Cette page est dédiée aux auteurs et
ouvrages corses et aussi aux livres sur la Corse. S'agissant des livres sur la randonnée en
Corse, je renvoie à l'excellent site de Carole Racines corses qui cite un grand
nombre d'ouvrages. Je me bornerai à y ajouter quelques compléments
personnels sur une page dédiée.
Une page spécifique est
dédiée à la littérature italienne dont je suis un lecteur passionné.
Une autre page regroupe les livres et auteurs du bassin méditerranéen, à commencer par Jean-Claude Izzo.
Pour mieux s'orienter dans la page, ci-dessous des liens vers les différentes rubriques :
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Prix littéraires
À l'occasion de la sortie de son dernier roman, Nord Sentinelle, nous avons demandé à Jérôme Ferrari de passer en revue avec nous son oeuvre, depuis Variétés de la mort, en 2001.
Variétés de la mort (2001), Aleph Zero (2002), Albiana Editions
Dans le secret (2007), Balco Atlantico (2008),éditions Actes Sud
Un Dieu un animal (2008), Où j'ai laissé mon âme (2009), éditions Actes Sud
Le sermon sur la chute de Rome (2012), éditions Actes Sud
Le Principe (2015), A son image (2018), Actes Sud
Un soir d'août comme tant d'autres, sur le port d'une station balnéaire comme tant d'autres, au milieu d'une foule de touristes interchangeables, Alexandre Romani, vingt-trois ans, poignarde Alban Genevey, un étudiant en médecine qui vient passer ses vacances, chaque été, dans la région.
Ce drame, et ce qui y a mené, c'est l'ami du père d'Alexandre, Philippe, qui nous le raconte, au fil d'un récit éclaté et audacieux, auquel s'entremêlent de fréquentes digressions sur le tourisme de masse, qui corrompt et avilit les populations qui lui ouvrent leurs bras.
L'auteur du Sermon sur la chute de Rome a largement démontré, par le passé, à quel point il sait se jouer des règles classiques de la narration. Mais jamais peut-être il ne l'avait fait avec cette maestria.
Nord Sentinelle navigue entre les époques et les styles littéraires, du conte à l'interrogatoire policier, en passant par quelques vignettes cruellement drôles, sans oublier une touchante incursion du côté du merveilleux.
Jérôme Ferrari, auteur de Nord Sentinelle. • © JOEL SAGET / AFPa
Et il le fait avec une fluidité telle que ces variations ne nous font jamais sortir de l'histoire.
Au final, elles viennent même éclairer cette tragédie douloureusement banale d'un jour nouveau.
Le monde que Jérôme Ferrari décrit nous est familier. Et il est par bien des points condamnable, parfois même haïssable. Mais il est également le résultat d'une infinité de compromissions, de mauvais choix, d'injustices et de renoncements, individuels ou communs, passés et présents.
Et, comme souvent dans ses romans, les coupables, Dans Nord Sentinelle, sont également des victimes.
Six ans se sont écoulés depuis la sortie d'A son image, en 2018. Mais ça valait le coup d'attendre. Avec Nord Sentinelle, Jérôme Ferrari signe sans aucun doute l'un de ses plus beaux livres.
À aucun moment, au fil des 140 pages de Nord Sentinelle, il n'est fait mention de la Corse. Pour quelle raison ?
La ville où se passe Nord Sentinelle n'existe pas. C'est une espèce de ville hybride, un mélange de Bonifacio, Ajaccio et Porto-Vecchio. À l’origine, je voulais écrire un livre qui aurait pu se passer dans n'importe quelle ville de Mediterranée. Je ne voulais pas l'ancrer quelque part. Mais évidemment ce n'est pas possible, et bien sûr, très vite, tous les lecteurs vont bien voir que ça se passe en Corse...
Peut-être est-ce parce que ce que vous racontez ne pouvait se passer qu'en Corse ?
Je crains qu'il y ait dans cette histoire quelque chose de spécifiquement Corse, effectivement (rires) ! Pour autant je reste persuadé qu'une situation générale peut toujours se décliner, en fonction des spécificités. Les tensions extrêmes, les conflits que je décris, ils pourraient exister ailleurs. Pour autant, j'ai fini par renoncer à l'idée d'universaliser le propos. C'était prendre le risque de créer un espace qui pourrait sembler faux.
Il est essentiel d'éviter de porter un jugement de valeur sur les personnages,
quand on écrit un roman
Jérôme Ferrari
Tout au long de la lecture, on est accompagné par le sentiment que le drame qui se joue est inéluctable...
Nord Sentinelle fonctionne dans un mécanisme déterministe qui est celui de la tragédie. Plus qu'un texte sur le tourisme, comme il est parfois présenté, c'est un texte sur une catastrophe inévitable, qui broie tout le monde.
Et dont on peine d'ailleurs à désigner les responsables, lorsqu'on ferme le livre
Je l'espère, en tout cas. Je pense que le truc le plus essentiel, c'est d'éviter de porter un jugement de valeur sur les personnages. Il n'est pas question de les sauver, mais plutôt de les faire apparaître dans toute leur complexité et leurs contradictions. Tout roman digne de ce nom doit tenter de réussir cela. Hormis, bien sûr, lorsque l'un des personnages est une figure du mal, presque une entité métaphysique, comme dans Meridien de sang, de CormacMcCarthy. Quand on parle de gens réels, en revanche, c'est la moindre des choses.
Les gens que l'on croise dans votre livre sont néanmoins, pour beaucoup, médiocres et cupides. Leur horizon se réduit à la fin de la saison estivale. Ils sont comme cela à cause du tourisme de masse, ou le tourisme de masse a pu se développer parce que nous sommes comme cela ?
Une chose est sûre, il y a une dialectique mortifère là-dedans. Et dans un sens, systémique.
Vous n'avez jamais fait mystère de votre hostilité à ce tourisme-là. C'est vous qui parlez, quand le narrateur décrit, avec virulence, la situation ?
Il y a des choses que je pense, c'est vrai. Mais elles sont poussées à l'extrême, elles sont présentées sans nuance, jusqu'au grotesque. Et puis vu le nombre de voyages que j'ai faits dans ma vie, je serais quand même gonflé d'être aussi catégorique ! Finalement, les gens ne peuvent pas encadrer les touristes sauf quand ils font du tourisme. (Jérôme Ferrari réfléchit quelques instants) Et puis j'ai quand même l'impression tenace que 80 % des gens que je croise dans les rues d'Ajaccio ont fait une école de formation pour devenir touriste, où on leur explique comment s'habiller comme un touriste, comment être sûr d'être repéré en deux secondes et de passer pour un plouc.
Pour votre narrateur, "nul besoin de prophétie pour savoir que le premier voyageur apporte toujours avec lui d'innombrables calamités". Et il prend pour exemple Richard Burton, légendaire explorateur du XIXe siècle... Plus que le tourisme, c'est le voyage en lui-même qui semble être le péché originel ?
J'ai beaucoup d'admiration pour Richard Burton. J'aime beaucoup les ethnologues, les explorateurs, mais ils n'arrivent jamais tous seuls quelque part. Ils traînent derrière eux, par leur curiosité des cultures hautes, des choses qui sont destructrices. C'est comme ça.
Le monde tel qu'on le connaît peut parfois être un enfer assez convaincant
Jérôme Ferrari
La construction de votre livre est presque impressionniste. Et pourtant, au final, tout fait sens...
C'est le pari que j'ai voulu relever, et c'est le genre de pari dont on ne peut jamais savoir s'il va être réussi ou pas. Ça faisait partie du projet initial du bouquin, qui est le début d'une trilogie, intitulée Contes de l'indigène et du voyageur. Formellement, je voulais écrire un roman dans lequel il y aurait une unité, mais qui serait construit autour de mini-contes, qui existeraient par eux-mêmes, et qui en même temps feraient écho au reste du livre.
Vous vous permettez même une incursion dans le surnaturel, avec le djinn qui accompagne le personnage de Shirin, la petite amie d'Alban
Le djinn, c'est le seul élément du livre qui est vraiment merveilleux. Même si, en fait, on comprend vite qu'il vient d'une histoire que le grand-père de Shirin lui racontait quand elle était enfant. Ce chapitre, c'est vrai, a un statut d'extraterritorialité, il n'est pas tout à fait comme les autres, et le narrateur, d'ailleurs, n'intervient pas du tout. Mais il a également son rôle dans l'histoire.
À de nombreuses reprises, une dizaine il me semble, le terme "enfer" revient dans le récit. Cet enfer, c'est le monde dans lequel on vit ?
Le narrateur, lui, il voit l'enfer partout, vous venez de le souligner ! C'est un peu exagéré, mais oui, finalement, le monde tel qu'on le connaît peut parfois être un enfer assez convaincant. Ça peut se nicher dans des petites choses. C'est parfois l'impression que j'ai, par exemple, lorsque je me retrouve à longer pendant des plombes les zones commerciales que l'on n'a d'autre choix que de traverser dans les grands aéroports. Ça, c'est assez diabolique, non ?
Vous êtes aussi radical que votre narrateur, au final !
Plus sérieusement, alors que j'étais en train d'écrire Nord Sentinelle, j'ai été invité à des rencontres littéraires sur Dante. Et j'avais fait une intervention sur un passage de Schopenhauer dans lequel il écrit que Dante réussit très très bien sa description de l'enfer pour une raison toute simple : il en a de nombreux exemples dans la vie de tous les jours. Quand il s'agit de parler du paradis, en revanche, il n'a rien à dire, tout simplement parce que c'est inconcevable (rires). J'ai aimé l'idée de creuser cette idée dans le livre, à cause du côté grotesque et hyperbolique de la chose.
Ce qui me fait de la peine en Corse depuis très longtemps, c'est de voir la médiocrité collective s'ancrer dans un endroit où il y a des gens formidables en pagaille
Jérôme Ferrari
Hyperbole ou pas, votre livre ne laisse guère la place à l'espoir, non ?
Le tragique de la situation, c'est qu'on est conduits à déplorer quelque chose contre quoi on ne peut rien. Et c'est vrai pour plein de choses. Pour le tourisme, comme pour le réchauffement climatique. Ce sont des systèmes puissants, qui nécessiteraient une réaction tellement universelle, que ce n'est pas raisonnable d'y croire. Ce n'est malheureusement pas en fermant le robinet lorsqu'on se lave les dents qu'on changera quoi que ce soit...
Certains ne manqueront pas, une fois de plus, de pointer votre pessimisme
Je suis politiquement pessimiste, je ne m'en défends pas. Pour moi, collectivement, c'est foutu. Mais je crois encore aux relations individuelles qu'on peut nouer. C'est ça, finalement, qui me fait de la peine en Corse depuis très longtemps. Voir la médiocrité collective s'ancrer dans un endroit où il y a des gens formidables en pagaille.
Pour une banale histoire de bouteille introduite illicitement dans son restaurant, le jeune Alexandre Romani poignarde Alban Genevey au milieu d’une foule de touristes massés sur un port corse. Alban, étudiant dont les parents possèdent une résidence secondaire sur l’île, connaît son agresseur depuis l’enfance.
Dès lors, le narrateur, intimement lié aux Romani, remonte – comme on remonterait un fleuve et ses affluents – la ligne de vie des protagonistes et dessine les contours d’une dynastie de la bêtise et de la médiocrité.
Sur un fil tragicomique, dans une langue vibrante aux accents corrosifs, Jérôme Ferrari sonde la violence, saisit la douloureuse déception de n’être que soi-même et inaugure, avec la thématique du tourisme intensif, une réflexion nourrie sur l’altérité. Sur ce qui, dès le premier pas posé sur le rivage, corrompt la terre et le cœur des hommes.
« Nord Sentinelle », de Jérôme Ferrari (Actes Sud, 140 p., 17,80 €).
À paraître le 21 août.
Jérôme Ferrari est de retour avec un roman magistral, dans la même veine que Dans le secret et Le Sermon sur la chute de Rome : il y traite de l’histoire d’une famille corse sur plusieurs générations, écartelée entre le code de l’honneur, l’attrait pour la violence et la nécessité de fournir des plaisirs aux touristes.
Nord sentinelle : le titre du roman est ironiquement inspiré par l’île de North Sentinel dans le golfe du Bengale, dont la tribu autochtone a tué jusqu’à aujourd’hui tous ceux qui ont essayé de s’y rendre, y compris un missionnaire en 2018. C’est ce que les Corses auraient dû faire avec les premiers voyageurs s’ils avaient voulu sauver leur âme, mais non : « Nous avons ouvert grands nos bras d’imbéciles au premier voyageur et d’autres voyageurs l’ont suivi et nous nous sommes retrouvés pris au piège de l’épouvantable dialectique qui nous oppose et nous lie indéfectiblement à eux dans un face-à-face de corruption mutuelle où chacun révèle les vices de l’autre en lui exhibant les siens… »
Outre la structure savante de la narration, ce qui subjugue dans cette histoire, c’est la manière tragi-comique dont la violence éclate : qu’il s’agisse de cochons sauvages dévorant les petits chiens d’une respectable retraitée des Hauts-de-Seine , d’un âne qui débarque dans un camp naturiste avec « la sombre détermination d’un coureur d’amok » et qui mord à tout-va, ou des coups de poignard qu’Alexandre Romani assène à l’étudiant en médecine parisien Alban sur le port, ces violences révèlent l’impuissance des insulaires à conserver leur intégrité à l’heure de la globalisation. Outre le bilan carbone, un autre argument contre les voyages ?
Par Claude Arnaud
Publié le 17/08/2024 dans Le Point
C'est un peu le cauchemar que redoutent de vivre certains continentaux en vacances en Corse : pour s'être fait imposer un vin hors de prix au restaurant et y être revenu le lendemain avec sa bouteille en poche, un étudiant en médecine est poignardé par le restaurateur, Alexandre Romani, au milieu d'une foule de touristes. Sauf que le pinzutu connaît son agresseur depuis l'enfance, ses parents possédant une maison de vacances toute proche : c'est donc d'un crime de proximité qu'il s'agit, un de plus.
Petit cousin d'Alexandre, le narrateur de Nord Sentinelle se voit accusé par la mère de ce dernier d'avoir indirectement encouragé son geste en montant en épingle les ravages du tourisme et en célébrant, aviné, les sultans qui interdisaient les lieux saints de l'islam aux voyageurs étrangers.
Il se défend en dévidant l'histoire sanglante des Romani, lignée convaincue depuis toujours d'appartenir à une race de seigneurs. Où les hommes héritent immanquablement d'un prénom de roi, de héros ou d'empereur et ne se donnent la peine, pour vivre, que de louer leurs terres à la plèbe locale.
Mais cette rente féodale n'a jamais suffi aux Romani, qui ont fourni aussi son comptant de hors-la-loi à l'île : un grand-oncle d'Alexandre a terrorisé la région en la rançonnant avant qu'un coup de hache ne le calme à jamais ; un deuxième n'a lâché son affaire de machines à sous sur la Côte d'Azur que pour mettre sur le trottoir des filles avec l'aide de sa sœur ; d'autres se sont contentés de boire et de dilapider leur héritage.
Jusqu'à ce qu'Alexandre rénove les vieilles bergeries familiales et ouvre un restaurant de plage, et que les mirobolantes locations saisonnières sauvent de la ruine une famille aussi impulsive que dépensière, condensé génétique des maux insulaires supposés, consanguinité comprise.
Cette charge frontale, qu'il redouble d'une vindicte insistante contre le tourisme de masse, Jérôme Ferrari, Prix Goncourt 2012 (Le Sermon sur la chute de Rome), la nuance par une fine analyse de "l'auto-folklore insulaire" – j'ai nommé cette tendance locale à mettre en scène les clichés que les "autres" s'attendent à découvrir sur place.
Ainsi de Pierre-Marie, le bandit de la famille, qui obéissait scrupuleusement aux exigences de pose des journalistes venus de Paris le photographier dans le maquis. « Nous nous sommes tant habitués à jouer à leur intention la comédie de l'authenticité et de la différence que nous ne serions bientôt plus rien s'ils détournaient le regard », conclut Ferrari, avec la rage qui fait le sel d'un roman marchant avec obstination à contre-courant.
« Nord Sentinelle », de Jérôme Ferrari (Actes Sud, 140 p., 17,80 €). À paraître le 21 août.
Dominique Pietri animera deux rencontres mardi 2 juillet à Bastelicaccia et samedi 6 juillet à Tiuccia à propos de son roman : « Juste une île ».
« Juste une île » est le premier roman de Dominique Pietri, co-autrice par ailleurs de « 21 femmes qui font la Corse ».
C’est la rencontre, une rencontre synonyme de reconnaissance autour d'une vie protégée - mais non cachée - pour Tildette, l’héroïne de ce roman. Pour ne pas altérer le souvenir doux et intact qu’elle souhaite conserver de son île protectrice, Tildette n’est jamais revenue en Corse. Mais, aujourd’hui, elle veut faire entendre en ces temps troublés qu’une jeune femme Juive a fait de la Corse, de décembre 1942 à avril 1945, la terre d’asile de sa famille et sa terre de coeur à tout jamais !
Pour remercier celles et ceux qui n’ont rien dit quand tout le monde savait, elle va demander à la narratrice de lui faire une dernière promesse, pour elle, pour sa famille, pour le peuple juif, pour les générations futures : écrire, raconter et dire pour ne jamais oublier !
Dominique Pietri présentera et parlera de son roman mardi prochain 2 juillet, à partir de 18h30 dans la Médiathèque de BASTELICACCIA. (Entrée gratuite).
Samedi prochain, 6 juillet, Dominique Pietri sera à Tiuccia dans la Médiathèque, à 10 h pour animer une nouvelle rencontre sur son livre « Juste une île »
Propos recueillis par Laurent Casasoprana
Publié le 10/06/24 dans Corse Matin
Lorsque nous avons commencé à écrire cette trilogie, il y a sept ans, nous ne pouvions imaginer la rencontre entre notre récit et cette actualité tragique. Cette trilogie est l'aboutissement d'un long travail pour restituer des atmosphères, des époques en Corse, à Marseille et en Palestine.
Un récit qui peint un demi-siècle d'histoires, entre 1892 et 1948, vécues par les membres d'une famille corse et une autre juive qui traversent ces périodes troubles à la recherche de leurs terres promises. La couverture du livre, avec des pionniers juifs qui sortent des camps d'extermination et se dirigent vers la Palestine avec le drapeau Israélien, avait été imaginée bien avant les évènements du 7 octobre.
Certains pourraient penser qu'il s'agit d'un parti pris alors que c'est un pur hasard. Mais il est vrai qu'au fur et à mesure de l'écriture de cet ouvrage, avec la montée des extrêmes et de l'antisémitisme ces dernières années, la collusion avec l'actualité est assez étonnante. C'est même bouleversant car on a l'impression que l'histoire se répète.
Effectivement. Une histoire universelle d'émigrés déchirés entre deux terres et deux cultures. Les personnages corses sont en quête d'identité après avoir quitté l'île à cause de la misère dans leur village.
Quant au principal personnage juif, Salomon, il est marseillais mais, en même temps, avec la montée de l'antisémitisme, il se demande s'il est vraiment chez lui. Nous racontons l'histoire de Corses et de juifs mais cela aurait pu être celle d'autres communautés. Nous avons aussi donné une place centrale aux femmes, héroïnes du quotidien d'abord et de la grande histoire ensuite.
Nous avons conçu une histoire qui raconte aussi la Corse à travers les liens et les parallèles avec le peuple juif. Le titre, Nos terres promises, représente la quête de chacun des personnages. Pour les juifs, il s'agit de l'état d'Israël qui n'existait pas au début de notre récit, fin du XIXe siècle.
Pour les Corses, cette terre promise est représentée soit par le départ pour les colonies, soit par la réussite sociale sur le continent. Il y a ce parallèle entre le juif, qui n'a pas de terre et qui cherche cette terre promise, et le Corse, qui possède une terre mais qui est en attente d'autre chose, d'une forme de reconnaissance. Il s'agit donc d'un parallèle inversé. On évoque cette difficulté des Corses à être heureux sur leur terre qui est pourtant déjà presque un paradis.
Certains personnages tentent au cours de leur vie, de par leurs actions, de mettre fin aux malheurs qui se perpétuent dans leur famille. C'est une forme de rédemption.
L'idée centrale est que les destins, aussi dramatiques soient-ils, peuvent être déviés de leurs funestes chemins pour peu que les protagonistes sachent faire acte de pardon. Nos Terres promises est en ce sens une ode à la fraternité et à la complexité de la condition humaine. C'est valable dans le conflit actuel de Gaza. Si à un moment donné, il n'y a pas une volonté commune de rompre avec le malheur, cela peut continuer sur des siècles.
Nous avons tenté de donner à nos personnages une capacité de résilience dont nos contemporains vont avoir besoin face à tous ces drames. Ce dernier volet s'intitule Mazel Tov, ce qui signifie en hébreu "bonne chance" mais aussi "qu'il en soit ainsi", c'est une sorte d'illumination intérieure qui oblige chacun à devenir soi-même. C'est aussi la révélation de bien des mystères qui accompagnent dans l'ombre les femmes et les hommes qui peuplent cette trilogie. Et c'est un message d'espérance et de paix.
*Nos Terres promises Opus 1, 2 et 3 chez DCL éditions
J’étais impatient de connaître la suite d’Hosanna in excelsis que précédait Barbara furtuna. Je me suis replongé dans Mazel tov comme on revient dans un monde connu qu’on a dû quitter par nécessité, une sorte d'exil en lecture. Et je n’ai pas été déçu. Quelle apothéose !
Un chemin de lumière rempli d’ombres
Nous avions quitté nos personnages alors que débutait la guerre en 1939, triste répétition du conflit de 1914. Cet évènement sonne le glas de leurs espérances, sérieusement écornées, il faut l’avouer par la montée du péril nazi auquel répond la mobilisation communiste. Mais les échecs politiques se sont multipliés : défaite des républicains espagnols, l’invasion des Sudètes, la capitulation de Muchich et enfin l’invasion de la Pologne. Mais la guerre, cette drôle de guerre, n’est qu’un espace qui sert à mettre en place le véritable drame : l’Occupation et l’instauration du régime du maréchal Pétain.
Nos auteurs tendent la toile de fond : une situation internationale, mais aussi nationale sur laquelle ils placent leurs personnages. Noël retrouve ses angoisses de jeune homme, Orso ne rêve que d’en découdre ; Charles est désormais un fasciste convaincu dévoué à Simon Sabiani ; Salomon sait que le sort des Juifs est désormais en jeu.
Et puis il y a les femmes qui dans Mazel tov supplantent les hommes. Elles ont leur courage, mais un courage efficace au quotidien. On dirait aujourd’hui qu’elles tiennent la baraque. Santa qui va tenir la barre alors que Noël a été déchu de sa qualité de fonctionnaire à cause de son appartenance à la franc-maçonnerie, Cristina, l’amie fidèle, Catherine la sœur aînée qui à Ajaccio, milite au sein de Parti communiste clandestin, Rachel, l’épouse de Salomon qui, malgré l’angoisse suscitée par les différents statuts antisémites tient le choc pour ses enfants, Rebecca et David. Celle qui peut-être a eu ma préférence relative est Louise, voyageuse infatigable partie sur les traces d’Alexandra David-Neel qui se cherche dans les hauteurs himalayennes, mais qui apparaît comme l’âme sœur de Noël. Quelle étrange destinée que celui de ce duo improbable et pourtant dans ces pages apparaît d’une évidence limpide. La jeune femme de la bonne bourgeoisie française, lesbienne de surcroît est celle qui aide Noël, le Corse indubitable, à traverser les épreuves de la vie.
La force de Mazel tov est de ne jamais porter de justement moral sur ses personnages, de décrire leur parcours et de nous mener jusqu’à la tragédie finale. Chacun d’entre eux suit son chemin de vie avec plus ou moins de lucidité au gré des épisodes lumineux ou au contraire de ceux qui progressent dans l’ombre de la situation, mais également de leurs âmes.
Un état de grâce
À quoi tient ce vif désir sans cesse renouvelé de toujours aller plus loin dans chacun des trois volumes du triptyque? Un peu à la composition même du récit qui d’un bout à l’autre est très cinématographique. Selon Gabriel Culioli, l’un des auteurs, cela revient au talent de scénariste de Jean-Marc Michelangeli dont c’est l’une des talents à côté de celui de comédien. C’était d’ailleurs leur intention première que de proposer un scénario à un producteur. Le récit est découpé en courtes séquences très visuelles.
Il y a aussi le style qui sans être simpliste est ouvert. Il respire pour permettre au lecteur de s’approprier le récit, de faire siens les personnages. Car ceux-ci vivent en vous-même lorsque vous avez achevé votre séquence lecture. Ils maturent et, comme un bon parfum, prennent alors toutes leurs dimensions.
Ça n’était pourtant pas un fait acquis que de restituer une période aujourd’hui alors que la plupart des lecteurs potentiels méconnaissent la chronologie et n’ont de la guerre que de vagues connaissances. L’alternance des précisions historiques et du vécu de nos personnages fait que le tout est parfaitement digeste.
Gabriel Culioli m’a d’ailleurs indiqué que Jean-Marc Michelangeli, beaucoup plus jeune que lui avait sérieusement sabré le texte quand il lui semblait poussif à force de précisions. On l’aura compris, je ne saurais être critique d’un récit qui m’a emporté d’un bout à l’autre et avec lequel j’ai vécu une sorte d’état de grâce.
Le rôle du critique
Car, en définitive, à quoi se résume notre métier de critique littéraire sinon de partager un bonheur de lecture quand le récit vous saisit et ne vous lâche plus. J’ai des difficultés à démonter un ouvrage tant il est vrai qu’un auteur cherche toujours à donner le meilleur de lui-même. Peut-être cela va-t-il changer avec cette foutue intelligence artificielle. Mais il restera toujours au cœur de l’écriture ce quelque chose de profondément émouvant qui est tout simplement l’inspiration. L’auteur se saisit de l’impalpable qui l’atteint sous forme d’une idée qui ensuite se développe sous sa plume et prend peu à peu son indépendance. C’est alors qu’on peut apprécier l’écriture lorsque celle-ci donne le sentiment de s’être débarrassée des chaînes égotiques pour s’affirmer en soi.
Les personnages de Mazel tov incarnent une vérité humaine qui les dépasse. Ils subissent un destin, mais parviennent tous à la fin à s’en extraire de façon plus ou moins dramatique. Très paradoxalement, ce sont leurs faiblesses qui les grandissent. Noël est profondément touchant, car il porte la charge familiale comme un carcan. Elle manque dans Barbara furtuna de lui coûter son amour. Il est partagé, déchiré même entre le devoir et l’amour. N’est-ce pas là le ressort romantique par excellence? Santa sait dire non quand il le faut, mais reconnaître ses torts. Cristina se cherche depuis sa mutilation provoquée par son avortement. Mais elle va connaître une vraie rédemption… Je m’arrête pour ne pas dévoiler les secrets incroyables de ce troisième opus.
Le pardon et la réparation
Je l’ai écrit, me semble-t-il, précédemment dans l’une de mes autres critiques, mais, selon moi, la trilogie « Nos terres promises » touche au sacré de la condition humaine. C’est en définitive un livre très chrétien, très pascal. Il traite de la mort et de la résurrection, du désespoir et des pousses nouvelles d’espérance.
Son titre même Mazel tov qui signifie en hébreu à la fois « bonne chance », mais aussi « puisse cela être ce qui va se passer » est un rappel des racines hébraïques du christianisme. Nos personnages, même ceux qui se disent non-croyants, incarnent une forme d’optimisme essentiel qui s’inscrit dans leur désir de transcendance. Noël croit en l’humanité, Orso en la patrie, Salomon en une terre qui un jour constituera un havre de paix pour les Juifs persécutés. Catherine espère en un communisme messianique, Cristina au retour de l’amour. Mais tous ont la force à un moment donné de leur vie de pardonner afin de passer à autre chose et de permettre à l’autre, à celui qui a trébuché, d’également avancer.
Encore une fois je m’en voudrais de révéler les secrets de Mazel tov et dont la plupart sont particulièrement dramatiques. Mais certains nous ramènent au premier volume Barbara furtuna. Franchement, la façon dont les auteurs parviennent à boucler certaines destinées est admirable. On y retrouve une réflexion sur la condition féminine dans la Corse d’autrefois.
Mais au cœur de cette tragédie en trois actes, un fantôme erre, lugubre et pressant comme dans le Hamlet de Shakespeare : celui du père tout à la fois statue du Commandeur et bourreau inflexible. Cette trilogie parle du pardon, mais aussi de la réparation des fautes commises par les générations précédentes, de l’impossible oubli tant que cet acte rédempteur n’a pas été accompli, du sacrifice nécessaire pour renaître à la vie. Dans la dynamique des précédents, il eut été possible d’intituler le troisième opus Agnus Dei.
La Corse, Israël, le passé et le présent
Mazel tov paraît alors que le judaïsme fête Pessah, la Pâque juive et que les chrétiens célèbrent leurs propres Pâques. Mais c’est aussi une période particulièrement dramatique au Moyen-Orient. Le Hamas a perpétré sur la terre d’Israël le pire pogrom jamais accompli depuis la Shoah. Israël a répondu en bombardant Gaza et en tuant plus de Palestiniens en quelques mois que durant toutes les précédentes guerres. Les auteurs de Nos terres promises ne pouvaient évidemment pas connaître cette tragédie lorsqu’ils ont écrit leur dernier volume. La couverture montre des FFI qui combattent lors de la Libération de Marseille et des migrants juifs naviguant vers la Palestine mandataire, drapeau sioniste au vent. Gabriel Culioli m’a assuré que même en connaissant cette réalité, lui et Jean-Marc Michelangeli n’auraient rien changé. Un roman ne saurait se soumettre aux lois du politiquement correct, m’a confirmé Gabriel Culioli. Et ils ont raison. La création peut être un instrument de propagande, mais elle peut aussi légitimement exiger son libre arbitre.
Une belle aventure littéraire
J’ai refermé la dernière page de Mazel tov rempli d’une immense nostalgie. Alors, ça y était ? C’était terminé. Je ne retrouverai plus Santa et Noël, Orso, Salomon et Rebecca, Mémé Guerini et Gaston Defferre, Louise et Cristina, Charles? Je ne vibrerai plus avec eux alors que je les avais accompagnés au cours de la libération de la Corse, décrite en des pages aussi intenses que celles qui m’avaient plongé dans les tranchées de la Première Guerre mondiale? Je ne retrouverai plus l’ambivalente amitié qui liait Orso au gangster résistant Mémé Guerini ou au terrible commissaire Blémant. Je conseille particulièrement la libération de Marseille. C’était donc fini. Je dois humblement l’avouer, j’ai ressenti comme un petit deuil. Dans quelques mois, quand j’aurai un peu oublié, je me replongerai dans cette saga qui m’a permis de voyager dans le temps, dans l’espace, au sein du monde des émotions. Encore un immense bravo aux auteurs qui méritent un grand succès et peut-être une adaptation cinématographique. Longue vie à Nos terres promises qui m’a fait aimer la Corse.
Jacques Vendroux
Mazel tov, 3e opus de la trilogie Nos terres promises
Jean-Marc Michelangeli et Gabriel Xavier Culioli, éd. DCL, 567 pages, 24 €
Dominique Pietri signe « Juste une île » à la F.N.A.C. des Salines, samedi prochain 25 mai, à partir de 15h.30.
« Juste une ile » est le premier roman de Dominique Pietri, basé sur une véritable histoire, celle de Tildette, aujourd’hui, centenaire. Dans ce roman, la narratrice de retour sur son île natale va retrouver par le plus grand des hasards une arrière-grand-mère qui vit dans un EHPAD à Paris. Elle va découvrir sa vie, ses souvenirs, ses peines et ses joies… en Corse, de 1942 à 1945.
« Juste une ile », c’est la rencontre de deux femmes qui ne se connaissent pas, qui n’ont apparemment rien en commun. Pourtant, c’est cette île, la Corse, qui va les unir, transformer une simple recherche en amitié profonde, sincère. Une rencontre synonyme de renaissance pour la narratrice qui décide de changer de vie et de revenir sur son île, après un burn-out. Une rencontre synonyme de reconnaissance autour d'une vie protégée – mais non cachée - pour Tildette.
Pour ne pas altérer le souvenir doux et intact qu’elle souhaite conserver de son île protectrice, Tildette n’est jamais revenue en Corse. Mais, aujourd’hui, elle veut faire entendre en ces temps troublés qu’une jeune femme Juive a fait de la Corse, de décembre 1942 à avril 1945, la terre d’asile de sa famille et sa terre de coeur à tout jamais ! Pour remercier celles et ceux qui n’ont rien dit quand tout le monde savait, elle va demander à la narratrice de lui faire une dernière promesse, pour elle, pour sa famille, pour le peuple juif, pour les générations futures : écrire, raconter et dire pour ne jamais oublier !
Ce roman est la trace écrite et romancée de cette promesse faite, il y a plus de sept ans. C’est de l’humanité dans l’indicible. Dominique Pietri est autrice, éditorialiste, conseil en communication et formatrice. « Juste une île » est son premier roman. Auparavant, elle avait co-signé le remarquable essai « 21 femmes qui font la Corse », déjà édité par Scudo édition. Elle rencontrera son public et signera « Juste une île » ce samedi 25 mai à la F.N.A.C. d’Ajaccio-ville, quartier des Salines à partir de 15h.30 .(Parution début mars- Scudo Edition).
L’auteur rencontrera ses lecteurs et signera « Juste une île » à la librairie « La Marge » à Ajaccio le 13 mars et à Bastia (librairie « L’Alma » le 13 avril.
Un très honnête bandit d'Antoine Albertini, un livre qui dit la réalité du banditisme corse
11/05/2023
Rencontre avec Dominique Ottavi au Musée Fesch, mardi 16 mai
C'est son nouvel opus que le chanteur-poète Dominique Ottavi présentera au Musée Fesch à Ajaccio mardi prochain 16 mai à 18h30
(Entrée libre et gratuite). Au Musée Fesch, tout naturellement, puisque l'ouvrage en question, un recueil de poèmes, trouve son inspiration
auprès des œuvres accrochée du-dit Musée. Ce sera, en particulier, un hommage à « L'Homme au gant » du Titien,
mais aussi à bien à d'autres œuvres magistrales exposées au Palazzu.
D'autres grandes œuvres du Musée ont en effet inspiré le poète.
Aristide Nerrière - auteur d'un essai sur « L'Homme au gant » sera aux côtés du chanteur, mardi, comme le seront Mario Sépulcre
et Ange-François Filippi, l'auteur des photos - en noir et blanc - qui scandent la poésie éditée dans ce recueil,
tout naturellement intitulé « Fesch ».
Une rencontre amicale donc à l'occasion de la parution de ce recueil « Fesch » édité par
Scudo édition, mardi prochain 16 mai à 18h30 au Musée Fesch.( « Fesch » de Dominique Ottavi. Scudo édition. 15 €).
Jean-Pierre CASTELLANI signe « Corse-Algérie, mémoires en partage » à « La Marge » mercredi 17 mai de 17 à 19h.
Après la coordination de nombreux ouvrages sur la Corse, voici venu le temps de prendre la parole à la première personne
dans ces Mémoires en partage, sorte de récit autobiographique qui nous promène en toute liberté de la Corse à l'Algérie,
de l'enfance à la maturité, des villages insulaires au soleil méditerranéen.
Témoignage personnel mais aussi hommage, par l'évocation de parents instituteurs en Algérie, à tous ces Corses courageux,
contraints de quitter leur île.
Avec cette interrogation principale : quand on appartient à deux pays, comment définir son identité ?
Ces vagabondages à travers la Méditerranée construisent un double jeu, un double-je, qui s'est forgé malgré les douleurs de l'Histoire.
Au-dessus de toutes ces considérations sur des identités multiples, plane la figure inspirante d'Albert Camus.
La subjectivité du récit est renforcée par la publication des Carnets Algériens rédigés par l'auteur au cours de ses
nombreux voyages et séjours en Algérie.
Jean-Pierre Castellani, né à Ajaccio. Agrégé d'espagnol, professeur des universités, il a enseigné à
l'université de Tours (1970-2005). Il aussi été chargé de cours à l'université de Corse (1987-2009).
Il est membre du Conseil d'administration de l'association Corsica Diaspora, vice-président de la Société internationale
d'études yourcenariennes et membre de l'Association internationale des critiques littéraires.
Tonì Casalonga et Vannina Bernard-Leoni ont présenté le livre d'Art "Tonì Casalonga - D'arte è d'impegni". L'occasion de revenir sur les soixante ans de carrière de cet artiste pluridisciplinaire et acteur important du Riacquistu.
Eric Roux, auteur de ces Chroniques familiales, m'a gentiment adressé son ouvrage.
Le sous-titre indique "Roman polygraphique décousu", et de prime abord, ce court roman de 125 pages peut effectivement paraître décousu.
Mais on se laisse vite prendre par ces 112 courtes anecdotes qui dessinent finalement le portrait d'une famille, avec les parents, Frédéric et Francine,
les grands-parents Lucien, Raymonde, Jean et Jeanne, et tous les autres membres de la famille.
Entre Paris et la Corse (l'auteur a vécu une partie de son enfance à Cargèse), une collection de souvenirs sensible et humoristique.
Comme l'écrit l'auteur dans l'introduction, l'essentiel se trouve parfois dans l'anecdote, et l'essence est partie prenante de chaque instant.
Par: Emmanuel Persyn
Publié le: 14 novembre 2022
Dans: Culture - Loisirs / Portrait
Cela fait une bonne vingtaine d'années que, durant son temps libre, il poursuit inlassablement ses recherches généalogiques. Il épluche les actes d'état civil, les registres paroissiaux ou encore les actes notariés pour compléter ses connaissances.
Il reste néanmoins à l'affût des innovations et, au début des années 2010, s'intéresse aux progrès et à la diffusion des tests ADN. Avec cette intuition que cette technologie pourrait diablement servir ses recherches. "Depuis une dizaine d'années, je suis à fond sur la génétique", jonglant avec le chromosome Y dont l'étude permet "de retracer des lignées sur des milliers d'années", l'ADN autosomal (tous les gènes hormis les X et Y, qui déterminent le sexe de la personne, NDLR) et autres mutations.
De fait, les premiers tests ADN qu'il demande pour sa personne lui ouvrent un large champ de possibilités que cet expert en statistiques et en informatique envisage d'explorer.
Un travail de bénédictin
Stefanu Leandri se met en quête de personnes acceptant ce fameux test. Il est suffisamment convaincant sur l'enjeu de sa recherche et sa méthodologie pour obtenir, dans un premier temps, 110 tests pour la seule Corse.
Il a néanmoins conscience des impératifs de rigueur et veille à les respecter à mesure qu'il intègre les résultats et esquisse des hypothèses. Il consacre beaucoup de temps à ce travail de bénédictin sans autre souci que rassembler le plus d'éléments possibles pour étayer sa réflexion.
Les années passent, la base de données s'étoffe, les notes et les fiches de lecture - notamment "des dizaines d'études génétiques et des dizaines d'ouvrages historiques" - s'accumulent et les premiers résultats s'imposent à Stefanu Leandri. "J'ai voulu comprendre de manière détaillée les résultats des tests ADN et donc depuis cinq, six ans, j'ai lu peut-être 150, 200 études qui portent sur l'origine des peuples", dit-il.
Pluralité des origines
Il se met à la rédaction d'un livre que les éditions Albiana viennent de publier sous le titre La Corse, creuset génétique - Les origines révélées par l'ADN. Dans ce livre de quelque 269 pages, il expose méthodologie et résultats en une dizaine de chapitres chronologiques, qui font appel à des notions très techniques mais qui rapportent des anecdotes significatives et qui sont heureusement complétés par des croquis, un glossaire et une bibliographie étoffée.
"Ce livre, écrit l'auteur dans la postface, s'adresse aujourd'hui aux Corses de toutes les régions de l'île, qui veulent comprendre leur passé, savoir de quels peuples et quelles civilisations ils sont issus, et quand leurs ancêtres ont pu arriver dans l'île."
Ses recherches mettent en évidence la pluralité des origines de la Corse depuis les temps les plus anciens jusqu'à l'époque moderne mais soulignent les liens très forts avec la Toscane et la Ligurie. "Il y a une permanence qui se base sur une très grande variété génétique avec beaucoup d'origines proche-orientales." Stefanu Leandri montre également que " toutes les microrégions de l'île présentent des résultats très variés".
Avec ce constat, "si l'on considère que depuis un siècle la Corse a beaucoup plus reçu de populations extérieures que les autres îles du sud de l'Europe, la diversité génétique de la Corse est plus que jamais "la plus grande de toute la Méditerranée"".
Stefanu Leandri continue de collecter des tests. Avec l'objectif d'en obtenir le plus grand nombre dans toute la Corse pour affiner sa présentation de ce creuset génétique lors de conférences - il était à Figari le 4 novembre dernier - et de signatures dans les librairies.
L'histoire génétique et migratoire de la Corse : à la découverte de la diversité de notre patrimoine héréditaire.
Publié le 05/11/2022
écrit par Sébastien Bonifay .
Ce week-end, une douzaine d'éditeurs corses se sont donnés rendez-vous à Paris, dans le quartier de Saint-Germain des prés, pour deux jours de rencontres et de conférences. L'occasion de promouvoir un secteur toujours aussi dynamique sur l'île, et qui a démontré son attrait pour les lecteurs du continent.
L'édition corse, comme elle le fait depuis des décennies, tient cette année encore salon à Paris.
Mais ces 5 et 6 novembre 2022, elle ne posera pas ses cartons au festival du livre de Paris, gigantesque foire qui, dans une cacophonie consumériste épuisante, réunit plus d'une centaine de maisons d'édition, des mastodontes aux plus modestes.
La douzaine d'éditeurs corses qui font partie du voyage cette année ont décidé de ne plus se greffer à une grande manifestation, mais de créer leur propre événement.
Espace d'expression
En 2020 et 2021, en raison de l'épidémie de Covid, il n'y a pas eu de salon du livre à Paris. Et ces deux années ont été l'occasion, pour l'association des éditeurs de Corse, de réfléchir à une nouvelle formule, qui laisse plus de place au fond.
