ensemble de l’assistance. Au « Ghmerto »,
un
cran de plus était franchi. Ce chant montant crescendo permettait aux
chanteurs de
donner la pleine mesure de leur talent et de distiller une émotion
extraordinaire.
Puis
le Lamentu di Ghjesù, avec une
intensité dramatique, une beauté et une sincérité
bouleversantes. Malgré moi, des larmes coulaient sur mes joues. De
vraies larmes
d’émotion pure. Des larmes de bonheur. Un frisson me parcourait tout le
corps, le souffle coupé, en apnée involontaire à
l’écoute de ce joyau.
Et déjà, pour finir, Sumiglia. Cette perle, ce chef
d’œuvre, qu’A Filetta continue à chaque concert de parfaire,
avec une sincérité toujours renouvelée.
Depuis, j’essaie de ne manquer aucun concert passant à proximité,
voire de voyager pour aller retrouver cette émotion unique.
Le hasard faisant parfois bien les choses, il me permit de voir et
d’entendre
Medea mis en scène par Jean-Yves Lazennec au
"Printemps des
comédiens" de Montpellier, en 1997. L’occasion d’apprécier
comment A Filetta sait prendre des risques, relever des défis et
surtout les
gagner.
Puis d’autres concerts, de nouvelles créations, plus belles les unes
que les
autres. Le Requiem, les collaborations avec Bruno
Coulais, avec Sidi Larbi
Cherkaoui, avec Orlando Forioso, Si
di
mè, Medea
de
nouveau….
Rencontrer chaque membre du groupe fut pour moi également essentiel.
Cela aurait
pu être une sorte de déception face à des gens enfermés dans
leur art. Bien au contraire, j’ai découvert des gens particulièrement
humbles, sensibles et passionnés, profondément humains.
Et c’est cette cohérence formidable entre ce qu’ils sont et ce
qu’ils font, entre ce qu’ils créent et ce qu’ils renvoient,
entre la maîtrise de leurs voix et la beauté de leurs chants, entre
l’unité de leur groupe et leur faculté à partager ce
qu’ils vivent, c’est toute cette cohérence qui rend totalement
magiques et uniques leurs concerts. Pierre Casanova
Je
m'appelle Julien Gay, j'ai vécu en en Corse à L'Isula Rossa de l'âge
de 5 ans jusqu'à 16 ans. J'ai eu la chance vers l'âge de 13 ans de
rencontrer le groupe A Filetta par l'intermédiaire des frères de St
Jean du
couvent de Corbara et particulièrement avec le frère Drago et
Jean-Baptiste. Les frêres m'ont proposé de venir avec eux au Carubbu
à Lumio. En effet le groupe leur avait proposé d'apprendre à chanter
en polyphonie et j'étais de la partie ! Que de beaux moments où j'ai
beaucoup appris avec Jean-Claude, Jean, Pierre, Paul... J'ai ensuite
suivi les cours
qu'ils donnaient le dimanche. Dans la cour de mon collège, nous avons
commencé à chanter en petits groupes avec des copains. Nous avons
participé au concours "Valle Voce", j'ai eu la chance de participer à
la
première partie du groupe à l'Isula Rossa.
Même si je ne suis pas corse, je crois que cela sera toujours mon pays.
Il est
ancré en moi. Le groupe m'a énormément appris dans ma
carrière musicale, leurs conseils me suivent toujours. Je continue
d'ailleurs
à chanter des chansons corses, françaises, italiennes en amateur.
J'habite
Saint-Brieuc depuis plus d'un an et je suis sur la préparation d'un CD
de chansons
françaises avec un auteur-compositeur du coin.
Je suis donc allé à Lorient les voir chanter. J'ai été comme
à chaque fois scotché à mon siège quand le groupe a
commencé à chanter, cela m'a pris aux tripes ! J'avais envie de
pleurer,
car cela faisait plus de 10 ans que je ne les avais pas entendus. Ma
femme qui ne
connaissait qu'au travers de mes CD a beaucoup apprécié. Même si je
pense que pour ces chants il faut une acoustique naturelle et non des
micros !!
J'ai été surpris par les applaudissements mitigés du public avec
deux rappels polis. Les personnes à côté de moi d'ailleurs en avaient
marre: à la fin ils ont dit "ils ne vont pas les rappeler toute la
nuit" ! ! Cela
m'a choqué, mais bon, il faut de tout pour faire un monde !
Je suis ensuite allé voir Valérie et les membres du groupe. J'avais
l'impression de les avoir quittés la veille tellement leur accueil a
été chaleureux !! Je me suis permis de leur demander de chanter une
paghjella avec eux, ce qu'ils ont accepté. Céccè et Jean-Luc ont
chanté avec moi qui ai fait la siconda, sous les yeux bienveillants de
Jean et de
Paul. Ils m'ont fait un super plaisir !! Julien Gay Die
korsische Musik durch Zufall
entdecken.