Donner largement la place aux auteurs, à travers un cycle de conférences, durant tout le week-end
Alain Piazzola
"On cherchait un moyen de ne plus être limités à un stand où les livres étaient exposés, comme c'était le cas autrefois au salon du livre. On a trouvé cet espace, qui nous permet de donner largement la place aux auteurs, à travers un cycle de conférences, durant tout le week-end", confie Alain Piazzola, figure incontournable de l'édition insulaire.
Les éditeurs n'ont pas choisi n'importe quel endroit. Ce premier salon du livre corse se tient à l'Hôtel de l'Industrie, à l'angle de la place Saint-Germain des prés et de la rue Guillaume Appolinaire, dans le 6e arrondissement. Soit le cœur du quartier qui réunit le monde de l'édition française, et qui, bien au-delà des frontières du pays, est synonyme de littérature...
A l'intérieur, deux grandes salles, l'une pour les stands de livres, qui représentent 45 mètres de linéaire, et l'autre pour les conférences.
La location d'un tel lieu, l'expédition des livres, les voyage et hébergement des auteurs, tout cela a un coût, qu'on imagine élevé, pour l'association des éditeurs et pour son partenaire, la Collectivité de Corse. Mais selon Alain Piazzola, la facture n'est pas si lourde que cela. Elle serait même, d'après nos calculs, près de deux fois inférieure aux tarifs prohibitifs fixés par le festival du livre de Paris.
S'émanciper
Ce salon du livre corse est un enjeu majeur pour les éditeurs insulaires. Ce n'est pas le seul déplacement qu'ils effectuent hors de l'île chaque année, mais Alain Piazzola ne s'en cache pas, "pour nous, les retombées, en Ile-de-France, sont prioritaires".
Si cette première se passe bien, on cherchera à pérenniser
Alain Piazzola
C'est également un nouveau départ, et pas uniquement en raison du changement de lieu. "C'est l'occasion de se remobiliser après la période Covid. On le voit, les gens ont du mal à redémarrer, et pas seulement dans le livre... La remise en route se fait progressivement, alors on compte beaucoup sur cette opération. Et si elle se passe bien, on demandera à la pérenniser".
Une chose est sûre, avec cette décision, audacieuse, de s'émanciper des grands événements pour exister par soi-même, hors de Corse, les éditeurs insulaires démontrent à quel point ils croient à leur production.
Programme :
Samedi 5 novembre
9h45 - Projection du documentaire E voce intrecciatte di Ghjacumu Thiers, de F. Sauzay, en présence de Ghj. Thiers et F.-X. Renucci (partenariat avec Intervista Prod) (1h15)
11h30 - Performance-lecture et dégustation des vins Castellu di Baricci, par D. Memmi, C. Chlore et C. Castelli (45 mn)
14h - Conférence « Pastori di Corsica », par P-.J. Luccioni (45 mn)
15h30 - Conférence « Divertissements dans la Corse moderne et contemporaine (XVe/XIXe siècle), par J.-Ch. Liccia et J.-M. Olivesi (60 mn)
16h45 - Conférence « Vers l'autonomie. Pour une évolution institutionnelle de la Corse », par W. Mastor (45 mn)Présentation des nouveautés en présence des auteurs : 11h, 13h30, 14h45, 16h30
Dimanche 6 novembre
9h30 - Conférence « L'enfance du patrimoine. La littérature jeunesse au service des trésors du patrimoine », par D. Memmi (45 mn)
10h30 - Conférence « Tonì Casalonga. Arte è impegnu », en présence de l'artiste et auteure V. Bernard-Leoni (45 mn)
11h30 - Conférence « Paoli, Napoléon, la révolution corse », par J.-G Talamoni, partenariat avec l'Università di Corsica (45 mn)
14h - Conférence « La Corse et la couronne d'Aragon », par Ph. Colombani (45 mn)
15h - Conférence « Naissance d'une cité. Bastia, capitale de la Corse génoise », par A.-M. Graziani (45 mn)
16h30 - Conférence « Comprendre la Nature », par L. Hugot et J.-L. Pieraggi (partenariat avec l'Office de l'environnement) (45 mn)
Présentation des nouveautés en présence des auteurs : 13h45, 14h45, 15h45
Droits de reproduction et de diffusion réservés ©2022 France TV
Durant deux jours, animations, projections, conférences, présentation des nouveautés et bien-sûr rencontres avec des auteurs venus spécialement pour l'occasion feront vivre cette grande libraire corse ! L'Association des Éditeurs de Corse organise pour la première fois son salon à Paris les 5 et 6 novembre 2022. Cet événement réunira une dizaine d'éditeurs et de nombreux auteurs...
L'Association des éditeurs de Corse regroupe la majorité des éditeurs installés en Corse. Depuis 1983, elle se donne pour mission de promouvoir l'originalité de la culture insulaire et d'encourager la création littéraire contemporaine, sur l'île et hors de l'île, et d'ouvrir la Corse au monde en nouant des liens avec des lecteurs du monde entier.
Les éditeurs de Corse ont publié depuis 2020 plus de 200 auteur(e)s, toutes catégories confondues.
Romans, nouvelles, théâtre, poésie, essais, beaux livres, albums jeunesse, bandes-dessinées, revues, livres de cuisine, guides et ouvrages en langue corse ... chaque année la richesse et la variété des parutions répondent à l'ambition d'offrir au plus grand nombre le plaisir de lire la Corse ... u piacè di leghje a Corsica !
Deux jours de convivialité
Pour la première fois, l'Association fait salon à Paris, dans un lieu d'exception : l'Hôtel de l'Industrie, au cœur du quartier littéraire de Saint-Germain-des-Prés.
Cet évènement mettra en lumière la richesse, l'originalité et la diversité des productions insulaires, et le dynamisme de la scène culturelle corse contemporaine. Une dizaine d'éditeurs et plus d'une trentaine d'auteurs seront réunies pour cette première édition.
Ces deux jours seront l'occasion d'en apprendre plus sur la culture, l'histoire et la langue corses à travers des animations, des conférences, des projections et des échanges avec les auteurs en signature et les intervenants.
Toutes ces animations seront à découvrir à Paris, Hôtel de L'Industrie, avec une entrée libre et gratuite, de 9 h à 18 h.
Programmation
Samedi 5 novembre
9h45 - Projection du documentaire E voce intrecciatte di Ghjacumu Thiers, de F. Sauzay, en présence de Ghj. Thiers et F.-X. Renucci (partenariat avec Intervista Prod) (1h15)
11h30 - Performance-lecture et dégustation des vins Castellu di Baricci, par D. Memmi, C. Chlore et C. Castelli (45 mn)
14h - Conférence « Pastori di Corsica », par P-.J. Luccioni (45 mn)
15h30 - Conférence « Divertissements dans la Corse moderne et contemporaine (XVe/XIXe siècle), par J.-Ch. Liccia et J.-M. Olivesi (60 mn)
16h45 - Conférence « Vers l'autonomie. Pour une évolution institutionnelle de la Corse », par W. Mastor (45 mn)
Présentation des nouveautés en présence des auteurs : 11h, 13h30, 14h45, 16h30
Dimanche 6 novembre
9h30 - Conférence « L'enfance du patrimoine. La littérature jeunesse au service des trésors du patrimoine », par D. Memmi (45 mn)
10h30 - Conférence « Tonì Casalonga. Arte è impegnu », en présence de l'artiste et auteure V. Bernard-Leoni (45 mn)
11h30 - Conférence « Paoli, Napoléon, la révolution corse », par J.-G Talamoni, partenariat avec l'Università di Corsica (45 mn)
14h - Conférence « La Corse et la couronne d'Aragon », par Ph. Colombani (45 mn)
15h - Conférence « Naissance d'une cité. Bastia, capitale de la Corse génoise », par A.-M. Graziani (45 mn)
16h30 - Conférence « Comprendre la Nature », par L. Hugot et J.-L. Pieraggi (partenariat avec l'Office de l'environnement) (45 mn)
Présentation des nouveautés en présence des auteurs : 13h45, 14h45, 15h45
« La Promesse », c’est celle que fera l’auteur à son père, celle d’écrire sa vie avant qu’il ne quitte ce monde. C’est donc sa vie tumultueuse, riche en rebondissements, que nous conte Christine. Un livre au charme mystérieux mais profond où les sentiments transpercent plus qu’ils ne s’expriment, un bijou de douceur.
Christine Bottero signera « La Promesse » vendredi prochain, au bar « Chez André » à Tiuccia, de 16 à 19h.
Le roman « Acquaviva » a remporté le prix littéraire 2021 de Sarrola-Carcopino devant une vingtaine de manuscrits sélectionnés par un jury de professionnels du livre cet été. Son auteure, Tina Bartoli le signera dans la librairie « L’Alma »,27 Bd. Paoli, à Bastia, samedi prochain 5 février, à partir de 17h.
…Tout commence par un vol en apparence sans conséquences : celui d’un vieux manuscrit trouvé par hasard dans une ruine cachée au cœur de la forêt d’Aïtone. Lorsqu’elle s’en empare, Gloria est loin d’imaginer le prix de son acte : un échange machiavélique entre sa vie au 21ème siècle et l’existence agreste d’une bergère en 1769. Dès lors, sa destinée va se fondre avec celle de la Corse…
Dès qu’elle a su lire, Tina Bartoli a dévoré tout ce qui lui passait sous la main. Dès qu’elle a su écrire, elle l’a fait. Elle se destinait à une carrière d’écrivain ; c’était sans compter sur les voix orthodoxes qui eurent raison de sa vocation. Tina entama alors une carrière professionnelle traditionnelle et chaotique, sans jamais cesser d’écrire en parallèle. Jusqu’ici spécialisée dans l’écriture de séries littéraires, « Acquaviva » est son premier roman. Rendez-vous samedi prochain, 5 février à partir de 17h dans la librairie « L’alma », à Bastia.
Òmara Editions est une maison d'édition qui a pour but de porter et mettre en valeur la création littéraire en Corse. Créée, il y a quelques semaines à peine, trois auteurs viennent de la rejoindre, bien d’autres sont annoncés.
CNI a rencontré Marc Biancarelli qui avec Jérôme Luciani l'a fondée.
Les trois premiers ouvrages sont disponibles à Bastia (Alma, Papi, Piuma Lesta), Ghisonaccia (presse Micheli), Folelli (Espace Casinca), Propriano (Marine presse), l'Ile Rousse (l'Alba), Corte (Librairie Valentini) et Furiani (Fnac), à Ajaccio aux librairies Palmiers et La Marge et à Porto-Vecchio : La Clairière, Le Verbe du Soleil, Grand Sud
- Pourquoi avez-vous fait le choix de créer une nouvelle maison d’édition ?
- Il s’agit d’un projet global articulé autour de la création littéraire, et que nous annoncions dès la sortie du premier numéro de Litteratura en octobre 2021. C’est un acte de passion et de foi autour de la culture et de la mise en avant des auteurs insulaires qui nous guide, parce qu’il nous semble toujours important d’infuser de la culture dans une île où les talents sont nombreux, et que cela est bon aussi pour le lectorat et le public. Nous avons vu, lorsque nous en étions privés, avec quelle nécessité les gens se dirigent vers les livres, et le contexte général de notre île mérite que des acteurs culturels s’investissent en profondeur, et avec professionnalisme, pour que toutes les connexions se fassent entre créateurs, libraires et un lectorat qui est toujours à développer et encourager. Au-delà de ça, la maison d’édition a son siège social à Olmiccia, en Alta Rocca, et l’équipe se répartit un peu sur toute la Corse, mais nous cherchons un lieu pérenne entre le Sud et la Plaine, afin d’y établir notre base et y organiser le plus de rencontres et d’évènements possibles autour des livres que nous portons.
- Qu'est-ce que signifie Òmara?
- Òmara veut simplement dire « le soc de la charrue » en variante corse de l’extrême sud, même si on a parfois d’autres prononciations un peu moins jolies. Au-delà de la symbolique, qui est celle de creuser un sillon pour les œuvres littéraires, l’euphonie du mot nous plaisait bien, tout le monde peut le prononcer avec l’accent qu’il veut, et surtout ça a un petit côté irlandais qui doit parler à notre imaginaire, qui est tout de même très inspiré par la littérature anglo-saxonne et des lieux de pêche en pays nordiques où nous avons des habitudes.
- Un mot sur vos parcours respectifs ?
- Les éditions Òmara ont été fondées par la même équipe qui porte la revue Litteratura, sauf qu’il s’agit ici d’une entreprise et non d’une association, même si les deux sont appelées à aller main dans la main dans un projet global. Jérôme Luciani et moi officions directement en tant qu’éditeurs, avec une équipe un peu élargie où chacun donne son appui, notamment pour la distribution, ou plus tard pour la direction de collections particulières.
- Quelle est votre politique en matière d’édition ?
- Notre ligne éditoriale est assez ouverte, même si nous favorisons la prose littéraire et envisageons des collections futures autour de la poésie et de l’histoire. Mais le critère premier est la rigueur de l’écriture et la qualité du texte, et ce quelle que soit la langue de création, corse ou française. Pour nous un texte est bon selon des critères objectifs et professionnels qui sont les mêmes partout, et ce sont ces critères que nous favorisons. On peut être une petite maison d’édition, même établie dans une île aux marges des grands centres de diffusion, et ambitionner de produire des œuvres qui peuvent potentiellement plaire et parler au plus grand nombre, donc pour un public qui soit corse mais aussi extérieur à l’île. C’est très important pour nous que la qualité soit produite ici, et que des gens puissent en être heureux.
- Les ouvrages déjà proposés ?
- Nous avons donc trois premiers ouvrages édités lors de notre « rentrée hivernale », et trois prévus en septembre. Il s’agit de textes inédits de jeunes auteurs que nous connaissions ou qui sont venus vers nous, donc une majorité de premières publications, ce qui est très important aussi à nos yeux. Parce que mettre en lumière des auteurs et les aider à franchir le cap vers une carrière aboutie, même vers d’autres horizons que le nôtre, c’est tout ce qui nous motive. Nous avons donc ici deux romans bilingues, de Philippa Santoni et Jean-François Rosecchi, et un premier recueil de nouvelles de Nicolas Rey, celui-ci uniquement en français. Ce qui est bien c’est qu’il s’agit là de trois plumes très éloignées les unes des autres, mais qui ont en commun d’offrir un bel exemple de la richesse et de la beauté de la littérature corse actuelle, de sa modernité aussi, qui est parfois décapante. La vertu des paysans, de Rosecchi, est un roman aux tonalités post-modernes et ironiques qui évoque la lente décomposition de notre société depuis les années 70, quand Santoni nous propose avec Da Parighji sin’à tè, un texte profondément original sur un amour déchiré entre deux jeunes femmes, mais qui n’ont vraisemblablement pas comme seuls comptes à régler que ceux des sentiments. Enfin Nicolas Rey, avec Utah, présente une dizaine de nouvelles d’une veine cruelle, caustique et réaliste que l’on pourrait qualifier de très américaine, tout ça dans une ambiance western des plus abouties. Bref, chacun de ces livres est un régal, et c’est une grande fierté pour nous de les faire découvrir au public. Un mot aussi sur les remarquables traductions de Jean-Yves Acquaviva et Fabien Raffalli, qui permettent d’entendre les deux romans dans une variabilité de tons qui nous tient particulièrement à cœur.
- Les projets ?
- Ils sont nombreux, et sensiblement liés à ceux de le revue Litteratura. Tout d’abord nous ancrer dans un lieu qui nous permettra de mettre plus directement nos ouvrages à disposition du public, ainsi que les parutions des éditeurs et associations avec lesquels nous sommes en lien. Nous voulons aussi, dans cet espace, offrir un lieu de rencontre permanent avec le public, au cours de conférences, de signatures ou d’ateliers où l’on pourra venir perfectionner son écriture. Et bien sûr il y a le numéro deux de la revue, qui sort en février, et les trois ouvrages d’Òmara à paraître en septembre. Au passage, un grand merci à Xavier Dandoy de Casabianca, qui a la main artistique et professionnelle sur la confection de tous ces livres. Et puis aussi, pour ne rien vous cacher, nous travaillons déjà aux sorties de 2023, avec la certitude de proposer encore de très bons titres aux lecteurs insulaires.
Signatures le 29 janvier à Porto Vecchio. D'autres suivront dans les principales librairies insulaires
Initiées en 1993, les Rencontres de la Bande-Dessinée et de l'Illustration - BD à Bastia - proposent, chaque année, quatre jours consacrés aux voies émergentes, aux grands classiques, aux auteurs confirmés et à l'illustration pour la jeunesse. Après avoir été programmées, crise sanitaire oblige, en Septembre lors des deux dernières années, l'équipe du festival a repositionné la manifestation de nouveau au début du printemps, période historique des Rencontres. C'est ainsi que du 31 mars au 3 avril 2022, BD à Bastia invite son public à prendre la route et changer d'atmosphère au travers d'un road-trip collectif, avec l'exposition Cammini, aux côtés de Alfred, Nicolas de Crécy, Alix Garin, Ulli Lust, Nylso et Didier Tronchet.
Entièrement gérée depuis cinq ans par son président-fondateur, Jean-Jacques Colonna d'Istria, la maison d'édition basée à San Benedetto vient d'élargir son équipe depuis le 1er janvier, dans la perspective de diversifier encore davantage à l'avenir ses publications et ses projets
Figure incontournable du monde culturel insulaire depuis plus de quarante ans, Jean-Jacques Colonna d'Istria porte l'amour des livres et de la diffusion du savoir chevillé au cœur.
Après La Marge édition, en 1977, puis Colonna édition, au début des années 2000, l'infatigable éditeur a fondé Scudo édition en 2017.
Une structure basée à San Benedetto - et d'ailleurs liée à l'activité de l'association San Bé Culture club -, qu'il a présidée et entièrement gérée au cours des cinq dernières années.
Avant de choisir de repenser son mode de fonctionnement, afin de lui offrir un "nouveau souffle".
"Cela faisait déjà quelque temps que je réfléchissais à une alternative car il est compliqué, surtout à mon âge, d'assurer l'intégralité des tâches liées au fonctionnement d'une maison d'édition, explique Jean-Jacques Colonna d'Istria. Je me suis même posé la question d'arrêter, mais il y a encore tellement de choses à faire et de projets extraordinaires à porter, que je ne pouvais m'y résoudre. J'ai donc pris la décision d'élargir l'équipe à travers une nouvelle association, nommée Scudo éditions, qui a vu le jour tout récemment, le 1er janvier de cette année."
"Travail collectif"
Autour de l'éditeur, désormais vice-président de la nouvelle structure, un bureau s'est donc constitué, composé d'Alain Stromboni (président), Michèle Laurent (secrétaire) et Benoît Coursimault (trésorier), assisté d'un conseil d'administration d'une douzaine de personnes. "Au-delà des liens d'amitié, Scudo édition bénéficiera indéniablement de l'investissement à mes côtés de cette équipe, qui connaît déjà bien l'univers culturel, poursuit l'éditeur. Alain Stromboni a par exemple créé la revue Pourtant sur le Continent, tandis que Michèle Laurent est relieuse et organisatrice de festivals du livre. L'objectif est de rester fidèle à la vocation et aux objectifs qui ont toujours guidé mon travail, à savoir cette quête d'ouverture dans tous les domaines concernant la Corse, hors de toute spécialisation. Sans pour autant changer de philosophie, ce travail collectif est, de ce fait, propre à apporter de nouvelles idées, de nouveaux manuscrits et de nouveaux projets."
Une page inédite de l'histoire de Scudo qui s'écrit déjà à travers des perspectives de co-édition et d'ouverture de la distribution vers le Continent, mais aussi d'une place plus importante accordée à la littérature. Forte de récents succès de librairies - parmi lesquels Dizziunàriu temàticu toma 1 d'Antonu Marielli, véritable somme de référence pour la langue corse, ainsi que 21 femmes qui font la Corse -, la maison d'édition maintient un rythme de publication particulièrement soutenu pour une structure de cette dimension.
"Les toutes dernières parutions comportent beaucoup plus de romans et de récits qu'auparavant, souligne Jean-Jacques Colonna d'Istria. En fin d'année, nous avons ainsi publié Acquaviva, de Tina Bartoli, lauréate du prix littéraire de Sarrola-Carcopino. Nous venons aussi de sortir Désirée, un livre extraordinaire que Claudine Filippi avait écrit avant sa disparition, et qui relate d'après une histoire vraie, mais de manière romancée, la vie de la mère de Jacqueline Olivier-Malizard, qui était une prostituée de luxe à Lyon, en temps de guerre."
Parutions récentes et à venir
Tout juste publié, également, le premier roman de Guy Maestracci, Et si Dieu était une chèvre ?, qui dépeint la vie d'un village corse, de manière à la fois drôle et dramatique. Ainsi qu'un autre roman, Fabio, de Marthe Chalvidant - aujourd'hui décédée -, se déroulant dans la Corse des années Paoli, et qui est le troisième volet d'une saga dont les deux premiers tomes, La route est longue et Quand vient l'orage, étaient parus respectivement en 1959 et 1979, aux Nouvelles éditions latines.
Le récent recueil Le désir rassemble par ailleurs une sélection de poèmes en français et en corse, proposés au jury du concours lancé par A Casa di a puisia, La Maison de la poésie de la Corse, dans le cadre du Printemps des poètes 2021. Toujours dans le registre de la poésie, Scudo édition publiera, d'ici la fin du mois, le premier recueil du jeune poète bastiais, Thibaud Sciacca, sous le titre Histoire d'un amour comme tant d'autres. Stefanu Perfetti, du groupe Diana di l'Alba, publiera pour sa part des poèmes en langue corse. "Sans oublier la sortie du deuxième tome du Dizziunàriu temàticu d'Antonu Marielli, ainsi que l'ouvrage Les rendez-vous du hasard, de Pauline Talans-Peri, fille adoptive du célèbre Résistant Gabriel Peri, un témoignage très émouvant qui relate sa vie d'enfant de communiste espagnol luttant contre Franco. On peut également citer La promesse, récit de vie par Christine Bottero", ajoute Jean-Jacques Colonna d'Istria.
Non sans annoncer, en outre, la sortie, d'ici fin janvier, du deuxième numéro de la revue semestrielle, littéraire et artistique, I Vagabondi. "Le premier numéro, sorti au mois d'août dernier, a bénéficié d'une très bonne réception, mais dans l'attente de réunir des moyens financiers, il a fallu s'adapter pour le numéro 2 en réduisant l'impression et en proposant une édition numérique." Une opération de financement participatif ainsi qu'un appel à sponsors sont en cours de lancement pour soutenir cette initiative éditoriale originale.
Par: F.Q.
Publié le: 14 décembre 2021
Le premier ouvrage de Damien Chiaverini fait un bond dans le passé de l'Alta Rocca et de son village, Mela, à travers six nouvelles
Avec 9 000 ans d'histoire, la Rocca recèle de nombreux sites archéologiques qui témoignent d'une très ancienne présence humaine. Terre de bergers, mais aussi terre des Seigneurs, cette région a été au cœur de l'histoire médiévale de la Corse.
Au Moyen Âge, la région a connu un passé tragique fait de vendettas et de résistance contre la puissance génoise. Elle a été la terre de prédilection des Giovannali, une confrérie taxée d'hérésie et persécutée par l'Église au XIVe siècle. « De la Protohistoire aux temps génois, de successions invasives en pure piraterie, cette terre insulaire fut soumise aux caprices de l'Histoire méditerranéenne », raconte l'auteur qui invite le lecteur à plonger dans le passé tumultueux de la Corse.
Fin connaisseur de l'histoire de notre île, il puise son imagination aux sources les plus diverses : il évoque la visite apostolique de Nicolò Mascardi et la mission de l'écrivain Prosper Mérimée. Il croise le destin de ces visiteurs prestigieux avec les autochtones. Du choc de ses rencontres naissent des épisodes où le merveilleux côtoie l'inattendu.
Brouillant la chronologie, l'auteur prend des libertés. Il met ainsi en scène le Père André Marie, l'infatigable chercheur de trésors qui fonda au XXe siècle une prestigieuse bibliothèque franciscaine. Un basculement dans le passé qui n'aurait sans doute pas déplu au fondateur de la Franciscorsa et qui n'est pas de tout repos pour celui qui s'égare dans les méandres de l'histoire de la Corse.
Les fantômes de Mela, nouvelles corses entre Shardana et Giovannali, Damien Chiaverini.
Par: Ophélie Artaud
Publié le: 09 novembre 2021
Dans: Corse Matin
Vendredi, les membres de la rédaction et de l'association éponyme étaient présents au Complexe Galaxy de Lecci pour présenter cette nouvelle revue quadrimestrielle. Le premier numéro, sorti en octobre dernier, est déjà disponible dans de nombreux points de vente
Ils étaient nombreux, vendredi soir, à s'être déplacés pour assister à la présentation de la revue Litteratura, dont le premier numéro est sorti le mois dernier. Au complexe Galaxy de Lecci, les lecteurs et amoureux de littérature ont pu échanger avec les membres de la rédaction et de l'association Litteratura, Marc Biancarelli, Jérôme Luciani, Didier Rey et Jean-François Rosecchi. Pierre Decortes, président de l'association culturelle A Scola di Zia Peppa, partenaire de la revue, était également présent.
L'occasion pour l'équipe d'expliquer les raisons du lancement de cette nouvelle revue, dont la conception graphique a été réalisée par Xavier Dandoy de Casabianca.
"Nous avons commencé à faire nos armes dans le monde littéraire il y a déjà un moment, notamment avec la publication d'A Pian d'Avretu, dans les années 90 et 2000, à laquelle Jérôme Luciani et Didier Rey avaient également participé", rappelle le rédacteur en chef, Marc Biancarelli. "Il y a aujourd'hui une vie littéraire très riche en Corse avec des écrivains talentueux. Il manquait une revue qui fasse le lien entre la création, l'énergie, l'initiative des actions et qui mette en valeur ces auteurs." Justement, dans le premier numéro de cette revue quadrimestrielle, deux grands entretiens sont consacrés à deux jeunes écrivains insulaires : Francesca Serra, qui a obtenu le prix du Monde en 2020 pour son premier roman, Elle a menti pour les ailes, et Julien Battesti, qui a également publié son premier roman en 2019, L'imitation de Bartleby.
"Une première pierre a été posée avec ces deux écrivains au talent immense. Ils ont un dynamisme, un bouillonnement créateur exceptionnel qu'il faut populariser", ajoute Marc Biancarelli.
Une nouvelle maison d'édition
La revue met également en valeur des ouvrages d'histoire, présentés par Didier Rey. "Mon défi est de montrer que c'est facile de lire un ouvrage historique. L'Histoire est avant tout un récit et un historien qui raconte bien peut sensibiliser", explique le docteur en histoire et maître de conférences à l'université de Corte.
Au-delà de la revue Litteratura, les membres de l'association éponyme ont également créé une nouvelle maison d'édition. Intitulée Òmara Éditions, ses trois premiers ouvrages devraient être publiés au mois de janvier prochain. L'un d'entre eux sera en langue corse. "Nous avons pensé cette maison d'édition en lien avec l'extérieur. Le but est d'accompagner les auteurs qui font un premier ouvrage ou de leur permettre d'en publier un qui marque une étape dans leur parcours. Il y aura aussi des liens possibles avec d'autres maisons d'édition, pour éventuellement envoyer des auteurs vers d'autres grandes structures. Nous voulons surtout permettre aux écrivains de franchir le premier pas", souligne Marc Biancarelli.
"L'idée est de faire une revue qui vive et qui soit en lien avec la maison d'édition. Nous sommes là pour leur donner la parole et créer une impulsion au niveau de leur écriture. L'objectif est de partager des œuvres de qualité, d'accompagner la jeunesse et de la tirer vers le haut, tout en étant accessible", ajoute Jérôme Luciani.
Accessible, car les associations partenaires sont également invitées à participer à l'écriture de la revue. Libri Mondi, Kimamori, A Scola di Zia Peppa ainsi que l'Edizione Tonu è Timpesta ont d'ailleurs contribué à cette première édition.
Les membres de la revue espèrent également pouvoir organiser régulièrement des évènements et des rencontres avec les lecteurs. En attendant, le premier numéro de Litteratura est disponible dans de nombreux points de vente en Corse, et bientôt sur le Continent.
Par: Intervista di Julian Mattei
Publié le: 07 décembre 2021
Dans: Corse Matin
Cù una squadra di redattori sott'à a direzzione di u scrivanu Marcu Biancarelli, vene di lancià l'associu " Litteratura " un magazinu dedicatu à a creazione.
U scopu : fà campà è prumove a literatura
Ne dice abbastanza u titulu di a rivista : « Litteratura ». Cum'è u nome di l'associu chì vene di nasce per publicà u primu numeru di stu magazinu dedicatu à 100 % à a creazione literaria. Escerà tutti i quattru mesi per sparghje à tempu analisi, sguardi è passione di a literatura di sti lochi è d'altrò.
In giru à u so capi redattore, u scrivanu Marcu Biancarelli, si hè custituitu un cumitatu edituriale cù una squadra d'amichi ; Jérôme Luciani, chì face da direttore di a publicazione, incù Jean-François Rosecchi è Didier Rey. Ci si ritrova ancu à Jérôme Ferrari inde u rollu menu cunnisciutu di ritrattadore. Per u so primu numeru, publicatu qualchì ghjornu fà, rispondenu dui autori, Francesca Serra è Julien Battesti, à e quistione di u cumitatu eduturiale nant'à i so libri « Elle a menti pour les ailes » (edizione Anne Carrière) è « L'imitation de Bartleby » (Gallimard). Una prima edizione chì arreca un soffiu novu inde u campu di a literatura. Sempre incù u scopu di fà la campà è viaghjà.
Cumu hè nata l'idea di fà sta rivista ?
Quandu si tratta di cultura, malgradu tuttu ciò chì si face in quantu à a creazione, ci hè sempre qualcosa à prupone. Aviamu in mente dapoi parechji anni d'impegnà ci inde un prugettu simule. Cù sta rivista literaria, l'idea era di purtà a nostra petra. U scopu hè di mischjà una visione aperta nant'à a literatura à u sensu u più largu, sia in Corsica sia fora, è a creazione chì si face per sti lochi. Si tratta dinù d'avè una vitrina per i scrittori corsi, ch'elli scrivissinu in corsu o in francese, è chì raprisentanu u megliu di a creazione literaria chì nasce nant'à l'isula. Pò esse dinù una manera di valurizà u parcorsu di i scrivani isulani è d'aiutà li à fà cunnosce a divizia chì esiste in Corsica.
Si sente inde u vostru cap'articulu a vuluntà di fà vede chì sta literatura hà bisognu di scambii per pudè campà. U scopu serà dinù d'urganizà una reta da ch'ella sia di più accessibule ?
Sicura chì a nostra vuluntà hè dinù di pupularizà a literatura. Simu nant'à un territoriu, si sà, chì hà bisognu di cultura è di una ghjuventù chì si nutrischi di sta manera. Ci vulemu participà à u nostru livellu è ancu fora di Corsica, chì a rivista interessa dinù altrò. A literatura hè dinù una manera di fà viaghjà e ghjente. Cù i mezi di cumunicazione d'oghje, viaghja in furia a literatura, d'un paese à l'altru. S'ella ùn hè per via di a lingua, ognitantu ùn si sà micca l'universu particulare è identitariu d'un scrivanu. Oghje, certi scrivani corsi scrivenu in corsu ma anu un universu literariu chì ghjè americanu è anglossassonu, assai più largu chè ciò chì a cultura corsa o francese nutria à principiu.
Dite dinù chì i libri sò arnesi essenziali per u spannamentu di a sucetà. Eppuru si vede chì sta sucetà si ne primureghja pocu...
Ghjustu à puntu tocca à noi, attori culturali, universitarii è ghjente di lettere, d'avè l'energia d'interessà la, di scuzzulà la è d'andà à scuntrà la. Hè vera chì in modu generale, è puru al di là di a Corsica, a sucetà ùn s'interessa tantu à u libru. Ma quantunque u bisognu esiste. Avemu misuratu mentre u cunfinamentu chì a chjusura di e librerie era stata un disastru per assai ghjente.
Tandu avemu vistu chì pudia esse una vera suffrenza di ùn avè micca accessu à u libru è à a creatività.
À spessu si dice chì ci serebbe bisognu di fà un'« educazione » in giru à u libru. Chì ne dite voi ?
Ci hè un fiascu maiò di u sistema educativu di pettu à a spressione culturale. Trattendu si di a literatura in lingua corsa, ùn ne parlemu mancu, chì ghjè u parente poveru di a riflessione pedagogica, invece chì ci hè una ricchezza furmidevule. Pensu à l'attelli di creazione chì anu un'attività di prima trinca. Ma ci hè una forma d'abbandonu di u « sistema ufficiale » di pettu à sti sughjetti. È custì ghjè a ghjuventù chì s'arritrova in prima linea. Per contu nostru, in tantu chè attori culturali, ùn pudemu abbandunà stu terrenu.
Secondu voi, di cosa averebbe bisognu a literatura oghje ? Di lettori, di sicuru, ma forse dinù di scontri è di scambii...
Ci vole à creà i spazii, i lochi è e strutture chì permettenu à a literatura d'avè una piazza maiò inde a sucetà. Sta rivista hè dinù un attu di fede è a passione d'una vita. L'idea ùn hè micca solu di caccià un magazinu. Si tratta dinù di creà una casa d'edizione chì sia cumplettamente dedicata à a literatura.
Micca per publicà nant'à a cucina corsa o e spassighjate in muntagna. Hè stata creata sta casa d'edizione, si chjama Omara éditions, incù u scopu di sparte u piacè di a literatura è di mette in valore i scrivani di talentu, per ch'ella sia a Corsica à l'altezza di una creazione chì esiste è chì à spessu hè di qualità. Hè dinù una manera di spannà si.
Dans le cadre de sa politique culturelle, la Municipalité de Sarrola-Carcopino a créé un Prix littéraire : " le Prix Sarrola-Carcopino". Le Jury, constitué de personnalités proches du livre ou/et de la commune, a lu plus de 30 manuscrits pour n'en retenir qu'un, le lauréat, et plus précisément la lauréate qui remporte donc le premier � Prix littéraire de Sarrola Carcopino�. Il s'agit de Tina Bartoli pour son roman � Acquaviva�.
La "récompense " était l'édition de ce roman, inédit bien sûr. C'est encore la Municipalité de Sarrola-Carcopino qui en a été le promoteur, confiant à �Scudo édition� le soin de réaliser le projet. Le roman vient de paraitre.
Tina Bartoli le signera dans la librairie des « Palmiers » à Ajaccio samedi 6 novembre, de 10 à 12h.
Il sera officiellement remis à la lauréate, Tina Bartoli prochainement à la mairie de Sarrola-Carcopino (village) par le maire de la commune, Alexandre Sarrola, entouré de ses adjoints et du Conseil municipal. Au cours de cette cérémonie, l'auteure dédicacera son roman.
édition du SCUDO
Jean-Jacques Colonna d'Istria
la maison bleue
San Benedetto
20167 Alata
06 37 55 13 57
Par: Pierre Negrel
Publié le: 09 septembre 2021
Installée au 27 boulevard Paoli et baptisée Alma, elle compte dans son équipe des anciens de la librairie Album - fermée au mois d'octobre dernier - dont elle envisage de prolonger l'aventure. Une continuité qui ne l'empêche pas de proposer une offre largement renouvelée
Bip, Bip, Bip...L'ouverture est dans quelques heures mais tous les cartons ne sont pas encore vides. Douchette en main, toute l'équipe s'active pour finir de mettre en place les quelque 13 000 ouvrages qui seront proposés aux Bastiais. Après une gestation de trois ans, la librairie papeterie Alma a ouvert ses portes au 27 boulevard Paoli.
Un local de 240 mètres carrés, à l'éclairage savamment pensé, que les fondateurs de cette nouvelle enseigne ont choisi pour donner un prolongement à la librairie Album, véritable institution locale - que beaucoup à Bastia continuaient d'appeler de son ancien nom de "Sobadi" - qui a fermé ses portes l'an dernier après un demi-siècle d'existence.
Une filiation qu'Olivier Rivollier, ex-directeur d'Album et gérant de la nouvelle structure, n'hésite pas à revendiquer. "Notre objectif est de maintenir une offre équivalente à celle qui était proposée par Album, confie-t-il. Les locaux cela dit sont différents. Celui-là est légèrement plus petit mais il est plus ouvert, il offre une vue immédiate sur l'ensemble de la surface. Et puis nous avons voulu créer une atmosphère à la fois plus actuelle et plus intime."
Une offre sciences humaines étoffée
Le changement dans la continuité ou plutôt la continuité dans le changement. Laurent Deville est là pour en témoigner. Salarié chez Album pendant dix-sept ans, celui-ci reprendra la gestion des rayons qui lui sont familiers : BD, musique cinéma, polar, SF, jeunesse. "Le nombre de références est équivalent mais nous avons des rayons qui ont été pensés de manière différente, explique-t-il. Ce ne sont pas simplement des endroits par lesquels on passe. Ils sont plus centrés, plus intimes. Pour les BD, par exemple, nous allons avoir un espace dans lequel les gens pourront se poser et lire. Idem pour le rayon jeunesse que l'on a vraiment pensé pour les enfants avec des bacs à fouille qui leur sont accessibles."
Mais le changement ne se limite pas à une simple différence d'atmosphère. Le projet comporte également une dimension "citoyenne" qui n'était pas forcément très saillante à la Sobadi et qui est au contraire mise en avant dans la devise de la nouvelle enseigne : "La culture au cœur de la cité." Une dimension citoyenne qui s'appuie d'abord sur la présence d'un rayon sciences humaines volontairement plus étoffé et sur l'implication d'un des associés, Christophe Di Caro, qui sera chargé de le faire vivre. "Il s'agit de proposer une offre la plus large possible qui ne se limite pas aux ouvrages d'actualité mais qui inclut également des auteurs de fond, notamment en histoire et en philosophie, souligne-t-il. Nous allons proposer aussi un rayon consacré à la géopolitique avec là, en revanche, une production surtout contemporaine. L'important est de mettre à disposition des lecteurs un éventail de pensée très large pour alimenter le débat, car c'est cela qui est intéressant."
Un espace dédié aux rencontres
Et pour alimenter le débat rien de tel que... des débats. C'est à cela que doit servir l'espace spécialement dédié aux rencontres qui a été aménagé à l'intérieur du magasin. Une pièce de quinze mètres carrés à l'élégante voûte en pierres apparentes que l'équipe entend mettre au service d'une stratégie commerciale reposant sur les animations.
"Nous souhaiterions organiser une rencontre par semaine, poursuit Christophe Di Caro. Dans un premier temps, on conviera surtout des écrivains locaux ou liés à la Corse et par la suite, si ça fonctionne bien, on peut imaginer faire venir d'autres auteurs. Dans tous les cas, on souhaite proposer autre chose qu'une simple interview. On aimerait introduire une réflexion autour de l'ouvrage à travers un thème ou une question philosophique. Dans cette optique, on pourrait par exemple le mettre en relation avec un ou deux autres livres qui touchent à la même problématique."
Une politique d'animation qui devrait en outre trouver un relais sur le numérique via des retransmissions en direct sur Facebook ou Instagram.
Autant dire que les objectifs que se sont fixés les créateurs de la librairie Alma sont ambitieux. Pour y parvenir, ceux-ci s'appuieront, dès la semaine prochaine, sur une équipe de quatre personnes travaillant à plein temps.
06/09/2021
Dominique Pietri et Jean-Pierre Castellani signent : « 21 femmes qui font la Corse » dans la librairie « La marge » jeudi prochain, de 17 à 19h.et animeront des rencontres à Pietrosella, vendredi (12 ) à 18h30 dans la médiathèque, et à Sartène ( mairie17h).
Il fallait bien le regard d'une femme et d'un homme pour parler des femmes ! Deux visions, celle d'un homme, celle d'une femme : Jean-Pierre Castellani et Dominique Pietri. Ils ont interrogé vingt et une femmes qui honorent la Corse de par leur parcours singulier mais ô combien représentatif du rôle des femmes, en Corse particulièrement.
Elles vivent à Bastia, Piana, Saint-Florent, Sartène, Zonza, Murzo, San Giovanni di Moriani ou ailleurs dans l'île; elles ont entre 25 et 80 ans ; elles sont manuelles ou intellectuelles ; elles travaillent la terre, l'espace ou le corps, l'âme aussi parfois...elles « font » la Corse aujourd'hui, comme leurs mères et avant elles leurs grand-mères. Bien sûr, elles ne sont que vingt et une ici, mais nous aurions pu en trouver vingt et une autres et encore plusieurs fois vingt et une ! Le hasard, les rencontres, leur acceptation et leur disponibilité aussi ont permis que ce soit ces vingt et une là. Qu'elles en soient donc remerciées chaleureusement en attendant le volume suivant�
Jeudi prochain, le 9 septembre, les deux auteurs de ces portraits de femmes dédicaceront leur ouvrage, « 21 femmes qui font la Corse » dans la librairie « la marge » à Ajaccio, de 17 à 19h. Ils animeront une rencontre le lendemain, vendredi 12 dans la Médiathèque de Pietrosella, puis le sur lendemain, samedi 11, septembre à 17h. dans la mairie de Sartène.
édition du SCUDO
Jean-Jacques Colonna d'Istria
la maison bleue
San Benedetto
20167 Alata
06 37 55 13 57
27/07/2021
Par: Laure Filippi
Publié le: 27 juillet 2021
Avoir "l'âme vagabonde", en passant de la littérature à la photographie, du dessin à la partition musicale, de la musique au feuilleton, du roman à la BD, de la poésie à la caricature... Tel est l'esprit qui anime I Vagabondi, la nouvelle revue semestrielle insulaire, dont le premier numéro est désormais disponible dans toutes les librairies.
"I vagabondi fait en premier lieu référence, dans l'histoire de la Corse, à l'Accademia di i vagabondi, créée en 1650 par Carlo Fabrizio Giustiniani, évêque du Nebbio, puis rouverte en 1749 et 1978, et qui propageait les idées nouvelles dans tous les domaines de la vie culturelle, de l'enseignement et de la littérature. Le titre renvoie aussi aux 'vagabonds' que sont les acteurs de la vie culturelle aujourd'hui encore, souvent malmenés, ''non essentiels'' dans la vie sociale, nous dit-on parfois en ces temps troublés et incongrus", souligne Jean-Jacques Colonna d'Istria, éditeur de la revue avec Scudo édition.