In diese faszinierende, ungewöhnliche, archaisch anmutende Klangwelt,
ohne jegliche
Vorwarnung hinein zu stolpern, ist wohl die schönste Art diese Musik
kennen zu
lernen. Völlig unvorbereitet und ahnungslos bin ich in den Wirbel der
korsischen
Gesänge geraten und wurde von einer emotionsgeladenen Klangwelle
überrollt. Und
das noch dazu, von "A Filetta". Die Gruppe, mit einem der
charismatischsten Musiker den
ich je erlebt habe.
Jean-Claude
Acquaviva hat eine Bühnenpräsenz die Seinesgleichen sucht. Völlig in
sich
gekehrt, in seine Musik, abgegrenzt in seiner Welt des Klanges - und
doch mitten im
Publikum. Man spürt Ihn förmlich bis in den letzten Winkel; er ist bei
jedem
einzelnen seiner Zuhörer und bleibt trotzdem unberührbar in seinem
intimen
Halbkreis der Sänger.
Fasziniert und
bewegt werde ich diese erste Begegnung mit den "Polyphonies Corses" in
ewiger Erinnerung
behalten.
Découvrir
la musique corse par
hasard.
C’est sans doute la plus belle façon d’apprendre à
connaître cette musique que d’être précipité sans aucun
avertissement préalable dans ce monde sonore au charme archaïque,
fascinant
et inouï.
Sans aucune préparation et de façon inconsciente, j’ai
été prise dans le tourbillon des chants corses et portée par une
vague sonore chargée d’émotion.
Et en plus, par « A Filetta ». LE groupe, avec un des musiciens les
plus
charismatiques que j’aie jamais vu : Jean-Claude Acquaviva a une
présence
scénique sans pareille. Totalement possédé, absorbé par sa
musique, dans son monde sonore - et en même temps au beau milieu du
public. On est
touché par sa présence jusqu’au plus profond de soi ; il a un contact
émotionnel et musical direct avec chacun de ses auditeurs tout en
restant au
milieu du demi-cercle intime des chanteurs.
Fascinée et émue, je n’oublierai jamais cette première
rencontre avec les « Polyphonies Corses ». Margarethe Hlawa
Traduction
française par Gerda-Marie
Kühn et Jean-Claude Casanova
Margarethe
est une jeune musicienne autrichienne
qui étudie le chant corse.
U
cuncertu di sabbatu scorsu (u 17mu
di nuvembre pè u 2007)
accantu à Bordeu (Bordeaux) era un incantu, incù 'ssi belli ritimi
lenti
chi' danu u tempu di rifiatà; e so radiche so' fonde e i so' soni
dolci, lindi e
à le volte strane aprenu i purtelli di i nostri cori sopra u
Mediterranniu ! Ghjuvan Petru Battestini
Pour la tournée néerlandaise d'A Filetta en décembre 2007,
Jean-Claude me demanda si je voulais bien traduire et lire sur scène
les
introductions entre chaque "bloc" de chants. Ce fut pour moi un grand
honneur et aussi
une grande joie de pouvoir enfin faire quelque chose pour eux...
Une semaine s'est écoulée depuis les concerts, et ces gens très
attachants nous manquent. Nous avons beaucoup été touchés par leur
gentillesse et leur simplicité. Le fait d'avoir partagé leur
intimité pendant trois jours nous a comblés. Ils nous ont accueillis et
ouvert leurs cœurs. Nous les considérons véritablement comme des
amis... Laurent Lohez (Tra Noi)
LE CHAÎNON MANQUANT
Conférence du 22 mai 2010
à Demigny
Saône-et-Loire
par Cecca COULOMB
de l’Université de Catalogne Nord
REMERCIEMENTS
Avant de débuter mon brillant exposé, je voudrais remercier chaleureusement les organisateurs de cette manifestation unique dont j’ai la fierté d’être la première conférencière. Que cette édition originelle soit le socle d’une longue série dans cette Bourgogne millénaire et néanmoins accueillante, mêlant harmonieusement nourritures intellectuelles et terrestres. C’est du moins ce que nous espérons tous !
Merci à vous aussi, Demignynois, Demignynoises, venus si nombreux malgré la concomitance de la finale de la Coupe d’Europe de Rugby qui voit s’affronter ce soir le Stade Toulousain et Biarritz, avec la certitude que flottera enfin au vent de la victoire le drapeau français que le monde entier nous envie !
Que ce sacrifice, douloureusement consenti par nous tous, scelle à jamais l’union sacrée de la Culture et des Œufs en meurette !