Un projet littéraire et culturel ambitieux, que son responsable éditorial a présenté la semaine passée à la librairie La Marge, à Ajaccio, aux côtés de plusieurs des membres du comité de rédaction, composé de Claudine et Ange-François Filippi, Michèle Laurent, Alain Stromboni, Paule Maerten et Jean-Jacques Beucler.
"Dimension méditerranéenne"
L'occasion pour eux, comme pour quelques-uns des cinquante et un contributeurs de ce premier numéro, d'évoquer la genèse et la philosophie de cette initiative inédite. "Le projet de la revue est né, au départ, en lien avec le Festival Romain-Gary, qui a depuis été reporté à cause de la crise, et qui devrait avoir lieu l'année prochaine sur la commune de Sarrola-Carcopino, expliquent les représentants du comité de rédaction. Plusieurs belles revues existent déjà, notamment dans le domaine littéraire, mais l'idée était véritablement de créer une première revue généraliste, qui a donc pris corps en préparant ce festival qui sera un événement littéraire international."
Après avoir reçu près de cent participations, l'équipe s'est donc attelée à réaliser un véritable "objet" artistique, à la conception et au graphisme léchés, mêlant donc créations littéraires, poétiques, picturales ou encore photographiques, sur les thématiques de Romain Gary et de l'Algérie. "La dimension méditerranéenne de la revue est très importante, tout comme la diversité et la richesse des productions reliant les deux rives, ajoute Jean-Jacques Colonna d'Istria. Il n'y a d'ailleurs aucune limitation concernant le choix des thèmes. Pour le prochain numéro, qui sortira en décembre, les thématiques abordées seront à cet égard le respect de la nature et la sexualité en Méditerranée."
De quoi, à n'en pas douter, inspirer encore de belles et surprenantes productions aux "âmes vagabondes".
I Vagabondi, Scudo édition, 168 pages, 20 euros.
12/07/2021
Par: Véronique Emmanuelli
Publié le: 11 juillet 2021 dans Corse Matin
L'association présidée par Marie-Dominique Allegrini-Simonetti a trouvé son territoire entre les murs de la Casa Salvini, située au cœur de L'Île-Rousse et emblématique de l'histoire locale. L'objectif est de promouvoir de façon très inventive la pratique de la lecture, entre autres
La lecture est un besoin essentiel et un plaisir qui se partage.
C'est la conviction que porte Marie-Dominique - Mimi - Allegrini-Simonetti, présidente de l'association Artelibri et à laquelle, de fil en aiguille, elle donne aujourd'hui du sens depuis L'Île-Rousse et la Casa Salvini, située au cœur de la ville, à l'un des angles de la place Paoli.
Comme une étape de plus dans son parcours qui s'écrit depuis l'origine au rythme de la culture, de la créativité et de la transmission sous toutes ses formes.
« Il m'a toujours semblé que l'éducation, la formation des hommes, l'accès à la culture étaient à la base de l'émancipation de tous. C'est le combat de toute ma vie », confie-t-elle.
L'approche associative qui consiste à favoriser, sur un mode innovant, l'accès à l'art, au livre, à la culture et du même coup à provoquer une étincelle de curiosité chez le plus grand nombre, allait de soi. « Aussi, mon engagement actuel dans un projet culturel dont le fondement est le livre n'est autre que le prolongement de mes implications antérieures dans une démarche d'intérêt général », poursuit-elle.
Le contexte de crise sanitaire est affirmé comme un élément de motivation de plus. Sans doute parce que la lecture et le livre figurent parmi les antidotes à la Covid-19. «Après la période difficile que nous venons de vivre avec la pandémie, des activités culturelles seront autant de respirations salutaires, de fenêtres ouvertes sur des moments d'échange et de partage entre la population et les artistes, car ce sont eux qui apporteront la part de rêve indispensable à la vie. »
Dans la foulée, Mimi Allegrini-Simonetti est aussi tentée de mettre en exergue quelques lacunes. «Désormais, la lecture et le livre comme objet font souvent cruellement défaut, car fortement concurrencés par d'autres supports tels que tablettes ou réseaux sociaux. »
Un espace d'échange privilégié
Le constat s'appareille à l'urgence de resserrer le lien littéraire. D'autant plus qu'on ne peut que vivre auprès des livres aux dires de la responsable associative. « Nous savons combien il est douloureux et frustrant de ne pas posséder la lecture, en revanche nous connaissons les bienfaits qu'elle peut générer sur le plan individuel et collectif. Le livre n'est pas seulement un vecteur de connaissance, il est aussi source de plaisir, d'évasion, d'émerveillement, d'épanouissement. »
Dans ces conditions, il y a forcément une expérience inédite à mener. « L'idée est d'amorcer un véritable changement en travaillant sur le livre sous toutes ses formes : de l'objet-livre, à sa création, à sa restitution aussi bien scénique que cinématographique, aux commentaires et aux débats qu'il peut susciter, à la relation que petits et grands peuvent entretenir avec lui. &aquo;
Pour garantir un espace d'échange privilégié et " faire avec " les jeunes et les moins jeunes, Artilibri, après avoir évolué un temps en tant que " nomade de la culture ", s'est choisi un territoire où se croisent mémoire, patrimoine et réalité très quotidienne. " Pour servir notre projet, nous avons un lieu, Casa Salvini, identifiable par son emplacement, par son architecture et son histoire. Ce site emblématique servira d'écrin vivant et évolutif pour la création artistique et littéraire ", indique la présidente.
À partir du mois de septembre notamment, " la Casa " se vivra à travers des ateliers de création, des expositions, ou encore d'une bibliothèque où l'on pourra trouver une bulle d'évasion à sa guise. " Celle-ci, tout particulièrement, destinée aux enfants verra le jour grâce à l'aide de Marie-Claire Bicchieray de la collectivité de Corse et de Danielle Ottaviani de la médiathèque territoriale de prêt de Corte. Nous souhaitons établir des liens avec la bibliothèque associative de L'île Rousse et les librairies de la ville ", indique la présidente d'Artelibri.
Dans le programme figurent, entre autres, des résidences de création, rencontres, conférences, l'élaboration d'une monographie sur L'Île-Rousse et les environs. « À cet égard, la dynamique est d'ores et déjà enclenchée. Une belle équipe : un historien, un archéologue, un architecte s'attellent à cette tâche dont la présentation d'une première partie est prévue fin d'année 2021. »
En corse et en français toujours
Dans bien des cas, le livre, associé à l'image, est mis en scène en variant les genres, de façon ludique, décontractée et conviviale. Sans interruption. « Notre association a pour objectif de faire vivre ce lieu tout au long de l'année et de permettre à tous l'accès à la culture. Nous souhaitons que cet espace soit un véritable creuset et devienne un 'laboratoriu culturale' dans lequel les artistes pourront créer lors de résidences, transmettre par l'intermédiaire des ateliers, s'exprimer et échanger lors d'expositions, de séquences de diffusion, de rencontres et autres conférences. Au fond, ce sont les artistes qui 'feront le lieu' et créeront l'alchimie avec le public. Un collectif d'artistes s'est déjà constitué et commencera à travailler dès la rentrée prochaine », développe-t-elle.
La Casa de la place Paoli est aussi le lieu où l'on s'affiche. « L'intérêt est de permettre à de jeunes écrivains de se faire connaître, à des artistes amateurs et professionnels de s'exprimer », complète-t-elle.
L'immersion se conçoit toujours en français et en corse. « La présence des deux langues dans les actions culturelles à mener est une évidence car pour beaucoup d'entre nous, le corse est notre langue maternelle, constitutive de notre identité, la perdre serait nous perdre nous-mêmes en niant nos origines », souligne Mimi Allegrini Simonetti avant de souligner le caractère fondamental des choses. «Il s'agit aussi d'une nécessité car au fil du temps il y a perte de locuteurs donc une disparition inexorable de la langue. La langue corse est étroitement liée à la terre corse, à son histoire, à son peuple, il nous faut redoubler d'efforts, multiplier les occasions pour son apprentissage, son écriture. Il est de notre devoir de la transmettre, la partager, car nous sommes comptables de ce patrimoine devant les générations à venir.»
Ces considérations poussent naturellement à « établir des passerelles avec Praticalingua, structure que je préside et qui ouvrira ses portes début septembre, avec plusieurs ateliers : apprentissage de la langue parlée, écrite pour différents niveaux, cours de guitare, de théâtre, chant, poésie... animeront à l'année a casa di a lingua Balagna ».
La présidente d'Artelibri dit travailler « avec une équipe enthousiaste " qui compte aussi en son sein " une écrivaine, Marie Ferranti, qui n'est plus à présenter. C'est d'abord pour moi une amie. Sa contribution est précieuse. Marie met à disposition de l'association sa belle plume, sa gentillesse et sa générosité ».
Un projet d'ampleur et une expérience novatrice dans un lieu accueillant, à proximité.
16,5 x 24 cm - 268 pages
Collection:
Thèses
ISBN
9782824111032
24,00 €
La littérature d'expression corse ? Une littérature originale, foisonnante, valeureuse et fragile, miroir d’une société en perpétuel mouvement et par là même en quête de sens.
L’histoire de la littérature de la Corse (« corse », « de Corse » et « sur la Corse ») est intimement liée à la question des langues pratiquées dans l’île – corse, italienne et française – au cours des deux derniers siècles et des rapports entre elles. Elle se décline aussi au rythme de phases et de conflits qui épousent les méandres des rapports sociaux et politiques particuliers à l’île. Tout en manifestant des processus de genèse et de développement singuliers, elle demeure naturellement un objet d’analyse comparable à d’autres littératures.
L’émergence à la fin du XIXe siècle d’une littérature spécifique « d’expression corse », hissant définitivement le dialecte d’hier au rang de langue d’écriture, constitue sans aucun doute le défi le plus neuf et littérairement le plus novateur au sein de ce domaine complexe.
Plusieurs étapes de son développement peuvent être décrites, successivement : u Pre Riacquistu, u Mantenimentu, u Riacquistu, u Novanta, a Divizia. Si les intentions, les inspirations ou les formes divergent volontiers au gré des périodes, l’ensemble de ces moments structurants contribue à révéler plusieurs dizaines d’auteurs, souvent très talentueux, actant non seulement l’existence de cette littérature mais témoignant aussi d’une richesse indéniable.
Cette richesse reste pourtant largement méconnue, pour ne pas dire méprisée dans certains cas, et le destin de la littérature de langue corse demeure incertain, malgré l’énergie consacrée par les auteurs et sa lente « institutionnalisation » (chez les lecteurs, chez les libraires, par les associations, par les prix littéraires, à l’école, auprès des structures publiques, etc.).
Elle n’en mérite pas moins d’être étudiée et comprise pour ce qu’elle est : une littérature originale, foisonnante, valeureuse et fragile, miroir d’une société en perpétuel mouvement et par là même en quête de sens.
Le présent travail peut être lu à ce titre comme un manuel d’histoire de la littérature d’expression corse, une initiation à la diversité littéraire ou, plus simplement encore, une invitation au plaisir et à la découverte…
Table des matières
Introduction
Première partie : L’affirmation d’une littérature écrite
1. La littérarisation du dialecte
De la « poesia giocosa » aux « cum(m)ediole » : le choix des genres mineurs
Phase romantique : récupération écrite du patrimoine oral (recueils) et créations « populistes » (« littérature de l’almanach »)
2. L’ouverture du champ littéraire corse : le « Pre Riacquistu » (1896-1945)
Entre politisation et élaboration littéraire
La « littérature des revues »
Au souffle de A Tramuntana
Un « nationalisme » politique, linguistique et littéraire : A Cispra
A Muvra, L’Annu Corsu : du printemps littéraire à l’impasse idéologique
Au coeur du « Pre Riacquistu »
Quelques figures clé : Lucciardi, Maistrale, Carlotti
La « littérature de l’Abandon »
L’éclosion d’un modernisme littéraire
Les poètes d’Italie
L’apparition du roman corse
3. Un conservatisme ethnographique : le « Mantenimentu » (1945-1970 environ)
Face à la « conspiration du silence » : U Muntese
Les prosateurs de l’après-guerre
Un regard distancié : Natale Rocchiccioli
4. Le réveil de l’identité culturelle : le « Riacquistu » (1970-1990 environ)
Du sursaut politique à l’action culturelle multiforme
L’éclosion du nationalisme corse
Renouveau culturel et enseignement
L’achèvement de l’élaboration linguistique
Entre engagement et nécessaire modernisation : le renouveau de la littérature d’expression corse
Rigiru, clé de voûte de la renaissance
Intornu à l’essezza, l’ultime effort de théorisation
La floraison poétique
Le renouveau du théâtre : du militantisme à la recherche créative
Le retour du roman corse
L’essor de la prose courte
Deuxième partie : de la réaction à la création : « l’oghje »
1. Le « novanta », entre confirmation et rupture
La nouvelle comme porte d’entrée au roman ?
L’étoffement de la palette romanesque
Une nouvelle donne poétique et théâtrale ?
2. Des années deux-mille à nos jours : « a divizia »
« Prosa à voline più ! »
Le surpassement du « Riacquistu » : l’école littéraire du « Disincantu »
Élargissement et modernisation du corpus de prose courte
Œuvres constituées et nouveaux auteurs : l’avènement du roman corse moderne
Survivance et diversification d’une école traditionaliste
Un théâtre entre mémoire revisitée et subversion
Le Je poétique corse
Conclusion
Bibliographie
À paraître le 15 juillet 2021
22/06/2021
La présentation était attendue. Antoine-Marie Graziani a dévoilé son nouveau livre au public samedi 12 juin, en fin d'après-midi, à Sartène. Cet historien moderniste est spécialisé dans l'histoire de la Corse et de la Méditerranée. Il a plusieurs ouvrages à son actif. Il a aussi reçu plusieurs prix en Corse comme le prix du livre corse.
Dans cet ouvrage intitulé Naissance d'une cité Sartène, maîtriser son territoire, aux éditions Alain Piazzola, il retrace la naissance de cette ville.
La municipalité a soutenu la parution de l'ouvrage. " J'ai écrit ce livre en partie pour rétablir la vérité au niveau des dates concernant l'histoire de Sartène parfois fausses ou qui demeuraient floues", selon l'auteur.
D'autres raisons expliquent la rédaction de ce livre : " Tout d'abord, je l'ai écrit pour Sartène et les Sartenais. Ensuite, je rédige une série avec l'histoire des différentes cités insulaires et la prochaine sera probablement Bastia. Enfin, je voulais m'intéresser à Sartène car mon ouvrage Levie et son territoire, paru en 2017, m'a permis de découvrir qu'un village peut avoir plus d'habitants qu'une ville. Je me suis alors intéressé à la définition d'une ville ", commente-t-il.
L'histoire de Sartène à travers les siècles
Au commencement de son ouvrage, il explique la naissance de la cité. Au début, Sartène était une pieve, une grande paroisse, apparue au Moyen Âge. Au XVIe siècle, la pieve est devenue une communauté. Il traite aussi des guerres de Corse de 1553-1569, avec les deux razzias turques de 1545 et de 1549 à Sartène et la venue des Génois.
On trouve aussi dans le livre les principaux fondateurs de la ville, comme Simone Carlone et Geronimo da Levanto. La construction de Sartène se termine en 1552, mais un an après aura lieu la guerre franco-turque. Lors du XVIIe siècle, la population devient plus dense et les habitants assistent à la construction du palais public et à l'agrandissement de l'église Sainte-Marie. Deux chapitres sont notamment consacrés aux révolutions corses et au gouvernement paoliste. Il est également question dans le livre de la ville sous la monarchie française. Une conférence instructive, qui a permis à tous de mieux connaître la plus corse des villes corses.
" Sartène : Naissance d'une cité ", ou les étapes de la construction de la ville à travers les siècles.
23/03/2021
20/03/2021
Par: Jean-Philippe Scapula
Publié le: 16 mars 2021
À l'occasion des festivités du bicentenaire de la mort de Napoléon, l'association I Palazziali et l'auteur Philippe Antonetti relatent un épisode méconnu qui aurait pu modifier le destin du jeune Bonaparte, ne devant son salut qu'à quelques soutiens bucugnanesi
Sans l'illustre collaboration de Guy de Maupassant, l'échappée bocognanaise de Bonaparte aurait croupi au stade de l'anecdote. Dans l'une de ses nouvelles, publiée dans le journal Le Gaulois daté du 27 octobre 1880, l'auteur de Bel-Ami évoque le testament rédigé par l'Empereur déchu depuis Saint-Hélène.
"Je lègue 20 000 francs à l'habitant de Bocognano qui m'a tiré des mains des brigands qui voulurent m'assassiner", écrit Napoléon dans son codicille. Maupassant y décèle une allusion à "une page d'histoire inédite", un "grain de sable qui changea les destinées de l'univers".
Cette petite histoire qui contribua à nourrir la prestigieuse trajectoire de Napoléon vient d'être mise en bulles par l'auteur de bande dessinée Philippe Antonetti. Bonaparte Fora !, (Stamperia Sammarcelli) relate le court séjour de Bonaparte dans le village de sa grand-mère. Le 5 mai 1793, le futur empereur, retenu à Bucugnà par un noyau de paolistes dirigé par le célèbre Zampaglinu, est accusé de comploter contre Pasquale Paoli. Il ne doit alors son salut qu'au soutien indéfectible de quelques fidèles qui lui permettent de fuir.
à l'occasion des festivités célébrant le bicentenaire de la mort de Napoléon, l'association I Palazziali voulait apporter une contribution. "On s'est demandé comment le village, qui fait partie du réseau des villes napoléoniennes, pouvait produire quelque chose. On a pensé à une bande dessinée pour faire connaître cette histoire. D'autant qu'on avait un artiste sous la main", raconte François Squarcini, vice-président d'I Palazziali.
Philippe Antonetti, auteur de plusieurs ouvrages de bande-dessinée et de croquis d'audience pour Corse-Matin s'est plié bien volontiers à la mission qui lui fut assignée. "J'ai travaillé comme une cour d'assises, j'ai écouté des témoignages, lu des récits, j'ai croisé les versions et j'ai abouti à un scénario qui, je crois, est assez fidèle à ce qu'il s'est passé à cette époque", détaille l'artiste. Il pense notamment savoir d'où Maupassant tient ses informations. "Je pense que sa source était l'historien Jean-Baptiste Marcaggi." Philippe Antonetti livre un document historique, presque introspectif, qui retrace les quelques jours où la destinée de Bonaparte aurait pu basculer dans la pieve du Celavu.
L'ouvrage a été édité en français et en corse. C'est Alexandre Filippi, membre d'I Palazziali, qui a assuré la traduction. "On peut imaginer que Napoléon avait un parler aiaccinu. Il m'a semblé naturel de le lui attribuer. Mais j'ai tenu à ce que les marqueurs linguistiques soient respectés. Dans la bande-dessinée, les Bocognanais ont leurs particularités, de même que les cismuntichi quand Bonaparte passe Vizzavona et rejoint Vivariu."
À Bucugnà, il fit bâtir U Palazzu mais n'y séjourna jamais
Cette œuvre collective ravit le maire de la commune. "Nous sommes très heureux du travail de l'association, qui ne se limite pas à cette publication, se félicite Achille Martinetti. Ils animent et valorisent le patrimoine de la microrégion." Ce week-end, c'est au deuxième étage de l'immeuble U Palazzu - une bâtisse que Napoléon fit construire à Bucugnà mais où il ne séjourna jamais - que les membres de l'association I Palazziali ont présenté leur travail.
"Cette demeure représente le lien entre Bonaparte et le village de Bocognano. Il a toujours eu un attachement pour ses origines", précise Xavier Stefanaggi, président de l'association. érigé en musée, U Palazzu abrite désormais quelques pièces rares, dont un exemplaire du Gaulois daté du 27 octobre 1880.
"Ainsi, dans ce grand hasard des événements qui gouverne les hommes et le monde, un fait bien petit, le geste désespéré d'une femme, décida le sort de l'Europe en sauvant la vie du jeune Napoléon Bonaparte, celui qui fut le grand Napoléon", écrit Guy de Maupassant. Pour les membres d'I Palazziali, le symbole est fort : "On se rappellera que Napoléon est mort un 5 mai à Saint Hélène mais que Bonaparte aurait pu mourir un 5 mai à Bocognano."
27/03/2021
Par: Irène Ahmadi dans Corse Matin
Publié le: 27 février 2021
En alliant photographies et récits, "Corse", l'ouvrage publié le 17 février aux éditions du Chêne, propose une couverture très globale de l'île. Et met en lumière ses différents visages qui, tous, permettent d'immerger les lecteurs dans ce qui fait son histoire, sa beauté et sa singularité
Corse* n'est pas un guide touristique mais s'apparente davantage à un livre de voyage. Un ouvrage à la dimension poétique dont on prend plaisir à feuilleter les deux cent cinquante-six pages, tant leur caractère esthétique et épuré, mêlant textes et photographies à parts égales, plonge le lecteur dans la (re)découverte d'une Corse singulière et authentique.
« C'est un compagnon de voyage qui permet d'aller à la rencontre de la Corse de l'intérieur et des personnes qui la font. Mais aussi de réaliser l'incroyable diversité des paysages et ce, à différentes saisons », résume Philippe Santini, fondateur de Maquis et coordinateur du projet. Il a également écrit quelques passages et complété la série de clichés.
« Les éditions du Chêne ont apprécié la philosophie du magazine et m'ont contacté pour créer la version corse de leur collection du Petit Atlas Hédoniste », précise-t-il, pour expliquer la naissance de l'ouvrage.
Chargé de constituer une équipe, Philippe Santini s'est tourné vers Laura Benedetti, pigiste et écrivaine spécialisée dans le patrimoine bâti corse, et Thibaut Dini, photographe et architecte.
Tous deux ont « parcouru l'île et couvert une Corse hors des sentiers battus ». Un travail de terrain important, mêlé à une nécessité de complémentarité entre textes et photos. « Nous étions très souvent en contact et avions créé une grosse boîte de données dans laquelle je postais mes photos, détaille Thibaut Dini. Tout s'est ensuite fait naturellement : lorsque j'allais dans un endroit et que le texte était déjà écrit, je m'inspirais de ce que Laura avait pu rédiger car cela me donnait des idées sur ce qu'il fallait mettre en valeur pour créer une cohérence avec le texte. De la même manière, quand j'avais déjà réalisé les photographies dans certaines zones, elle s'appuyait dessus pour écrire son texte. »
à chaque microrégion, son chapitre
De manière à emmener le lecteur dans ce voyage à la fois littéraire et visuel, chaque chapitre porte sur une microrégion parmi lesquelles figurent le Cap Corse, l'Agriate, la Balagne, le golfe de Porto, la Castagniccia, le Centre Corse, le Grand Sartène et l'Extrême-Sud.
Un choix qui permet de « valoriser la spécificité esthétique, artisanale et géographique locale » de chacune d'entre elles, d'autant que « ces endroits ont besoin de plusieurs pages pour rentrer en profondeur dans ce qu'ils ont de plus beau à offrir », complète Philippe Santini.
Ainsi, « chaque chapitre a son identité, que l'on découvre à travers les récits et les photographies », estime Thibaut Dini.
« L'idée était vraiment de faire découvrir une Corse plus confidentielle, d'aller chercher ses singularités, sa rareté et sa beauté. Autant d'éléments que j'ai essayé de décrire sous toutes leurs formes avec un style très narratif qui donne l'impression que nous racontons une histoire », révèle Laura Benedetti, chargée de la partie rédactionnelle.
Corse offre ainsi la possibilité de découvrir le travail d'une jeune oléicultrice, celui d'un coutelier, le portrait de Pierre-François Maestracci, créateur de la bière artisanale Ribella, un photoreportage sur la pêche à la langouste ou encore des « choses plus descriptives » sur la culture du cédrat, la transhumance, la langue, la musique mais aussi sur le bâti insulaire.
« Il y a eu un important travail de collecte de données et de recherche d'informations au niveau de l'approche historique de l'île... J'ai beaucoup échangé avec les locaux et les spécialistes de l'histoire de la Corse dans des domaines très divers comme la faune et la flore endémiques », poursuit Laura Benedetti.
Une approche similaire à celle de Thibaut Dini, qui a travaillé sur le temps long. « J'ai passé plusieurs week-ends dans ces différents endroits afin de m'imprégner des lieux et de pouvoir me dire 'à telle heure, la lumière est superbe' », relate le photographe. Si « beaucoup de photos ont été prises sur le vif », cela s'est tout de même fait « avec un œil posé sur la durée ».
Une occasion aussi, pour ce chevronné de prises de vues de paysages et de jeux de lumière, de s'essayer au photoreportage. « Pour le chapitre sur la pêche à la langouste, à Centuri, j'ai eu une fenêtre de tir de cinq minutes au moment où le pêcheur les déchargeait sur le port, se remémore-t-il. J'ai adoré ce côté très éphémère dont j'ai moins l'habitude en temps normal avec la photographie de paysages. »
Il a ainsi abordé l'aspect photographique de l'ouvrage selon une ligne directrice bien précise : « Je me détache de l'idée d'avoir le point de vue que tout le monde connaît... J'ai essayé de mettre en exergue la nature et l'aspect réservé des paysages, à ma manière ».
Cette invitation au voyage propose ainsi de découvrir les différents visages qui font la Corse. Et s'adresse, par conséquent, à un public divers : « à ceux qui veulent découvrir la Corse, à ceux qui veulent la redécouvrir sous un autre angle, à ceux qui sont passionnés de photos, à ceux qui veulent approfondir leur connaissance de l'île et enfin, à ceux qui veulent la parcourir », conclut Philippe Santini.
L'ouvrage de Laura Benedetti, Thibaut Dini et Philippe Santini est paru le 17 février dernier, aux éditions du Chêne dans la collection du Petit Atlas Hédoniste, proposé au prix de 29,90 €.
31/01/2021C'est le premier tome d'un dictionnaire thématique qui en comportera trois, traitant des différents éléments du corps humain, des maladies, de l'amour et de la sexualité, des cinq sens et des sentiments humains.
Antonu Marielli
Né en 1951 à Sartène, Antonu Marielli est chanteur, musicien, auteur-compositeur-interprète, créateur en 1978 du groupe culturel « Diana di l'Alba », ayant produit à ce jour plusieurs opus. C'est aussi un professeur d'histoire et de langue corse et
un passionné de nature et de marche en montagne.
Antonu est aussi écrivain avec aujourd'hui trois livres à son actif, traitant de l'histoire de la Corse, de légendes mais c'est aussi un amoureux de mots et d'expressions corses, souvent oubliés. Dorénavant, il voudrait réaliser, en trois tomes, un dictionnaire thématique de langue corse, car il y voit un terrible manque qu'il voudrait aujourd'hui combler par ce travail méticuleux et patient qu'il a initié il y a trente cinq ans.
SCUDO EDITION
Jean-Jacques COLONNA D'ISTRIA
La Maison Bleue, San Benedetto, 20167 ALATA
06 37 55 13 57
23/12/2020
Par: Julian Mattei - Publié le: 22 décembre 2020 dans Corse Matin
Dans son ouvrage À l'alba di u cantu, notre collègue Ghjilormu Padovani livre les secrets de 130 chansons corses explorées au rythme d'une chronique parue dans Settimana. Une plongée dans l'histoire parfois méconnue du patrimoine musical insulaire, qui révèle une richesse insoupçonnée à bien des égards.
Et si une chanson n'était, finalement, que le battement du cœur des Hommes ? Une émotion, un moment qui échappe dans l'art de l'instant et appuie à un endroit de l'histoire ou de la mémoire. Chacun connaît ce sentiment étrange lorsqu'un air imprime dans l'esprit, colle à la peau ou à une époque qui renaît parfois à la faveur d'un simple fredonnement.
Pourtant, que sait-on vraiment de ces chansons et de leur propre histoire ? Peu de choses, sans doute. Ou bien trop peu. À l'alba di u cantu*, qui retrace sur plus de 300 pages la vie de 130 chansons corses de l'époque du Riacquistu à aujourd'hui, démontre à ceux qui en doutaient encore ou à d'autres pour qui la création musicale s'inscrit à la marge d'un patrimoine, l'étendue et la richesse du répertoire insulaire.
Dans son ouvrage, qui vient de paraître aux éditions Albiana, Ghjilormu Padovani journaliste à Corse-Matin et chef d'orchestre du Nutiziale, sonde tel un explorateur l'histoire intime de ces airs, tantôt traditionnels, tantôt aux accents plus modernes, qui ont fait la renommée de la chanson corse ces cinquante dernières années.
« Le contexte influence toujours la plume »
Cette richesse d'une création musicale au long cours, notre collègue l'a extraite de ses nombreux récits publiés au rythme d'une chronique hebdomadaire dans les colonnes de Settimana.
Durant trois ans, entre 2015 et 2018, Ghjilormu Padovani, lui-même musicien et chanteur, est allé à la rencontre des auteurs et des compositeurs de ces titres pour en connaître la genèse, le contexte et les petites anecdotes ignorées du public qui leur confèrent parfois un sens caché. « J'ai toujours mis un point d'honneur, en écoutant une chanson, à en comprendre le texte, la naissance mais aussi les circonstances qui ont conduit son auteur à l'écrire, explique le journaliste. C'est pourquoi j'ai décidé de solliciter les différents paroliers et compositeurs, qui m'ont confié avec bienveillance leurs secrets, les pépites et les détails méconnus qui ont fait leur histoire. »
Du chant polyphonique traditionnel aux airs les plus détonants du Riacquistu, en passant par les grandes heures du folklore corse, À l'alba di u cantu donne à voir à travers chaque œuvre musicale à la fois une part de l'intime et un morceau de notre histoire commune.
Mal'Cunciliu, la chanson de Canta u Populu corsu, écrite et composée par Jean-Paul Poletti, est l'un de ces monuments allègrement disséqués par le journaliste, dont nous publions in extenso le texte et la chronique (lire ci-dessous). Sa mélodie, vieille de plus de quarante ans, a traversé les âges avec une popularité jamais infléchie.
« Mal'Cunciliu marque à mon sens un tournant dans l'histoire musicale insulaire, avance Ghjilormu Padovani. C'est le miroir de notre imaginaire, le reflet de l'âme du peuple et d'une époque, car le contexte influence toujours la plume. »
De l'histoire à l'intime
À travers ses 130 titres, l'ouvrage porte forcément la marque de nombreux auteurs incontournables, dont les plumes ont aussi écrit sans fausse note les plus belles pages de l'histoire des groupes insulaires.
Jacques Fusina, Ceccè Lanfranchi, Jean-François Bernardini, Ghjuvant'Teramu Rocchi et bien d'autres... de l'amour à la revendication, de l'histoire aux hommages à la nature, À l'alba di u cantu recueille les confidences de ces poètes qui ont donné à la Corse ses hymnes du moment dont la plupart, jamais passés de mode, sont entrés jusque dans les foyers, accompagnant tant de moments avec leur part d'intimité profonde. émotionnelle, parfois.
Sous la plume de Ghjuvan'Teramu Rocchi, le bouleversant Ci sì tù, laisse ainsi entrevoir un aspect quasi-charnel de l'auteur.
Ce texte émouvant, qui figure sur l'album E Nove de Felì, sorti en 2002, est celui d'un enfant qui a eu le bonheur de se lover sous une aile maternelle. Ou bien de celui qui a perdu sa mère si tôt qu'il se trouve contraint d'écrire ce qu'il aurait voulu vivre. « Lorsque Ghjuvan'Teramu se confie sur l'écriture de cette chanson, il était d'une pudeur immense, se souvient Ghjilormu Padovani. J'ai compris qu'il avait perdu sa maman très jeune, et qu'il l'avait écrite avec les bribes de souvenir qu'il en avait, mais aussi les moments qu'il n'a pas connus et qu'il a réussi malgré tout à faire vivre à travers ces quelques lignes. »
En dépit d'un fil directeur attaché à toute l'envergure de ces œuvres, se lancer dans un tel recueil anthologique implique nécessairement une sélection. Une part de subjectivité que l'intéressé assume sans ambages, le répertoire insulaire étant si vaste qu'il a fallu faire un choix, forcément très personnel.
Inspiré, en tout cas, des textes majeurs qui habitent celui qui se définit avant tout comme « un passionné de musique et d'histoire », mué en explorateur de l'imaginaire musical insulaire. « Si on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique », philosophait Platon voilà bientôt vingt-cinq siècles. À l'alba di u cantu en décrypte toute la mélodie avec minutie.
L'entre-deux-mondes
Heureusement, les monuments ne sont pas faits que de pierres. Mal'Cunciliu n'est pas qu'une belle chanson de Canta u Populu corsu écrite et composée par Jean-Paul Poletti, et mise en musique par Christophe Mac Daniel.
écouter Mal'Cunciliu est d'abord une rencontre avec la substantifique moelle d'un peuple : son imaginaire qui irrigue toute son existence.
écouter Mal'Cunciliu, c'est pousser la porte d'une chambre à coucher, s'asseoir discrètement dans un coin et se laisser raconter une histoire. C'est évoquer ce rapport à la mort - et donc à la vie - qui a bâti chaque parcelle de l'âme insulaire. Canta avait pour vocation de « chanter » le peuple. Peu de textes sont allés aussi loin en trois minutes.
Il faut remonter en 1973. Le roman de Jean-Claude Rogliano, Le Berger des morts. Mal'Conciliu vient de sortir. Dans une écriture lumineuse, l'auteur raconte l'histoire d'un châtaignier qui existe réellement à Carchetu, en Castagniccia, de ces lieux frontaliers entre vie et mort, dominés par la présence inquiétante et pourtant familière du mazzeru. L'intrigue tragique tourne autour d'un amour impossible entre un fou - ou perçu comme tel et la plus belle fille du village, Lesia, fille unique du sgiò Don Manfredo, sur fond d'intrigue ésotérique mêlant religion et croyances séculaires.
C'est après avoir dévoré le livre que Jean-Paul Poletti décide l'écriture d'une chanson. « Son atmosphère magique m'a parlé intérieurement », confie-t-il. Elle lui inspire un mouvement classique, différent de la trame traditionnelle que vient de bâtir l'auteur pour L'Alta Strada. Son ambition un peu folle est de créer un petit concerto. Mais par manque évident de moyens, il compense par une écriture à la fois dense et ouverte.
Côté musique, il compose la mélodie alors que Christophe Mac Daniel l'habille d'un piano omniprésent.
Les harmonies issues de l'instrument laissaient déjà entrevoir les capacités classiques indéniables de l'œuvre. Mais comment faire adhérer le reste du groupe ? « Nous étions dans une phase très traditionnelle, loin de ce genre de chanson. J'étais persuadé qu'elle n'allait pas être acceptée et comprise pour ce qu'elle était : un profond témoignage de ce que nous sommes. Je me suis lourdement trompé », témoigne-t-il.
Parce que ce « n'était pas encore le moment », Mal'Conciliu n'est enregistrée que six ans plus tard, en 1979, sur Chjamu a puesia. L'immense succès local est immédiat et les raisons sont multiples. à sa manière, Mal'Conciliu fait œuvre de réappropriation en (ré)investissant pour la première fois le domaine du rêve, rappelant la phrase de Baudelaire, exergue à l'ouvrage de Jean-Claude Rogliano : « Garde tes songes : les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous ! »
Les racines d'un tel arbre ont finalement pris possession de cette terre, dans une oscillation permanente entre les deux piliers d'une vie, le bien et le mal. Mal'Cunciliu est à la fois « ange et démon », « caresse et terreur », « joie et douleur ». Le châtaignier nourricier devient alors encore plus important que le fruit qu'il produit, il est cette porte sur l'au-delà qui ne se ferme jamais. Les limites entre l'ici et l'ailleurs sont gommées et cette dualité prend tout son sens dans le dernier vers : « Je suis né dans ta fureur, Mal'Cunciliu. » Une (re)naissance dans la mort qui appartient à tant de croyances.
« C'est la naissance par ce que la mort nous enlève », souligne Jean-Paul Poletti qui ne renie pas la phrase de Mitterrand : « Je crois aux forces de l'esprit ». Ce n'est qu'en 1989, sous la baguette de Costa Papadoukas et l'archet du violoncelliste Frédéric Lodeon, que Mal'Cunciliu prendra l'air véritable d'un concerto. La mélodie, inspirée des premières notes d'un voceru traditionnel, portée par la puissance d'un chœur symbolisant « les voix du passé qui resurgissent dans le présent », a largement contribué à installer cette ambiance d'entre-deux-mondes.
Une œuvre intemporelle, finalement résumée par Antoine Ciosi : « Par sa puissance, Mal'Cunciliu m'a fait comprendre tout ce qui nous manquait. »
Tù sì l'alburu di lume
è ne veni da luntanu
Tù sì lu tonu e lu fiume
è Lesia chi canta pianu
Tù sì l'errante d'amore
Chì camina in la muntagna
Tù sì l'omu chi si more
Quandu fala l'ombra pagna
è quandu a notte ti porta
E voce di Torremorta
è chì u cantu di l'onda
Colla da a terra prufonda
Tù sì l'alburu di sognu
Scurticatu da lu ventu
Tù sì anghjulu o demoniu
A carezza o lu spaventu
Tù sì gioia o dulore
Ma cun tè mi meravigliu
Sò natu in lu to furore
Mal'Cunciliu.
*À l'alba di u cantu, 130 chansons corses et leur histoire, éditions Albiana, 312 pages, 18 euros.
18/12/2020
16,5 x 24 cm - 312 pages
Collection: Pueti è cantadori
ISBN
9782824110769
18,00 €
Le livre d'histoire des chansons corses : airs célèbres, tubes et chants traditionnels... un répertoire paroles incluses à connaitre ou se remémorer...
4e de couverture
La chanson accompagne et embellit la vie de chacun de nos jours. Il arrive qu’un air s’incruste à ce point dans notre esprit qu’il en devient le révélateur d’un instant, d’un événement, d’une époque. Ainsi la chanson corse a-t-elle connu plusieurs fois ses hymnes du moment. Des temps oubliés dont il ne reste plus que la « tradition », aux reviviscences du Riacquistu, en passant par la mode de l’opéra ou du Bel canto et de l’âge d’or du folklore corse, chaque chanson est un morceau de notre histoire commune.
Mais sait-on que ces chansons ont elles-mêmes leur propre histoire ?
Enquêtant à la façon d’un chercheur en histoire immédiate, l’auteur est allé à la rencontre des auteurs et compositeurs et a recueilli, pour 130 d’entre elles, l’histoire intime de leur naissance ou de leur succès. Durant trois ans, de 2015 à 2018, il a publié ses chroniques dans l’hebdomadaire Settimana de Corse-matin, rappelant ici le contexte, là l’anecdote qui éclaire.
Le présent recueil anthologique est tout à la fois une histoire de la chanson corse en général et un précieux recueil d’histoires à découvrir...
L’auteur
Ghjilormu Padovani est journaliste et chroniqueur à Corse-matin. Musicien à ses heures, il a gardé de ses études universitaires le goût prononcé pour l’histoire en général, celle de la Corse en particulier.
Extrait :
11/12/2020
Par: Sébastien Pisani
Publié le: 08 décembre 2020
La petite équipe d'Albiana ne s'y attendait pas. Se mettre sur les rangs pour glaner un titre de portée nationale, face à des mastodontes rompus à ce type d'exercice ?
Pas le genre de la maison d'édition corse, qui préfère habituellement se concentrer sur son travail de fond.
Pourtant, lorsque Bernard Biancarelli, son directeur de publication, tombe par hasard sur une info relative à la deuxième édition des Trophées de l'édition, organisée par le magazine Livres Hebdo, la curieuse idée de concourir lui passe par la tête.
Son intuition a été bonne. Samedi dernier, Albiana s'est vu décerner l'un des quinze trophées en jeu, renvoyant au climat de cette année si particulière. En l'occurrence, le prix "Innovation du confinement", qui vient récompenser le titanesque labeur de ces derniers mois autour de son projet collaboratif "Décaméron".
"Quand le coup de fil nous annonçant la nouvelle est tombé, à la mi-novembre, nous avons sincèrement été les premiers surpris, confie Céline Ceccaldi, la communicante de l'équipe et coordinatrice du site de la maison d'édition. Nous savions que nous tenions un bon dossier, mais de là à imaginer qu'il arriverait en tête dans une catégorie qui concernait les nombreuses initiatives prises par les éditeurs pour continuer à fonctionner, il y avait un pas..."
Forcément, dans les bureaux qui surplombent les locaux de la librairie La Marge, à Aiacciu, on ne boude pas son plaisir.
"Le plus dur, c'est qu'il a fallu garder le secret jusqu'au jour fixé pour l'officialisation de notre distinction, glisse Céline Ceccaldi. Et le plus frustrant, c'est de ne pas être allé récupérer notre trophée au Théâtre du Rond-Point, à Paris, car la cérémonie initialement prévue a été annulée pour raison sanitaire."
Qu'à cela ne tienne, ce prix national - le premier du genre décroché par le petit poucet corse - reste éminemment savoureux. Car, derrière le nom de code "Décaméron", c'est une démarche aussi populaire que généreuse, impliquant quelque 140 contributeurs, qui a été saluée par le jury interprofessionnel réuni par Livres Hebdo.
"Décaméron", donc. La référence à l'œuvre médiévale de l'Italien Boccace disait toute l'ambition - prudente à l'origine - qu'Albiana plaçait dans son vaste appel à se libérer des chaînes du premier confinement par le biais de la littérature.
À travers un blog, qui est resté ouvert entre le 23 mars et le 13 juin, "l'idée était de profiter de ce moment de retraite forcée pour raconter chaque jour des histoires, rappelle Céline Ceccaldi. Cette invitation concernait tout le monde, auteurs confirmés ou novices, de l'île ou d'ailleurs, quels que soient la langue pratiquée, le sujet abordé et le style choisi, pourvu que cela reste dans le domaine de la littérature."
L'engouement est immédiat. Et ce sont dix à quinze contributions quotidiennes qui défilent sur l'écran de Bernard Biancarelli, premier de cordée d'un comité de lecture "soft", puisque l'enjeu consistait avant tout à partager largement ces instants littéraires aux contours d'une richesse qu'Albiana n'avait peut-être pas suspectée en provoquant l'appel d'air. Entre mars et juin, pas moins de 400 textes sont mis en ligne, envoyés de Corse, du Continent, de plusieurs pays européens et même d'Amérique du Nord. Les réseaux sociaux ont joué leur rôle viral, attirant des "dizaines de milliers de lecteurs", assure l'éditeur, vers ce qui a fini par devenir un rendez-vous régulier pour nombre d'entre eux.