NOS HÔTES ET LEUR DOMAINE
PREAMBULE
Le 27 mars 2010, le journal Le Monde annonçait sous un titre coup de poing : « Du nouveau dans la famille humaine », que l’analyse ADN d’une minuscule phalange d’auriculaire, trouvée dans une grotte des montagnes de l’Altaï, au sud de la Sibérie, et datée de moins de 40 000 ans, démontrait son appartenance à un individu du genre Homo mais, et là était la surprise, d’une lignée différente de Sapiens et Néandertalensis.
J’attire votre attention sur la signification profonde du mot Homo. En effet, la tentation est grande pour des esprits pervers, de rapprocher vulgairement ce vocable de coutumes honteuses que notre Sainte Mère l’Eglise condamne vigoureusement, quoique !
Non, pas de çà chez nous, Homo, c’est l’Homme, masculin/féminin, vous, moi, nous, hier, aujourd’hui, demain !
Donc, revenons à notre sujet, cette analyse ADN signifiait qu’à une époque où deux espèces d’hommes – notre ancêtre direct Cro-Magnon et Neandertal – cohabitaient, un proche cousin subsistait lui aussi en Eurasie alors que l’existence d’une quatrième espèce humaine, l’homme de Florès, découvert en Indonésie en 2003 et vieux de 13 000 ans, continue de diviser les paléontologues.
L’objet de cette conférence est d’apporter à la poursuite sans fin de nos origines, le premier bilan de mes recherches sur ce qui pourrait être la fantastique découverte d’une cinquième espèce humaine. L’apport à la Paléontologie mondiale de ce que j’ai appelé « Le chaînon manquant » est aujourd’hui difficilement quantifiable et j’ai conscience des réticences que l’aspect révolutionnaire de mon travail va rencontrer dans cette jungle violente et sans pitié qu’est le monde scientifique actuel.
C’est pourquoi j’ai choisi de le présenter ici et à vous, mes amis, mes fidèles, sans qui le courage m’aurait manqué pour continuer sur la voie intransigeante de la vérité. Votre écoute m’est précieuse, j’en sens à chaque instant la lumineuse intelligence et c’est donc confiante que je vous livre en avant-première le fruit de mes nuits blanches.
Afin de bien comprendre l’extraordinaire portée ma découverte, il importe de rappeler l’état actuel des connaissances sur nos origines.
Je vois, dans le regard de certains, poindre l’angoisse ! Va-t-elle nous faire subir un interminable panorama verbeux expliquant le parcours chaotique qui mène de l’ancêtre commun entre l’homme et le chimpanzé à l’homo sapiens évolué dont nous sommes aujourd’hui, là, à Demigny, les brillants représentants de l’ultime lignée vivante ?
Non, j’irai droit au but comme le dit Thierry Henry de la main, un soir de victoire footballistique sur l’Irlande, gage d’une Coupe du Monde prémonitoirement désastreuse.
Donc soyons brefs, et rien de mieux qu’un schéma clair pour ménager vos méninges ramollies par un long voyage vers le savoir, le boire et le manger !
PAR LÀ OÙ TOUT A COMMENCE
C’est au cours d’un séjour de fin d’été sur une île sauvage de Méditerranée où je prenais quelques jours d’un repos bien mérité, que j’eus la révélation que ce qui se déroulait sous mes yeux escagassés était sans doute l’annonce d’un extraordinaire séisme scientifique.
Dans un village de pêcheurs écrasé de soleil, Calvi en idiome local, qui prétend être le berceau natal de Christophe Colomb alors que chacun sait qu’il est né en Catalogne, dans ce village donc, se déroulait un étrange rassemblement grégaire et joyeux, convergeant plusieurs soirs de suite vers un promontoire fortifié pour adorer une plante sans doute magique, personnifiée par des humains vêtus de noir, sorte de prêtres païens psalmodiant des chants en une langue inconnue.
LE VILLAGE
On peut sentir sur le document ancien qui suit, l’effet envoûteur de ce clergé vocalisant qui, à l’instar des Mayas du Mexique et des Maoris de Nouvelle-Zélande, pratique la configuration semi-circulaire pour accentuer la dépendance des fidèles durant les imprécations rituelles.
Ce que j’appellerai le Haka Kallistique est d’ailleurs une donnée fondamentale de la geste accompagnant l’adoration du végétal sublime.
LES PRÊTRES NOIRS
QUELQUES ADEPTES EN APNEE ADORATIONNELLE
Ces pratiques chamaniques me firent un instant penser aux célébrations druidiques de Stonehenge, site grand-breton dédié au culte solaire, mais j’écartai bien vite cette comparaison, parce que là, à Calvi, les humains rassemblés par ce pèlerinage annuel n’étaient unifiés par aucune origine, culture, pratique sociale communes. Un mystère total !
D’autre part, à travers quelques échanges laborieux avec des adeptes enivrés, et sous couvert d’anonymat bien sûr, je découvris que ce culte végétal était assez récent (fin du XXème siècle environ) et qu’il était donc impossible, contrairement aux pratiques paléontologiques classiques, de baser mes recherches sur des preuves tangibles : pas de squelette, pas de sépulture, aucun habitat stratifié, nulle grotte ornée, rien, nada !!!!!
Comment caractériser des intuitions sans les pistes traditionnelles du paléontologue expérimenté ?
L’observation, amis déjà avachis sous prétexte d’inanition et de pépie rédhibitoires !!!
Il faut à cet instant que vous preniez conscience, voyageurs consciemment égarés sur cette terre profonde du Persillé et du Chablis réunis, que la simple collecte d’éléments, anodins pour le commun des mortels, demande, même à un cerveau entraîné comme le mien, une formidable capacité imaginative afin de concevoir l’impensable !
En effet, il m’apparut assez vite que ces hominidés que je croisais lors de la fréquentation répétée de ce lieu cultuel hors du commun et grâce à la parole libérée des processionnaires à coup de Clos Columbu et de Patrimonio, alors que rien dans leur aspect, leur langue, leur comportement vestimentaire, leur façon de boire et de manger, ne les distinguait de l’espèce en cours, sapiens, et bien que totalement sédentarisés en divers lieux de notre Europe en proie actuellement aux attaques sournoises du Grand Capital, pratiquaient un nomadisme de circonstance dont le caractère changeant et aléatoire n’empêchait pas les retrouvailles, pour un rituel primitif d’adoration de la divine plante et de ses gourous anthracites !
Rien ne me permettant de raccrocher cette observation, mille fois vérifiée depuis la première découverte, à des éléments connus de la paléontologie actuelle, je me rendis à l’évidence que se trouvait devant moi l’irréfutable réalité, je l’affirme et je signe, d’une nouvelle espèce humaine, la cinquième chère à Ludwig !
La plante objet de ce culte étrange, vous la croisez parfois dans la profondeur des forêts chaudes et humides, sur les talus ou les berges des ruisseaux. Elle a connu toutes les espèces peuplant successivement la terre et résisté à bien des cataclysmes, elle nous enterrera probablement tous, elle est unique, elle est multiple, c’est la Fougère, A Filetta, comme on le dit sur la terre de ma découverte !
>
Toute nouvelle espèce, humaine ou non, devant être nommée, j’ai sans hésité et légitimement baptisé le chaînon manquant :
dont l’existence peut maintenant s’afficher sur le schéma de nos origines :
L’HOMO AFILETTUS
C’est donc grâce à cette approche inédite et géniale, dépourvue de préjugés darwinesques que je me lançai dans l’étude approfondie des membres de cette nouvelle communauté d’hominidés dont je vous présente aujourd’hui trois spécimens particulièrement remarquables.
Bien que récente, cette espèce a déjà des groupes bien différenciés que je rangerai dans deux catégories distinctes :
Ce découpage, si intéressant soit-il, ne doit jamais nous faire oublier ce qui fonde l’unicité de cette nouvelle espèce :
- une sédentarisation nomadique incontrôlable,
- une adoration psychopathique de la fougère sacrée.
Les caractères particuliers des spécimens étudiés sont donc totalement soumis à l’identité générique et universelle définie ci-dessus et ce, quelle que soit l’origine géographique, culturelle et sociale des éléments qui composent l’espèce, n’en déplaise aux bessonades actuelles !
Les adeptes de France ici étudiés sont, par ce fait paléontologiquement démontré, totalement représentatifs de tous ceux peuplant la Germanie, la Hollandie, la Japonie, que sais-je encore !!!!!
Seule les différencie, et nous avons déjà pu le constater, l’incroyable richesse des pratiques gastronomo-viticoles qui entourent, en France, les rassemblements des fidèles !
Où qu’ils se trouvent, quel que soit le lieu de cérémonie ordonné par les prêtres noirs, ils ne mouront jamais ni de faim ni de soif.
L’HOMO AFILETTUS RURAL
C’est ici, à Demigny que je l’ai découvert et sa fréquentation récente mais assidue n’est pas
étrangère à l’opportunité formidable qui m’est donnée aujourd’hui de présenter enfin mes travaux !
Une des particularités majeures de l’Home Afilettus rural est qu’il est un des plus anciens et des plus fidèles représentant de l’espèce. A ce titre, nous lui devons respect et gratitude et je vous demande, pour vous sortir aussi de la léthargie qui semble vous envahir, de les applaudir bien fort.
J’en profite aussi pour rassurer ceux qui s’impatientent, nous sommes dans les temps comme disait Boulin !