La question de la suite à donner à ce succès s'est inévitablement posée.
Pouvait-elle prendre une autre forme que celle d'un livre ? Le début d'une autre séquence exigeante, car la sélection des textes devait impérativement respecter l'esprit convivial qui avait soufflé sur le blog.
Le tout en respectant l'ensemble des critères d'un vrai livre, qui ne pouvait s'apparenter à une simple reprise, hâtivement mise en forme, du matériau numérique.
Au final, c'est un ouvrage de 736 pages qu'Albiana a mis en chantier, composé de 220 contributions relevant de près de 140 auteurs. À la clé, aussi, une diversité de genres et de styles propre à donner le vertige : nouvelles, contes, témoignages, récits, prose, poésie, noir, érotisme, littérature jeunesse, art, théâtre...
Clin d'œil du calendrier, c'est justement samedi dernier, jour de trophée pour Albiana, que l'éditeur a sorti son Décaméron 2020, dont la couverture est ornée des ânes d'un certain Toni Casalonga, l'artiste balanin ayant eu à cœur de collaborer au projet à travers sa sensibilité picturale.
Depuis les lieux d'expression virtuels jusqu'aux pages d'un livre, c'est donc cette aventure échevelée que Livres Hebdo, marque faisant référence dans le petit monde des libraires et des éditeurs, vient de récompenser.
Au-delà du coup de projecteur, la maison fondée et dirigée par Guy Firroloni a abordé des rivages qui ne manqueront sans doute pas de l'inspirer à l'avenir, dans le contexte d'un métier qui se transforme mais qui se doit de conserver ses fondamentaux, sur le front d'une nouvelle forme de partage de la littérature.
En attendant, les contributions se poursuivent depuis le mois de juillet sur le blog de l'éditeur, de façon un peu plus cadrée, à travers une revue dont le thème change chaque mois et dans laquelle le soutien à l'écrivain-éditeur Jean-Pierre Santini, toujours incarcéré, prend la forme de textes régulièrement publiés.
L'esprit "Décaméron" n'a pas fini d'animer Albiana.
Décaméron 2020, collectif, éditions Albiana, 736 pages, 29 €
05/12/2020
Publiée par Julian Mattei, Petru Santu Menozzi et Ange-Toussaint Pietrera, l'anthologie de la Corse littéraire couvre sept siècles d'histoire. Des chroniques médiévales jusqu'aux écrits de notre époque, l'ouvrage révèle, sur 2 000 pages, une richesse insoupçonnée à bien des égards
Ce vendredi 4 décembre, quand l'Antulugia A Corsica literaria sera en librairie, la richesse d'une histoire au long cours ne manquera pas d'interpeller.
Parce que l'imposant volume de près de 2 000 pages, à paraître aux éditions Albiana, démontre, à ceux qui en doutaient encore ou à d'autres pour qui la littérature corse s'inscrit à la marge d'un patrimoine, l'étendue et la constance d'une expression écrite.
Tout commence par les fameuses chroniques médiévales de Giovanni della Grossa, les seules sources écrites de la Corse du Moyen-âge, puis le fil de l'anthologie s'étire sur les sept siècles suivants.
Jusqu'à nos jours, le temps du prix Goncourt de Jérôme Ferrari, d'une poésie plus que jamais écrite pour être chantée, de la littérature des... blogs.
à la fin de l'ouvrage, un chapitre consacré à une écriture qui privilégie le support numérique apparaît, en effet. Les auteurs ne l'ont pas occulté.
"Il démontre que la production littéraire corse a suivi toutes les évolutions, jusqu'à s'emparer des espaces qui permettent une création et une diffusion encore plus larges", confie Petru Santu Menozzi, 33 ans, professeur d'histoire-géographie dans le secondaire.
Une profession qu'il partage avec Ange-Toussaint Pietrera, 33 ans aussi, également impliqué dans la réalisation de cette anthologie.
Journaliste à Corse-Matin et benjamin du trio d'auteurs, notre collègue Julian Mattei, 28 ans, est heureux et fier d'avoir contribué à "la vision la plus large possible de cette Corse littéraire".
Corse littéraire plutôt que littérature corse. Ils sont attachés à la nuance qui tient d'ailleurs lieu de titre. à leurs yeux, elle n'a rien du détail insignifiant, bien au contraire.
"Avec cette approche, nous assumons les différents modes d'expression de cette littérature par définition plurilingue. On ne peut travailler pour un tel ouvrage comme on pourrait le faire pour préparer une anthologie de la littérature française", observe Julian Mattei en faisant référence aux œuvres qui font, certes, la part belle à la langue corse à 95 %, dans une anthologie qui sélectionne aussi les écrits en français, les textes en toscan de Salvatore Viale "qui écrit des choses extraordinaires sur le Bastia du XIXe siècle", jusqu'au latin de Petru Cirneu. Mais feuilleter A Corsica literaria ne se limite pas au regard sur cette dimension plurilingue.
Préserver la matière littéraire, rendre accessibles tous les textes
Pour accompagner la publication des écrits tirés de toutes les œuvres sélectionnées, pour 150 auteurs et un bon millier de références, la copieuse préface de Jean-Marie Arrighi et les textes du trio d'auteurs privilégient le corse pour introduire et commenter tous les chapitres consacrés aux différentes époques et aux principaux courants de cette littérature.
Malgré une ligne directrice on ne peut plus attachée à toute l'envergure de l'histoire qui a forgé l'œuvre, se lancer dans une anthologie implique une sélection, donc la part de subjectivité que les intéressés assument.
"Nous avons bien sûr retenu les critères de la qualité, mais aussi la valeur socio-littéraire des textes, explique Julian Mattei. Par exemple, Sebastiano d'Alzeto, qui est quand même l'auteur du premier roman en langue corse, écrit le corse de la rue de l'époque, mais il raconte aussi tellement de choses sur l'âme bastiaise du début du XXe siècle qu'il était impossible d'occulter son œuvre."
Si l'anthologie porte forcément la marque de nombreux auteurs incontournables, elle révèle aussi un important travail de recherche, jusque dans les archives, au service d'une nécessaire préservation de la matière littéraire.
"Si la majorité des œuvres de cette littérature sont bien sûr consultables, de nombreux écrits sont aujourd'hui malheureusement inaccessibles", souligne Petru Santu Menozzi. Dans cette logique, les auteurs redonnent, par exemple, toute sa place à l'œuvre de Anton Francescu Filippini.
"Dans son ouvrage sur les poètes irrédentistes, Paul Desanti l'a ressuscité, mais celui qui est pour moi le plus grand poète de la littérature corse est tombé dans l'oubli", estime Julian Mattei, qui souligne par ailleurs une anthologie très portée sur un travail de réédition et de réactualisation de nombreux textes, en y adaptant la langue corse codifiée d'aujourd'hui.
Un choix difficile, qui a fait débat, mais la volonté de rendre tous les textes accessibles au plus grand nombre a prévalu. Tout comme l'envie de se mettre au service du bilinguisme.
Un corse chanté, joué au théâtre, un corse écrit au service de toutes les formes d'expression artistique et considérablement enrichi au temps du Riacquistu, telles sont aussi les pages qui forgent une anthologie, laquelle éclaire au grand jour la dimension littéraire d'une langue pourtant portée à travers les siècles par son oralité, et qui n'a jamais été autant écrite qu'à l'heure actuelle.
Pour Ange-Toussaint Pietrera, il ne faut surtout pas voir dans cette anthologie un simple travail chronologique. "L'appareil scientifique explique les différentes périodes. C'est tout sauf une compilation".
"Une anthologie sans cadre critique ne valait pas la peine d'être réalisée", ajoute Petru Santu Menozzi.
Avant A Corsica literaria, il y eut l'anthologie de Matteu Ceccaldi, publiée dans les années soixante-dix et, bien plus lointaine, celle de Hyacinthe Yvia-Croce.
Les 2 000 pages de deux enseignants et d'un journaliste de la Corse du XXIe siècle vont-elles imposer, avec le temps, un ouvrage de référence ?
"Il est encore trop tôt pour le savoir, tempère Ange-Toussaint Pietrera. Ce sera au peuple corse de juger. Nous aurons en tout cas travaillé avec toute notre passion pour cette littérature, et guidés par la volonté de combler un vide".
Selon les auteurs eux-mêmes, cet ouvrage est aussi un peu le vôtre ?
C'est beaucoup dire. Je me suis contenté d'être à l'écoute.
Si j'ai pu les aider, c'est parce qu'ils ont aussi préparé tout ce travail dans le cadre de leurs interventions dans les Stonde du Centre culturel universitaire dont je m'occupe toujours en tant que chargé de mission sur la créativité depuis ma retraite.
Tout en évoluant sur cet important travail, Petru Santu Menozzi, Julian Mattei et Ange-Toussaint Pietrera ont pu en effet bénéficier d'un retour critique de la part des participants à ces Stonde.
Nous offrent-ils aujourd'hui une anthologie sans précédent dans sa structuration et dans l'ampleur révélée d'une littérature ?
Au-delà des œuvres mises en lumière, ils ont d'abord écrit en langue corse. C'est une nouveauté extraordinaire car l'ouvrage est appelé à devenir, en quelque sorte, une bible pour tous ceux qui étudient et qui enseignent la littérature.
Il y a une parfaite adéquation entre l'outil de la langue et l'objet de cette anthologie, entre le moyen et la fin. C'est un moyen de montrer comment la langue entre dans la composition d'une littérature corse.
Mais, quand on connaît un peu les auteurs, on n'est pas vraiment surpris du résultat. Julian Mattei, comme vous le savez, s'est pleinement consacré à la langue corse. Ange-Toussaint Pietrera est un fin connaisseur de l'histoire et intervient aussi dans plusieurs formations critiques.
Quant à Petru Santu Menozzi, il brille par tout le sérieux, l'attention et la minutie qu'il consacre à ses recherches. Je retiens avant tout la passion de ces jeunes dans un environnement où l'on dit sans cesse : "Un si leghje più, un si scrive più...".
Pour une langue dont on dit qu'elle a avant tout brillé par son oralité, plusieurs siècles de littérature, ça n'est quand même pas mal...
Quand on cherche de vieux documents dans les archives, on s'aperçoit que cette oralité est en fait passée très tôt à l'écrit.
Dès la première moitié du XVIIIe, on a déjà des œuvres en corse, dans un contexte qui est toujours celui de l'affirmation d'une identité dans une atmosphère de rébellion contre Gênes. Il y a ensuite l'aveuglement des premières décennies du XIXe siècle, avec une francisation excessive.
C'est une période qui a, en quelque sorte, oblitéré la continuité. Je crois que cette anthologie marque, grâce aux jeunes auteurs, l'aboutissement d'un processus qui a commencé il y a très longtemps. Et qui doit se poursuivre.
Livia Santana le Jeudi 3 Décembre 2020 sur CorseNetInfos
Après trois ans de travail minutieux Petru-Santu Menozzi, doctorant à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, Ange-Toussaint Pietrera docteur en histoire et le journaliste Julian Mattei dévoilent ce vendredi 4 décembre une anthologie de la littérature corse aux éditions Albiana. L'ouvrage de 2 000 pages recense près de 150 auteurs de l'époque médiévale, en passant par le riacquistu jusqu'à nos jours.
Auteurs qui les ayant marqué, textes à côté desquels il ne faut pas passer, avenir de la littérature : CNI est allé à la rencontre des jeunes auteurs d'Antulugia.
- Comment a débuté votre collaboration ?
- Petru Santu Menozzi : Par une passion commune pour la littérature mais aussi par un projet commun lancé par l’Université de Corse. En 2014, nous avons été contactés par le professeur Gherardi pour travailler sur une anthologie. Pendant deux ans il y a eu un gros travail de collectage des textes qui allaient y figurer. En 2016, le projet s’est arrêté brutalement, on a attendu quelques temps. A ce moment, nous l’avons repensée et changé la façon dont elle serait composée.
- Comment les auteurs et textes ont été choisis et sur quelle période ?
- Ange-Toussaint Pietrera : Il y a toujours une part de subjectivité lorsqu’on choisi un texte. Nous avons fait en fonction de l’importance de l’auteur, en fonction de sa productivité et, bien sûr, de son talent. Cela va par exemple de quelques textes à une quinzaine suivant les écrivains. On a commencé dès la fin du Moyen-Age avec les chroniques médiévale Pietro Cirneo qui marque les premiers textes littéraires en langue corse, jusqu’à nos jours. La dernière anthologie corse, celle de Mathieu Ceccaldi datait de 1973. La nôtre est la première a répertorier des textes de la période du Riacquistu.
- A quel public s’adresse-t-elle ?
- A tout le monde vraiment sans exception. Ceux qui aiment la littérature ou ceux qui veulent apprendre. On a essayé de faire un appareil critique simple où chacun peut lire par la porte d’entrée qu’il veut. Si une période intéresse le lecteur il peut la retrouver facilement. Si c'est un auteur, il y lira certains de ces plus beaux textes. Nous avons balisé le parcours, par des thématiques pour que cela soit accessible.
- Si vous deviez choisir un texte qui vous a beaucoup marqué ?
- Ange-Toussaint Pietrera : C'est compliqué de choisir un texte. Je dirais une période à laquelle je suis très attachée : la période d’expression de poésie italienne du début du19 ème siècle car il y avait de vrais genres héroïcomiques que j'apprécie beaucoup.
- Petru Santu Menozzi : Une poésie de Ghjacumu Fusina, à a sbunurata car c’est une poésie qui est d’une grande simplicité mais qui dit des choses essentielles. Pour moi elle représente vraiment l’essence de la poésie.
- Julian Mattei : Pour moi c'est le recueil de Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi, Vis cosmica qui dresse des passerelles entre les peuples, c'est ce qui fait l’universalité de l’œuvre. J'aime cette fibre humaine particulièrement fine et juste que l'on retrouve dans ces poèmes.
- L’auteur qui pour vous a marqué la littérature corse ?
- A-T.P : Petru Matteu Lucciana dit Vattelapesca, c'est un auteur de pièces de théâtre bastiais dont les pièces sont aujourd'hui méconnues mais qui n'ont pas perdu en modernité. Je pense qu'il serait temps de les republier.
- P-S.M : Ghjacumu Thiers, parce que c’est un auteur qui s'est essayé à tous les genres avec une qualité certaines dans toutes ses œuvres. Il a fait rentrer le roman en langue corse dans la modernité avec une écriture qui réfléchit et fait réfléchir.
- J.M : Anton’Francescu Filippini, c'est un des plus grands poètes corses. Il maîtrise les rimes avec finesse et il arrive à retranscrire l’imaginaire insulaire de la fin 19ème siècle à merveille.
- L'auteur peu connu qu’il faut à tout prix lire ?
- A-T.P : Anton-Luigi Raffaelli, auteur italien de poèmes du 19 ème siècles qui écrit sur sa femme décédée tragiquement.
- P-S.M : Antone-Saraffinu Versini, un écrivain des années 1920-1930 qui n'a jamais publié de livre mais écrivait dans des revues. Sa poésie est presque moderne pour l’époque, c'est très musical avec de belles images.
- J.M : Plutôt que citer quelqu'un je dirai que la littérature des blogs n'est pas assez connue. Il y a beaucoup d'auteurs qui s’expriment sur le numérique dans une langue corse qui s’est adaptéeà notre époque. Cela sort de l’imaginaire traditionnel et les écrivains cherchent d’autres thématiques plus provocatrices par exemple sur Tonu è Timpesta, le blog de Marcu Biancarelli.
- Aujourd’hui qui représente pour vous le mieux la littérature corse contemporaine ?
- A-T.P : Marco Biancarelli et son œuvre Murtoriu m'ont beaucoup marqué. Ses oeuvres ont jalonné et influencé toute une génération postérieure.
- P-S.M : Paul Desanti, parce que c’est quelqu’un qui n’est pas dans la critique directe de la société mais qui la regarde avec ironie et qui porte un regard sur l’époque à laquelle on vit.
- J.M : Alain di Meglio. Pendant le Riacquistu, il a apporté un regard différent grâce à un style bien à lui. Aussi, son œuvre est assez large. Elle va de la prose à la nouvelle en passant par la poésie... même en tant que parolier il a donné de très belle chansons à la langue Corse.
- Quel avenir pour la littérature corse ?
- A-T.P : Il est prometteur parce que les nouveaux auteurs sont très jeunes et produisent de très belles choses. Toutefois, il faut qu’ils soient soutenus par les pouvoirs publics et que leurs livres soit valorisés d'autant plus qu'en langue corse, le lectorat est difficile à conquérir. La sensibilisation du public doit passer par le milieu associatif. Il faut remettre la place de la littérature corse au centre de la vie sociale.
- P-S.M : Je suis très optimiste. Le constat que l'on peut faire aujourd'hui, c’est qu’on a jamais autant écrit. De plus en plus de jeunes écrivent. On vit un moment riche avec des styles différents et des sujets très variés.
- J.M : Il faut sortir du discours de lamentation autour de la perte de la langue corse, celle qui se meurt. Cela fait des années que l'on dit ça mais elle est toujours là. La production n'a jamais été aussi riche que depuis une cinquantaine d’années. D'ailleurs, dans cette anthologie, 800 pages sont consacrées à la période du Riacquistu, des années 70. Il y a une véritable créativité en langue corse. Le tableau n’est pas aussi noir que ça.
12/11/2020
Jérôme Ferrari dans "21 cm" sur Canal+. C'est ici :
https://www.canalplus.com/decouverte/21-cm/h/6754049_50001
30/09/2020
13/09/2020
La littérature corse s'est rarement aussi bien portée. Jean-Marc Graziani signe "De nos ombres", un premier roman qui s'apparente à un coup de maître. Alors que s'ouvrent à Bastia, les rencontres littéraires Libri Mondi, rencontre avec un pompier/écrivain/historien qui ne mâche pas ses mots.
Publié le 12/09/2020
Son premier roman, De nos ombres, est sorti il y a à peine une semaine dans les librairies. Publié par les très recommandables éditions Joëlle Losfeld, un label pour le moins prestigieux pour un nouvel auteur.
D'autres arpenteraient le boulevard Paoli en se rengorgeant, remplissant la ville de leur réussite. Pas Jean-Marc Graziani.
"J'ai du mal à voir le verre à moitié plein, c'est dans ma nature. Je n'ai pas l'habitude de tout ça, je suis un novice dans le monde de la littérature, alors je ressens la sortie de ce premier livre avec les tripes..."
On tente de comprendre ce qui préoccupe le pompier bastiais. La crainte de mauvaises critiques ?
"Pas du tout, l'art appelle la critique. Et puis, les premiers retours, des blogs, des libraires, des lecteurs, sont bons. Quand je les lis ça me fout des frissons...Je n'ai pas peur d'être critiqué. Ca ne me fait pas mal. Ce qui me fait mal, c'est la peur d'être invisible".
Je ressens la sortie de ce premier livre avec mes tripes
Le quadragénaire a passé du temps sur son premier livre, il l'a travaillé, retravaillé, il y a mis beaucoup de lui, beaucoup de sa vie et de son monde.
Avec une sincérité et une audace parfois bouleversantes. Alors aujourd'hui, il aimerait que De nos ombres soit lu. Par le plus grand nombre. "Attention, je ne trouve pas mon meilleur roman que les autres. Mais je ne peux m'empêcher de me dire, "pourquoi pas ?" Jusque-là, dans cette aventure, tout tient du miracle, et les bonnes choses tu t'y habitues !"
Libérer les morts de leurs secrets
Est-ce du pessimisme, ou une manière de conjurer le mauvais sort en s'attendant au pire, pour laisser toute la place au meilleur ? Ce ne serait guère étonnant de la part de l'auteur de De nos ombres, où les croyances ancestrales, les superstitions, et plus largement l'irrationnel, ont toute leur place.Un parcours atypique
L'entretien avec Jean-Marc Graziani se déroule à l'ombre de la préfecture de Haute-Corse.
L'année dernière, le Bastiais y était décoré, avec une poignée de collègues, de la médaille d'argent de la Défense nationale. Un honneur qui venait saluer son comportement lors de la fusillade dramatique qui avait ensanglanté le quartier de Montesoro en janvier 2019.
Son métier de pompier, Jean-Marc Graziani l'aime profondément, et il entend bien ne pas le négliger alors qu'une autre carrière se dessine dans le monde de l'édition. Ses études, pourtant, le destinaient à autre chose que l'uniforme.
Après une année de lettres sup' à Bastia, au Fango, Jean-Marc Graziani poursuit un cursus d'histoire à Corte, où il décroche sa maîtrise en Histoire ancienne avec mention très bien et félicitations du jury. L'année suivante, sa compagne tombe enceinte. Et il décide de mettre un terme à son DEA.
"Je travaillais sur les guerres Puniques. J'avais trouvé quelque chose qui me plaisait vraiment... Et puis le destin s'en est mêlé. J'avais une bourse mais il fallait subvenir à nos besoins, avec notre enfant qui arrivait, alors j'ai passé le concours de pompier, comme mon père, et je l'ai décroché".
J'ai passé des années à jouer à FIFA, j'étais le meilleur de la caserne !
Les premières années ne sont pas vraiment propices à l'écriture, un exercice qui attirait pourtant Jean-Marc Graziani, et auquel il s'était essayé plusieurs fois...
"J'ai eu tendance à m'installer dans un train-train... Tu travailles un jour sur quatre, tu es avec des types plutôt sympas et loin d'être cons, tu vas faire de la montagne, tu joues au foot avec eux...J'ai passé des années à jouer à FIFA, j'excellais, j'étais le meilleur de la caserne !", s'amuse le quadragénaire.
"Mais j'étais loin de la littérature, j'ai passé des années sans lire un bouquin. Et puis à un moment donné, le truc m'a rattrapé. Je me suis dit que j'avais quarante ans, et que j'avais laissé tomber ce qui me tenait le plus à cœur.
Alors je me suis lancé."
Un style superbe
Résultat, des années après, ce formidable De nos ombres, qui, malgré les craintes de son auteur, risque fort de marquer de son empreinte la littérature insulaire, et devrait faire son chemin de l'autre côté de la méditerranée. Fort d'un style superbe, et d'une force d'évocation renversante, faite pour dépasser les frontières de l'île.
Ce week-end, Jean-Marc Graziani fera sa première apparition publique en tant qu'auteur.Aux rencontres Libri Mondi, dans les jardins du musée de la citadelle, à Bastia.
Au côté d'un prix Goncourt, Nicolas Mathieu, de deux Grands prix de littérature policière, Marion Brunet et Richard Morgiève, et d'une poignée d'autres auteurs et autrices à la renommée bien assise. Et pour lui, c'est une vraie première consécration.
"Les autres années j'étais dans le public, j'avais ma place attitrée, sur le muret qui surplombe le Vieux port ! Sur toutes les photos on me voit au fond, je ne manquais pas une rencontre... Alors cette année, j'ai prévu de dire au micro que si quelqu'un s'assoit là, je le ferai dégager ! C'est ma place !"
Jean-Marc Graziani éclate de rire, le regard pétillant, pas encore totalement certain qu'il est, désormais, passé de l'autre côté du miroir...
Les rencontres littéraires Libri Mondi se déroulent du 11 au 13 septembre, à Bastia. En présence de sept écrivains : Nicolas Mathieu, Valerio Varesi, Jean-Marc Graziani, Frédéric Paulin, Marion Brunet, Rebecca Lighieri, et Richard Morgiève.
26/08/2020
Comme chaque année, pendant le festival E Statinate, l’association Musanostra met à l’honneur deux livres.
Les récompensés de cette Édition 2020 sont Jean-Luc Luciani pour « Musa chi parte da Corscia », qui est le fruit de sept années de recherches, centrées sur le village du Niolu, publié par l’édition Corse Piazzola. Ensuite, c’est Julien Battesti avec le livre « L’imitation de Bartleby » dont Bartleby est le héros d’un livre de Herman Melville.
Interview de Kévin Petroni : Rédacteur en Chef de « Musanostra ».
Interview de Jean-Luc Luciani : Auteur du livre « Musa chi parte da Corscia ».
Interview de Julien Battesti : Auteur du livre « L’imitation de Bartleby ».
08/07/2020
18/04/2020
Aujourd’hui éditeur parmi des éditeurs de l’île, ancien libraire, animateur ou agitateur culturel comme on l’a écrit, « passeur », j’éprouve le besoin de faire un point sur mes 50 ans passés dans le bocal culturel - si on y inclus les quelques années passées à la Maison de la Culture de la Corse. Et demain ?
La situation dramatique qui nous affecte tous en ce temps de confinement met à mal l’édition et le monde du livre plus généralement.
Il est des événements inattendus et imprévisibles qui bousculent la vie d’un être humain, quitte à ce qu’il se remette en question si les choses vont trop loin. Trop loin, qu’est-ce à dire ? Un accident par exemple peut avoir comme conséquence la remise en question de la façon dont on vivait jusqu’à son arrivée. Il me semble que le coronavirus illustre bien ce propos, et peut lui aussi être la cause de questionnements auxquels nous n’étions pas préparés, un accident ou une catastrophe, étant par définition imprévisibles. Pour ceux qui échappent au pire, et j’ai la joie, égoïstement certes, d’être de ceux-là au moment où j’écris, la conséquence de cette sournoise épidémie est le confinement auquel nous sommes tous assignés. Comment est-ce que je vis cette amputation de ma liberté, principale conséquence de cette mesure coercitive s’il en fut ? Que fais-je de mon confinement, et que m’apporte-il ? D’abord, je dois avouer que je vis dans un certain confinement depuis de longues années, sans trop le savoir, comme monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, mais que par choix. Bien sûr, le coronavirus n’y était pour rien puisqu’il n’était pas né dans les années-là. Le cours de ma vie m’y avait contraint sans que j’en souffre outre mesure. Un cadre de vie paradisiaque à San Benedetto hameau de la commune d’Alata, ma situation familiale, mes attirances naturelles pour la contemplation, la nature, la lecture et l’écriture m’ont mis à l’abri de tous les désagréments induits par les contraintes imposées actuellement à mes contemporains. Pour moi donc, les effets du confinement ne seront pas à chercher dans la vie de tous les jours qui n’a pas changé ou si peu. « Qu’en est-il de ces heures troubles et désabusées » chante le poète Hubert-Félix Thiéfaine dans « Annihilation ». Moi aussi je suis perturbé par cette situation imprévisible, mais c’est quand même dans le confinement qu’il me faut en chercher les causes et aussi les effets. Perturbé, j’ai du mal à me concentrer, à réfléchir, à lire, à m’atteler à une véritable tache digne d’intérêt...J’ai compris que c’était l’occasion, à ne pas laisser passer, comme une chance qui m’était offerte, de faire tout simplement le point sur ma vie. Qu’en ai-je fait de cette vie ? N’étant pas mon objectif aujourd’hui, je ne parlerais ni de mes vies familiale, sentimentale, voire sociale, pour ne cibler que ma vie « professionnelle », elle-même au confluent de tous les autres aspects de LA vie. J’essaie donc de trouver le chemin d’une véritable réflexion sur ce qu’il m’arrive, sans en trouver vraiment l’entrée. J’ai tout-à la fois, l’impression de perdre un temps que je ne rattraperais plus, un temps « perdu » soit, puisqu’il n’est pas « constructif » mais en même temps j’ai ce besoin de le canaliser, sinon de le « maitriser », c’est-à dire le contrôler pour le rendre fécond. Et c’est là que le bât blesse. Je ne peux ni écouter une chanson jusqu’à la fin, ni voir un film jusqu’au bout... Je ne sais toujours pas si, « une vie ça se construit » ? En tous cas, je sens qu’elle peut être « évaluée » à un moment ou à un autre. N’est-elle pas - quand on prend le temps de souffler et de faire le « point » - simplement la résultante d’une suite incalculable de hasards...naissance, milieu, enfance douce ou pas, premières amours réussies ou ratée, rencontres, métier choisi ou imposé par les circonstances, maladies, accidents ? Le monde extérieur nous « fabrique » et fait ce que nous sommes au moment ou l’on en fait le constat. Quel est donc le constat que le confinement m’incite à faire aujourd’hui concernant ma vie « professionnelle », ma « carrière » comme aiment à le dire, certains fonctionnaires ? Ma vie aura été marquée par l’écrit, la lecture, le livre, voire l’écriture. Libraire, éditeur, rédacteur occasionnel, j’ai été un « passeur » me dit-on. Pourtant je ressens un vide, un manque qui m’empêche d’avoir réalisé le Grand œuvre. Après peut-être avoir franchi les épreuves du noir, du blanc puis du jaune, je ne suis pas encore passé au « rouge ». Le « passeur » ne passe pas ! Le Grand œuvre, comme pour la boucler avec éclat cette vie. Mais, pour que la boucle soit « bouclée », pour pouvoir prétendre que ma vie avait eu un sens et pour la terminer sereinement, il m’aurait fallu réaliser l’un des trois rêves que tout libraire-éditeur, conscient de sa mission, a fait au moins une fois dans sa vie, trois scénarii lui sont soumis :
Le premier aurait pu être l’édition d’un « bestseller », d’un livre « phare » qui aurait illuminé notre société par ses qualités, mais aussi par le succès qu’il aurait remporté auprès du grand public. Sur le petit millier de livres que j’ai édités au cours de ces cinquante années, je n’ai malheureusement pas rencontré ce succès. Les circonstances, les choix éditoriaux font partie des mille raisons pour que ce rêve ne se soit pas réalisé. Mon objet n’est pas aujourd’hui d’en chercher les multiples raisons. Bref, non, je n’ai pas édité « Le Sermon sur la chute de Rome » ni « L’imitation de Bartleby ». Le fait est là. Le passeur était là, mais il n’a pas su atteindre les étoiles...
Un deuxième scénario est, lui aussi, un peu raté. Il eut été bien en effet de terminer cette aventure, par la « découverte » d’un authentique écrivain que tout amateur de littérature attend et espère rencontrer un jour dans sa vie. J’ai fait connaitre beaucoup de nouveaux, voire de jeunes écrivains auprès du « grand public », mais je n’en n’ai jamais découvert un au sens de « découvreur », c'est-à-dire de lui mettre non seulement le pied à l’étriller, mais le faire connaitre à ses contemporains pour le rendre célèbre, quitte à ce qu’il édite chez un autre éditeur, un « grand ». Ce but est différent du précédent en cela qu’il s’attache à l’homme plutôt qu’à l’œuvre. Mais le fait est là. Je n’ai découvert ni Jérôme Ferrari, ni Julien Fabien Battesti. Le passeur était là, mais...l’oiseau est passé entre les mailles du filet.
Le troisième scénario enfin aurait consisté en la création d’une grande manifestation autour du livre, une grand Fête, style « Etonnants Voyageurs » de Saint Malo...Créer une manifestation dans le domaine du Livre, et qui aurait permis à la Corse de jouer dans ce domaine son rôle de moteur - comme le cœur peut l’être pour l’Homme - un rôle de médiateur, de médium, de phare pour éclairer Mare Nostrum, notre Méditerranée, ce carrefour des Cultures et des civilisations s’il en est. Je n’en n’ai jamais eu, ni les moyens, ni l’opportunité de réaliser ce rêve, pourtant réalisable, bien qu’ayant participé, en tant que libraire et éditeur à la création du Salon International du Livre Insulaire d’Ouessant. Le passeur était déjà là, mais la Corse ne lui a pas donné cette opportunité.
Trois petits scenarii et puis s’en vont...Pas tout- à fait peut-être ! S’il est bien tard à l’éditeur que j’aspire à être de rejoindre le firmament des « meilleurs ventes », s’il est trop tard aussi pour le même « passeur » de découvrir le Camus ou le Julien Gracq du XXI ème siècle, peut-être reste-t-il au dit - passeur d’avoir l’opportunité de participer à une fabuleuse aventure qu’est le projet de création d’un Festival littéraire dans la région ajaccienne l’an prochain ? Il s’agit en effet du Festival « Romain Gary » de Sarrola-Carcopino, prévu cette année, mais reporté en 2021 pour les raison évidentes, et que se propose de créer une équipe dynamique de gens qualifiés, compétents, motivés, voire passionnés, réunis autour du maire cette commune para ajaccienne, Alexandre Sarrola. Le passeur sera-t-il encore-là pour participer cette fabuleuse aventure ?
A titre tout-à fait personnel, le report de ce projet m’inquiète et me réjouis tout-à la fois. Il m’inquiète eu égard à la situation actuelle de pandémie dans laquelle est plongé le monde entier actuellement, situation qui fait tomber des soldats chaque jour qui passe...Jusqu’à quand ? Qu’en sera-t-il dans un an ? (on parlait du temps qui passe) qui restera-t-il sur cette terre d’entre nous ? Aujourd’hui, une centaine de partenaires, à des degrés divers, se sont déjà mis au travail pour être prêts en mai 2021 : les organisateurs bien sûr Paule Maerten et Marcel Petriccioli, les responsables institutionnels, politiques et économiques, les partenaires commerciaux ensuite, les médias, les auteurs et les auteures, les artistes, les « écrivant », les curieux qui en ont eu vent, les lecteurs, les enseignants, le jury du Prix littéraire qui sera créé à cette occasion, les petites mains, les élèves en mal d’écriture, les artistes et les poètes invités...Hubert-Félix Thifaine, vous et moi. Serons-nous tous au rendez-vous dans 13 mois ? Qui peut le savoir ? Mais ce report me réjouit aussi, parce que paradoxalement, c’est peut-être lui, ce projet-là, qui va me motiver suffisamment pour être encore là dans un an, juste pour ne pas manquer ce rendez-vous inespéré avec le Livre et avec vous !
JJ Colonna d‘Istria, ce 17 avril 2020
25/03/2020
17/01/2020
En juin 1793, le capitaine d'artillerie Napoléon Bonaparte est contraint de quitter précipitamment la Corse avec toute sa famille. Il n'y mettra jamais plus les pieds sauf lors d'une courte escale au retour d'Egypte. Les bocognanais et le village de Bocognano ont joué un rôle crucial dans ce bannissement.
Cet épisode nous est parvenu par la plume de quelques chroniqueurs dont JB Marcaggi et Maupassant et par la mémoire orale du village.
L'association en charge du musée U Palazzu di Napoleone et les éditions Stamperia Sammarcelli ont confié à Philippe Antonetti le soin de faire le récit en bande dessinée de cet événement bocognanais aux conséquences planétaires.
18/12/2019
Décembre 2019
Danièle Maoudj signe « ECHARDES » dans la librairie « ALBUM » à Bastia ce samedi 7 décembre, à partir de 16h
Ce livre est bien plus qu’une réédition d ́un premier recueil publié en Algérie en 2102 sous un titre semblable. Danièle Maoudj nous fait le cadeau d'un texte totalement remanié, enrichi de poèmes inédits, nés de circonstances historiques différentes et d'expériences personnelles plus ou moins heureuses qui ont enrichi son point de vue et son inspiration depuis la première édition. L'originalité de la version publiée aujourd’hui est de présenter un mélange de textes en prose et de poèmes qui ne sont pas un montage artificiel ou hybride mais une composition en écho. Ce qui crée de véritables correspondances, au sens poétique, du terme entre les deux discours. Difficile de les séparer tant ils sont solidaires. Bien entendu, on retrouve la dialectique douloureuse de l'Un et de l'Autre, de l'Ici et de l'Ailleurs, à travers ces identités partagées qui accompagnent l'auteure depuis sa naissance. Un père kabyle et une mère corse, l’on fait voyager entre Paris, l’Algérie et la Corse, entre les montagnes de Kabylie et celles de Bavella, alternant douleur et plénitude, angoisse révoltée et foi en l’avenir.
La lecture de ces textes, remplis à la fois d'amour pour ces deux patries indissociables et de révoltes face aux injustices de l'Histoire, nous fait comprendre très vite le sens énigmatique du titre. Les échardes, au sens premier du terme, sont des petits corps étrangers pointus insérés accidentellement dans la peau, des petits éclats de bois enfoncés dans la main. C'est exactement ce qu'expriment, ou plutôt ce que chantent ces poèmes. Les brumes de l ́Histoire, la violence des guerres coloniales et, plus récemment, celle des intégristes, le sort injuste fait à son grand-père ou à son père, dans la société coloniale, le racisme dont fut victime l'auteure enfant à Paris, les Révolutions arabes, le sort de la Palestine, sont autant d ́'échardes que Danièle Maoudj reçoit au plus profond dans son corps. Autant de blessures qu'elle exprime dans des lettres à ses parents ou qu'elle communique par des confessions rédigées pas son grand père, intitulées Mes hérésies et qu'elle a retrouvées par hasard.
Ce livre ainsi enrichi de nouveaux textes nous apparaît comme une recherche autobiographique non nombriliste mais la quête obstinée de la vérité des membres de sa famille proche : son grand-père, sa grand-mère et son père kabyles, et sa mère corse. Danièle Maoudj se sent investie d'un devoir de transmission familiale et au-delà. Elle cherche à comprendre ce grand-père Mohamed Ben Said Maoudj, lui aussi pris entre deux cultures et sa mère corse qui au lieu de lui donner le prénom prévu de Malika choisit de l'appeler Danièle en hommage à l'actrice française Danielle Darrieux, à la demande de son beau-père kabyle séduit par l’actrice. Bien entendu, Danièle Maoudj devenue adulte, refuse de séparer les uns des autres et trouve la paix dans la reconstitution de cette généalogie fantôme, selon ses propres mots.
C’est aussi un livre qui chante l’amour de l’autre, en général, ou dans le rapport amoureux, un autre jamais nommé précisément mais interpellé avec ferveur. Comme le prouvent ces vers, extraits du poème « A chaque printemps »
Tes mains arpentent
Les archives sensuelles
Du soleil vertical
La mémoire de tes caresses
Ressuscite les sanglots du désir
La qualité essentielle du discours poétique de Danièle Maoudj avec Echardes vient qu'elle ne fait pas partie de ces poésies intellectuelles quelque peu déshumanisées mais plutôt de ces poésies sensuelles, profondes, comme des pierres précieuses.
Elles nous touchent dans notre rapport immédiat et spontané au monde qui nous entoure, et, dans ce cas, à la nature méditerranéenne, omniprésente tout au long de ces poèmes, sous les yeux extasiés ou inquiets de celle qui l’observe, l’admire ou la reçoit comme une offrande. Cette communion, au sens presque religieux du terme, n’est pas exempte de fêlures, de douleurs, mais toujours triomphe le chant libre, comme la versification, des éléments naturels : la mer méditerranée, la lumière d’Alger qui inspire la poétesse, particulièrement, les fleurs, les odeurs, les parfums autant de la Kabylie de son père et de ses grands-parents que de la Corse de sa mère. La langue est dépouillée. Jamais de confidences intimistes ou romantiques, mais un point de vue universel, que peut épouser ou s’approprier à tout moment le lecteur. La lecture de ces poèmes ne nous étouffe pas par des recherches formelles ou des figures stylistiques compliquées, mais nous transporte vers un ailleurs, nous transforme et nous transfigure. Elle nous fait réfléchir sur les grandes interrogations existentielles, sur la double identité, ou plutôt sur cet Entre-deux que revendique passionnément Danièle Maoudj. Elle refuse obstinément de choisir entre l’un ou l’autre, lui préférant un Entre deux libre.
Ainsi conçu, le texte poétique abolit la distance avec le monde, il rapporte et suscite une expérience personnelle. Le Mal n’est pas nié, il est dénoncé fermement, mais il est vaincu par le chant poétique, concrétisé par la page écrite qui prend alors l’épaisseur de la vraie poésie.
Poésie traversée de désirs, au sein d’une solitude souvent présente, mais qui dit la communion avec les éléments, grâce à une émotion maîtrisée par la parole qui est, en définitive, ce qui sauve du désarroi, parfois du découragement et se révèle la seule certitude. La poésie de Danièle Maoudj doit être ressentie, vécue, dans le corps, à travers les sens. Poésie non pas sentimentale mais essentiellement émotive, sensuelle même. Elle exprime une urgence vitale. Elle suscite une urgence de lecture. Elle est une voie et une voix d’accès à la sérénité de l'universalisme humaniste, en dehors de toutes les haines destructrices ou des identités meurtrières selon l’expression d’Amim Maalouf, de ceux qu’elle désigne comme « les douaniers de l’identité ». Maoudj nous dit ou plutôt nous clame ce désir fervent de réunion des contraires, la recherche « d'un arc en ciel des identités », à travers cette réunion des vents, ceux des sommets kabyles du Djurdjura et ceux qui soufflent en Corse.
Liés par les caresses de Simoun et Libecciú
Qui fêtent les noces présentes d ́avenir
Comme elle réunit dans d’étonnants passages les cuisines kabyles et corses, nous offrant même des recettes savoureuses de son père ou de sa mère. Comme elle réunit les langues, dont elle a été nourrie, la langue berbère amazighe, plusieurs fois citée, la française ou la corse, convoquant aussi bien Feraoun, Kateb, Fanon, Derrida, Desanti, Saint-Augustin, Camus ou Baudelaire, dans une union fraternelle.
Ce n'est pas la poésie d'une rêveuse désuète mais celle d'une authentique poétesse, héritière d’histoires multiples dont la voix nous interpelle, nous secoue mais nous enchante par sa ferveur. Poésie de réparation, poésie vitale, poésie de combat.
Jean-Pierre CASTELLANI
Pedru-Felice Cuneo-Orlanducci signe son second recueil de nouvelles-bilingue : « Ùn hè ancu detta a messa » dans la librairie « des palmiers » à Ajaccio, l6e samedi 7 décembre de 10 à 12h30
Pedru-Felice Cuneo-Orlanducci s’était déjà fait remarquer avec la parution d’un premier recueil de nouvelles paru en 2016 et édité par Jean-Jacques Colonna d’Istria ( « Colonna édition » à l’époque ) : « Les rêveurs des deux tours ». Les qualités littéraires naissances ont incité l’éditeur à suivre la création littéraire de son jeune auteur et c’est sous « la marque » « édition du Scudo » que parait ce second opus. Autre différence, de taille aussi : le fait que l’auteur donne une « version » en langue corse de son travail. A ce propos, voici ce qu’il écrit de la traduction qu’il n’adopte pas pour qualifier son travail en langue française à propos de ses nouvelles :
« Traduire, c’est trahir un peu, car l’équivalence absolue n’existe pas entre deux langues. Pour ma part, j’ai donc préféré jouer la carte de l’adaptation, produire une version française parfois très éloignée de l’originale plutôt que de m’acharner à coller de manière névrotique à ce qui n’est pas toujours traduisible.