Donc le rural est ancien mais cela ne veut pas dire vieux ! Le rural, comme tous les adeptes, nomadise à tout va dès que le signal d’un rassemblement est donné et il n’est pas le dernier à chevaucher sa monture pour célébrer la plante divine et ses imans noirs, avec les grigris habituels comme on peut le voir sur le document qui suit :
J’attire votre attention sur les superstitions qui structurent le rural : en toute circonstance et par un magnifique esprit de solidarité, couplé à un sens aigu de l’hospitalité, il a toujours avec lui un grigri supplémentaire pour accueillir l’inconnu qui pourrait passer ! Le rural est généreux, c’est sa marque !
Il vit en couple sur ses terres (voir plus haut) mais cet enracinement ne l’empêche nullement de parcourir le monde pour des pèlerinages lointains. J’ai croisé des fidèles qui l’ont vu chez les Helvètes, sous la neige, transi de froid, se prosternant sans retenue devant les dieux vivants !
On le voit d’ailleurs ici sur les routes, l’air joyeux, la mine réjouie, au retour d’un rassemblement ou peut-être en route pour le futur :
Il regagne ensuite son domaine et procède alors à une salutaire reconstitution de sa force par des procédés spécifiques à son environnement.
Le mâle est un adepte de la détente sportive, expression globalisante qui couvre des activités aussi diverses que le bricolage ou la pêche, activités très caractéristiques du rural qui nécessitent un long apprentissage et du temps ce que l’Homo Afilettus rural possède sans réserve.
Il excelle dans la réalisation de breuvages typiques et possède la maîtrise totale de la cuisson sur braise, héritage d’ancêtres morts à Alésia sous le joug de romains berlusconiens.
La femelle, qui profite largement des activités du mâle, n’en est pas moins occupée et assure de main de maître le fonctionnement général de la propriété.
C’est aussi la grande prêtresse de l’information de la tribu car elle seule possède le savoir permettant d’y accéder, le mâle rural en étant bien incapable, il faut le dire !!!
Quand tout est en ordre, la femelle se détend par la lecture et le jardinage, préparant ainsi son mental aux prochaines migrations. Elle migre parfois en solitaire pour d'autres rituels que celui qui nous occupe mais cela ne nous regarde pas !
L’Homo Afilettus rural est, je le dis avec force, le ciment fondamental de l’espèce, le modèle historique sur lequel se repère tout adepte nouveau, le phare luminescent qui guide le fidèle égaré vers le campement des nomades en transe devant la fougère éclatante !
L’HOMO AFILETTUS URBAIN
Comme son nom l’indique, l’Homo Afilettus urbain réside dans ou à proximité des grandes métropoles. J’en ai côtoyé un certain nombre pour vous présenter le plus typique. Après beaucoup d’hésitations, j’ai identifié non pas un, mais deux représentants de l’espèce que je vous livre maintenant.
Ils sont typiques, c’est certain, et surtout remarquables car des liens familiaux les unissent, ce qui rend la cohabitation de leurs portraits très étrange ! Autre étrangeté, ils sont originaires de cette île enchantée où tout a commencé et sont donc profondément marqués par cette incroyable coïncidence de l’histoire !
Le premier Homo Afilettus urbain dont je vais vous parler est le plus ancien, ce qui ne veut pas dire vieux comme je l’ai déjà démontré !
Cet urbain au passé postal trouble possède une bougeotte naturelle et un amour immodéré pour la musique. Autre constatation avérée, les nourritures intellectuelles ne sont pas toujours celles dont il se délecte le plus !
C’est par hasard et tardivement qu’il rejoint la cohorte des adorateurs nomades de la plante mystérieuse et de ses chantres sublimes. Alors, comme le rural avant lui, il pérégrine en couple dans tout les sens, franchissant les frontières sans retenue, écumant tous les territoires où le rituel s’exerce, bien qu’il dispose pour cela de moins de temps que le rural.
Chez ce premier urbain examiné, le mâle possède la particularité d’une totale maîtrise de l’informatique au point de créer ce qui est devenu la bible universelle de tout adepte de l’espèce. Il passe un temps infini à mettre à jour son œuvre et semble parfois ne faire qu’un avec la machine comme Jean Gabin dans « La Bête Humaine ».
Grâce à lui, les liens entre les membres de l’espèce se sont renforcés au-delà des frontières et les prêtres noirs ne sont pas les derniers utilisateurs de ses talents. Apothéose, il est le brillant géniteur du seul livre qui raconte la genèse et la maturité des idoles et ce premier opus ne sera sans doute pas le dernier!
C’est un fou furieux de photos et il mitraille à longueur de temps presque tout ce qui passe sous ses yeux, particulièrement les officiants géniaux du culte !
Son sens inné de l’orientation en fait une sorte de GPS humain qu’il faut, contrairement à l’original électronique, nourrir et abreuver régulièrement et c’est pas d’là tarte !
La femelle, qui partage avec lui une passion torride pour le jazz, s’en charge admirablement. Elle possède en la matière un savoir et des pratiques reconnues.
Elle profite aussi très largement des capacités particulières du mâle mais sans elle, sans son extraordinaire curiosité intellectuelle et sa détermination subtile en toutes choses, ce mâle urbain ne serait qu’un simple banquier postal en instance de privatisation !
Elle le stimule et l’encourage sans relâche et lui est totalement indispensable.
Lors des rassemblements coutumiers, elle n’a pas son pareil pour accéder au plus près de la fougère incandescente et de son clergé chantant ce qui offre au mâle reconnaissant des prises de vue et de son incomparables !
Ce premier type d’Homo Afilettus urbain est sans conteste une référence dans le domaine : à l’amateurisme des premières hordes de fidèles, il impose un professionnalisme déterminant pour la mondialisation de l’espèce, sans jamais perdre la ferveur innocente du premier rassemblement !
L’Homo Afilettus urbain dont je vais à présent vous parler est d’un type voisin de l’urbain précédent mais il possède aussi la part sauvage du rural : on peut donc le qualifier de métis, comme toutes les espèces d’hominidés en possèdent.
Cet Afilettus métissé est un nomade né. Migrer, il le fait comme tous les adorateurs de la Fougère et de ses moines soldats, mais il migre aussi en dehors des rassemblements programmés et n’a de cesse que d’entraîner, jusqu’à épuisement parfois, ses coreligionnaires de l’espèce dans de folles équipées inestimablement inutiles. Comme le rural, il possède ce lien millénaire avec la terre et une certaine ancienneté dans la connaissance du rituel !
Mais comme l’urbain précédent, il vit avec ce siècle microsofté et ne se prive pas d’utiliser toutes les techniques connues lors des pèlerinages qu’il fréquente tous azimuts !
S’il se passionne aussi pour la musique, c’est dans le théâtre qu’il s’éclate, ce qui ne l’empêche pas, le document qui suit le prouve, d’assouvir régulièrement d’autres passions plus terriennes, comme tous les fidèles d’ailleurs !
Le mâle est aussi bricoleur que le rural, toutes proportions gardées bien sûr !
Lorsqu’il en a le temps, il s’adonne à la composition musicale, ce dont je ne peux à ce jour rendre compte, faute de connaître sa production.
Il a une passion étrange, coûteuse et peu connue pour les montres, et la rumeur prétend que cela le contraint à toutes sortes de trafics de CD piratés qu’il confectionne lors des rituels !
Il saute donc comme un cabri sur toutes les estrades qui passent et rêve en secret d’un Molière qui consacrerait son jeu subtil, aux multiples facettes.
Mais cet acteur né ne serait rien sans la femelle, véritable chef d’orchestre de son talent. C’est elle qui façonne son jeu et canalise admirablement sa sauvagerie naturelle.
Elle joue aussi, mais sa vraie passion c’est la danse, et ceci explique sa formidable capacité à dompter la fougue brownienne du mâle sur scène !
Elle n’a rien à envier à ses délires pédestres et est une redoutable nomade. Son penchant sédentaire, elle l’exprime talentueusement dans sa cuisine, par la confection de mets succulents qu’on aimerait goûter plus souvent !!!
Cet Homo Afilettus urbain, par son métissage constitutif, est très représentatif de cette nouvelle génération qui peuple désormais l’espèce et son côté baba cool, très visible sur les documents qui suivent, le lance à toute vitesse dans le XXI ième siècle !!! Il n’oublie pas ses racines mais redonne au culte de la plante magique et à ses prêtres noirs un nouvel élan !
CONCLUSION
Voilà mes amis, la conférence se termine, votre calvaire aussi !
Que ces moments passés à l’exposition de ma découverte vous rendent, à l’égard de l’Homo Afilettus que vous avez sans doute déjà croisé tant l’espèce à un pouvoir de multiplication gigantesque, plus indulgent, plus compréhensif.
Cette espèce nouvelle est fragile, nous devons la protéger et je vous informe, c’est un vrai scoop, qu’elle fera l’objet d’un Grenelle 3 de l’Environnement tant sa survie est devenue l’enjeu majeur de notre temps !
Merci à tous !