Cela implique parfois quelques petites trahisons, ajouts ou retraits. La pastasciutta devient un plat de pâtes au beurre, u culombu se change en colombe, quelques néologismes persistent... et Laura est rebaptisée Sandra, me permettant ainsi de ne pas avoir à choisir entre ces deux prénoms pour nommer ce personnage. »
Les nouvelles : « Que les croyants et les athées de toutes confessions se rassurent, ce livre n’a pas la moindre prétention à s’immiscer dans un débat théologique ou si peu. Il ne s’agit là que de quelques morceaux d’histoires où l’on se glisse par effraction dans les pas d’une poignée de personnages atypiques et désabusés à la recherche de réponses sans doute inaccessibles.
Recueil bilingue de 25 nouvelles, « Ùn hè ancu detta a messa » se revendique comme un objet hybride du même sang que son prédécesseur, Les rêveurs des deux tours. On y croise un peintre ravagé par le regret, quelques mineurs en quête de Justice, des guerriers aussi blasés que désespérés qui savent qu’ils ont déjà perdu et toutes sortes de rêveurs – encore une fois – en quête de beaux songes par delà le miroir des mensonges.
« Ùn hè ancu detta a messa » se veut aussi un cri d’amour à la langue corse. Un cri parmi tant d’autres pour témoigner que la messe n’est pas encore dite et que tout reste encore possible ».
Né le 30 mars 1987 à Bastia, Pedru-Felice Cuneo-Orlanducci a déjà publié Les rêveurs des deux tours aux Editions Colonna. Bilingue et poly-passionné, il est également coadministrateur du site littéraire Anima Cappiata et du blog des langues minoritaires Lingua 610.
06/12/2023
Michel Vergé-Franceschi signera son nouveau livre : « Dis Michel, c’est quoi la Corse », mercredi prochain 6 décembre dans la librairie « la marge » à Ajaccio, de 15h0 à 18h30.
La parution d’un nouveau livre de Michel Vergé-Franceschi est toujours un événement.
Historien de la Corse (« Paoli, un Corse des Lumières »; « Le cap Corse »; « Généalogies et destins »; « Le voyage en Corse »; « Napoléon. Une enfance corse »; « Jean Baldacci, Une famille corse face à la guerre de 1914 »- « Rechercher ses ancêtres corses; « Pozzo du Borgo l’ennemi juré de Napoléon »; « Les maréchaux d’Ornano, au coeur de l’histoire »; « Corse, cinq siècles de migration »; « Pascal Paoli et les femmes »… et biens d’autres encore), mais pas que (« La Royale au temps de l’amiral ‘d’Estaing »; «Les officiers généraux de la marine royale »; « Campagnes de mer sous Louis XIV »; « Marine et éducation sous l’Ancien Régime »; « Abraham Duquesne, huguenot et marin du Roi-Soleil »; « Henri le navigateur, un découvreur au XVème siècle »; « Nostradamus (1506-1567 »), et bien d’autres encore.
Il vient de publier - chez Scudo édition - un album original, souhaité depuis longtemps, attendu par les jeunes, et qui marquera sans conteste la bibliographie de la Corse : une histoire de la Corse pour les jeunes.
Pour ce faire il a choisi de promener ses jeunes lecteurs à travers l’espace (dans toutes les micro-régions de l’île) et le temps (des origines à nos jours). Au fil des promenades il évoque les faits marquants ou les personnages qui ont fait l’histoire de la Corse.
Il s’agit d’un beau livre de 300 pages, grand format (21 x 30 cm) entièrement illustré par les magnifiques dessins de l’architecte Christian Torcheux.
L’ouvrage a pu être publié grâce à l’aide le la CdC. Il sera disponible en librairie dès mardi 5 décembre.
En vente dans les librairies, FNAC, Espace Leclerc et autre Cultura. 20 € seulement.
C’est « LE » livre à offrir à trous les jeunes pour les Fêtes !
Petru Guelfucci & Marie Ferranti
EAN : 9782072997990
352 pages
Gallimard (18/05/2023)
Ce livre d'amitié et de combat est constitué principalement de dialogues entre Marie Ferranti et Petru Guelfucci, l'un des principaux acteurs de la
renaissance des chants corses, profanes et sacrés, et notamment de la paghjella, le chant traditionnel le plus ancien de l'île.
Marie Ferranti donne une dimension historique et politique à ce chant, en l'inscrivant dans l'histoire coloniale de la France.
Dans cet hommage fervent au chanteur décédé récemment, elle rattache le particularisme corse à l'universalité de
la poésie, du chant, de l'art.
Petru Guelfucci fut un fervent militant de la défense de la langue corse, mais aussi des peuples minoritaires ou mis en esclavage.
Pour lui, la paghjella n'était pas la survivance d'un folklore archaïque, mais l'affirmation d'une forme particulière d'humanité, née
dans les paysages et les modes de vie de son île, reliée à tous les chants du monde.
Il œuvra pour sa reconnaissance auprès de l'Unesco,
qui, en 2009, l'inscrivit sur sa liste de sauvegarde urgente.
Nom : Guelfucci
Prénom : Pierre
Petru Guelfucci, di Sermanu, figliolu di Filice Antone è di Stella.
Chanteur emblématique du versu sermanacciu, de Canta, du Riacquistu.
Una voce sù le stelle.
1995 : U cantu di a Tribbiera. Dumenicu Leschi ne veut plus chanter, il a perdu son fils.
Pour Petru, il acceptera de se présenter aux Victoires de la musique.
Par amitié. Lors de la remise du prix, l'hôtesse s'avance pour remettrer le trophée à Petru.
Discrètement, il la réoriente vers Dumenicu Leschi.
Ceci, comme tant d'autres faits, on le retrouvera dans le livre ciselé, dédié à Petru par Marie Ferranti.
Beaucoup d'émotion tout au long de l'ouvrage, particulièrement dans les dernières pages.
La disparition de Petru, évoquée avec pudeur et retenue.
Une écriture quasi élégiaque. Un bouquet déposé au pied d'une douleur intériorisée, accompagnant le double sentiment de l'irréparable et de l'irrémédiable.
"Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs" : celles des nôtres nous habitent, ainsi en va-t-il de notre essence même.
Cependant, dans la douleur du partir demeure malgré tout la force et la puissance salvatrices du souvenir.
Celui-ci se transforme avec le temps en une présence qui finit par nous pénétrer corps et âme.
Aussi ne sommes-nous pas faits seulement de notre propre chair mais également d'une part de ceux que nous avons aimés. Une fois que les couronnes se sont desséchées et que les faire-part de deuil ont jauni, elle nous investit. Un rai, porteur de douceur et de sérénité, vient alors éclairer la pénombre de notre désespoir. Il nous aide à nous redresser, imperceptiblement.
Un jour, nous finissons par reprendre le chemin, debout.
Merci à Marie Ferranti d'avoir sublimé une insupportable morsure par la délicatesse de ses propos.
La littérature, au fond, c'est bien cela. Mettre en situation l'humain pour nous donner à réfléchir sur notre propre condition, ontologiquement bornée par la finitude et l'incontournable conscience de celle-ci.
Pascal Ottavi sur Facebook.
23 septembre 2019
18 septembre 2019
8 septembre 2019
« L’histoire du milan corse », un conte bilingue présenté dans la librairie « la marge » vendredi prochain, 5 juillet, de 17 à 19h.
« Une vieille légende corse raconte que dans des temps très anciens... Les animaux étaient séparés par les éléments. Il y avait les Zossols avec les Zalos d’un côté, et les Zenlairs de l’autre. Une frontière à peine visible séparait les deux mondes ... ». L'histoire du milan corse - A storia di u filanciu...Ci conta una vechja lighjenda corsa chì ind’i tempi antichi...Imaginé et écrit par Pia Strega, le conte est illustré de photographies de Emel Hessger avec un texte en corse/Testu in corsu de Ludovic Baris-Pezet. Un conte... pour rêveurs de tous âges... un racontu... pè i sunniatori di tutte l’età.
Edité par les éditions du » Scudo », « l’histoire du milan corse » sera présenté et signé par son auteur, Pia Strega, vendredi prochain, 5 juillet, dans la librairie « la marge » à Ajaccio, de 17 à 19h.
3 avril 2019
Les éditions « Scudo », animées par Jean-Jacques Colonna d'Istria, publient "Corses de la Diaspora", un ouvrage coordonné par Jean-Pierre Castellani avec le docteur Edmond Simeoni. Le livre sera disponible autour du 24 octobre.
Sociologie de la Corse de Jean-Louis FABIANI
Version numérique : 9,99 €
Jean-Louis Fabiani est professeur de sociologie à Central European University à Budapest après avoir été membre de l’école des hautes études en sciences sociales. Il est originaire de Venaco (Corse) et a été de 1988 à 1991 directeur régional des Affaires culturelles de l’île. Il est l’auteur d’une douzaine d’ouvrages parmi lesquels Les Philosophes de la République (Minuit, 1988), L’éducation populaire et le théâtre (PUG, 2008), Qu’est-ce qu’un philosophe français ? (EHESS, 2010) et Pierre Bourdieu. Un structuralisme héroïque (Seuil, 2016).
Françoise Follacci signe « Aléas » dans la librairie des « Palmiers », place Foch à Ajaccio, samedi prochain de 10 à 12h.
Très attendu, le premier recueil de poèmes - plus de trente - de Françoise Follacci « Aléas » est maintenant disponible dans les librairies de Corse, sur les sites de librairie par internet (FNAC, Amazon....), et sur le Site de « Colonna édition », son éditeur. On peut aussi le commander à l'association ART'ENVOL, et dans ce cas la vente est entièrement versée au profit de l'association (par mail à l'adresse artenvolassoc@gmail.com). Mais encore, et peut être mieux, on peut venir se le faire dédicacer lors de sa signature dans la librairie des « Les palmiers », 2 place Foch, à Ajaccio samedi prochain, 30 juin, de 10 à 12h30.
Après avoir exercé le métier de chirurgien-dentiste pendant 22 ans, Françoise Follacci est victime d’un grave accident. Eloignée de sa famille pendant plus de trois ans, forcée d’abandonner sa carrière, toute sa vie est remise en cause. Durant ses interminables hospitalisations, elle découvre le monde de la poésie, grâce à une rencontre fortuite, une amitié qui l’incite à se lancer elle-même dans l’écriture. Elle y découvre un univers de passionnés, souvent handicapés comme elle, et les amitiés qu’elle y lie lui donnent la force de surmonter la solitude du handicap. De la solidarité qui relie ces artistes, souvent méconnus, naitra l’idée de la création d’une association, « Art’envol » comme rempart contre l’exclusion. Ce recueil livre ses réflexions sur la précarité de la vie, qu’un rien suffit à faire basculer, mais aussi sur les heureux hasards qui peuvent découler de ces épreuves. Tous ces « aléas » de la vie, heureux et malheureux, qui forgent notre destin... «La douleur passe, la beauté reste » (Auguste Renoir).
La préface de ce recueil est signée Norbert Paganelli.
Rendez-vous samedi prochain dans la librairie des « Palmiers », à Ajaccio.
Avril 2018
DIACRITIK
— LE MAGAZINE QUI MET L'ACCENT SUR LA CULTURE —
Entre littérature et politique : un peu de temps à l’état pur, par Jean-Pierre Castillani
Quelle étrange correspondance que celle que nous proposent les éditions Gallimard avec ces lettres échangées du 30 décembre 2013 au 29 avril 2017, entre deux corses très connus, la romancière Marie Ferranti et l’homme politique Jean-Guy Talamoni. A priori, deux personnalités très éloignées l’une de l’autre, puisque la première est l’une des plus éminentes représentantes de la production romanesque corse des vingt dernières années, dont une dizaine de romans, récompensés pour certains par le Grand prix F. Mauriac de l’Académie française comme Les femmes de San Stefano (1995) ou La princesse de Mantoue, Grand prix du roman de l’Académie française (2002). Une écrivaine reconnue au plan national dont beaucoup de livres se situent dans une Corse violente, comme le dernier publié, Histoire d’un assassin (2018). Et le second, un militant connu pour ses prises de position en faveur de l’indépendance de la Corse, personnalité iconoclaste, aux propos tranchants (« La France pays ami » !), considéré comme un dur dans le camp nationaliste.
Pourtant, le titre choisi pour ce volume de correspondance, inspiré d’une phrase de Proust Un peu de temps à l’état pur, devrait nous indiquer, dès le départ, que cette opposition n’est qu’apparente. En fait, il s’agit d’un échange épistolaire essentiellement littéraire qui part d’une critique que Talamoni a écrite dans un mensuel local sur un texte de Marie Ferranti, Marguerite et les grenouilles. Saint Florent, chroniques, portraits et autres histoires, récits (2013).
Cet aimable croisement de remerciements, habituel dans le monde culturel, se transforme au fur et à mesure que le temps passe et que les affinités se précisent, en une relation affectueuse, une complicité intellectuelle et une collaboration de travail autour d’un projet théâtral que Ferranti met en route autour d’une figure féminine, Maria Gentile, Antigone corse du XVIIIe siècle, sous le titre évocateur de La passion de Maria Gentile. De nombreux messages s’échangeront autour de ce projet, ils seront le fil rouge de cette correspondance jusqu’à la représentation de la pièce à Bastia. Dans cette perspective, l’inauguration de la statue de Maria Gentile à l’Assemblée de Corse est un symbole très fort.
L’homme politique se transforme en une sorte de conseiller littéraire de la romancière, un grand respect s’instaure entre eux, réactivé par des rencontres directes à Bastia. Le temps banal des mails et des SMS devient un peu de temps à l’état pur comme dans Le Temps retrouvé, dernier volume de La recherche où le narrateur, jusque-là indécis, trouve enfin sa voie. Ce qui est le cas aussi de nos deux épistoliers : la romancière termine et monte sa pièce et l’homme politique est élu président de l’Assemblée de Corse après la victoire des nationalistes en décembre 2015.
D’ailleurs, si on regarde de plus près la composition du livre et ce que se disent les deux épistoliers eux-mêmes, ils reconnaissent qu’ils font un tri dans leur correspondance. On se rend compte très vite qu’il s’agit d’un montage littéraire, d’un livre qu’ils construisent d’un commun accord, à partir de leurs échanges électroniques qui s’enrichissent de plusieurs textes d’écriture personnelle de chacun d’entre eux : des nouvelles, des projets de théâtre ou des discours, des traductions de poètes, des proclamations, des manifestes littéraires ou politiques. L’ensemble est donc un texte hybride, une sorte d’hypertexte, qui va au-delà d’une simple correspondance, il prend très vite l’aspect d’une réflexion sur l’Histoire de la Corse, les rapports entre la littérature et la politique, l’engagement de l’un et de l’autre dans la bataille de l’identité corse. Un « Avant-Propos » très littéraire de Ferranti et une « Postface » discours très politique de Talamoni, confirment cette impression.
Le tout compose quelque chose d’un peu baroque, parfois désordonné, original sans aucun doute, dont il se dégage une profonde sincérité, un souci de dire vrai, de trouver le ton juste. La politique, finalement, réapparaît dans ce projet commun d’une pièce consacrée à cette héroïne de la liberté historique de la Corse du XVIIIe siècle, que fut Maria Gentile, figure allégorique de la Corse pour Ferranti. Elle cherche à revisiter le mythe de Maria Gentile, qui participe du récit national de la Corse puisqu’elle se bat pour donner une sépulture à son fiancé, exécuté par les troupes de Louis XV, en 1769. Pour elle, Gentile est une réincarnation d’Antigone et le symbole de toutes les femmes qui de l’Antiquité grecque à nos jours, de la Corse au Kurdistan, refusent de céder devant la force brutale et de reculer face à l’injustice, comme en son temps la résistante Danielle Casanova à laquelle Talamoni, de son côté, rend un vibrant hommage public.
La correspondance suit les activités de l’écrivaine, à la recherche de la meilleure forme pour sa pièce et celle de l’homme politique, de plus en plus occupé par ses actions au niveau régional avec l’Assemblée de Corse. Talamoni parle de ses lectures, par exemple le dernier roman de Chalandon, il propose une adaptation en langue corse d’un poème de Baudelaire « A propos d’un importun qui se disait mon ami », envoie à la romancière des réflexions sur la littérature et l’art, la religion, le mythe d’Antigone, elle évoque la musique polyphonique, une de ses passions, déjà exprimée dans un livre récent, Les Maîtres de chant (2014). Il lui parle d’une de ses nouvelles en langue corse, « Derrière le mur », pour recueillir son jugement, il la traduit d’ailleurs en français. Elle lui communique une de ses nouvelles « Le mangeur de lézard ». Il lui donne une version corse d’un poème d’Omar Khayyâm. Dans ce dialogue passionnant, chacun donne un avis littéraire à l’autre, ils commentent l’actualité (les attentats à Paris en 2015 par exemple), font des rapprochements entre l’époque contemporaine et les révoltes des corses contre l’occupant génois ou français au XVIIIe siècle.
Talamoni parle aussi de ses amis, de Michel Rocard, du rôle de l’écrivain dans la société : assez curieusement l’homme politique semble s’ennuyer en politique et la romancière se passionner pour la politique. La romancière parle de politique et Talamoni fait de la critique littéraire. Ils voient tous les deux la réalité à travers les livres qu’ils ont lus. La romancière envoie un texte qu’elle a écrit sur Facebook, hommage à la littérature, elle parle d’André Breton, ils citent tour à tour André Gide, Baudelaire, Saint-Augustin, Rousseau, Valéry Larbaud, Philippe Jaccottet, Patrick Modiano, Paul Valéry, Albert Camus. C’est un dialogue de haute tenue entre deux passionnés de littérature. Attendu de la part d’une femme de lettres, plus surprenant chez un homme politique, plutôt porté vers l’action. L’Histoire est au centre de l’œuvre de la romancière et l’art au cœur de l’engagement politique de Talamoni. On se souvient alors que Talamoni est l’auteur d’une excellente thèse sur « Littérature et politique de la Corse. Imaginaire national, société et action publique » (2013) dont la valeur scientifique est unanimement reconnue. La Corse du XVIIIe siècle y est vue comme un laboratoire des idées des lumières avec la révolution de Pascal Paoli.
Enfin, c’est tout naturellement que se pose entre eux, le problème d’écrire en langue corse ou/et en langue française, celui du choix entre la langue française et la langue maternelle, le corse dans ce cas. La position de Ferranti est claire. Elle dit à son interlocuteur :
Quant à moi, j’éprouve une fascination pour la langue française pour laquelle il entre aussi de la curiosité pour la variété d’une forme différente de la langue apprise, puisque le corse fut ma langue maternelle. Dans cette pratique de deux langues, il subsiste des entremêlements de sons, de formes, des distorsions, qui échappent quelquefois à l’écrivain. [...]
On pourra toujours m’opposer en cherchant bien que le français est une langue qui m’a été imposée. C’est vrai. Mais en cherchant bien, le corse aussi. Si j’étais née en Tanzanie je parlerais sans doute le kiswahili. Donc il se trouve que le corse a été ma langue maternelle et que le français l’a dévoré lentement, mais il nourrit ma littérature : Maria Gentile témoigne aussi de cela. [...] Le choix d’une langue pour un écrivain n’est pas un détail et relève de l’intime. J’ai la passion de la langue française et de la littérature française. Supposer que je peux changer de langue et écrire en corse, qu’il s’agit simplement d’une question secondaire et que je ne me résous pas à écrire en corse par caprice, c’est se tromper lourdement : je ne sais pas écrire en corse je suis par nature désobéissante et rétive à l’autorité.
Talamoni, lui, cite son discours à l’Assemblée de Corse en langue corse et donne quelques textes dans cette langue, prononcés devant cette assemblée. Il est évident que la correspondance s’enrichit de ce mélange de langues, en dépit de certains esprits grincheux. Par ailleurs, ils expriment le même goût pour les paysages corses, la mer Méditerranée, le Cap Corse, la nature, les couchers de soleil, les saisons, la lumière du sud.Ferranti écrit par exemple : « il est près de midi et je vois la mer par la fenêtre. À travers les branches d’un pin parasol je vois ce bleu liquide et pâle. Ciel presque blanc pèse dessus, dessinant une figure de géométrie, presque une abstraction reposante ».On retrouve dans ces évocations, comme dans tous ses messages, le style concis, précis, direct de la romancière.
Dans une « PostFace », l’homme politique présente une longue réflexion sur la force politique de la littérature dans l’émancipation du peuple corse. La figure allégorique de la Corse qu’est Maria Gentile dans l’imaginaire collectif lui permet d’affirmer qu’une politique ne peut pas se concevoir sans littérature.
Marie Ferranti et Jean-Guy Talamoni ont en partage une passion pour la lecture et l’écriture. Cela sauve de tout. Talamoni pose, au passage, le problème de la place de l’artiste dans la société actuelle avec la victoire des nationalistes et le risque de voir les acteurs culturels devenir des artistes officiels. Tous deux pensent que l’art donne du talent aux politiques. Les livres sont des fantômes qu’il faut apprivoiser, selon Ferranti, qui sait de quoi elle parle. Cette correspondance permet de mieux comprendre la problématique corse par le biais de la littérature, au-delà des caricatures médiatiques. La meilleure façon, sans aucun doute.Marie Ferranti et Jean-Guy Talamoni, Un peu de temps à l’état pur, Correspondance 2013-2017, Gallimard, février 2018, 249 p., 20 € —
29 juin 2017
Juin 2017
Mai 2017
Dans l’intimité d’un Géant de l’Histoire
« Militaire de carrière retraité et cavalier émérite » - deux traits de son CV pointés avec pertinence par Jacques Fusina - Guidu Benigni est un écrivain attachant. Il s’est affirmé, depuis Amadeu u Turcu (Prix du Livre corse 2002), comme roman-cier et poète in lingua nustrale.
Son dernier roman, Fra Felice, à la gloire du « héros des deux mondes », est une belle surprise. Seul, jusqu’ici, en Corse, Gian Paolo Borghetti avait rendu un hommage de qualité à Garibaldi dans son poème « Garibaldi, un episodio della guerra per l’indipendenza italiana »
Rappelant en quelle considération Michelet tenait ce géant du Risorgimento (« Je vois un héros en Europe, un seul, je n’en connais pas deux »), Benigni exprime une égale fascination. Toutefois, Fra Felice n’est pas une hagiographie camouflée en un roman historique où l’auteur prendrait des libertés avec la vérité des faits pour le plaisir de faire à Clio de beaux enfants. Benigni tisse, en fait, de toutes les fibres de sa riche sensibilité, une toile où se nouent deux aventures, la Geste de l’homme à la chemise rouge, et, née de l’imaginaire de l’Auteur, l’aventure du narrateur. Il y a bien deux héros dans ce « roman de poésie et de vérité » : Garibaldi et Felice qui, à la suite de son père, Marcu Maria, accueilli dans la famille de Domenico Garibaldi (le père de Giuseppe), devient partie prenante d’une saga dont il vivra les heures de gloire et de deuil.
Fra Felice est aussi l’histoire du dévoilement d’un secret. Ce n’est qu’à la fin du roman que sera révélée la disgrazia qui a entraîné l’éclatement d’une famille corse et l’exil à Nice du père de Felice. L’Auteur mariant fiction et Histoire insère dans la trame du récit, en les étoffant, des épisodes réels ayant un lien avec la Corse comme ce premier mort de l’expédition des Mille, le bastiais Desideratu Pietri, tué à la bataille de Calatafimi. ll imagine qu’il a une sœur, Rosa qui rejoindra le narra-teur à Occi où il s’éteindra.
Le dernier chapitre, véritable lamentu en prose poétique clôt le roman sur l’évocation émouvante de la première rencontre de Felice et de Rosa... « A Storia ùn hè micca un ritrattu appesu à u muru. Ella si move. » précise Benigni. Elle ne se résume pas en images d’Epinal. Elle est mouvement. L’Auteur, qui s’est parfaitement documenté, déroule avec brio l’épopée du « héros aux sept vies ». Le narrateur occupe auprès du Général une position privilégiée. De promenades en assauts, il a une vue d’ensemble, qu’il s’agisse de décrire des paysages ou de relater des batailles. L’évocation de Nice ou de Bastia, piccoli porti insitati à vita da l’alitu marinu, carcu di sale è d’iodu, d’odori di salimoghja, di pesciu fragicu, nous rappelle le Pesciu Anguilla de Sebastianu Dalzeto.
Fra Felice est un roman d’apprentissage et d’initiation. Le narrateur est à l’école d’une famille et d’un Maître d’exception. S’interroge-t-il sur son identité ? Les caprices de l’Histoire font qu’il ne sait plus s’il est corse, niçois ou « caprerese ». La Corse aurait pu, prise dans le mouvement du Risorgimento, s’intégrer à l’Italie. Mais l’histoire a tourné le dos à la géographie. La patrie n’est-elle pas celle que le poète nomme, ce territoire apparemment circonscrit, mais irradiant où s’enracine l’Universel. Caprera est une île à laquelle Garibaldi a donné une âme, la sienne. Une île-miroir où les paysages de l’Amérique latine, de Nice et de la Corse se fondent dans une même nostalgie. Le même amour. Guidu Benigni, fantassin de la Liberté, fait sienne la distinction garibaldienne entre le héros et le soldat. Ainsi, Garibaldi entendait-il le cri (grido) du peuple opprimé qui s’insurge. Au nom de la liberté, le héros estimait ne recevoir d’ordre que de sa conscience. Il avait le droit de désobéir. L’expédition des Mille se voulait légitime. Et puis, il y a le temps de l’obéissance pour le soldat (« Obbedisco »), lorsque légitimité et légalité ne font qu’un. In sti tempi camonchji, tempi di cumbugli, l’épopée garibaldienne éclaire les chemins de l’avenir. Le Maître Garibaldi n’était pas donneur de leçons. Il prêchait d’exemple. « Non insegno, accenno » disait-il. Dans sa note introductrice au roman comme dans l’épilogue, Guidu Benigni assure avoir voulu contre un monde moderne « ingordu di proffitu suldaghju » rendre hommage au solitaire d’Occi, Fra Felice, et à Garibaldi « un omu chì avia fede in l’omi, mai ingordu di ricchezze ne di medaglie, ma colmu di generosità è d’umanità.» En plaçant en exergue les mots du legs moral de Garibaldi : « Lascio in eredità : il mio amore per la Libertà e la Verità » (Testamento politico), Guidu Benigni nous révèle le secret des deux miracles de son livre : la fiction peut habiller la vérité sans la trahir à la condition d’une absolue sincérité. Enfin, une terre de déréliction peut se transformer en haut-lieu d’inspiration.
Marie-Jean Vinciguerra
L'ouvrage est disponible dès aujourd'hui sur AMAZON :
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Et aussi :
Préfacé par Rinatu Coti, avec des textes de Marie-Jean Vinciguerra, Aristide Nerrière, Anne Chabanon, Christine Bottero, Paule Benazet, Dominique Landron et le poète André Giovani, ce très beau livre, relié, carré ( 30 x 30 cm) intitulé tout simplement « Peintures » regroupe en fait en un magnifique ouvrage sur papier glacé plus de cent œuvres du peintre originaire de Bisinao, enfant spirituel de Pierre Vellutini, élève de la grande Anne Casteret.
Si François Quilici expose fréquemment aux États-Unis à Chicago, mais aussi à Paris, il revient chez lui, en Corse tous les deux ans pour y présenter le travail d’une exposition à la suivante.
Il exposera en septembre au Lazaret Ollandini mais ce livre permet à ses adeptes et autres inconditionnels de ne pas attendre cette date pour rencontrer l’artiste qui dédicacera son livre « Peintures « (Colonna édition) à Ajaccio mercredi prochain 10 mai ( FNAC de 16 à 19h), à l’Isolella, chez Via Sole, jeudi de 9h30 à midi et vendredi 12, dans la librairie « Le verbe du Soleil », à Porto-Vecchio, de 17 à 19h.
Avril 2017
Ghjuvan Micheli WEBER dédicacera l'ouvrage bilingue corse-français "Cuntrastu cù un mazzeru - Dialogue avec un mazzeru" (Colonna Editions) Samedi 22 avril, de 10h00 à 12h30, à la Librairie des Palmiers, ex-Hachette.
Après un recueil de poésies ainsi que plusieurs séries d'ouvrages et manuels en langue corse destinés à la communauté éducative, Ghjuvan Micheli WEBER, enseignant passionné d'histoire et de traditions, nous livre un troublant témoignage : celui d'un mazzeru.
Sur le thème mystérieux du "mazzerisme" ce dialogue entre deux personnes a pour but premier la transmission.
Les livres de Marceddu Jureczek traitent des mutations profondes qui secouent la Corse, avec notamment un questionnement sur ce que la société de consommation induit sur notre façon d'être. Portrait
Par France 3 Corse ViaStella - 28/03/2017
Marceddu emprunte la route qui le mène au lycée Laetitia Bonaparte à Ajaccio où il enseigne la langue corse. Une route qui est balisée par des panneaux publicitaires. Pour lui qui vit dans la plaine de Peri, ce décor agit comme un révélateur du fossé qui sépare le discours sur la culture de sa réalité concrète.
"On met très souvent nos valeurs communautaires de solidarité, mais ici, elles sont où ? Elles ne sont nulle part. Et je crois que finalement, qui a raison ? Le discours sur l’identité ? Ou le paysage. Je crois que c’est le paysage qui dit la vérité. Il dit que nous sommes des individualistes avant tout. Nous avons été gagnés par cette fièvre là et nous sommes des petits soldats du libéralisme, c’est-à-dire du capitalisme et de la consommation à outrance", affirme cet auteur.
Perte culturelle
Cette profusion de commerces et de grues faisant contrepoint à un monde paysan en sursis, Marceddu Jureczek l'a décrite dans un essai bilingue, "Caotidianu" paru aux éditions Cismonte é Pumonti.
Cet univers de la consommation ne correspond pas à ce que fut l'enfance de l'auteur qui a grandi rue Fesch. à l'époque, c'était un quartier populaire dans lequel se déroule la majeure partie de son roman intitulé "Chì ùn sia fattu di guai".
"On retrouve les mêmes préoccupations, c’est-à-dire la crise d’identité que traverse la société corse d’aujourd’hui, comme celle d’hier évidemment. Cette fois-ci, je l’ai incarnée dans deux personnages et l’opposition me semblait évidente entre un père et son fils. Un père qui sur-joue le personnage corse, avec un côté politique très important parce qu’il est nationaliste. Nous sommes dans les années 1980, au moment de l’inflation et de l’explosion de la violence et de la revendication nationaliste. Et le fils qui est totalement opposé à ces idées-là", explique Marceddu Jureczek.
L'action se déroule pour partie début 1981, lors de l'affaire Bastelica Fesch. à l'époque, dans l'hôtel Fesch, un commando nationaliste prend en otage trois hommes soupçonnés d'être des barbouzes.
Dans cette ambiance électrisante, un personnage imaginaire sur-joue une culture corse rurale qui n'est pas exactement la sienne. Paru chez Albiana, "Chì ùn sia fattu di guai" s'appuie sur un fait pour mieux décrire un contexte plus large, celui de la perte du sens.
Parmi les écrivains insulaires, Rinatu Coti est celui qui connait le mieux l'œuvre naissante de Marceddu Jureczek. Tous deux emploient le même corse enraciné dans la vallée du Taravu. Au-delà de la langue, la pensée est également proche, c'est celle du refus de céder face à l'indifférenciation globale.
"Un chiffon dans la bouche du vent"
"C’est une perte de sens qui est généralisée dont nous nous subissons les coups parce que nous sommes beaucoup plus petits. C’est une île de 320.000 habitants. Quels sont ceux qui sont aujourd’hui capables d’être les transmetteurs de cette culture, certains diront archaïque. Mais nous avons besoin des archaïsmes. Sans eux, nous sommes un chiffon dans la bouche du vent. Et c’est cela le problème du monde d’aujourd’hui. C’est que l’archétype d’une culture, d’une civilisation se perd. Or si on perd cela, on perd tout le reste. C’est-à-dire que nous n’avons pas la capacité de penser. Or penser, au sens étymologique du terme, cela veut dire peser sur le monde", pense Rinatu Coti, écrivain.
Écrire pour peser sur le monde ou plus simplement essayer de changer la société.
Ce pourrait-être le credo de l'auteur qui nous emmène dans sa bibliothèque. À quarante-cinq ans, Marceddu Jureczek a déjà signé quatre ouvrages. Un roman et un recueil de nouvelles sont en gestation. La parution est prévue pour l'automne.
Extrait de la préface
S’inscrivant dans le « Riaquistu culturale » l’ensemble des articles Patrimonii è memorie d’Aregnu constituent, de la part de leurs auteurs, une contribution scientifique de qualité à la connaissance historique des richesses archéologiques, architecturales, artistiques et vernaculaires de cette ancienne pieve de Balagne. C’est avec bonheur et un enrichissement certain que l’on découvre le fruit des recherches de spécialistes confirmés issus des formations de l’université de Corse Pasquale Paoli.
Au fil des pages se dévoilent quelques données connues et surtout des informations inédites dans des domaines insuffisamment explorés jusqu’ici.
De la Protohistoire en passant par les époques romaine, pisane, génoise et plus contemporaine, le lecteur se ressource aux modes de la vie économique, sociale et urbaine qui ont façonné les traits identitaires du village d’Aregnu. à noter aussi la légitime incursion, dans cet ensemble, de l’épisode de la Première Guerre mondiale qui bouleversa l’économie locale et sans doute certains usages ancestraux.
J'ai pris un grand plaisir à lire ce court roman. Sous son apparence de légèreté effleure quelque chose de plus profond, et l'on garde présentes en tête les images que la lecture suscite. Même sans pratiquer la pêche, on aimerait bien suivre le narrateur plus longtemps !
Depuis l'an dernier, les éditeurs corses ne sont malheureusement plus présents au Salon du livre de Paris. Une exception : les éditions Clémentine, qui avaient un petit stand tout au fond et où j'ai trouvé ce bel ouvrage de François-Xavier AJACCIO.
"Dans des lieux de vie d’un passé oublié, les chapelles romanes corses dissimulent des fresques médiévales d’une richesse artistique exceptionnelle.
Semblables dans leur programme iconographique, elles émerveillent par leurs styles, tous différents.
Élever l’âme, souligner la grandeur de la vie éternelle, instruire sur la parole du Christ, faciliter l’intercession, telles sont les vocations premières de ces ornementations murales. Elles constituent ainsi une passerelle entre l’homme et le divin.
Elles soulignent également l’intégration de l’île de Corse dans la communauté spirituelle et artistique méditerranéenne de l’époque.
Aujourd’hui, encore, ces fresques, merveilleusement bien restaurées, nous emportent dans un monde mystérieux de beauté pure, inégalée.
Ce travail de François-Xavier Ajaccio restitue avec force une histoire, celle des fresques des églises romanes. Il raconte également une foi ancrée dans le cœur des Corses.
Un merveilleux travail pour un résultat passionnant!"
Je partage en tous points l'avis de l'éditeur et recommande donc chaleureusement ce livre.
Cet ouvrage, « Marie Susini ou l’apologie du désespoir », a été écrit par Martine Tania Dambacher, avec une préface de Francis Beretti.
Il sera disponible au début du mois d’avril.
Martine Tania Dambacher, qui enseigne à Strasbourg, a bien voulu venir présenter son livre en Corse.
Mardi 11 avril, à 18h30, à Patrimonio, elle animera une première rencontre avec Francis Beretti dans la cave Orenga di Gaffori, invitée par l’association Musanostra que préside madame Marie-France Bereni-Canazzi. Une signature du livre suivra la rencontre, en présence de Jean-Jacques Colonna d'Istria.
Mercredi 12 avril, elle signera son livre dans la librairie « La Marge »», à Ajaccio, de 17 à 19h.
Jeudi 13 avril, elle animera une nouvelle rencontre, à Ajaccio dans la Bibliothèque Patrimoniale rue Fesch, à 18h30, invitée par les Services Culturels de la Ville d’Ajaccio. Une signature du livre suivra également la rencontre.
par Charles Monti, 4 mars 2017
"Corse, l’étreinte mafieuse", l’économie et la politique sous l’empire du crime organisé : c'est le titre du dernier livre de Hélène Constanty (Fayard) qui sera disponible en librairie dès le 20 Mars.
En 2012 paraissait l’enquête retentissante d’Hélène Constanty Razzia sur la Corse. Depuis, si l’heure n’est plus aux bombes et aux assassinats sous couvert du FLNC, la violence n’a pas disparu pour autant, bien au contraire.
Aujourd’hui, elle est le fait du grand banditisme.
Les voyous corses, revenus vivre et travailler au pays, ont placé l’île sous coupe réglée. Ils rackettent les commerçants et les entrepreneurs, captent les marchés publics, blanchissent l’argent sale dans le BTP et nourrissent la spéculation immobilière.
« Autrefois, les élus corses se servaient des voyous pour leurs campagnes électorales. Désormais, ils sont des marionnettes entre les mains des voyous », dit un procureur. Les notables ne sont plus à l’abri. Plusieurs d’entre eux ont été assassinés depuis 2012, et aucun de ces meurtres, exécutés avec le professionnalisme du crime organisé, n’a été élucidé.
Une opération mains propres qui ne dit pas son nom a été déclenchée. Pour la première fois, un Premier ministre, Manuel Valls, a prononcé le mot de mafia pour décrire la situation dans l’île.
Plusieurs procès pour corruption d’élus ont récemment mis en lumière les liens étroits qu’ils entretiennent avec les bandes criminelles.
Dans cette enquête au plus près du terrain, Hélène Constanty décrit minutieusement cette étreinte mafieuse qui étouffe la Corse, révélant les causes profondes qui la rendent si difficile à desserrer.
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Hélène Constanty est journaliste indépendante, spécialiste de l'investigation. Elle écrit dans L'Express, Médiapart, et réalise des documentaires pour la télévision. Corse, l’étreinte mafieuse est son neuvième livre, après notamment Razzia sur la Corse (Fayard, 2012) et Razzia sur la Riviera (Fayard, 2015).
9 mars 2017
Il faut oser pousser les portes de l’École Normale Supérieure, rue d’Ulm, dans le 5e arrondissement de Paris. Dans cet établissement prestigieux se tient, depuis le 24 janvier, un séminaire intitulé « Franchir la frontière littéraire », où les auteurs corses, Jérôme Ferrari, Marcu Biancarelli, Jean-Baptiste Predali ou Jean-Yves Acquaviva, tiennent une place de choix.
Mémoire et travaux universitaires sur la littérature Corse.
Pour les commenter, Kévin Petroni, étudiant à l’Ecole Normale et à l’université Paris IV, originaire de Bastia, s’appuie sur ses recherches : « Mon premier mémoire traitait de l’adieu aux aspirations nationales dans le roman Murtoriu de Marcu Biancarelli et le Sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari. Cette année, je travaille sur les conditions de la formation d’une mémoire dans l’œuvre de Biancarelli, de Ferrari, et de Jean-Yves Acquaviva », explique l’étudiant de 23 ans.
La question de l’ancrage corse affirmée ou ancrée.
Peu de mémoires et de travaux universitaires ont été publiés sur la littérature Corse. Kévin cite ceux de Ferdinand Laignier-Colonna sur l’œuvre de Marcu Biancarelli, ou ceux, plus généraux, de Jean-Guy Talamoni et Eugène Gherardi, de l’université de Corse. En ce qui concerne Jérôme Ferrari, Kévin est plus critique : « Il y a eu un séminaire en Allemagne sur Ferrari philosophe. Mais quand on parle de philosophie, on enlève la dimension corse de l’œuvre. » Cet « ancrage » corse est pourtant loin d’être anodin : « Le but de mon premier mémoire était de montrer comment un discours du lieu pouvait façonner une poétique de l’enfermement, de l’isolement, et comment cette poétique était motivée d’un point de vue politique, économique et social. Voir comment des lieux comme le village étaient devenus des périphéries et comment la périphérie était liée à la marge voire à la folie », explique l’étudiant.
Etre écrivain et Corse, cela n’est pas très différent d’être écrivain et Parisien ou Breton.
Mais cette question de l’ancrage, affirmé ou renié, se pose néanmoins : « Chez Marcu Biancarelli, la question du dépaysement se pose de plus en plus quand on avance dans ses œuvres. Dans Murtoriu, la question territoriale et celle du lien à la nation et au peuple est évacuée par le suicide collectif et par la sortie vers un autre pays. Chez Ferrari, il y a aussi ce mouvement très pessimiste, même si je sais qu’ils n’aiment pas ce mot. Je reprends beaucoup le terme de Jean-Guy Talamoni de « Corse cauchemardée ». C’est une manière, selon moi, de montrer une certaine vision de la Corse qui désigne en quelque sorte une absence, une incapacité d’une certaine population à habiter cette île. Il y a bien sûr d’autres manières d’écrire la Corse, par exemple chez Marie Ferranti, on est dans la nostalgie, dans un rapport à l’enfance et un retour à la terre, une reconnaissance de la culture des siens...»
Comment s’emparer de la langue Corse en littérature.
Mais être écrivain et Corse, c’est aussi écrire dans une langue que l’on n’a pas choisie. Ecrire en langue corse, certains le font mais « on est obligé de passer à une langue comme le Français pour exister, en tant que figure d’auteur, pour le grand public », estime Kévin Petroni. « Dans le même temps se pose la question du rapport à la communauté : dans quelle mesure, en quittant la langue d’origine, on peut conserver des éléments qui relient à une histoire commune. Quand un lecteur parisien lit Murtoriu, il ne verra pas forcément les exécutions du général Morand en Corse, alors que c’est présent dans le texte. Il verra un western dans lequel on parle de pendaisons, il va décontextualiser l’œuvre, ce qui est normal car il n’a pas les références. »
Un contre Salon du livre.
Cette question de la langue sera évoquée longuement lors d’un « contre-Salon du livre » que plusieurs étudiants essayent d’organiser en marge du salon officiel, fin mars, dont le Maroc est invité d’honneur. « Comment s’emparer d’une langue qui est la nôtre, puisque c’est celle qu’on a apprise quand on était enfant, mais qui ne représente pas notre communauté ? Dans quelle mesure on peut renverser ce rapport de forces et faire de la langue imposée celle d’une création littéraire ? »
Musa Nostra...des cafés littéraires à Bastia.