Françoise Coulomb
Et, pour conclure, l'hommage des Géorgiens (Tbilissi, juin 2011) :
A Filetta filmé en septembre 2010 dans la Cathédrale de Calvi : "Sumiglia" :
Et à Mezzo Voce en septembre 2008 :
Extraits
presse
"Envoûtants comme la nuit, profonds comme l'espoir". L’Express
"Ce qui se fait de mieux en
polyphonie". Le
Monde de la
musique
"Le groupe nous
mène quelque part entre le recueillement des chants d'église et la
sensualité des madrigaux "médiévaux". Télérama
Né il
y a 25 ans en Balagne, A FILETTA est devenu l’un des premiers groupes
patrimoniaux
de la tradition corse grâce à sa ténacité, son savoir de la
polyphonie corse et surtout son renouvellement, son ouverture du
répertoire
insulaire aux vents du large..." Libération
"A Filetta : Pure Merveille". Pariscope
"Jamais les chants polyphoniques n
'ont remporté autant de succès". Le
Figaro
"Toutes les
traditions d'une Méditerranée ouverte à de multiples
influences"
Musique Hebdo
"Voix d'avant le verbe, de quoi
finir à genoux en regardant les cieux". Aden
"Le plus prestigieux ensemble
polyphonique corse qui atteint encore au sublime". L'Hebdo
"C’est un des
plus somptueux groupes de polyphonies corses qui se puissent entendre...
A FILETTA a su, sans jamais se renier, ouvrir cet art immémorial sur
d’autres formes d’expression, notamment en travaillant sur des musiques
de
film avec le compositeur Bruno Coulais qui a également co-réalisé
leur remarquable album “Si di mè” (Virgin)". LE NOUVEL OBSERVATEUR
“Loin de figer la partition, la polyphonie du groupe trouve au contraire sa force dans la vie et l’émotion suscités par le travail des timbres des voix de chacun de ses membres. Sons gutturaux, musicalité nasale de certaines syllabes, mélange des intonations…Tout l’art des chanteurs d’A Filetta se trouve renforcé par une harmonie complexe dont ils ont le secret”. L'Humanité
"Les mots font
défaut pour décrire
l’émotion ressentie. Six ou sept voix, comme un bloc de son compact,
entier,
solide et pourtant souple comme une pâte malléable. Un son qui se
déforme et se recompose au fil des harmonies qui le pétrissent de
l’intérieur. Mais ce qui frappe le plus, c’est que la formation de
Jean-Claude Acquaviva chante toujours tout en nuances, se démarquant
ainsi de tous
ces groupes qui ont si souvent tendance à vouloir tout faire passer en
force. Le
résultat, éblouissant de beauté, vous laisse sans souffle, la gorge
nouée… Personne, à ma connaissance, ne chante comme ça
aujourd’hui ; et pour une pareille émotion, il faut dire merci…
" Marc Robine /
Chorus –
Les Cahiers de la Chanson
"Un spectacle pour onze danseurs, 7 chanteurs et un musicien dans lequel Sidi LarbiCherkaoui renoue avec la sobriété visuelle d’une écriture centrée sur le corps dansant, avec un gros travail autour du mouvement et du rythme. La pièce est par ailleurs sublimée par la sidérante majesté des chants de l’ensemble vocal corse A Filetta et de la chanteuse libanaise Fadia Tomb El-Hage. (...) Les sept voix emplissent l’espace comme on souffle doucement dans un ballon. Une pénétration toute en finesse avec une texture polyphonique limpide et une ampleur élastique qui étreint dans un même élan le répertoire traditionnel corse et oriental des interprètes." - Le Monde
"A Filetta, le chant ouvert”. “Les sept chanteurs corses du groupe polyphonique A Filetta poursuivent depuis 1978 un chemin exigeant mais ouvert, liant une culture orale sans âge aux traditions écrites, sans omettre d’aller à la rencontre du monde”. Mondomix
“Indépendant et créatif, A Filetta réaffirme son refus de se laisser enfermer dans lerôle réducteur de gardiens du temple d’un art vocal insulaire figé voué au seul service du patrimoine pour au contraire donner vie à un ensemble inspiré, certes bien accroché à sa terre natale, mais pour mieux tendre le nez au vent ou comme aujourd’hui regarder vers le ciel, à l’image de la fougère à laquelle il a emprunté son nom…” La Terrasse
Un reportage pour l'émission de TV Suisse Romande : "Faut pas croire" : "A Filetta : chants d'une terre", à découvrir ici :
Andrew McGregor takes a look at the Corsican polyphonic ensemble keeping this ancient form of singing alive
A Filetta will perform alonside Rustavi Ensemble on October 13 at the Barbican Centre.
Spot-lit in the cool shadows of a small church in Corsica, six men stand in a semi-circle, eyes half-closed, hands cupped over ears, voices keening, pirouetting, soaring around one another, raising hairs on the back of your neck with ringing sincerity and raw passion. This is the timeless sound of Corsican polyphony, voices that seem ‘to issue from the birthpangs of the world’ according to the island’s biographer Dorothy Carrington. And to get here you’ve probably followed one of the posters on a lamppost, phone box, or a tree that guide you towards Corsica’s ancient music. This is A Filetta, performing the traditional three-part pulifunie (polyphony) that faced extinction until the wave of Corsican nationalism in the 1970s that led to the riacquistu – the reacquisition of music and language that ignited the cultural renaissance of the 80s and 90s.
A Filetta are named after the Corsican fern, so well-embedded that it’s almost impossible to uproot. They were formed in 1978 by a schoolteacher and a beekeeper in Balagne in the north of the island. The ensemble’s early repertoire of songs with guitar included just a handful of polyphonic compositions. But the characterful voice and musical personality of Jean-Claude Acquaviva have been the key to their sound on a 35-year journey from nationalist fundraising concerts to major world music festivals, constantly revitalising and renewing their musical traditions through their own compositions and collaborations.
The ensemble developed a musical double life; it was already a fixture at the Easter Passions in Calenzana, and Acquaviva began stretching his compositional muscles in pieces for the Calvi Passion. By the late 80s A Filetta were placing liturgical styles from these village confraternities alongside the secular paghjella, the traditional laments and ballads of love and loss sung in three parts. A key example became their calling card: ‘A Paghjella di l’Impiccati’ (The Ballad of the Hanged Man), a tale of Corsican resistance to the French army in the 1770s. Acquaviva’s version began as a chanson, then freed itself from guitars as a capella polyphony of searing power. You can hear its evolution across A Filetta’s recordings, and the vocal style that’s come to define the ensemble’s sound – mellower, more sophisticated harmonising than the amateur ensembles, wonderfully fluid ornamentation, and an emotional and dynamic range that’s astonishingly affecting.
In 1989 A Filetta helped organise the first Rencontres de Chants Polyphoniques in Calvi, an international festival of polyphony that throws open the doors to vocal ensembles from all over the world, and simultaneously introduces them to Corsica’s vocal heritage. Collaborations followed, with Georgian Voices and maloya singer Danyèl Waro. Acquaviva’s musical ideas were becoming more adventurous: his compositions for a theatre performance of Medea led to a series of collaborations with French film composer Bruno Coulais, and experimental combinations with Tibetan music, and even rap. It’s given A Filetta new musical confidence as well as a new toolkit; from being part of the island’s aural tradition, they now read music, and learn and compose in the digital environment.
Acquaviva’s recent Di Corsica Riposu, Requiem Pour Deux Regards explores the tension between ancient and modern that keeps the group’s musical batteries charged, drawing inspiration from other cultures as they reconnect with Corsican laments for the dead.
Two recent excursions have been into the world of theatre and dance with Moroccan-Belgian choreographer Sidi Larbi Cherkaoui. Apocrifu (2007) explores the idea of sacred texts and books with three dancers and A Filetta sharing the stage. And Puz/zle, created for the Avignon Festival in 2012, brought the Corsicans together with Lebanese singer Fadia Tomb El-Hage and has been reworked as a concert piece. Cherkaoui describes A Filetta as a “polyphonic group that sing with a single voice.”
So A Filetta not only represent the best of Corsica’s riacquistu on a world stage, but they have become a distinctive voice on the contemporary theatre scene. For Acquaviva it’s gone far beyond simplistic reverence for tradition: “Rather than a question of fidelity to one’s roots, it’s a question of having roots. Once you have them, you don’t need to prove that you are faithful to them.”
BEST ALBUMS
Intantu
(Virgin France, 2002)
Intantu is perhaps A Filetta’s finest studio album, and it includes the most spine-tingling account of ‘A Paghjella di l’Impiccati’ (The Ballad of the Hanged Man).
Passione
(Olivi Music, 1996)
Award-winning recording of Christ’s Passion, the music performed during Holy Week in Calvi in the 90s.
Sì Di Mè
(Virgin France, 2003)
Featuring arrangements and orchestrations by film composer, Bruno Coulais, who is a key collaborator.
Di Corsica Riposu, Requiem Pour Deux Regards
(Deda, 2011)
Jean-Claude Acquaviva’s most ambitious composition to date. Here Corsican laments for the dead meet Georgian drones and bandoneón. Reviewed in #80.
Mistico Mediterraneo
(ECM, 2011)
Sketches of Corsica in which A Filetta’s intense harmonies meet the trumpet of Paolo Fresu and bandoneón of Daniele di Bonaventura. Reviewed in #77.
This article originally appeared in Songlines #102 (Aug/Sep 2014).
Photo by Didier D Daarwin
Les concerts
Chaque année,
dans le monde entier, de 40 000 à 45 000
personnes viennent écouter A Filetta en concert. Ces concerts sont
annoncés en page "agenda".
Vous pouvez également
consulter le site officiel myspace du groupe.
Retrouvez la mémoire de quelques uns de ces moments privilégiés en
consultant les pages "concerts" :