Non content de mener de front un séminaire, un mémoire, bientôt l’agrégation, et la future création d’une revue de sciences humaines, Kévin écrit régulièrement pour Musa Nostra, une association littéraire corse qui organise des rencontres d’auteurs et des cafés littéraires à Bastia et partout en Corse. « Musa Nostra c’est un carrefour, un lieu où tout le monde peut parler. L’équipe est vraiment passionnée, avec des gens qui viennent de tous horizons. Il y a des concours, on peut écrire dans la revue, envoyer des textes. C’est vraiment libre, pas besoin d’être renommé pour écrire. Cela permet à la vie littéraire en Corse d’exister », se félicite-t-il.
L’actualité de la littérature Corse
Le 8 mars l’association a organisé un apéro littéraire à Ville-di-Pietrabugno pour la journée des droits des femmes. Kévin Petroni, lui, poursuit le séminaire à l’Ecole Normale avec Marcu Biancarelli le 7 mars, Jean-Yves Acquaviva les 21 et 28 mars et Jean-Baptiste Predali les 25 avril et 2 mai.
En savoir plus
L’association Musanostra – infos sur Pari(s) sur la Corse
Le séminaire Franchir la frontière littéraire – infos par ici
Article réalisé par Audrey Chauvet
Source : Pari(s) sur la Corse
par Alain di Meglio, Ceccè Ferrara et Norbert Paganelli
Parolli in biancu è neru/Paroles en noir et blanc est une œuvre collective à la gloire de cette cité de l’extrême sud insulaire bien connue des estivants.
Mais Porto-Vecchio ne se réduit pas à cette image d’épinal ! La ville a aussi une histoire, des traditions, une âme dont elle n’est pas peu fière comme l’attestent les clichés présentant, tout à la fois, des scènes de rue, des portraits ou des vues de la cité et de ses environs.
Cette personnalité originale et attachante, trois poètes contemporains (Alain di Meglio, Ceccè Ferrara et Norbert Paganelli) ont voulu la célébrer, à leur manière, à partir de ces photographies qu’ils ont utilisées comme des pré-textes à leurs créations.
En jetant sur la cité du sel ces regards distanciés et emplis de connivence, ils lui ont ainsi rendu le plus vibrant des hommages puisqu’ils ont relié le temps d’avant à celui d’aujourd’hui.
Les 42 clichés illustrant cet ouvrage proviennent du fond iconographique recueilli par l’association Portivechju di tandu qui œuvre en faveur de la conservation du patrimoine de la cité.
Octobre 2016
Septembre 2016
Jean-Pierre Castellani et Christine Bottero signent dans la librairie « des Palmiers» « PORTRAITS DE CORSES » jeudi 8 septembre, de 17 à 19h.
Un livre très attendu, rédigé par Jean-Pierre Castellani, l’ « éditeur », le Directeur de la Collection, et Christine Bottero, mais aussi avec la participation de Marie-Amandine Sain et de Laura Biancamaria, pour deux textes. 22 portraits de « personnalités corses qui ont marqué et marquent encore leur secteur d’activités ». C’est ce recueil de portraits que les deux auteurs vont présenter et signer :
Jean-Claude Acquaviva, L’aventure collective de A Filetta
Jean-François Bernardini, Des polyphonies villageoises à la non-violence universelle
Marc Biancarelli, L’insoumis, la révolte d’un mutin ou d’un écrivain voyou
Jean-Claude Casanova, Un homme de convictions
Laetitia Casta, Le destin d’une diva corse
Isabelle Ciaravola, étoile parmi les étoiles
Dominique Colonna, Le gardien de... la Restonica
Jérôme Ferrari, Le philosophe romancier
Patrice Franceschi, L’engagement d’un écrivain aventurier
Antoine Giacomoni, Miroir de vie, miroirs des princes
Pierre Graziani, La tête dans les nuages...
Nicolas Grimaldi, Le veilleur du sémaphore
Laurent Lantieri, Le rêve d’une vie
Ange Leccia, Le voyage de la pensée visuelle, entre Nonza et Tokyo
Marie-Josée Nat, Un destin tressé à l’aube de la liberté
Jean-Noêl Pancrazi, Un écrivain du soleil
Marie-Claude Pietragalla, La volonté d’un cygne du destin.
Jean-Paul Poletti, La quête de l’impossible rêve
Philippe Pozzo di Borgo, L’intouchable
Robin Renucci, La philosophie de la forge
Edmond Simeoni, Le militant
Jean-Christophe Spinosi, La passion de la musique
Zone Critique consacre une série estivale à la littérature corse contemporaine.
Dernier article de Kevin Petroni, « La
leçon de choses de Jérôme Ferrari ».
Les précédents articles étaient consacrés à Jean-Yves Acquaviva et à Marco Biancarelli.
Juillet 2016
LE LIVRE QUI REND FOU !
Marc Favero signe son essai « éloge du vertige » ou « Le jeu des 7 questions essentielles »
dans la librairie « la marge », à Ajaccio, lundi prochain, 25 juillet, de 17 à 19h.
et à Bastia dans la librairie « Album », mardi prochain, 26 juillet, de 17 à 19h.
Le livre qui rend fou !
Certains livres peuvent transformer une vie si le lecteur y rentre avec l’esprit du chercheur ou celui du pèlerin. L’Eloge du vertige est de ceux-là, il pourrait aussi rendre fou comme le remarque immédiatement sa préfacière Madame Françoise Thibault, membre de l’Institut !
L’auteur nous convie à cheminer avec lui et à s’attaquer sans crainte aux sept piliers de toute pensée humaine (de toute sagesse) :
. Dieu existe-t-il ?
. Le monde a- t-il une origine ?
. Le monde est-il une illusion ?
. L’homme est-il libre ?
. L’esprit est-il indépendant de la matière ?
. Existe-t-il une morale universelle ?
. Existe-t-il un meilleur régime politique pour l’homme : La démocratie ?
En s’appuyant sur les sciences dites « dures » de la mathématique jusqu’à la physique quantique, aussi bien que sur les sciences « molles », sociales, en passant par la philosophie et la théologie voire par la poésie, vécue comme « autre manière de lever le voile sur la réalité », il va saper ce que vous croyez le plus profondément ancré en vous, quel que soit votre position initiale: matérialiste ou spiritualiste.
Il devrait petit à petit, vous permettre de comprendre que nos certitudes sont ancrées dans des habitudes de pensées historiquement et culturellement datées, qu’elles sont le reflet plus ou moins exact de notre milieu (choisi ou subi), et qu’in fine, l’important n’est pas le précipité (Dieu existe ou non). L’important, c’est le chemin. L’important, ce sont les arguments sur lesquels nous construisons ces certitudes ce qui nous conduit à reconnaître la vacuité de nos conclusions.
Bien sûr, nous ne sommes pas nécessairement tous prêts à abandonner le confort de nos certitudes. Nous ne sommes pas tous prêts à affronter ce vide insondable –inconfortable.
De cette prise de conscience naît un vertige. Un vertige terrible. Mais de cette prise de conscience naît également un sentiment puissant : celui de la tolérance. Car puisque toutes nos certitudes se valent, l’important est ailleurs. Il est dans le dialogue, l’échange, la capacité à comprendre les arguments et la position de l’Autre. Dès lors, il n’est plus nécessaire de se battre ou de combattre.
A la fin du voyage il est possible que ce sentiment d’angoisse se soit transformé en formidable appel vers la liberté....
« Comme Czerny avait composé de merveilleux Exercices pour délier les doigts, nous aurons la chance d'avoir grâce à Marc Favero des Exercices pour délier l'esprit. Délier l'esprit, c'est le détacher de toute croyance ».
Nicolas Grimaldi, philosophe
La Corse, terre de lé́gendes, de labeur et parfois de souffrances, reste pour ses habitants un morceau d’eux-mêmes dont il est impossible de se dé́tacher malgré un mariage d’amour parfois houleux.
Entre réalisme et fantastique, ce petit recueil fait revivre l’espace de quelques nouvelles un passé qui semble à jamais révolu, et des personnages parfois hauts en couleurs qui faisaient la beauté de ces contreées aujourd’hui désertées.
Né en 1965, Joseph-Antoine Salviani est enseignant en lettres modernes dans un lycée de Bastia ; viscéralement attaché à sa langue et à cette Corse de l’intérieur, il a voulu, le temps de dix nouvelles plus ou moins réalistes, nous replonger dans l'atmosphère d'une île émouvante, parfois drôle et ô combien complexe.
Juin 2016
Mai 2016
Damaso Maestracci, certainement l'artiste corse le plus productif et le plus fantasque de sa génération, s'est imposé comme l’un des acteurs du renouveau de la statuaire corse. Cet artiste populaire et itinérant a laissé de nombreuses œuvres sur le sol corse, et particulièrement dans son village d'Occhiatana en Balagne.
Auteurs : Collectivité territoirale de Corse, Service des Patrimoines.
Texte : Julia Tristani et Sophie Cueille
Photographies : Pascale Neri
Cartes : Gil Novi
112 pages / 225 illustrations
24 x 30 cm - Couverture souple à rabats
Prix de vente public : 19 €
Le livre sera en librairies le 8 juillet.
Il est dès maintenant disponible en souscription à prix réduit :
16 € port compris (au lieu de 19 €) !
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Offre valable jusqu'au 8 juillet 2016.
Damaso Maestracci (1888-1976)
Déjà enfant, il est attiré par l’art. Mais ce n’est qu’en 1921 qu’il s’inscrit à l’école des Beaux-Arts de Marseille pour suivre un enseignement en dessin et en sculpture. Originaire d’Occhiatana, en Balagne, il se partage entre son village et Bargemon dans le Var, celui de de son épouse Apollonie.
Des années 1920 à la fin de sa vie, il privilégie sa carrière de sculpteur. Porté par la dynamique et le flux des divers milieux intellectuels et politiques insulaires, il participe à la création d’une véritable thématique populaire de « types corses », réalisant bustes, statuettes, médaillons et têtes de pipe dont certains figuraient à l’Exposition internationale de 1937.
Présent dans diverses manifestations à Paris, à Monte-Carlo, à Marseille ou à Bastia, il s’impose comme l’un des acteurs du renouveau de la statuaire corse. Religieuse ou civile, son œuvre se distingue autant dans les églises et les espaces publics que chez nombre de particuliers pour son réalisme teinté parfois de naïveté mais toujours empreint d’une farouche volonté de faire de l’art.
Si l’on trouve dans de nombreuses églises corses des statues de saints ou des bas-reliefs signés de la main de cet artiste populaire et itinérant, les deux réalisations les plus étonnantes de son parcours restent sans conteste sa maison balanine et son tombeau, devenu Monument historique en 1989.
éditions Lieux Dits
17, rue René Leynaud - 69001 Lyon
04 72 00 94 20
contact@lieuxdits.fr
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Je reproduis ci-dessous le point de vue publié sur musanostra de Kevin Petroni sur la littérature corse en général et les trois auteurs corses publiés chez Actes Sud (Predali, Ferrari et Biancarelli).
À Marco Biancarelli,
« Je demandais à Jean-Baptiste ce qu’il cherchait à faire, lui, en prenant la Corse
comme cadre de ses fictions. Il m’a répondu après avoir réfléchi qu’il essayait sans
doute de «faire accéder la Corse à la dignité littéraire» et, en l’entendant, j’ai eu
immédiatement la certitude qu’il venait de m’offrir les mots qui me manquaient
pour décrire ma propre entreprise, celle de Marco Biancarelli et de quelques
autres. »
Jérôme Ferrari, Sous les clichés, une île, Libération, le 2 avril 2011.
Le champ littéraire de la Corse, local pour certains, est selon
moi en voie de nationalisation. Au niveau local, la Corse se caractérise par un champ littéraire situé avec des éditeurs, des auteurs,
des institutions luttant pour le prestige symbolique et commercial
dans un espace délimité. C’est un champ littéraire dominé
d’un point de vue littéraire et d’un point linguistique. Au niveau
national, il est dominé par le champ intellectuel (Université de
Corse) et le champ politique (Collectivité Territoriale), deux instances
qui ont pour but d’établir l’imaginaire national de l’île. En
tant que langue de recréation, peu parlée et peu connue au niveau mondial, le Corse a pour but d’importer des
formes littéraires prestigieuses au niveau international et de s’exporter par ses traductions. Le « nationalisme »
impose un contrôle politique, forcément restrictif, sur un champ qui devrait avoir pour but l’autonomie. Dans
cette situation, certains auteurs ont décidé d’adopter une position différente. Jérôme Ferrari, Marco Biancarelli
et Jean-Baptiste Predali, en publiant chez Actes Sud, ont décidé d’appliquer une poétique ambitieuse, rendre à
la Corse « sa dignité littéraire » en s’attaquant à une image exotique de l’île imposée par Mérimée et en rompant
avec la soumission du champ littéraire au champ politique. Le parcours de ces écrivains, ainsi que la stratégie
qu’ils mettent en oeuvre pour intégrer Actes Sud, être lu par un large public et consacré par le milieu littéraire,
leur a aussi permis de défendre une conception nouvelle de la Corse et de la littérature corse.
Leur parcours professionnel et personnel influe t-il sur leur entrée en littérature ? Puis, au-delà de la question
politique et/ou personnelle, il faut s’intéresser à la stratégie littéraire mise en oeuvre par Jérôme Ferrari, Marc
Biancarelli et Jean-Baptiste Predali pour être lus et consacrés; une manière de passer du local au national par
le choix d’un éditeur singulier, Actes Sud. C’est à partir de la poétique de ce groupe que je définirai ma propre
vision de la littérature corse contemporaine, de ce que j’entends par cette appellation, de cette littérature qui est
« toujours déjà » dominée.-
Le parcours personnel et professionnel des trois auteurs me renseigne sur les rapports qu’ils entretiennent
avec l’île. Je commencerai par évoquer leur enfance et le thème de l’exil. Car chaque auteur a connu le retour
en Corse ou le départ. Né à Paris, réalisant des études à l’Université Paris I, études qui le mènent à l’agrégation
de philosophie, Jérôme Ferrari décide de s’inscrire au DEA « Langue et civilisation corses » de l’Université de
Corse. Outre le mythe du retour sur le sol natal, thème cher à Jérôme Ferrari, son inscription dans le champ
intellectuel corse traduit une volonté de l’auteur de participer aux problématiques insulaires liées au Riacquistu.
Marco Biancarelli, né à Blida, retourne en Corse à l’âge de dix ans. Loin du mythe du retour aux racines, Marco
Biancarelli étudie les « Langue et civilisation corses » à l’Université de Corse. Son attitude vis-à-vis de la langue
corse peut être perçue de deux façons: une manière de renforcer l’héritage de son père, le Corse de l’intérieur
des terres, et le Corse de l’Université sur lequel il pose un regard critique. Jean-Baptiste Predali est le seul à avoir
passé son enfance et sa jeunesse en Corse. Après le Lycée Fesch d’Ajaccio, il étudie au Lycée Masséna de Nice et à l’ENS Saint-Cloud, pour intégrer enfin le CFJ dans le but de devenir journaliste. C’est une manière de s’implanter
dans le champ intellectuel local puisqu’il débute sa carrière à France 3 Corse.
Leur profession les insère directement dans le champ intellectuel de l’île. Jérôme Ferrari est professeur de philosophie à Bastia. Il a enseigné à Porto
Vecchio, où il a rencontré Marco Biancarelli, à Ajaccio, à Abu Dhabi et à
Paris. Traducteur, éditorialiste, il tient aussi une chronique hebdomadaire
dans le journal catholique La Croix. Marco Biancarelli, de son côté, enseigne
le Corse au Lycée de Porto-Vecchio. Traducteur, dramaturge, chroniqueur, il
est aussi l’animateur de blogs littéraires de langue corse et de langue française.
Comme Jérôme Ferrari, Marco Biancarelli occupe aujourd’hui une
position d’intellectuel longtemps contestée pour ses raisonnements
dérangeants au sujet notamment du nationalisme ou de l’aveuglement
d’une partie du champ intellectuel, préférant ignorer dans les années
90 la violence de la société corse. Jean-Baptiste Predali est journaliste,
d’abord à France Télévision, puis à La Chaîne Parlementaire. Si son
activité professionnelle paraît éloignée de la Corse, l’auteur n’en demeure
pas moins lié à elle par son oeuvre, qui traite exclusivement
de l’île, et par certains de ses articles parus notamment dans la revue A Pian d’Avretu. Son oeuvre porte sur deux périodes sombres de
l’histoire contemporaine corse, à savoir son occupation par l’Italie
mussolinienne (Autrefois Diana) et la désillusion du mouvement nationaliste dans les années 90 (Une affaire
insulaire ; Nos Anges)
Entrée en littérature
Dans Vae Victis, M. Biancarelli écrit: « Mon sentiment est tel qu’il existe ici, comme sans doute partout ailleurs,
deux types d’intellectuels: les officiels, ceux qui chez nous ont par exemple émergé ces vingt dernières années en se
greffant aux différentes institutions de l’île (…), dont la place ne semble pas contestable, et ceux que l’on pourrait
qualifier selon d’où l’on observe de marginaux ou alternatifs, c’est-à-dire ceux, auteurs, artistes, poètes, qui ont
dû se construire le plus souvent hors des circuits du pouvoir, pour exister, se débattre, et faire entendre leur voix
dans une sorte de construction de leur oeuvre que l’on peut comparer à un combat permanent. » L’auteur s’intéresse
à la lutte qui existe au sein du champ intellectuel pour l’obtention de la place. Il évoque une spatialisation
dans laquelle il se trouve en situation de marginalité, de minorité, de dominé. Exister, verbe renvoyant à l’idée
d’être lu, ce que l’édition corse n’assure pas. De son côté, auteur d’un recueil de nouvelles et d’un roman aux
éditions Albiana, Jérôme Ferrari connaît le même problème et souffre de la même difficulté: celle d’appartenir à
un champ éditorial mineur, dominé par le champ politique et ignoré par les lecteurs. Jean-Baptiste Predali n’a
jamais publié chez des éditeurs régionaux et n’est donc pas concerné ici.
Comment cette motivation de s’inscrire en Corse trouve, dans le choix de l’éditeur Actes Sud, la concrétisation
de ce projet qui est de développer une vision nouvelle de la Corse et de sa littérature, une manière d’exister?
Une écriture de la transgression
Leur écriture est considérée en Corse comme polémique, je voudrais traiter des actions de Jérôme Ferrari,
Marco Biancarelli et Jean-Baptiste Predali dans le champ littéraire.
Le style qu’ils adoptent rompt avec les codes esthétiques insulaires.
Dans Vae Victis, M.Biancarelli écrit :
« Ma langue à moi, donc, les a heurtés, comme s’il était réellement sérieux et pertinent de discuter de la langue
d’un auteur (…), mes thèmes d’écriture les ont choqués ou révoltés. Comment pouvait-on écrire en corse sans, la
gorge nouée, les veines du cou gonflées et la face écarlate, hurler qu’on est un militant de la langue? Comment oser
souiller l’idiome de nos ancêtres avec des emprunts populaires ou pire des mots cochons et des images de stupre? »
Une nouvelle fois, je constate que le champ littéraire, en voie de nationalisation, dominé par la question militante,
empêche l’écrivain d’exercer sa liberté de création, sa liberté d’introduire dans le lexique corse des termes
polémiques qui ont pour but de révéler une certaine réalité du lieu à partir duquel l’auteur écrit. Car c’est aussi
un message politique qui est combattu, au-delà de l’acte libérateur réalisé par Biancarelli, celui d’une illusion
communautaire.
Le thème central des romans de Marco Biancarelli demeure celui du « suicide collectif »: une terre, livrée à elle-même, sur laquelle des habitants censés partager les mêmes valeurs se livrent une guerre impitoyable
pour le pouvoir ou la survie. Jean-Baptiste Predali, lui aussi, en s’attachant à la description d’une Corse collaborant
avec l’occupant fasciste ou d’une Corse livrée aux désillusions nationales, développe des thèmes polémiques.
De plus, au sujet de leur poétique, ces auteurs luttent contre « une image exotique de la Corse », collant à l’île
et à ses habitants depuis Colomba. « Mon roman, Orphelins de Dieu, est un anti-Mérimée.
Je reviens aux sources orales de l’île, à sa culture populaire. Dans cette Corse plus
réelle, se déploie une violence bien plus médiocre que celle qu’a héroïsée Mérimée. Oui,
Mérimée est quelque part dans ma conscience. » Face au cliché, Marco Biancarelli
propose une Corse réaliste, travaillée à partir de la culture populaire de l’île et non
de la vision, du « dominant », du « colonisateur », pour reprendre son vocabulaire.
Publiés chez Actes Sud, maison fondée dans les années 80 par l’écrivain Hubert
Nyssen, pour justement contester l’hégémonie parisienne, ainsi que pour proposer
des oeuvres et un fonctionnement éditorial différents, par le choix d’oeuvres
de langue moins prestigieuse sur le marché mondial de l’édition (catalan,
corse). Jérôme Ferrari y sera publié en 2006 avec Dans le secret. Depuis ce jour,
l’intégralité de son oeuvre est publiée chez Actes Sud et son premier recueil,
Variétés de la mort, a été racheté par la maison. Seuls Aleph zéro, son premier
roman, reste disponible chez l’éditeur régional Albiana et son dernier
livre, À fendre le cœur le plus dur, co-écrit avec l’écrivain Eric Rohe, a été publié aux éditions Inculte. De son
côté, Jean-Baptiste Predali a toujours été publié chez cet éditeur et est le pionnier des auteurs corses dans la
maison puisqu’il l’intègre en 2003 avec Une affaire insulaire. M. Biancarelli intègre les éditions Actes Sud par
la publication de Murtoriu dans le domaine étranger. Un changement de langue important se confirme avec la
publication d’Orphelins de Dieu en 2014.
Des auteurs qui se reconnaissent
Enfin, pour comprendre cette notion de groupe, il faut encore revenir sur les liens qui existent entre ces trois auteurs.
Premièrement, ils se lisent. Marco Biancarelli a lu Une affaire insulaire et en fait mention sur le site de FX
Renucci.. Il ajoute d’ailleurs un élément au sujet de la publication d’un article de Jean-Baptiste Predali dans la
revue A Pian d’Avretu, portant sur Bob Dylan. Jérôme Ferrari lit également Jean-Baptiste Predali puisqu’il écrit
la chose suivante à son sujet: « Je suis très heureux de lire un article sur l'oeuvre de Jean-Baptiste Predali. Voilà un
auteur dont, pour le coup, on ne parle jamais. »
Un événement, organisé par Musanostra a pour la première fois
réuni les trois auteurs à Lozzi, au cœur de la Corse : les échanges autour du choix de la langue et de leur horizon
culturel respectif ont été fructueux (Musanostra.fr, archives, Café littéraire d'août 2014)
La citation, placée en exergue de cet article, montre bien qu’il existe une relation particulière entre eux, qui
définit toute une poétique insulaire contemporaine autour d’un objectif commun. Jérôme Ferrari et Marco
Biancarelli sont très liés amicalement et littérairement. Le premier est ce que l’on pourrait nommer avec Pascale
Casanova un consacré-consacrant. C’est-à-dire un écrivain, reconnu par des instances de consécration,
qui donne un peu de son prestige à un autre écrivain dans le but de le faire accéder à la visibilité littéraire. Lors
de la traduction de Murtoriu, Jérôme Ferrari écrit: « Ce que j'espère, c'est que la traduction de « Murtoriu » soit éditée dans une maison d'édition nationale, pour que le livre ait ses chances. Les livres de Marco n'arrivent pas à
avoir une vraie réception. Ils souffrent d'abord d'être diffusés à une échelle trop régionale; puis il y a un problème
sociologique qui fait que personne n'imagine qu'un bouquin traduit du corse puisse être une traduction d'une
langue étrangère. C'est épuisant de faire un livre et de savoir par avance qu'il aura maximum vingt lecteurs. C'est
dur de continuer à écrire dans ces conditions-là. » Toutefois, Marco Biancarelli joue un rôle considérable dans
la carrière de son ami. C’est lui qui promeut le roman Balco Atlantico à Porto-Vecchio pour que le romancier,
encore méconnu, puisse vendre et communiquer autour de ses ouvrages. C’est également lui qui rédige l’article
du journal Libération daté du 17 et 18 novembre 2012 sur la consécration de Jérôme Ferrari. C’est aussi lui qui
permet à l’auteur du Sermon sur la chute de Rome de progresser dans son écriture. La traduction des oeuvres de
Biancarelli influence inévitablement le Prix Goncourt qui tente à sa manière de s’approprier le style acerbe de
son ami.
Je remarque donc qu’une poétique partagée, associée à une série d’actions coordonnées dans le but d’intégrer
Actes Sud, conduit à l’édification d’un groupe dont la spécificité est de redonner à la Corse sa place dans le champ intellectuel et littéraire aussi bien national que mondial.
-III
La littérature corse, tentative de définition
Différentes notions de littérature nationale s’affrontent dans le champ intellectuel corse. Je désirerais revenir sur
la notion canonique de littérature nationale. J’entends par là un corpus d’oeuvres et d’auteurs de langue corse.
Ce corpus existe puisque Jean-Guy Talamoni l’a théorisé. Il s’agit du Primu Riacquistu, période dans laquelle
on retrouve des écrivains comme Sébastien Dalzetto, auteur de Pesciu anguilla ou encore Santu Casanova, le
créateur de la revue A Tramuntana, auteur cité d’ailleurs par Marco Biancarelli dans Orphelins de Dieu.
Toutefois, il existe une autre proposition concernant la littérature corse qui n’exclut pas les textes écrits dans
d’autres langues que la langue corse. C’est une thèse désirant intégrer toutes les expériences capables de rendre
compte du rapport à l’insularité. Cette définition est défendue par Jean-Guy Talamoni dans Littérature et politique
en Corse. Je cite: « (…) Considérer comme faisant partie de la littérature corse les textes mobilisants deséléments de notre imaginaire national- mythes, thèmes, motifs, figures- (…). » Néanmoins, cette dernière idée
me gêne. La proposition de Jean-Guy Talamoni laisse de côté la dimension linguistique au profit de la dimension
politique. La littérature corse se définirait à partir d’un ensemble d’éléments appartenant à « nos »
lieux de mémoire comme la vendetta, le châtaignier, les valeurs guerrières etc. Elle me paraît encore beaucoup
trop large pour définir la littérature corse dans la mesure où il m’est très difficile d’établir l’« imaginaire
national » d’une société qui a renoncé à cette culture traditionnelle et à l’idée même de former une nation.
Il me reste a lors à définir ce que j’entends par la littérature corse contemporaine.
Contrairement à Jean-Guy Talamoni, je crois en l’importance de la langue, je crois que ce qui définit la littérature
corse contemporaine, c’est un certain sabotage du français, une manière d’introduire dans cette
langue une pratique qui vient contrarier, saborder en son sein un usage dominant de la langue. C’est ce
que Gilles Deleuze et Félix Guattari définissent sous l’appellation de « littérature mineure »: « Une littérature
mineure n’est pas celle d’une langue mineure, plutôt celle qu’une minorité fait dans une langue majeure.»
Dans cette phrase se trouve peut-être la réponse au changement de langue de Marco Biancarelli et
au choix du français par les écrivains de mon corpus. Il s’agit de restituer des expériences du déchirement,
des expériences qui rendent compte d’un adieu à la culture corse, d’un adieu à cet imaginaire national devenu
inaccessible si ce n’est dans une construction ayant pour vocation un projet politique réactionnaire.
Les héros des romans étudiés racontent cette expérience de l’impossible retour aux origines ; et si l’on considère
avec Pascale Casanova que la traduction ne désigne pas simplement l’adaptation d’un texte dans une
langue ciblée, mais « toute la série des stratégies visant à faciliter le passage de la frontière littéraire », Jérôme
Ferrari, Jean-Baptiste Predali et Marco Biancarelli sont des auteurs « toujours déjà » traduits dans la mesure
où ils rendent compte « d’une dépendance littéraire », d’une langue qu’ils sont à la fois contraints de parler
parce qu’elle est la langue de la littérarité, et celle qui s’est substituée à une culture perdue. En somme,
la définition que je peux donner de la littérature corse contemporaine est celle d’une expérience de la domination
faite dans une langue dominante. Murtoriu ne désigne pas le contre-exemple de mon argumentation,
mais son symbole : celui d’un personnage ayant fait de la langue de ses parents son abri jusqu’au jour où la
mort de Mansuetu, son ami, le conduise à renier son impossible combat au profit de la vie. Murtoriu représente
alors le passage du corse au français, de l’impossibilité de résister à la domination. Un renoncement.
Exilé sur sa propre terre.
C’est peut-être l’expérience que ces auteurs mettent en perspective. Leur principale motivation a été de s’inscrire
dans le champ intellectuel de leur île. Pour ce faire, ils ont développé une poétique transgressive les ayant
conduits à la marginalité au niveau local et à la recherche d’un éditeur national, Actes Sud, qui, par sa politiqueéditoriale contestataire, favorable à la diversité, leur a garanti une existence dans le champ. Cette stratégie
m’a enfin permis d’établir une nouvelle conception de la littérature corse, une conception contemporaine
de cette littérature que je qualifie de mineure si je pense à Gilles Deleuze et à Félix Guattari; de traduite, si je
songe à ces mots de Pascale Casanova : « Pour un écrivain dominé, lutter pour l’accès à la traduction, c’est en
effet lutter pour son existence même en tant que membre légitime de la République mondiale des Lettres, pour
l’accès aux centres, aux instances critiques et consécratrices, pour être lu par ceux qui décrètent que ce qu’ils
lisent vaut d’être lu etc. »
Kévin Petroni.
Comme chaque année, la programmation de printemps de l’Institut Français d’Alger fait la part belle à littérature en général, et en particulier à la poésie, avec une déclinaison algérienne du Printemps des poètes.
Printemps des poètes Retour à la listeLectures, spectacles, ateliers, animeront cette fin de semaine à l’Institut, mais aussi chez des partenaires extérieurs comme la Galerie Benyaa ou le centre archéologique de Tipasa qui nous accompagne depuis deux ans pour le Tipasa des Poètes, coorganisé avec l’AARC. Cette année, des poètes insulaires viendront nous rendre visite, ainsi que les éditions Bruno Doucey, qui éditent depuis quelques années de la poésie algérienne de langue française et notamment la documentariste Habiba Djahnine.
Pour l’édition du Printemps des poètes 2016,
la Corse sera à l’honneur avec :
Danièle Maoudj, poétesse
Co-fondatrice du Festival du Film des Cultures Méditerranéennes de Bastia, membre
du Festival du Film International Amazigh en Algérie. Poétesse. Dernier ouvrage paru
“L’eau des ténèbres” Colonna édition 2016.
Norbert Paganelli, poète
Président de l’Association PERFORMANCE (escales poétiques). A publié de nombreux
ouvrages en langue corse en édition bilingue. Prix du livre corse 2015.
Dominique “Dumé” Ottavi, chanteur
Homme de paroles, c'est un poète qui chante, un chanteur qui écrit, un écrivain qui conte, un conteur qui musique, un musicien qui joue à plein la comédie du vivre, du sentir, et du dire. Paroles Nomades et Voix Multiples: Dominique Ottavi
Ange François Filippi, éditeur (Colonna Editions).
Mercredi 23 mars à partir de 18h00 à la galerie Benyaa
Jeudi 24 mars à partir de 18h00 à l’Institut Français d'Alger
Samedi 26 mars à partir de 9h00 à Tipaza
Decembre 2015
Isabelle Luccioni - 14/12/2015
Trente-cinq auteurs corses qui se réunissent pour lutter contre le racisme, la xénophobie, le rejet de l'autre.
Trente-cinq personnalités différentes, aux options politiques et philosophiques aussi diverses qu'il y a d'individus unis dans un même cri : "La Corse, ce n'est pas ça !"
Pas cette société confinée dans ses égoïsmes qui ne voit pas plus loin que le bout de son jardin ou la porte de son immeuble.
Pas ces gens, pétris de leur propre certitude, incapables d'entendre et de reconnaître leur voisin comme un être humain parce qu'il porte en lui deux ou trois différences minimes.
Pas ces ovnis (objets votants non identifiés) qui se mobilisent pour un chien blessé (ce qui est louable) et gardent l'oeil sec devant le cadavre d'un enfant.
L'idée a été lancée et a prospéré grâce à Jean-Pierre Santini (qui est opportunément responsable de la maison d'édition A fior di carta) et Norbert Paganelli.
Et les auteurs ont joué le jeu.
Une forme d'ironie en fait. Éditeur contre éditeur, puisque la tête de liste du FN insulaire s'est aussi spécialisé dans la chose écrite...
Réunis par Jean Pierre Santini, 35 écrivains insulaires publient un ouvrage collectif témoignant de leur engagement contre la xénophobie ambiante. Parution le 5 Décembre prochain.
Parution chez Recours Au Poème Editeurs du dernier recueil d'Etienne Orsini :Un Visage ne va pas de soi (en format numérique).
Présentation de ce livre par l'auteur, ainsi que Un paysage à l'arbre près, au centre culturel de Porticcio, le vendredi 30 octobre 2015, à partir de 16h30.
Une nouvelle rubrique consacrée à la littérature corse sur le net devenait indispensable, vu l'ampleur du phénomène.
Dans la quantité de blogs, j'en retiendrai trois pour commencer : "Musanostra", "Invistita" de Norbert Paganelli et le blog de Marcu Biancarelli, ainsi que le nouveau site Tarrori è fantasia, sur lequel vient de s'illustrer notre amie Marilena Verheus avec une surprenante nouvelle, "Intervirtualità"...
Je citerai aussi
"Pour une littérature corse", bien qu'il soit arrêté depuis deux ans. Mais les archives (passionnantes) sont encore accessibles.
05/02/2011
28/01/2011
19/12/2019
de Patrizia Gattaceca (Albiana éditions)
Une formidable fresque sur la chanson corse et sa place dans le mouvement de renouveau culturel des années quatre-vingt. Théâtre, littérature, spectacles vivants, arts visuels, cinéma, le chant corse s’est glissé dans tous les espaces avec un rare bonheur. Un livre pour dire l’amour de la langue, du chant, de la musique, des interprètes et de la Corse.
Lire les dfférents articles ci-dessous.
La musique corse a connu au cours des quarante dernières années un essor sans égal. Au début des années 70, porté par le mouvement revendicatif, politique et culturel du Riacquistu, elle a vu naître des dizaines de groupes et s’exprimer tout autant d’artistes : chanteurs, musiciens, paroliers...
Elle a permis aussi à des entreprises (producteurs, studios d’enregistrement ...) de s’installer durablement mais surtout elle a conquis des lettres de noblesses tant dans l’île qu’à l’extérieur.
Dans cet excellent ouvrage Patrizia, auteur-compositeur-interprète-poète-comédienne, nous révèle comment certaines façons de chanter ont pu survivre au fil des années....
Aucun genre n’a été délaissé dans ce fabuleux tourbillon créatif : variété, pop, jazz, classique... Patrizia nous prouve qu’existe aujourd’hui un son « corse », une façon de chanter qui a su séduire les publics mais aussi les plus grands artistes de world music, parmi les plus créatifs.
Une chanson corse qui a aussi su intégrer les apports des cultures musicales les plus diverses venues du monde entier : Pays basque, Géorgie, Irlande, Japon... et hisser la Corse au niveau des autres grandes régions de tradition musicale.
La production discographique de ces années d’essor est elle-même remarquable puisque de quelques unités annuelles, les sorties d’albums corses se sont élevées parfois à plusieurs dizaines par an.
C’est une Mossa, une lame de fond qui a déferlé sur l’île et au-delà qui a installé durablement ses mélodies, ses textes, ses voix inoubliables. Et Patrizia Gattaceca fait partie de ces voix, ayant en effet enregistré son premier 45 tours à l’âge de 18 ans, collecté des chants villageois qui étaient en passe de disparaître, participé aux enregistrements de certains des groupes phare des années 1970-1980 comme Canta u Populu Corsu ou Chjami aghjalesi.
C’est elle qui a fondé le tout premier groupe exclusivement féminin (E duie Patrizie puis Soledonna) et a été partie prenante de nombreuses expériences musicales retentissantes (Nouvelles Polyphonies Corses, etc.).
Elle a aussi œuvré en solo en tant qu’auteure-interprète, mais aussi en tant qu’actrice de théâtre. Témoin privilégié du Riacquistu par son engagement militant pour la langue et la culture de son île, Patrizia Gattaceca retrace le chemin parcouru par cet ensemble disparate et cohérent, ces créateurs, ces chantres du partage, ces voix nouvelles qui ont porté le Cantu in mossa.
Un livre superbe, émouvant, richement illustré. Une belle idée de cadeau en cette période de fête. Un cadeau à s’offrir ou à offrir aux passionnés de chants et de culture corses.
Patrizia Gattaceca : « U cantu in mossa - Le chant corse sur la voie » aux éditions Albiana
Source : http://www.corsenetinfos.corsica
Elle fait partie de ces quelques femmes qui, dès les années 1970, on participé au "riacquistu". Patrizia Gattaceca publie le fruit d'un long travail : "Cantu in mossa, le chant corse sur la voie".
Par Pierre-Olivier Casabianca - 18/12/2016
Patrizia Gattaceca raconte l'histoire de la chanson corse
Interviews : Patrizia Gattaceca, chanteuse, auteur de "Cantu in Mossa"; Antonu Marielli, auteur-compositeur-interprète, et fondateur de Diana di l'Allba
Elle y raconte presque un siècle de chanson corse, avec des documents que beaucoup n'ont pas eu l'occasion de voir depuis bien longtemps... Patrizia Gattaceca évoque, bien entendu, le riacquistu qui revient au-devant de la scène dans les années 70.
"Un retour qui n'avait rien de nostalgique. C'est un grand mouvement de réappropriation mais surtout de création. C'est à dire aller chercher ce qui était enfoui, ce que nous nous sommes réapproprié pour que ceci nous serve à aller de l'avant et à créer", explique Patrizia Gattaceca.
Source : http://france3-regions.francetvinfo.fr
Et une nouvelle recension sur la revue italienne "Musica Maestro" :
Une réédition bienvenue, celle
de Cantu
Nustrale de
Ghjermana de Zerbi. Le première édition de cet
ouvrage paru en 1981 était depuis longtemps épuisée. Nanne, Canti pè i
zitelli, Serinati è canti d'amore, Lamenti d'amore, Canti di donne,
Cuntrasti, Canti di a cuscrizzione, Canti di travagliu, Paesi è
stagioni, Canzone d'elezzioni, Canzone scherzose è per ballà, Lamenti,
Voceri è ballate, Cantu indiatu, Inni et enfin Paghjelle sont les
chapitres de cet ouvrage de référence qui passionnera tout amateur de
chant corse.
Cette troisième édition est pratiquement réalisée à
l'identique de la première. Deux innovations : l'indication de
l'incalcu (accent tonique)
ainsi que des tablatures. L'auteure prépare,
avec Mighele Raffaelli, une Antulugia
di u Cantu nustrale que nous
attendons avec impatience.
Un article de "Corsica" à télécharger :
http://info.club-corsica.com/cul_125_001.pdf
Pour commander (franco de port : 20 € par exemplaire chèque
libellé à Colonna édition)
A FILETTA Tradition et ouverture
- De la polyphonie corse au
chant du monde :
- par fax : au 04 95 25 30 67
- par tel : au 06 75 33 50 49
- par mail : à colonnadistria.jj@wanadoo.fr ou sur le
site de l'éditeur (paiement sécurisé Paypal)
- par courrier : Édition Colonna - La maison bleue - Hameau
de San Benedetto
20167 Alata.
J'ai ouvert une page spécifique pour mon livre. Suivre ce lien. Et la page Facebook est là.
Sur une idée initiale de Gerda-Marie Kühn, la réalisation du projet de trois passionnés : offrir les paroles de chansons diverses en corse, en français et en allemand, traduites en français par Ghjacumu Fusina (lui-même auteur de certaines de ces chansons), en allemand par Gerda, et richement illustrées par les photos de Harald Zeiher.
A découvrir également ici (en allemand) :
http://www.erlebtemusik.de/isula.htm
Les personnes intéressées par l'acquisition de cet ouvrage (25 € port compris) peuvent me contacter. Pour renseignements et/ou commandes: kuhn-korsika@wanadoo.fr
Après Une
odeur de figuier sauvage, chronique villageoise d'une
enfance dans la Casinca, Antoine Ciosi poursuit le récit de la vie
singulière d'un Corse dans le Paris des années 50.
Antoine Ciosi donne libre cours à son amour de la terre natale,
chantant avec bonheur la ruralité perdue, son parfum et son
authenticité, dans ce véritable hymne à l'île de Beauté.
Antoine Ciosi montre tous ses talents de conteur en lisant un passage de son livre, qu'il illustre également en
chantant a cappella de sa voix à la tessiture exceptionnelle. Un très grand Monsieur.
complète admirablement la suite autobiographique d'Antoine Ciosi.
Historien,
amoureux de musiques et de livres, Philippe-Jean Catinchi,
que les spectateurs des Rencontres de Calvi connaissent bien, célèbre
le métissage.
Son livre s'ouvre sur une vingtaine de lignes éclairantes
d'Erri de Luca. Le renouveau des polyphonies s'inscrit pour
Philippe-Jean Catinchi dans la recherche et la revendication d'une
identité, même si diverses influences méditerranéennes se retrouvent
dans ces « voix de la montagne ». Cet ouvrage très dense présente aussi
une « Petite anthologie de poésie vocale corse », paghjelli, lamenti,
voceri et hymnes guerriers, mais aussi un glossaire, une bibliographie
et une discographie, sans oublier le CD.
Tout simplement indispensable.
Non moins indispensable !
Un livre passionnant sur l'histoire des musiques de Corse, à partir d'une lecture renouvelée de la notion de musique traditionnelle.
L'auteur, musicien de jazz et membre de
l'association Voce Cumune,
dresse un inventaire de l'ensemble des formes musicales corse, en les
replaçant dans l'espace musicologique méditerranéen. Passionnant.
Parution : 30-10-2014
«L'art poétique des polyphonies corses, connu de moi dès l'enfance, m'a portée à aimer le baroque, Ovide, le chant grégorien, les sonnets de Shakespeare, l'expression du désir anéanti, du désastre, de la langue perdue, Giotto, Piero della Francesca, la couleur terre de Sienne, les gisants napolitains, l'Iliade d'Homère, les messes des morts, le Miserere d'Allegri, les lamenti, la profonde solitude, Les Regrets de Du Bellay, l'amitié de haute valeur, la révolte, le vertige du ressassement et, par-dessus tout, l'instinct artistique.»
Né d'une pérégrination dans divers lieux de concerts de l'île et d'une réflexion sur la musique et sur l'art, ce récit nous invite à une flânerie chaleureuse dans l'imaginaire corse, qui touchera les amateurs de musique, au-delà des aficionados de la polyphonie insulaire.
Collection Blanche, Gallimard
464 pages, 140 x 205 mm
Achevé d'imprimer : 15-10-2014
Janvier 2019
Les soixante-treize chants présentés ici ont été recueillis en Corse par Felix Quilici au cours d'une vaste campagne de collecte réalisée dans les années 1960. De tradition orale, ces chants sont, pour plus de la moitié d'entre eux, publiés ici pour la première fois. Ils témoignent de la vie quotidienne et spirituelle de l'île, comme d'une vive inspiration collective et individuelle. Ainsi nous sont transmis de beaux récits de vies et une littérature poétique et riche. La transcription des textes et leur traduction en français par Ghjuvanteramu Rocchi accompagnent les enregistrements originaux qui composent les 3 CD. Une anthologie remarquable, pensée par Felix Quilici avant sa disparition et aujourd'hui menée à terme.
Musicien classique de formation, Félix Quilici fut l'un des pionniers de l'ethnomusicologie en France. Ghjuvanteramu Rocchi, l'un des grands poètes corses, a été le précurseur de l'enseignement de la langue corse.
a
Premier guide pratique de reconnaissance des plantes insulaires à partir de photos détaillées, l'ouvrage est destiné à accompagner les amoureux de la nature, simplement glissé dans une poche. Deux photos par page, un descriptif succinct de la plante et quelques infos pour en savoir plus permettront au lecteur un usage simple, rapide et fiable in situ. L'ouvrage fait partie d'une collection de trois (étage littoral, étage montagnard et le présent : étage méso et thermoméditerranéens ou de basse et moyenne altitude). Il est bâti selon le principe des végétations associées (lieux humides, maquis, forêts, etc.).
Alain Gauthier a reçu le prix « Sciences » du Prix du Livre Insulaire à l’occasion du 9ème Salon International du Livre d’Ouessant pour :
La Corse est une montagne dans la mer. Son relief, sa nature et l'art d'y habiter ont été façonnés par une histoire géologique très originale...
Le texte du jury
Cet ouvrage de deux cent soixante dix-huit pages, riche de
centaines
d'illustrations, a pour ambition de faire comprendre au travers
d'observations locales, la géologie de la Corse et l'importance que
revêtent les roches dans la structure des paysages comme dans le
quotidien des Corses.
L'iconographie est remarquable, le propos scientifique de haute tenue,
avec un souci constant de vulgarisation. Intitulé "Allons sur le
terrain", le cœur du texte invite à une promenade géologique dans la
Corse occidentale que l'on pourrait aussi qualifier de Corse ancienne
granitique puis dans la Corse orientale qui relève du plissement alpin,
pour finir dans les paysages composites qui forment la transition entre
la Corse granitique et la Corse alpine.
Mais avant d'aborder cette promenade géologique, le lecteur est initié
aux bases de l'histoire géologique de la Corse et aux différents types
de roches ; puis lui sont présentés les usages qui ont été faits des
roches à travers les âges pour s'abriter, se nourrir, se défendre, se
déplacer, prier. Sont également évoqués l'exploitation minière et le
thermalisme. Au final, cet ouvrage prouve que la vulgarisation de haut
niveau est possible en géologie et surtout que le livre en reste le
vecteur naturel.
La côte entre Campomoro et Senetosa est désormais protégée par le
Conservatoire du littoral et les communes de Sartè, Grossa et
Belvidè-Campumoru. Cet ouvrage se présente comme une promenade dans ces
"jardins du vent", joliment illustrée d'aquarelles de Denis Clavreul.
Du Cap Corse aux bouches de Bonifacio, de l’étang de Biguglia au sommet du Monte Cardu, la Corse offre une exceptionnelle diversité de paysages et de milieux. Haute montagne, plaines et piémonts, forêts et maquis, pozzines et cours d’eau, littoral et marais d’eaux saumâtres, sans oublier les espaces villageois et urbains, sont autant d’habitats pour une faune et une flore où coexistent espèces dites communes et espèces rares ou endémiques.
Gilles Faggio et Cécile Jolin nous convient à la découverte de cette précieuse biodiversité et nous font partager leurs connaissances et leur passion. Leur livre est une invitation à arpenter les chemins de Corse et à découvrir, observer et admirer une nature accessible à tous. Sitelle de Corse, panicaut de mer, mouflon de Corse, pin laricio, posidonie, anax empereur, grande noctule, ciste de Montpellier, lézard tyrrhénien, goéland d’Audouin, discoglosse corse, chêne-liège… sont quelques-unes des nombreuses espèces d’oiseaux, d’insectes, de poissons, de mammifères, de batraciens, d’arbres, de plantes et autres, rencontrées dans cet ouvrage. Près de 300 photographies et dessins illustrent le propos, complété par un glossaire et une carte.
Gilles Faggio est chargé de mission au Conservatoire d’espaces naturels de Corse. Ornithologue, il a participé à une centaine d’articles scientifiques, documents de vulgarisation et rapports d’études.
Cécile Jolin est naturaliste, spécialisée en ornithologie, herpétologie et batrachologie. Que ce soit en Normandie, en Bretagne ou en Corse, elle a participé à plusieurs études scientifiques concernant les oiseaux.
Je n'ai vu que la vidéo (signalée par Carole
sur son site) qui fait la promotion du nouveau guide Hachette sur la
Corse ; ce petit film fait espérer un guide sortant des sentiers battus.
Je vous en reparle dès que je l'aurai eu entre les mains !
Chose promise, chose due : ce guide est excellent. Quelques belles randonnées en fin d'ouvrage
Réédition aux Editions Alain Piazzola de la "bible" de la littérature
corse publiée en 1973 par Klincksieck.
De Salvatore Viale à Noêl Rocchiccioli en passant par Santu Casanova,
Dominique Carlotti et Anton Francescu Filippini...
Evidemment, compte tenu de la date de parution initiale, le lecteur ne
doit pas s'attendre à y trouver "a generazione di u 70".
Néanmoins tout aussi indispensable qu'à l'époque !
L'auteur a accepté de répondre à un lecteur curieux de Musanostra
Bonjour M. Talamoni,
Vous venez de faire paraitre un livre de 471 pages, aux éditions Albiana, sous le titre "Littérature et politique en Corse". C'est en fait la publication tant attendue de votre thèse soutenue à l'Université de Corse en décembre 2012 ; pouvez-vous expliquer quels en ont été les fils conducteurs, quel était votre dessein, ou tout simplement comment vous avez cheminé, autour de quelle problématique ?
Faut-il retenir la première phrase de la quatrième de couverture ?
La quatrième de couverture, rédigée par l’éditeur et que j’ai évidemment validée, me paraît donner une idée exacte du contenu. Le résumer en une phrase : « Ce livre cherche à mettre au jour ce que nous dit la littérature corse sur la société insulaire d’hier et d’aujourd’hui. » Il s’agit donc de confronter la production littéraire des Corses eux-mêmes à la doxa, à la littérature romantique française, à l’ethnotype produit par la pensée simplifiante, à l’image d’Epinal en somme.
La question à laquelle j’ai tenté de répondre est donc : « La littérature corse et la littérature sur la Corse délivrent-elles la même vérité au sujet de notre peuple ? » Vous l’avez compris, ma réponse est largement négative : un travail méthodique sur les textes corses permet de faire litière de l’image d’Epinal.
Une thèse en un livre, avez-vous eu des difficultés à la réduire ? Est-ce l’éditeur qui s’en est chargé ?
En fait, elle n’a pas été réduite. L’éditeur a estimé qu’il était préférable de la conserver dans son intégralité. Seul l’intitulé et quelques titres ont été modifiés. La partie préliminaire (méthodologie et épistémologie), plutôt courte, est un peu technique. Certains lecteurs passeront directement à la première partie. À partir de là, le caractère universitaire est beaucoup plus discret et le texte se lit sans difficulté aucune. C’est du moins ce que m’ont assuré mes premiers lecteurs.
Sur la couverture, une photo de la Giustificazione… En quoi cet ouvrage d’il y a quelques siècles vous semble-t-il mériter cette place privilégiée ?
Il s’agit d’une proposition de l’éditeur. Elle était très logique puisque cet ouvrage est celui qui m’a servi de base pour repérer les éléments de l’imaginaire corse (mythes, thèmes figures…), à l’œuvre dans la littérature insulaire. Ensuite, j’ai suivi ces éléments à la trace dans les textes postérieurs, jusqu’à aujourd’hui. Pourquoi avoir choisi ce texte comme base ? Simplement parce que c’est un livre remarquable : un texte emblématique – le plus important de la période paolienne –, un texte politique, diplomatique mais également littéraire. Il constitue en outre une bible de l’imaginaire corse.
Quatrième de couverture… Partez-vous de l’idée que toute écriture est politique ou y a t-il quand même en Corse une littérature qui vise juste à faire du Beau ?
Tout dépend du point de vue. Pour l’auteur, toute littérature n’est pas forcément politique : le plaisir de composer un poème peut suffire, évidemment. Ou encore le besoin d’exprimer ce qui est en soi : par exemple, Lucciardi aurait commencé à écrire au moment de la mort de son fils. En sens inverse en revanche, pour le critique littéraire, il y a peu – ou pas – de textes qui n’ont qu’une dimension esthétique. Tout écrit délivre, il me semble, un enseignement d’ordre politique, en ce sens qu’il révèle – souvent à l’insu de l’auteur – certains éléments d’un système de valeurs propre à une société, voire d’une idéologie. Mais pour en revenir aux motivations des auteurs corses, l’enquête montre que ceux du premier Riacquistu (1896-1945), comme ceux du second (années 1970), ont clairement conscience de défendre, à travers leurs activités littéraires, la langue et l’identité corse. Il s’agit là de toute évidence d’un objectif politique.
Et cette littérature qui révèle les idéologies est-elle la même ici qu’ailleurs ?
Sur le plan du système de valeurs, l’étude du corpus corse met en relief des thématiques attendues, comme les armes, la vengeance, la guerre, la figure du bandit, le maquis, etc. Rien de très surprenant de ce point de vue. En revanche, ce qui est très intéressant c’est le contenu réel de ces éléments lorsque l’on sort de la pensée simplifiante et de l’éthnotype produit notamment par la littérature romantique française (Mérimée par exemple). L’approche complexe permet de s’apercevoir que la glorification des armes n’existe dans les textes corses que lorsque ces armes ont un usage public (la guerre pour défendre le pays, qu’il s’agisse de la Corse, comme au XVIIIe siècle, ou de la France, comme durant les deux conflits mondiaux). Lorsqu’elles ont un usage privé (vengeance par exemple) les armes ne sont pas valorisées. La figure du vengeur non plus d’ailleurs, à la différence de ce que l’on peut voir par exemple en Albanie. En Corse, le bandit est décrit comme un « malheureux » (disgraziatu), vivant dans une situation précaire. Le maquis n’est pas un refuge prestigieux mais un véritable enfer. Les textes corses insistent sur les privations matérielles et affectives qu’impliquent la vie au maquis… Enfin, la vendetta n’est nullement glorifiée mais présentée comme un choix par défaut : par exemple le lamentu de Ghjuvan Camellu Nicolai justifie la vengeance par le fait que la Cour d’Assises n’a pas rendu justice à la famille de la victime. C’est quelque chose que l’on rencontre beaucoup dans les textes, qu’il s’agisse de lamenti ou de romans…
Sur le plan de l’idéologie politique…
Sur le plan de l’idéologie politique, les textes sont également riches d’enseignements. Ils nous montrent comment s’est développée une pensée politique authentiquement corse à partir de la Révolution corse du XVIIIe siècle. Cette pensée est toujours d’actualité, de la même façon que la pensée politique française demeure de nos jours largement structurée par la Révolution française. Or ces deux révolutions ont été d’inspirations fort différentes. Comme l’a notamment montré Hannah Arendt, la Révolution française s’est développée autour du mot d’ordre d’« Egalité », elle a été fondée sur des abstractions comme la « volonté générale », elle a en outre consommé une rupture totale avec la tradition, notamment religieuse. En Corse, le mot d’ordre fut « Liberté », les abstractions ne furent point à l’honneur mais l’on fit plutôt application d’un certain réalisme machiavélien, propre à la pensée politique italienne. Par ailleurs, les Corses se refusèrent à rompre avec la tradition religieuse. Sur tous ces points, la Révolution corse a davantage préfiguré la Révolution américaine que la française… Tout cela est très important et il ne s’agit pas d’histoire ancienne : en France nombre d’acteurs politiques demeurent dans le fil de la Révolution française et du jacobinisme, lorsqu’ils ne se réclament pas explicitement de Robespierre comme Mélanchon… En Corse, l’héritage du paolisme n’est pas seulement revendiqué par le tiers de l’électorat qui vote nationaliste mais également par les forces dites « traditionnelles »… Il y a là sans doute une explication des difficultés persistantes entre la Corse et Paris, même si ce n’est sans doute pas la seule.
Vous apportez une approche qui va sûrement influer sur la façon d'appréhender dorénavant l'histoire de la littérature corse, celle de Primu riacquistu ; qu'est-ce qui le caractérise ?
En fait, s’agissant de cette période, j’ai voulu contribuer à en réévaluer l’importance. On parle généralement de littérature du « mentenimentu » (maintien), alors qu’il me semble réducteur de qualifier les auteurs de cette époque de simples mainteneurs, comme ceux du Félibrige. Je crois avoir démontré dans ma thèse qu’il y avait en fait un projet non seulement linguistique et littéraire, mais également politique, tout comme lors du « Riacquistu » (Réappropriation) des années 1970. C’est pour cela que j’ai proposé l’expression de « Primu Riacquistu ». Dans l’un et l’autre cas, ce qu’il s’agissait de se réapproprier c’était l’ensemble des attributs nationaux dont la Corse avait disposé au XVIIIe siècle. C’est très exactement ce qu’écrivent les auteurs de A Cispra en 1914 : « A Corsica ùn hè micca un dipartimentu francese mà una nazione vinta chì hà da rinasce ».
Les premières pages de ce livre, disons jusqu'à la page 55, révèlent l'ampleur de la tâche à laquelle vous vous êtes consacré ; après études de droit, travail de juriste, actions sur le terrain politique, comment avez-vous approché les notions d'analyse littéraire ( le jargon) ?
Ma thèse étant par nature transdisciplinaire, elle impliquait que je mette en œuvre des outils théoriques extérieurs à ma formation de juriste et à mon expérience de praticien de la politique. Il se trouve que je m’intéressais par ailleurs, depuis fort longtemps, à la littérature et à la critique littéraire. J’ai essayé d’utiliser les instruments à ma disposition.
Vous évoquez Julia Kristeva et sa présentation de "l'intertextualité" ; y a t-il un texte en corse, en italien, en latin ou en français dont vous avez pensé qu'il serait l'exemple idéal, le Jehan de Saintré d'ici?
Grande serait la tentation de choisir la « Giustificazione ». Julia Kristeva observe que « la structure du roman français au XVe siècle peut être considérée comme le résultat d’une transformation de plusieurs autres codes : la scolastique, la poésie courtoise, la littérature orale (publicitaire) de la ville, le carnaval. » La « Giustificazione » témoigne également de la transformation de plusieurs codes : la scolastique baroque et les ouvrages de théologie, la littérature orale corse, la littérature européenne plus moderne. On y trouve tout au long du texte « l’interpellation du lecteur » (« Chi ne dite, o lettore (…) ? ») comme dans « Jacques le fataliste » de Diderot, publié vingt ans après la Giustificazione, entre 1778 et 1780. Or, certains commentateurs actuels de « Jacques le Fataliste » qualifient ce procédé littéraire de post-moderne !
Un autre exemple : les écrits en prose de Santu Casanova, inventeur de la littérature politique en langue corse. Jacques Thiers a montré dans ses « Papiers d’identité (s) » que cet auteur a construit son style avec les matériaux à disposition : le tournures idiomatiques corses y voisinent, selon l’effet qu’il veut produire, avec des « codes » italiens ou français…
La Giustificazione en livre format poche, ce serait envisageable ? Mais cet ouvrage est il encore actuel ?
Pourquoi pas un livre en format poche? Mais alors traduit – en corse ou en français –, parce que le texte original en italien du XVIIIe siècle est un peu difficile d’accès. Il existe déjà une traduction en français de François Piazza mais j’attends avec impatience celle à paraître d’Evelyne Luciani qui comprendra un appareil critique considérable.
Pour répondre sans détour à votre question, oui, je pense que cet ouvrage est très actuel, parce qu’il constitue d’une part une bible de l’imaginaire national et d’autre part un texte fondateur de la tradition politique corse.
Propos recueillis en juillet 2013
WWW.CLUB-CORSICA.COMPar Marie-Jean Vinciguerra
Une réflexion originale sur l’imaginaire insulaire
Du discours politique au dévoilement de « l’imaginaire national corse », du dossier socio-économique en discussion dans l’enceinte de l’assemblée de Corse à la Dispute théologique, du plaidoyer de l’avocat à ce regard décapant porté sur la justice et le droit, cette fois, à travers la littérature du Primu Riacquistu**, quel étonnant chemin parcouru et quel défi relevé par Jean-Guy Talamoni, nouveau Docteur de l’Université Pascal Paoli !
Nous ne lui ferons pas un mauvais procès. L’auteur n’avance pas masqué : il abat d’entrée de jeu ses cartes. Il ne renie pas ses engagements de militant et d’idéologue. Il affirme vouloir prolonger son action politique dans une démarche de recherche appliquée, « accéder, ainsi, à l’intelligence des mécanismes à l’œuvre dans la société corse en vue d’agir sur ces derniers » ! Pour redonner de la pensée à l’action politique- quel paradoxe !- c’est vers la littérature qu’il se tourne. Mais ne s’agit-il pas, en l’occurrence, pour ce « fou de littérature », d’une chasse spirituelle ? La littérature n’est-elle pas cet art de bien dire des choses essentielles ! Citant Ismaïl Kadaré pour qui « les petits peuples ont besoin de la littérature plus que les grands » ou encore Unamuno traquant « l’essence de l’Espagne », Talamoni ausculte manuscrits, revues, almanachs, brouillons, journaux, décrypte l’ imaginaire insulaire dans les « miroirs » des écrits de ces pionniers qui ont donné ses premières lettres de noblesse à la littérature imprimée en langue corse dans la diversité de ses nouvelles expressions ( journalisme, roman, drame …). Faisant la guerre aux clichés et à la pensée simplifiée, il nous livre les pièces à conviction d’une véritable Somme de nature à renouveler le débat sur des thèmes comme la violence, lavendetta, la justice qui n’ont jamais cessé d’être d’actualité. Il s’est doté pour cela des armes les plus performantes, une « boîte d’outils conceptuels » ( « socio-critique », analyse structuraliste, théories de l’intertextualité, de la « critique génétique », « écoute polyphonique » de Bakhtine !…). Bourdieu, Genette, Laforgue, Steiner, Barthes, Girard…n’ont plus de secrets pour lui. Cette démarche heuristique a le mérite en croisant les procédures de vérifier la validité des hypothèses et des résultats. Soumettant aux grilles de ses analyses les productions littéraires, il en démonte la complexité. Aussi comprend-on qu’il privilégie dans son « discours de la Méthode » « la pensée complexe » d’Edgar Morin, préférant «le dialogique» à la dialectique de Hegel du dépassement par synthèse des contradictions .
Le Primu Riacquistu est analysé comme ce moment critique où l’on passe d’une diglossie italien -corse à une diglossie français-corse, où s’ébauche une littérature en langue corse dans le contexte romantique d’un réveil des nationalités.
Une revisitation de la Giustificazione (1758)
Texte emblématique vibrant de modernité où « pour la première fois la discussion sur la tyrannie du prince et la légitimité de le renverser est conduite au nom d’une argumentation laïque », la Giustificazione est présentée comme la bible des valeurs et de l’imaginaire corse.
Mettant en valeur les piliers d’une démonstration magistralement conduite (tyrannie d’usurpation et tyrannie d’exercice, concept deNation, recours à« la Raison toute nue », référence au droit naturel, enfin, droit des peuples à disposer d’eux-mêmes), l’auteur souligne l’apport original des théologiens corses à l’école de Salamanque. On découvre un Talamoni rompu aux subtilités de la théologie. Doctor in utroque jure, serait-il un Docteur de l’Eglise s’affirmant dans une Controverse renouvelée ? Une analyse particulièrement fine permet de repérer dans ce texte dépoussiéré la plupart des thèmes et des motifs de la représentation que la société insulaire a pu se faire d’elle-même jusqu’à nos jours : rapport complexe des Corses aux armes, liens entre l’arbitraire judiciaire et la vendetta, qui se révèle pratique subsidiaire, colonisation et non-développement de l’île, structuration d’un système de valeurs autour de la morale et de la religion, figures du héros et du traître…
L’auteur marque bien l’originalité de la pensée des théologiens corses, de l’esprit des lumières italiennes et du pragmatisme machiavelien qui ont animé l’expérience paolienne: Rôle des notables, prégnance de la tradition, des valeurs chrétiennes en harmonie avec une gestion laïque de l’État, méfiance à l’endroit des idées abstraites,, valeur de la liberté l’emportant sur celle d’égalité, bref, une révolution qui serait plus proche de l’américaine que de la française…
Les contradictions insulaires, la complexité de notre imaginaire, les paradoxales métamorphoses de ses « invariants », les oscillations entre la fascination droitière (irrédentisme, fascisme, postures de Pierre Dominique, d’Abel Bonnard p.e) et l’esprit de gauche ou encore la tentation anarchiste (Dalzeto, Zevaco,…les mythes de Sambucuccio d’Alando, de Sampiero, de Paoli, de Napoléon, évoluant au gré des vicissitudes historiques) font l’objet de pertinentes analyses. Pourquoi ne pas rechercher aussi du côté des « anti-lumières », les influences de cette tradition de pensée qui, de Vico, Burke, Herder à Sorel et Maurras, a combattu les Lumières françaises du XVIIIè, inspiratrices de la Révolution française ?
Dans la chair du texte
Les réponses aux questionnaires prolongent l’enquête sur les écrivains en éclairant des zones d’ombre et en nous faisant mieux connaître leurs positionnements politiques et la perception qu’en ont les familles. Plus palpitantes et révélatrices sont la présentation et l’analyse de textes emblématiques du Primu Riacquistu. U lamentu di u castagnu à u corsu , le discours de Petru Rocca pour l’inauguration du monument de Ponte Novu, le chant des maquisards corses de S.J Vinciguerra, « l’étude génétique » de la Maria Gentile de Lucciardi, « l’œuvre polyphonique » de Dalzeto permettent de mettre en valeur la symbolique des thèmes et divers motifs de « l’imaginaire spectral national ».
Enfin, Talamoni nous réserve encore une belle surprise : la lecture de l’imaginaire corse et de son « ubiquité symbolique » dans « le miroir déformant » et « le miroir éloigné » d ’écrivains (corses ou non-corses) de langue française. On retiendra particulièrement l’ analyse clinique des « mythes personnels » d’auteurs dont les représentations relèvent d’un « dédoublement de la personnalité » ( Pierre Dominique, Pierre Bonardi), la pulsion de vengeance par procuration de Claude Farrère et, surtout, « l’esprit corse » de Paul Valery , empreint de la nostalgie de « cet exil désirable et doux dans l’île mère »
Tableau des acquis contrastés du Primu Riacquistu
Dans le troisième volet de son triptyque, l’auteur fait appel à la théorie des champs de Bourdieu , au polysystème de Itamar Even –Zohar (bigre !) et encore une fois à la pensée complexe d’E. Morin, pour dresser le tableau des acquis contrastés duPrimu Riacquistu. Bousculant bien des idées toutes faites, il passe en revue thèmes et topiques (Justice et institutions judiciaires, bandits et hors-la-loi, campagne et « maquis », honneur et « point d’honneur », armes privées et armes publiques, amour et sexualité, fatalité et providence, élan national et esprit de parti. On ne s’étonnera pas de l’accent mis sur la permanence de l’idée nationale.
L’auteur nous a-t-il convaincu ? C’est à chaque lecteur de répondre. Il a sûrement rendu notre regard sur nous-mêmes plus aigu et exigeant. Puisse le chjama è rispondi qui conclut le voyage entre l’auteur et son directeur de thèse se poursuivre avec le lecteur ch’ ellu sia o nò d’accunsentu.
*Littérature et politique en Corse Jean-Guy Talamoni Albiana 2013
** période qui courtde la fin du XIXè siècle à la génération du Settanta), « première renaissance corse », selon Fernand Ettori
***DCL 2008
Marie-Jean Vinciguerra
Copyright Corsica
Cela faisait longtemps que je souhaitais consacrer un article à Ghjacumu Fusina. L'occasion m'en a été donnée par la conférence "La littérature corse des origines à nos jours" à laquelle j'ai eu la chance d'assister et de pouvoir échanger quelques mots avec lui.
Jacques FUSINA est né en décembre 1940 à Ortale en Haute-Corse. Après
des études secondaires à Bastia puis supérieures à la Sorbonne, il a
d’abord enseigné les lettres dans la région parisienne et à Paris.
Revenu en Corse en 1981, il a été chargé de mission ministérielle (mise
en place de l’enseignement du corse) et conseiller technique des
recteurs d’académie, chargé d’inspection pédagogique régionale. Docteur
ès- lettres (Montpellier) et docteur en sciences de l’éducation
(Paris), il a enseigné la littérature et les sciences de l’éducation
(dont il a fondé le département) et a dirigé des travaux de recherche
(troisième cycle et doctorat) dans ces filières à l'université de Corse.
Le Prix du Livre Insulaire 2013, catégorie “fiction” vient d’être attribué au roman de Dominique Memmi
« Retour à Mouaden ».
L’éditeur « Colonna édition » vient de voir l’un de ses auteurs à nouveau récompensé (1) en la personne de Dominique Memmi avec le prestigieux « Prix du Livre Insulaire » - catégorie « fiction », que vient de lui décerner le jury du 15 ème « Salon du Livre Insulaire » -créé et toujours animé par Isabelle Le bal - et qui se déroule actuellement à Ouessant. Rappelons que ce Prix littéraire reste unique dans le paysage francophone consacré aux îles et aux auteurs insulaires. Le jury était composé de Jacqueline de Roux, Danièle Auffray, Gilbert David, Gérard le Gouic, Antony Palou, Catherine Domain et Gwen Catala. Vingt cinq romans avaient été sélectionnés. La Corse est à l’honneur à Ouessant puisqu’une exposition du graveur Jean Chieze - qui a gravé de très nombreuses œuvres sur la Corse ou il enseigna le dessin au lycée Fesch- y est actuellement proposée aux visiteurs.
(« Retour à Mouaden ». « Colonna édition » 133 pages.14 €)
Né à Bastia en 1945, résidant à Biguglia. Agrégé de l'université
(lettres classiques), Jacques THIERS a enseigné les lettres classiques
à Nice, Ajaccio et Bastia avant de rejoindre en 1983 l'Université de
Corse où il occupe actuellement une chaire de langue et culture
régionales avec le grade de Professeur des Universités. Il est docteur
en linguistique habilité à diriger des recherches. et a occupé diverses
fonctions administratives et pédagogiques dont la direction du Service
d'Information et d'Orientation (SUIO) de l'Université de Corse et du
DESS de Communication Appliquée à la Valorisation des Ressources
Régionales. *
Jacques Thiers a remporté le Prix 2007 des Lecteurs de Corse avec
"l'Arreta Bianca" (La halte blanche)
D'une famille originaire de Fozzano et de Sartène, Jérôme Ferrari est né en 1968 à Paris. Après avoir enseigné au lycée international d'Alger, au lycée de Porto-Vecchio et au lycée Fesch d'Ajaccio, il a été professeur de philosophie et conseiller pédagogique au lycée français d'Abou Dhabi.
Depuis la rentrée 2015, il enseigne la Philosophie en hypokhâgne, au lycée Giocante de Casabianca de Bastia.
Marcu Biancarelli est né le 17 octobre 1968 et est professeur de langue corse au lycée de Porto-Vecchio. C’est un écrivain éclectique qui a déjà de nombreux livres à son actif. Il écrit en corse et la plupart de ses textes ont été traduits. Nouvelliste, poète, auteur de pièces de théâtre, romancier, directeur de revue culturelle, auteur de chroniques littéraires pour les journaux, essentiellement en langue corse mais aussi en langue française.
Marc Biancarelli a d'abord animé la revue A Pian d'Avretu, de 1991 à 1995, avant de proposer un premier recueil de poésies en 1999, Viaghju in Vivaldia, publié chez Le Signet.
Ecrivain, journaliste et essayiste, Gabriel-Xavier Culioli est né le 15 janvier 1952 à Chera. Père de quatre enfants, il est l'auteur de La Terre des Seigneurs, une saga consacrée à sa famille corse écrite sur la base du recueil des souvenirs de son grand-père, vendue à plus de 50 000 exemplaires. Il fait ses études à Paris (Lycée Henri IV, Université Paris 7-Denis Diderot), milite aux Jeunesses communistes révolutionnaires et entre dans l'Administration. Il retourne s'installer en Corse-du-Sud en 2000.
Jean-Yves Acquaviva, né en 1969 dans le Morbihan, est rentré en Corse au début des années 1980. Après une licence de corse à l'université de Corte, il se lance dans l'agriculture. Il est producteur de farine de châtaigne et éleveur ovin sur la commune de Lozzi dans le Niolu depuis 25 ans.
Il a déjà publié un recueil de poèmes, Tandu scrivu, et un premier roman, Ombre di guerra aux éditions Albiana en 2011.
Cent'anni, centu mesi..., cette courte fiction écrite en langue corse par Jean-Yves Acquaviva (dont la traduction française est en cours) s'annonce comme un roman, et s'il fallait la rattacher à un genre plus précis, on pourrait y voir un roman d'apprentissage atypique, ou plutôt un conte philosophique. Un conte rendant poreuses les frontières du rêve et de la réalité, plus philosophique qu'initiatique et plus poétique que satirique.
Sa mère étant morte en lui donnant naissance, le héros a été élevé dans une campagne montagneuse par un berger muet et solitaire, comme un chien par son maître. A la mort de ce premier père, cet enfant privé de parole - et même de nom - part à la découverte du monde et de son humanité.
Le livre s'ouvre quand, devenu Lisandru, il arrive à son tour au terme de sa vie et s'apprête à en faire le bilan, à s'affranchir justement de cette humanité pour échapper à sa prison terrestre et regagner enfin la sérénité du néant. Et l'on est très vite saisi par la très belle image d'un homme se frayant à grand peine un chemin dans le maquis dense de ses souvenirs. Pour retourner à la source, comme l'indique d'emblée le titre faisant référence à un proverbe corse : "Cent' anni centu mesi, l'acqua volta a so paesi". Un homme traçant une route vers les abimes de l'âme humaine ...
Entre ce premier chapitre se poursuivant dans le dernier intitulé "A l'aringuarsciu", ce qui souligne encore ce renversement du temps, s'installe un long retour en arrière de quatorze stations dans lequel l'auteur retrace par la voix de son héros narrateur cette vie un peu folle. Un parcours incomplet fait de rencontres et d'expériences marquantes, enchaînant des moments forts plus que des étapes progressives : des moments de plaisir et de souffrance, de paix ou d'espérance, d'ennui, et surtout de désillusion et de désespoir qui semblent le lot de la condition humaine. Un parcours tout en alternances et en contrastes, émaillé de rêveries et de réflexions, et s'inscrivant dans une temporalité cyclique où les événements se répètent sous d'autres formes. Et ce récit n'apporte pas vraiment de réponses pour affronter la vie, pour trouver sa place dans le monde car le héros y est surtout confronté aux contradictions et aux paradoxes, à la vanité des certitudes, au doute...
Cet enfant, proche au départ d'un état animal où priment l'instinct et le besoin de l'instant, comme de l'"état de nature" antérieur à la société des hommes, va peu à peu découvrir l'autre et l'ailleurs, se confronter à d'autres mondes, être initié au langage et développer une pensée, accéder au désir et à l'imagination, au choix, mais aussi à toute la face sombre de l'humain. Et nous le suivons au plus près de ses sensations, de ses sentiments et de ses idées avec une empathie facilitée par la narration à la première personne. Nous suivons l'évolution de sa représentation et de sa compréhension du monde comme son accès à la conscience et à la connaissance de soi. Mais qu'est-ce qu'exister, et qu'est-ce qu'un homme ? Qu'est-ce que la réalité de ce monde ?
Le choix judicieux d'une sorte d'enfant sauvage pour héros permet à l'auteur d'aborder les questions philosophiques essentielles sous un angle original, mais aussi d'appréhender son parcours à la fois comme celui de l'humanité entière et comme un voyage intérieur à la recherche de soi, tout en faisant de cet enfant enfermé dans son monde une métaphore de l'insularité renvoyant certes à la Corse, mais surtout à la solitude foncière de l'homme. Un héros dont le regard vierge justifie par ailleurs le recours à une langue simple et imagée. Quant aux différents personnages secondaires, bien que souvent des archétypes, ou brossés en peu de traits, ils prennent tous chair.
La violence et la cruauté, l'horreur de la prison, et tous ces durs rapports de domination et de soumission qui semblent la loi des hommes sont compensés par de beaux instants d'amour et surtout d'amitié, d'intense communion avec la nature, de rêveries et de contemplation. Et l'aspiration du héros à la liberté, à la beauté et la pureté, «l'attesa di qualcosa ch'ùn sapemu difinisce» soulève ce récit dans ses moments les plus noirs, le rendant paradoxalement lumineux.
L'auteur peint les états d'âmes comme des paysages, superpose les strates de sens, et son texte tisse de multiples résonances (on ne manquera pas notamment de voir dans l'attachant personnage de Petru et dans ce passage sur la pêche une clin d'oeil à Murtoriu...). Son écriture sobre, fine et sensible, sonne juste et se montre d'une grande puissance évocatrice, sa langue poétique, très ancrée dans la nature, laissant parler les images. Des images récurrentes comme cette «petra acellu» limitant le premier monde du héros et ce «pozzu turchinu» figurant l'au-delà, et qui parfois, particulièrement dans ce magnifique chapitre autour de la neige intitulé "Biancu", revêtent une grâce tarkovskienne.
Cent'annu, centu mesi... est un très beau livre d'une apparente simplicité. Un livre qui s'impose non en force mais par un équilibre complexe et subtil entre tous les éléments disparates et souvent contrastés qui s'y mêlent. Un livre qui nous fait dériver avec l'auteur dans le maquis de la mémoire et de l'imaginaire, dans une «Babbilonia» ouvrant des horizons infinis.
Emmanuelle Caminade
(Article publié le 06/03/14 sur le forum Praxis Negra dans la rubrique "Critiques et chroniques littéraires ")
Attendu avec impatience, le roman de Jean-Yves Acquaviva, "Cent'anni, centu mesi" publié aux édtions Colonna.
Né le 11 avril 1954 d'une famille sartenaise, Norbert Paganelli a publié son premier recueil, "Soleil Entropique", en 1973, qui lui vaudra d'être sélectionné pour le prix François Villon et repris dans plusieurs revues poétiques.
En plein riacquistu, Norbert Paganelli choisit de s'exprimer dans sa langue maternelle et publie en 1977: "A Strada, a vulpi è u banditu" dont l'un des textes sera repris par le groupe mythique Canta u populu corsu Festa Zitellina.
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Une lecture de L'ULtimu par Charlie Galibert
Il y a dans cette mise en abyme de la littérature , jeux entre l'auteur et son personnage, entre Andria Costa, Julien Costa, Samuel Romani et JP Santini ; cette idée d'un destin tissé par des parques "extraterrestres" sur fond du parc humain de Slodenjick, l'allégorie des menhirs, la fable de l'écriture, les bandere, la mémoire, le militantisme, le consumérisme contemporain, la fin d'un (du ?) monde - quelque chose qui certes n'est pas habituel et n'a pas de résonance dans la littérature corse contemporaine.
Mais il y a également là un plaisir (bonheur égoïste ?) de trouver exprimés par un autre ses propres interrogations, ses propres doutes, son cheminement , l'aboutissement d'une écriture, surtout lorsque l'on se rêve soi-même écrivain.
Voyez les affinités : parmi les points essentiels, il y a celui, central dans votre « roman », de la disparition de la mort, qui rejoint une communication que j'ai eu le plaisir de faire aux journées de Marignana en octobre 2010, justement intitulée « La mort corse en voie de disparition ». Je l'ai depuis intégrée à un ouvrage, paru chez Albiana (« île diserte ») recueil d'une trentaine d'articles d'anthropologie publiés entre 1995 et 2012 dans des revues spécialisées et regroupés pour échapper à « la critique rongeuse des souris » - ouvrage que je me ferais un plaisir de vous adresser, si vous le souhaitez.
Il n'y a là aucune prétention déplacée, mais le simple aveu d'une concordance que vous du moins avez su porter à un certain paroxysme « romanesque » dans L'Ultimu, et que, à ce titre, je serais fier de partager. Les allusions «savantes» (Baudelaire, Foucault, Slotendjick) dispersées au fil de votre texte laissent entendre des lectures qui dépassent largement la simple littérature et font références à des champs disciplinaires des sciences - humaines ou plus dures - qui ne me sont pas étrangères.
Vous ne doutez certainement pas que les lectures qui vont être faites de votre texte vont être extrêmement diverses, les unes vantant le lyrisme, le travail ou l'exploit de mise en abyme, d'autres se gaussant de votre prétention à vous mettre en scène et à vous poser comme l'ultime représentant du peuple corse mais, personnellement, je préfère retenir la beauté grave et profonde de votre écriture lorsqu'elle touche à la vie et à la mort.
___________________________________________________________________________
Charlie Galibert est anthropologue et philosophe. Chercheur associé au Circples et chargé de cours à l’UNSA. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur les thématiques de l’insularité et de l’altérité, dont “Sarrola 14/18. Un village corse dans la première guerre mondiale”, Ajaccio, Albiana, 2008 (Prix du livre insulaire d’Ouessant 2009 catégorie « Essai/Science ») ; “L’anthropologie à l’épreuve de la mondialisation”, Paris, L’Harmattan, 2007 ; “Guide non-touristique d’un village corse. Approche anthropologique “, Ajaccio, Albiana, 2004 ; “ La Corse, une île et le monde ”, Paris, PUF, collection “Ethnologies”, 2003.
Artiste célèbre, Marie-Josée Nat publie ses souvenirs :
La traduction
française par
François-Michel Durazzo de Pesciu
Anguilla vient de paraître en
Dordogne aux éditions Fédérop (24680 Gardonne),
sous le titre de "Pépé l'Anguille".
Il aura fallu
attendre quatre-vingt
années, ― de 1930 à 2010 ― pour que le roman bastiais de
Sebastianu Dalzeto (Bastia, 1875 - Barchetta, 1963) voie le
jour en langue française et puisse ainsi être lu et apprécié d'un large
public.
(http://www.edilivre.com/doc/18642/La-pierre-manquante/MC-Lusinchi)..
10/03/2013
Réalisateur de télévision depuis 40 ans, Alain Lombardi signe avec Le pénitent de Sartène son premier roman. Un intrigue amoureuse et policière au temps de la Corse du XIXe siècle
Dans moins d'un mois, le vendredi 29 mars, Sartène résonnera du glas lancinant du Catenacciu. La foule hostile, même haineuse, et les tessons de verre et autres n'accompagnent certes plus la lente marche du pénitent rouge qui se joue désormais presque dans une ambiance touristique, mais l'atmosphère et la symbolique n'ont pas fini d'impressionner. Tel fut le cas pour Alain Lombardi, happé par cette forte cérémonie.
Réalisateur, il a d'abord pensé à l'image avant de se tourner vers la plume pour avancer dans les pas du Pénitent de Sartène. Un premier roman très chaleureusement accueilli sur l'île… Peut-être car Alain Lombardi réussit dans sa prose à respecter l'une des valeurs du Catenacciu : l'absolu secret de l'identité du pénitent. S'éloignant du « rite » en lui-même pour dresser le portrait romancé de la Corse au XIXe siècle, ses valeurs et traditions, au travers du destin de Marie-Ange, jeune institutrice de Tallano engagée dans une relation avec un homme marié dont elle attend un enfant… À chacun d'imaginer alors à quel personnage le titre pourrait faire référence.
Comment est venue l'envie d'écrire sur la Corse avec laquelle vous n'aviez aucun lien ?
Fin 2008, j'avais en tête un projet d'écriture de scénario pour la télévision. Je voulais ancrer mon récit dans une région ayant une forte identité socioculturelle et linguistique. Je cherchais une accroche que je pensais avoir trouvée le jour où j'ai regardé un reportage sur le Catenacciu. Mais, en fait, à ce moment-là, je n'ai vu que ce qu'il y avait en surface, c'est-à-dire le côté « spectacle ». Je me suis dit qu'il serait passionnant d'écrire une histoire contemporaine, qui dévoilerait le lourd secret du pénitent que j'imaginais… Sous les traits d'une femme.
À Sartène, durant la semaine Sainte, je m'empresse de faire lire mon synopsis aux élus et à bon nombre de leurs concitoyens. Je fais aussitôt l'unanimité ! Non seulement personne ne partage mon enthousiasme, mais pire encore, le curé de Sartène me donne gentiment un avertissement, non sans humour : « Si vous avez une maison, le toit va sauter… Et si vous n'en avez pas, alors mon ami, méfiez-vous ! »
J'avais profondément heurté la sensibilité des insulaires. J'ai su qu'il fallait remonter le temps, aller chercher les racines…
Pourquoi le choix d'une femme comme « héroïne », dans une société qui mettait surtout en avant les hommes ?
J'ai découvert un jour dans un livre un fait divers bouleversant dont je me suis inspiré. Je voulais aller à la rencontre de cet homme qui avait, à la fin du XIXe, décidé de tuer sa fille parce qu'elle refusait de lui donner le nom de son amant… J'ai appris qu'il existe en Corse un dicton qui dit : « Mieux vaut mourir que de vivre dans la honte». Phrase terrible, qui porte en elle les germes d'une véritable tragédie antique. Le décor étant planté. Mon héroïne, s'est imposée comme une évidence. Avec sa sincérité, son innocence, sa fragilité, son intelligence, son audace et sa beauté… Nul autre personnage ne pouvait à ce point, émouvoir le lecteur face à la violence potentielle de la société.
Vous vous êtes installé en Corse durant un an. Écrire ailleurs était impossible ?
Totalement impossible. Je ne voulais pas répéter l'expérience du scénario. Au début, je faisais des allers et retours incessants, entre Paris et Ajaccio, mais financièrement ce n'était guère gérable. Après des vacances d'été dans le Valinco, je suis tout naturellement retourné au même endroit. Le premier matin, devant ma table de travail, j'ai été pris de panique. Je ne savais pas par où commencer… Et puis j'ai attrapé mon appareil photo, mon magnétophone et avec la curiosité d'un reporteur, je suis parti à la rencontre de la Corse et de ses habitants, me suis mêlé à la foule lors de la procession du Catenacciu. J'ai recueilli des tranches de vie, des anecdotes drôles, émouvantes, parfois tristes ou tragiques. Et puis le puzzle s'est mis en place. Dès lors, je pouvais quitter la Corse sereinement pour poursuivre la rédaction. Il m'a fallu 16 mois.
Comment vous êtes-vous documenté ?
J'ai consulté les archives départementales d'Ajaccio, les archives municipales de Sartène, lu une quantité de livres. On m'a confié des documents anciens édités au début du siècle dernier dans lesquels j'ai puisé de précieuses informations sur la société corse, l'enseignement, les mœurs, les métiers… Que Dieu me pardonne !
J'ai harcelé le conservateur en chef du musée départemental de la préhistoire pour son savoir, poursuivi de mes assiduités les élus de plusieurs municipalités. Mais également et surtout, j'ai fait de belles et innombrables rencontres, car les Corses m'ont ouvert leur porte et leur cœur avec une simplicité et une gentillesse inoubliables.
Histoire d'amour, roman policier, historique ou sociologique ?
Un peu tout à la fois. Le Pénitent de Sartène raconte une histoire d'amour certes, mais un amour interdit. Dans l'intrigue, l'union des amants est impossible. C'est la raison qui précipite le drame.
L'enquête de gendarmerie sur la disparition de l'héroïne Marie-Ange invite le lecteur à jouer les détectives.
Ce roman est une autopsie des coutumes et des valeurs de la société corse de cette époque… Celles qui expliquent encore aujourd'hui, les mécanismes du déclenchement de la vengeance…
Historique également ! Dans la mesure où je voulais situer mon récit dans une période où les coutumes et les valeurs ancrées dans les mentalités insulaires étaient les plus profondes, mais aussi où le monde est en pleine mutation, où grâce aux progrès de l'instruction notamment, bon nombre de Corses fuient la misère de leur île, vidant ainsi les campagnes au profit des Lucchese… Toute cette histoire a construit une identité. Et dans une société qui perd ses repères, les insulaires donnent encore aujourd'hui l'exemple en restant fidèles à leurs valeurs, à leurs traditions. Respect, Devoir et Honneur sont des mots oubliés. La morale de l'histoire du Pénitent de Sartène c'est également cela : retenir les leçons du passé.
Votre expérience de réalisateur a-t-elle servi la plume ?
Lorsque j'ai décidé d'écrire un roman, je me suis posé les mêmes questions que lorsque j'écrivais un scénario.
Mais, le scénariste réalisateur, se contente plus volontiers de suggérer, car il sait que ce sont les images prises par la caméra, la photo, la musique, sa mise en scène aussi et le rythme du montage qui donneront la vie à son histoire, etc.
L'auteur lui, n'a que des mots pour séduire. Cependant oui, en effet ! Je dois admettre que mon expérience de l'image a servi ma plume, pour faire naître des images… Dans beaucoup de chapitres par habitude sans aucun doute avec la réalisation, je plante le décor, je crée l'ambiance avant d'entrer de nouveau dans l'action par le dialogue.
D'autres projets en cours ?
Oui, absolument ! Mais certains me demandent s'il y aura une suite au Pénitent de Sartène… À dire vrai, je laisse le soin à mes lecteurs d'imaginer la suite…
En fait, j'ai toujours en tête mon idée de trilogie. Un des personnages de mon roman, le capitaine Le Bonniec, va quitter la Corse et demander sa mutation au Pays Basque. Je pense que j'aurai beaucoup de plaisir à découvrir les mœurs et les traditions de cet autre peuple dont la fierté n'a rien à envier à celle des Corses. J'ai hâte de m'immerger dans cette magnifique région qui, sur bien des plans, est comparable à l'île de beauté. Mais là c'est une autre histoire… !
Le pénitent de Sartène, d'Alain Lombardi. Paru aux éditions du Panthéon. 290 pages. 18,50 euros.
L'auteur sera en soirée dédicace à la librairie La Marge à Ajaccio le jeudi 21 mars de17 h 30 à 19 h 30.
Et en direct sur RCFM, le mardi 19 mars de 17 h 30 à18 h.
PRIX DU LIVRE CORSE 2008
télécharger
ici l'article de "Corse Matin"
Ce livre est une contribution majeure à la sauvegarde de la mémoire de savoirs aujourd'hui disparus. Pour Pierre-Jean Luccioni, le succès de cet ouvrage est peut-être le signe que la société insulaire est en perte de repères et d’identité." Les personnages qui figurent dans le livre illustrent parfaitement toutes les valeurs que nous sommes en train de perdre, c’est ce qui fait sans doute l’âme et la force de ce livre qui est le leur." Le succès est tel, et la somme de documentation si importante, qu'un deuxième volume est en préparation.
Novembre 2009 :
est
disponible
656 pages, 70 thèmes abordés, 2000 clichés et documents, 24 x 32 cm, 68
€
Editions Albiana
Avec U Maiori, seul dictionnaire corse-français sur le marché, Gabriel-Xavier Culioli livre son sixième dictionnaire en langue corse. Celui-ci est le troisième du triptyque entamé par U Maiò, dictionnaire français-corse de référence pour des centaines de bibliothèques spécialisées dans les langues romanes,. Puis il y a eu U Minò, dictionnaire français-corse et corse-français de 800 pages déjà vendu à plus de 40 000 exemplaires. Voici donc le dernier né, U Maiori (dizziunariu corsu-francesu) avec ses 45 000 entrées et ses 1 300 pages.
Établi par Antoine Louis Culioli, linguiste mondialement réputé et professeur émérite de linguistique de l'université française, Giuvan Battista Paoli et Ghjuvan Micheli Weber, concepteurs de projets en langue corse au Centre régional de documentation pédagogique de la Corse, et Gabriel Culioli, écrivain et auteur de trois autres dictionnaires, U Maiori, avec près de 50 000 entrées, utilise les différentes variétés de la langue corse et est richement illustré de plusieurs milliers d'exemples. Il s'annonce comme l'outil incontournable de toutes celles et tous ceux désirant apprendre ou se perfectionner en langue corse.
Pour des raisons incompréhensibles, les médias ne s'en sont guère fait l'écho alors qu'il est actuellement le seul sur le marché et que la langue corse est au cœur de la problématique corse. La CTC a refusé le moindre centime de subvention à ce projet, sans la moindre explication.
Ce dictionnaire, fruit de quatre ans de travail, réunit toutes les connaissances accumulées jusqu'à aujourd'hui dans la base de données Culioli ainsi que dans des dizaines d'autres ouvrages. Il est écrit dans la graphie dite "moderne" (contrairement par exemple au Marchetti et plus encore au Ceccaldi). Il a été édité par DCL qui, faute de subvention, va en être de sa poche. Aucun des élaborateurs n'a été payé.
Donc pour faire vivre ce dictionnaire achetez-le, offrez-le et faites le connaître !
N.B. : U Maiori a été imprimé à 1500 exemplaires et il n'y aura pas d'autre tirage !!
Septembre 2014
Deux nouveaux dictionnaires, « U Pumunticu » dans le sens français-corse et « U Muntese » - revu et corrigé - dans le sens corse-français, proposent une plongée passionnante et érudite au cœur de la langue corse. Des outils indispensables au service des étudiants, des enseignants mais aussi du grand public
Une seule langue corse adossée à un seul code de transcription. Mais qui coexiste avec des parlers spécifiques et emblématiques d'une histoire et d'une géographie riche et diverse à la fois. Comme dans le Taravu et la Rocca. Jean-Luc Santoni et Dominique Colonna, enseignants, ont allié ces convictions sociolinguistiques et discursives à la rédaction d'un dictionnaire Français-Corse. La formule sera celle de « U Pumunticu. Dizziunariu francesu-corsu/Da Verdi a Conca ». « L'intérêt est de proposer une traduction du français basée sur les variétés du sud de la Corse, en particulier celles du Taravu et de la Rocca », résument les auteurs. Dans leur approche, ils ont aussi intégré leur expérience.
« En tant qu'enseignants en langue et culture corse, aussi bien au collège, au lycée et à l'université, nous avons, chaque jour ou presque, observé les difficultés posées aux étudiants par la polynomie, aussi bien dans le domaine de la traduction qu'au niveau de la syntaxe », poursuivent-ils.
Le constat sera un argument supplémentaire pour développer « un outil de travail utile à l'enseignement de la langue corse dans ce sud très riche en histoire ». Au passage, Jean-Luc Santoni et Dominique Colonna ont le sentiment de tracer un chemin de mémoire et de « tenter de sauvegarder ce que nous considérons comme un véritable patrimoine culturel. »
Pour cette bonne cause, ils se sont faits chercheurs et ont multiplié les rencontres. Le dictionnaire a une histoire humaine. Les gens du Taravu et de la Rocca se joignent à la conversation et participent à la rédaction di U Pumunticu, en répondant à quelques questions, en livrant une part de leur lexique ancestral. Il y a des entretiens et des confidences, des paroles tourbillonnantes, des souffles poétiques inattendus et même quelques fausses pistes. Il n'empêche.
Les contributions sont toujours précieuses. Elles vont de soi, de l'avis des rédacteurs. Le corpus se construit sur le terrain. Il doit avoir de la vitalité. « Car la langue n'est pas l'affaire de quelques linguistes ou d'une élite pointilleuse. Elle est celle de tous les Corses ». Les deux enseignants plaident pour la transmission « de la parole et de la mémoire d'un peuple ». Leur rapport à la langue est concret, inspiré par les pratiques du quotidien. Au-delà, de toute forme d'intense réflexion théorique. « Une langue est la vie et le miel des hommes. Elle exprime, entre autres, leurs peurs, leurs valeurs, leur vision du monde », insistent-ils. Sans surprise, le principe linguistique s'applique aux « parlers du Taravu et de la Rocca.
Un corpus construit sur le terrain
Avec leur originalité, ils sont le reflet d'une façon d'être, de chanter, de décrire l'univers de granite au sein duquel ils se sont épanouis », poursuivent les auteurs. En parallèle, Jean-Luc Santoni, choisira de se référer à ses informateurs des années 1980. « A cette époque, j'avais procédé à une importante collecte de mots dans la région du Taravu. » L'opération s'inscrit alors dans le cadre de la rédaction de l'atlas linguistique. Je travaillais avec Mattea Giacomoni-Marcellesi. À cette occasion, j'avais constitué un fond lexical important. Il a servi de point de départ au Pumunticu », détaille l'auteur. À mesure que les années passent, les parlers de la Rocca et du Taravu lèvent le voile sur leur créativité. L'effervescence linguistique s'installe dans les pages du dictionnaire.
Au final, le volume ne comportera pas moins de 40 000 entrées. L'ensemble renvoie à un exercice au long cours. « La concrétisation du projet a réclamé 12 ans, à raison de 3 à 4 heures de travail chaque jour », rappellent Jean-Luc Santoni et Dominique Colonna. Ils ont une manière unique d'envisager chaque mot ou presque.
« Nous avons proposé des exemples d'utilisation et de traduction d'un terme donné, dans différents contextes dès que nous en avons perçu la nécessité. »
Une autre règle consistera « à mentionner l'étymologie de certains mots français. Ce qui permettra au lecteur d'effectuer des rapprochements édifiants ou bien au contraire de prendre acte des différences avec le latin et le grec ». La rédaction du dictionnaire fera appel également au procédé de transposition. Dans les colonnes, il revient à « opter pour des traductions qui paraphrasent parfois le nominal français à l'aide d'une tournure verbale beaucoup plus usitée en corse ».
Du même coup, on rejette le calque ou plutôt « l'équivalence littérale, facile et qui n'aurait été qu'une corsisation du mot ou de l'expression française », assure-t-on. Face aux carences de la langue corse, les rédacteurs prendront le parti des « latinismes, des hellénismes et des gallicismes ».
Le tout « dans le respect de l'aphonie qui permet une prononciation cohérente en corse ». Jean-Luc Santoni et Dominique Colonna savent toutefois que leur tâche n'est pas achevée. « Nous n'avons pas la prétention de citer tous les mots spécifiques à ces régions. L'ensemble ne demande qu'à être complété, précisé et augmenté. C'est ce que nous espérons ». En attendant, leur premier objectif est atteint : prendre une part active à la connaissance et à la reconnaissance de la langue corse.
U PUMUNTINCU, dizziunariu francesu-corsu (Da Verdi a Conca), Dominique Colonna, Jean-Luc Santoni, Ed Spondi, p, 40 euros
U Muntese : on dépoussière les classiques
Les dictionnaires puisent pour beaucoup dans les tendances récentes. Alors, ils doivent s'adapter à des contextes et à des environnements évolutifs pour pouvoir durer. La logique de changement sera vue comme un défi à relever du côté de l'université de Corse et des éditions Albiana. Il vaudra, en fin de compte, réédition de « U Muntese, dizziunariu corsu-francese » - soit 58 000 entrées, 450 auteurs cités, 14 000 proverbes. L'initiative révèle d'emblée une prise de conscience. « L'extension du champ de la langue est devenue une réalité objective. C'est pourquoi, nous avons dû reprendre le processus qui avait abouti à la première édition du Muntese », résume-t-on. On ressent le besoin d'opérer la jonction avec la période contemporaine, d'enrayer l'inertie et de réviser le système sans pour autant provoquer de conflit des générations.
La révolution linguistique n'aura pas lieu. L'heure est aux ajustements. Certaines continuités seront la condition sine qua non du bon fonctionnement du nouveau Muntese. « Il ne s'agit pas d'opérer une refonte de nature à altérer l'esprit de l'ouvrage. Notre intention était plutôt d'affiner, de corriger quelques erreurs et surtout d'étoffer un corpus littéraire qui a enregistré une croissance remarquable en l'espace de 30 ans », explique-t-on aux éditions Albiana. L'approche sera modelée par l'université de Corse. L'établissement fournit « sous l'impulsion d'Antoine Aiello, de nouveaux collaborateurs, Ghjacumu Thiers, Dumenica Verdoni, Ghjuvan Maria Comiti, Ghjuvan Maria Arrighi, Ghjuvanni Chiorboli et Ghjaseppiu Gaggioli. » Tous « aideront la présente édition à refléter plus exactement encore la réalité et la richesse de la langue parlée et écrite dans l'île », précise-t-on.
Esprit d'ouverture
Le modèle incorporera bien des variantes. La diversité linguistique est sauve. La théorie des « langues polynomiques » prévaut. « L'esprit d'ouverture vis-à-vis des différents dialectes insulaires est respecté », insiste-t-on. Dans le même élan, U Muntese s'autorise un relooking. « Nous avons tenu à élever la qualité éditoriale, par exemple en rajeunissant la maquette, en tirant profit des nouvelles technologies. Par conséquent, nous avons rationalisé et simplifié l'accès au dictionnaire », détaille-t-on chez Albiana. « Des outils modernes, performants », selon les termes de Ghjacumu Thiers, fondent la mutation s'agissant des apparences comme du contenu. Le Muntese comme les autres sera ainsi « enrichi de façon régulière, adapté aux besoins qui émergeront, puis actualisé lors des mises à jour périodiques », prévoit-on. Le recours à l'ingénierie et aux différents protocoles techniques s'accompagne « d'un travail considérable de documentation et de rédaction ». L'analyse englobe « les mots créés et qui font peu à peu leur entrée dans les nouveaux usages de la langue corse » ainsi que l'héritage lexical. Le dictionnaire offre à ses usagers des clés supplémentaires et utiles vers la langue corse. Il reste pourtant le lieu d'ambitions fortes. À cet égard, la stratégie privilégiée touche à l'e-communication, à l'accès à distance aux ressources lexicales. L'avenir passe sans doute par l'e-Muntese. L'innovation est attendue. « La voie est donc toute tracée pour que soit bientôt disponible un dictionnaire général du corse consultable à distance », annonce Ghjacumu Thiers.
U Muntese accumule les repères. Les premiers se rattachent aux années 1970, avec leurs tensions et leurs bonnes volontés linguistiques. C'est le temps du Riacquistu et des interrogations identitaires. La langue, de préférence u cismuntincu, a sa place dans le dispositif. On cède alors à la tentation de « doter la Corse d'un répertoire aussi complet que possible de la langue maternelle, d'enregistrer la masse de vocabulaire existant tout en y intégrant des mots importés mais intégrés par un long usage. Il est aussi question de naturaliser ou de modeler dans une forme corse les termes qui rendent certains faits de civilisation peu connus en Corse ou des notions nouvelles », rappelle Ghjacumu Thiers. En 1984, les éditions Albiana convertissent l'effort accompli en projet éditorial, soit U Muntesu, Dizziunariu corsu francesu en 4 volumes. Dumenicu Massa, Petru Venturini, Ghjacumu Fusina, entre autres sont de la partie.
U Muntese, Dizziunariu corsu-francesu, Albiana, universita di Corsica, 1 600 p, ed Albiana.
49 euros.
Source : Corse Matin
Août 2014
Dans les nouveautés 2012, voici un excellent ouvrage sur la langue corse. Soulignons tout d'abord son originalité, puisqu'il est structuré selon les vingt-trois lettres de l'alphabet corse. Chacune des lettres est abordée sous différents angles : la prononciation, la grammaire, l'usage... Très complet malgré sa relative concision, cet ouvrage sera utile aussi bien aux débutants qu'à ceux qui souhaitent se perfectionner. Un ouvrage de référence.
L'article de Corse Matin du 6 mai 2012 (Ghjilormu PADOVANI)
Son parcours est très atypique. Et c'est sans doute ce qui lui a donné le recul nécessaire pour écrire ce livre, ce regard si particulier. Ghjaseppiu Gaggioli est devenu professeur de corse après des études de. Mathématiques ! Sa licence obtenue à l'université de Nice, il s'est rapidement tourné vers cette langue qu'il a toujours entendue parlé à la maison, chez lui, entre Marignana et Evisa. En 2007, il se présente pour la première fois au Capes de corse sans grands espoirs.
Il décroche pourtant le diplôme haut la main. De ses expériences linguistiques avec les anciens, le jeune homme en a fait une base de données extrêmement complète et détaillé pour mieux comprendre la langue. Il en livre les secrets aux débutants avec La langue corse en 23 lettres.
Comment est né le projet ?
J'aime l'étude des langues en général et celle du corse en particulier. Pour cela je m'étais procuré plusieurs livres. Les meilleurs à mes yeux étaient toujours des méthodes qui traitaient d'un thème précis ou bien par classement orthographique, faciles d'accès. Ce genre d'ouvrage n'existait pas pour le corse, je trouvais cela dommage. Et puis j'ai toujours pris des notes au cours des discussions que j'avais avec des interlocuteurs corsophones, je relevais des choses, des questions que je me posais sur la langue.
J'ai fini par construire une base de données assez importante et je souhaitais pousser un peu plus loin le projet. Les éditions Albiana l'ont accepté, c'est ainsi que le livre est né.
Pourquoi un tel ouvrage et pour qui ?
Chaque langue a ses propres mécanismes et j'ai trouvé intéressant de les présenter. Donner la parole à la langue parlée a été le projet central. évoquer ses nuances, ses richesses tout en décortiquant les mécanismes particuliers à l'aide de très nombreux exemples, les lister, les montrer, pour rendre le travail le plus concret possible. Ce n'est pas une analyse de la langue, plutôt une exposition de ce qu'elle propose. Et puis les livres qui existent sur le sujet sont très bien faits mais chacun traite un domaine précis en passant parfois à côté de certaines questions que beaucoup de lecteurs se posent. Puntelli di grammaticade Ghjuvan'Ghjaseppu Franchi est une référence extrêmement pointue mais il est écrit en corse pour des scolaires de terminale. Les débutants peuvent se retrouver démunis. Cet ouvrage est pour eux ainsi que pour tous ceux, confirmés ou non, qui ont besoin d'éléments de réponse sur des questions parfois très précises.
Pourquoi débuter l'ouvrage par des notions d'histoire ?
Pour éclairer le lecteur sur de nombreuses choses qui se disent sur le corse, une langue qui n'est pas écrite depuis très longtemps. Pour certains ce n'est d'ailleurs pas une langue.
Pourtant le débat entre langue et dialecte n'est plus d'actualité.
Pour moi la question ne se pose pas bien sûr. Mais pour beaucoup, les langues ne se valent pas toutes. Pour eux, le corse n'a pas la même importance à leurs yeux, pas le même « poids » que le français par exemple avec lequel il est en concurrence. Il faut dédramatiser cette opposition, d'autant qu'il n'existe aucune raison pour que l'une soit supérieure à l'autre. Il n'y a aucune raison « technique » de séparer langue et dialecte, la différence se fait pourtant uniquement à travers la perception que l'on en a, par des critères essentiellement politiques qui faussent tout. Le corse n'a été écrit que tardivement car il a été longtemps recouvert par l'italien, une langue sour facilement compréhensible, dont les règles écrites étaient déjà établies. Il fut donc aisé pour les Corses de la choisir pour leurs écrits. Ce n'est pas pour autant que l'italien est supérieur au corse. Nous faisons partie du même bassin italo-roman et les ressemblances sont inévitables. Je cite souvent l'exemple d'une petite localité, Sant Oreste, située au nord de Rome. Non seulement les habitants ont un parler qui ressemble beaucoup au corse mais ils utilisent également les fameuses trinaires ghjet chj qui ont les mêmes sons que chez nous.
La construction rigoureuse de l'ouvrage saute aux yeux à chaque page. Une sorte de Bled corse ?
Ce n'est pas le Bled qui m'a inspiré mais j'ai voulu une construction ordonnée avant tout, sans les célèbres exercices. J'ai souhaité me rapprocher d'une collection qui me plaisait avec des ti tres comme L'anglais de A à Z. La langue corse en 23 lettres est faite un peu sur le même modèle, pour que le lecteur pioche le maximum d'informations en fonction des chapitres par ordre alphabétique.
Que présentez-vous pour chaque lettre ?
Un mot et l'usage autour de ce mot. Ou bien un mot français et la manière de le traduire en corse, surtout si elle n'est pas littérale ou bien une notion grammaticale au sens large : accord de l'adjectif, formation du pluriel, la concordance des temps, etc.
Quelle est la place de la grammaire ?
Il y a bien sûr des notions de grammaire mais elles sont toujours couplées avec l'usage qui reste, pour moi, la référence. Je ne suis pas grammairien mais un chapitre sur la concordance des temps par exemple, qui n'est pas la même qu'en français, me semblait important. Normalement, a grammatica hè fatta secondu à a pratica (la grammaire est établie à partir de la pratique)donc j'ai choisi de mettre la pratique est au centre du projet.
Tout vient d'elle ?
Ce qui compte le plus, c'est la manière de s'exprimer des locuteurs auxquels le corse a été transmis naturellement. Ils le parlent par habitude sans traduction du français et je voulais que des personnes qui n'ont jamais parlé le corse puissent avoir accès à la richesse de cette langue. Nous savons qu'une langue ne peut s'apprendre sans qu'elle soit entendue et c'est aussi pour cela que j'ai pris quelques libertés parfois avec la norme écrite pour me rapprocher le plus sur le papier de ce corse parlé, pour le rendre le moins opaque possible. Mais j'avertis toujours avant de le faire.
Une façon de se mettre à la portée de chaque lecteur ?
Oui et c'est assez nouveau dans ce genre d'ouvrage. Mais si l'on regarde dans certains romans corses, les auteurs comme Marcu Biancarelli ont parfois leur propre convention et ils en changent parfois d'un livre à l'autre. Les ouvrages scolaires, eux, ont un cadre plus rigide, ce n'est pas le cas du mien. Mon but est de rendre la lecture la plus accessible possible.
Rendre la langue orale accessible est-ce une façon de la préserver ?
En quelque sorte. Toutes les langues évoluent selon les influences et encore plus lorsqu'elles sont grignotées par une autre langue. Alors elle peut être soumise et finalement singer la «dominatrice » ce qui est un effet pervers. Lorsque l'on constate ce phénomène sur des points de vocabulaire, ce n'est pas bien grave, une langue doit en inventer et évoluer, le français pioche bien dans l'anglais parfois. Mais il y a danger lorsque la manière de construire les phrases et donc de penser la langue se calque sur le français. C'est le sens et l'esprit du corse qui sont alors menacés.
La langue corse en 23 lettres, précis alphabétique de grammaire, d'usage et de vocabulaire du corse, éditions Albiana
URL source:
http://www.corsematin.com/article/papier/ghjaseppiu-gaggioli-le-corse-en-23-lettres.649213.php
Publication des chroniques de Pascal Marchetti
parues entre 1990 et 1995 dans Corse Matin.
Décapant,
parfois irritant, stigmatisant le "politiquement correct",
dénonçant les ravages d'une inculture propagée à dessein, rappelant les
racines italiennes souvent niées de la langue corse, condamnant la
langue corse artificielle propagée par les média, cet ouvrage ne laisse
pas indifférent.
Par l'universitaire, poète, écrivain et parolier, expert des questions
linguistiques Jacques Fusina, un ouvrage simple, précis et complet sur
la langue corse sous tous ses aspects.
Des réflexions "décousues", mais pertinentes et très intéressantes sur la langue corse, son écriture, les expressions idiomatiques, etc.
O sè vo sapissite o cari ! Sè vo sapissite e ciarlate, e burlate, e
sciabulate, e scaccanate, e sbillicate, e spanzate chì nascianu daretu
à quelli purtelli.
Chì tante ghjelusie ! à palesu ! Nant'à a piazza, per ste strette, in
campagna, in u piacè di u cummunu, chì ùn vale a risa s'ella ùn hè
spartuta.
A risa hè parolla chì sguilla, sfunghje, spalanca, si tramuta è si
tramanda franchendu ogni fruntiera.
O quant'ellu ne curria storie ridicule, strucciuli spiritosi, canzone
in disprezzu, raconti saliti è dolci campazioni ! Una pratica
naziunale, un'arte maiò, una filusuffia di vita, a intelligenza suprana
d'un razzinu rudu ma scherzittosu, industriosu ma cuccagnone, altieru
ma ironicu.
à chì sà ride d'ellu stessu si franca ogni travata.
A magagna, stu sebbiatu populu corsu, a maneghja dapoi l'alba di u
mondu !
Des digressions fécondes, des oscillations linguistiques entre corse, latin ou encore italien, ainsi qu'une identité et une histoire condensées à l'extrême. Les noms de famille insulaires, jaillis d'une créativité jouissive, figurent le centre absolu et minimaliste de temps, de filiations, et de quelques mythes fondateurs. Ainsi vont, en jouant des consonances et des legs épars, ces valeurs de référence entre vie privée et société.
Jean Chiorboli, chercheur et linguiste à l'université de Corse a entrepris de retracer leur grande aventure dans un essai intitulé « La légende des noms de famille. Appellations d'origine corse ». Son analyse est d'emblée configurée par les chiffres ou plutôt par des tendances chiffrées. Car le problème, c'est que bien des patronymes échappent au comptage. Il faut l'admettre, dans l'île comme ailleurs : « Il est encore impossible aujourd'hui de se faire une idée correcte du nombre de noms de famille portés par des Françaises ou des Français (…) C'est ce qu'on écrivait en 1983, et que nous pourrions reprendre à notre compte une trentaine d'années après », reconnaît l'universitaire. La logique d'approximation est entretenue par « la diversité des sources utilisées ».
Colombani, Mattei ou Santoni
Elle est aussi le reflet d'une succession de disparitions et d'apparitions patronymiques, au gré « d'épidémies, de guerres, de mouvements migratoires ». Le panorama se brouille encore lors des modifications d'état civil d'après naissance. Le fichier de l'Insee, pourtant « formidable outil d'étude patronymique », touche lui aussi au cœur du problème. Le mécanisme est simple : « L'Insee a été créé en 1946, l'informatisation de son fichier date de 1970-1972. Aussi, les personnes nées avant 1946 et mortes avant 1970 n'y figurent pas. Les 1,3 million de morts de la première guerre mondiale et les 530 000 de la seconde ne sont donc, par exemple, pas comptés. » La consultation des annuaires téléphoniques constitue un autre passage obligé pour le linguiste en quête patronymique. Les supports se fondent dans le mouvement commun. Ils seront donc « à manier avec précaution ».
Même s'ils s'assimilent à la « principale source de ce travail ». De cet ensemble émergeront 23 000 noms différents à travers l'île. 20% d'entre eux ont une diffusion régionale. Les 80% restants se cantonnent à l'espace plus restreint du département. Dans le lot, certains noms ont fait une percée remarquée, à l'image des Albertini, Casanova, Luciani ou Paoli. On s'appelle aussi beaucoup Bartoli, Colombani, Mattei, Santoni, Pietri, Rossi, Leca, entre autres. Qu'ils soient fréquents ou moins fréquents, les noms ont bien souvent une résonance moyenâgeuse. Des prénoms font le lien. L'inspiration religieuse est à l'œuvre. Ainsi, « la grande majorité des noms de famille est issue d'un nom unique, médiéval la plupart du temps ». Il s'agit « de noms chrétiens d'origine diverse portés par des saints ou des martyrs, choisis dans une liste imposée par l'Église à partir de la seconde moitié du XVIe ». Mais l'identification s'inscrit dans une mouvance touche à tout, sans style fixe. Les prénoms saisissent au vol une particularité physique, se réfèrent à un lieu d'habitation ou bien dérivent de la profession exercée. Le premier du nom est un forgeron, « Ferrari », un petit juge « Giudicelli », ou bien une forte tête, « Chiocca ». À moins qu'il n'ait affiché un teint pâle ou qu'il ait blanchi sous le harnais, « Bianchi ». Tout dépend.
Le rapport à l'Italie
Barbares et autres envahisseurs abandonneront quelques prénoms sur le lieu de leurs razzias. La mythologie est une valeur sûre. Et porter le prénom d'un héros revient sans doute à gagner sa part de prestige et de gloire. Les Serpentino, Oliviero, Orlando, Rinaldo et autres Bradamante et Tristano ont la cote. Les poètes italiens Arioste et Le Tasse ont lancé la mode. Leurs personnages sont partout, comme le seront quelques siècles plus tard les Loana, les Jennifer, les Nolwenn de la téléréalité.
Chaque époque a ses muses.
Dans tous les cas, passé l'an mille, l'influence de l'italien sera déterminante au moment de la conversion patronymique. On est dans le linguistiquement correcte. Le toscan confère à l'île sa langue et son orthographe officielle, « ce qui explique que les noms de famille corse, issus pour la plupart de prénoms, aient encore aujourd'hui une forme toscane », note l'universitaire. Les individus existent dorénavant à travers un nom et un prénom. L'évolution est le fruit de la nécessité en vertu « de la croissance démographique, d'un répertoire qui s'appauvrit. » Dans la péninsule comme dans l'île, la forme définie privilégie la finale en « -i ». Les motivations se discutent. Le choix s'interprète « comme un génitif latin singulier. Alors Andria Filippi équivaudrait alors à Andria, fils de Filippu. Il peut s'agir aussi d'un nominatif pluriel. Ce qui rejoint l'usage actuel : i Filippi, c'est-à-dire les membres de la famille Filippi. » Des métamorphoses interviennent encore au nom de l'écrit et de la tenue de registres paroissiaux. Le patronyme, cette fois, est tributaire de l'étourderie, de l'inventivité ou au contraire de la rigueur d'un scribe. « La forme écrite, plus ou moins proche de la forme locale, est déterminée par une autorité extérieure : le curé, le notaire, l'officier d'état civil. » Le modèle s'ancre dans le 16e siècle, à quelques exceptions près. Ainsi, à Quenza, « la formation des noms de famille ne commence qu'au 17e et en 1790, le nom de certaines familles n'est pas encore fixé. »
On a pris du retard à Scolca aussi où « dans la liste des mariages célébrés de 1665 à 1710, on ne relève que des prénoms », observe Jean Chiorboli. On italianise les prénoms, tôt ou tard. Et toujours des homonymies se mettent en place entre Corse et Italie, sous couvert de considérations linguistiques voisines et non de parentèle. On se nomme Susini, Padovani, Bevilacqua, Battini ou Aquaviva de part et d'autre de la tyrrhénienne, sans pour autant être cousin. Plusieurs combinaisons sont envisageables à cet égard. Ainsi, « un nom de famille comme Mattei, courant en Corse, peut être un nom porté par une ou plusieurs familles d'origine italienne (apparentées ou non) immigrées en Corse à diverses époques. Ou bien un nom porté par une ou plusieurs familles d'origine corse (apparentées ou non) sans aucun lien de parenté avec les familles homonymes d'origine corse ».
D'une rive à l'autre, il faut parfois tendre l'oreille. On fraye avec des voyelles différentes. Par exemple, « l'Italie a Bocchini et Bucchini, la Corse seulement Bucchini ». Les Salasca vivent en Corse, les Salasco en Italie. Pour certains patronymes l'île représente un horizon indépassable. La catégorie « résulte d'une évolution sociale et de caractéristiques formelles particulières ». Elle se confond avec « les noms nés en Corse qui ont changé de statut et de fonction en Corse ». Ceux-ci exposent leur corsitude à travers un suffixe, à l'image de Mufraggi (Mufra , mouflon), Pasqualaggi, Stefanaggi, Campinchi, Gugielmacci, Maestracci, entre autres. Certains patronymes ne se soumettront pas à l'analyse. Le mystère l'emporte, en plus d'une « étymologie et d'un sens inconnu ». Rien ne transparaît des accents et des inflexions. Le débat est ouvert, comme sur les « noms transparents », les « noms très communs » ou les « noms de la honte ».
Foisonnant et instructif.
En passant par le pont de Cassingue Privés de leur liberté et coupés de leur identité insulaire. D'une pierre deux coups. Entre 1768 et 1784 les Français jettent leurs prisonniers corses dans les geôles toulonnaises et en profitent pour imposer leurs patronymes. On balance quelques voyelles, on soustrait des séquences de consonnes comme pour corriger une sorte de lourdeur paysanne. La dérive linguistique sombre parfois dans le grotesque. Ainsi, dans la liste des embastillés figure un François Maria Augustini, curé de Bigouille, puis des Francisque, des Francesque, et des Saligès, des Jomarque, des Ansiane. On s'éloigne du même coup de Biguglia. Et on ajuste au français, les Franceschi, les Saliceti, les Gianmarchi et autres Anziani. L'intention, plus ou moins consciente, plus ou moins individuelle, perdurera dans le temps. Les locuteurs rivalisent de créativité. Bienvenue chez les « keurs » du XXIe, de Porto-Vech, de Propriane avec un détour à Portich. Au 18e on allait bien à Bescoade (Vescovato), au pont Cassingue (Penta di Casinca), ou à Jouveline (Giovelline). On n'arrête pas les effets de la toponymie. Un lieu, un enfant Ce sont les circonstances qui donneront du sens, après l'errance et l'effroi de l'abandon. En général, le patronyme tend aussi le miroir de l'innocence. Des règles se mettent en place et « dans les actes anciens en Corse, on a pour les enfants abandonnés un prénom neutre. Innocente, innocenzio, innocent sont fréquents mais autant que Vincente, Vincenzio et Vincent. Il est souvent associé à un nom de commune, de rivière. En souvenir peut-être de l'endroit où l'on a retrouvé le bambin. |
O ghjenti, hà da sorta da quì à pocu u dizziunariu Francesi - Corsu
chjamatu "u Maiò" di Culioli / Paoli / Weber.
Più di 1500 paghjini di traduzioni è d'adattazioni, d'asempii in tutti
i parlati. Ci sarà indrentu l'opara di Foata nant'à i lingui
suttanacci. Critichi ci ni sarà ma pensu ch'eddu sarà ghjuvativu è
ghjuvatoghju par tutti quiddi appassiunati di a nostra lingua.
Sarà Francesi - Corsu ma for di a traduzzioni sola di a parodda, ci sò
i sfarenti maneri di dì la cù una sprissioni (soprattuttu pà
l'avverbii). Da capiscia bè a manera di ghjuvà si ni, sarà
impurtintissimu di leghja i spiicazioni di i primi paghjini.A parodda
sarà scritta cù una tarminazioni "neutra" chì a ghjenti pudarani cambià
à u scrittu.
Asempiu : Tavulone chì darà in Gravunincu ed Aghjaccinu Tavuloni è
ind'u suttanu Tavulonu.
Pà i prifissi, sò scritti i dui : presceltu è prasceltu par indettu.
Listessu pà i tarminazioni : musicanti, musichenti.
ùn hè un dizziunariu par quiddi ch'ùn sani nudda. Quistu, U Minò,
isciarà dopu... ma da quì à pocu.
Tutti l'aletti sò scritti è dunqua à caccià à u scrittu ! Cusì, sbagli
di prununcia ùn ci ni sarà più.
Dop'à a traduzzioni di a parodda, l'asempii sò dati in parlati sfarenti.
Source : Ghjuvan Micheli dans U foru corsu.
Né à Valle d'Orezza (Corse), berceau de sa famille, Joseph Sicurani est peintre et professeur agrégé d'arts plastiques.
Après des études artistiques et littéraires, il est nommé professeur d'arts plastiques au lycée de Corte où il est à l'origine de la création du département d'arts plastiques. Corsophone dès son plus jeune âge, à partir de 1948 il se passionne pour l'étude approfondie de sa langue maternelle et entreprend de fructueuses recherches linguistiques sur le terrain, auprès des différentes couches de la population.
Ses études de lettres classiques lui font découvrir la richesse de l'héritage gréco-latin dans les dialectes insulaires. En 1960, sous le titre "l'Art galtique", il publie une brochure destinée à relancer l'artisanat rural en Corse. En 1972, il rédige "Corte et ses environs" pour le compte du syndicat d'initiative. En 1992 le CRDP d'Ajaccio édite "Cunterji di documenti iconugrafichi", commentaires de documents iconographiques, ouvrage pédagogique bilingue destiné à la préparation de l'épreuve du bac.
Poursuivant ses investigations à une époque où le corse avait conservé toute son authenticité, il a pu brosser un large panorama, couvrant plus d'un demi siècle, d'un idiome qui ne devait pas tarder à s'étioler, miné par les emprunts inconsidérés aux grandes langues véhiculaires. Contre vents et marées, l'auteur a su maintenir l'orthographe traditionnelle, persuadé que la tradition est seule à pouvoir garantir à l'idiome le suivi et la pérennité.
Pour lui, le déclin de la langue prélude à l'aliénation de l'identité. Afin d'enrayer ce signe avant-coureur il pense que la langue maternelle ne peut obtenir ses lettres de noblesse qu'en passant par l'enseignement. Aussi est-il le premier avec six autres collègues, à ouvrir gratuitement des cours de corse au lycée de Corte, le 12 mars 1970. En 1989 il est nommé président du jury littéraire du " Prix de Corse ".Pendant vingt ans, il tient deux chroniques en langue vernaculaire dans le quotidien Corse-Matin et l'hedomadaire La Corse votre hebdo dont trois tomes ont déjà été édités. En 1996 il obtient le " Prix du livre corse ", ce qui a fait dire au journaliste-écrivain C Giudici : "Le Dettu di l'etima c'est le pari réussi et unique d'un vrai travail de journaliste en langue corse à travers la rédaction, chaque semaine, d'une chronique dans un grand quotidien régional" (Corse Matin, 12 août 1996).
Paru le : 24 mars 2012 aux Editions Le Bord de l'eau - 1200 pages
Ce dictionnaire bilingue de la langue corse a nécessité cinquante années de recherches méthodiques au plus profond de la mémoire collective.
Plusieurs centaines de collaborateurs originaires de toutes les micro-régions de l'île ont contribué à son élaboration. Ce qui a permis à l'auteur de dresser l'état de la langue lors du passage au troisième millénaire. Pour ne pas dérouter le débutant, les entrées sont classées par ordre alphabétique. La micro-structure de l'article comporte les caractéristiques grammaticales, les variantes orthographiques, l'étymon grec ou latin si nécessaire, la filiation, le nom de la micro-région d'origine, l'appartenance au vocabulaire de telle branche artisanale, scientifique ou technique.
Dans un but didactique, les explications, tout comme les exemples sont portés en corse et en français. Afin de délimiter l'aire romane à laquelle ils appartiennent, plusieurs mots sont assortis de leur traduction en cinq grandes langues véhiculaires. Le fait d'avoir échelonné ses recherches dans le temps a permis à l'auteur de suivre l'évolution du sens de nombreux vocables. Bien que n'appartenant pas exclusivement au fonds lexical corse, des termes scientifiques ou techniques, adoptés à l'échelle internationale, figurent dans cette nomenclature et permettent de traiter des sujets d'actualité.
Afin de faciliter la lecture au néophyte, sur chaque mot corse un signe graphique indique la syllabe tonique. Dans sa présentation compacte, ce dictionnaire se présente comme un outil performant, aussi bien pour le lycéen et l'étudiant que pour le chercheur. Toute une civilisation, toute la vie d'un peuple se trouvent résumées dans ces pages.
19/03/2012
Février 2013
28/01/2013
Parution: 20 mai 2010.
Prix: 22,90 euros.
516 pages.
• Toute l'Histoire de la Corse des origines à nos jours
• Du Cap corse à la pointe: balade insulaire du Nord au Sud, d'Est en Ouest !
• Mythes et réalités contemporaines, la langue, les traditions, les spécialités culinaires…
• La Corse (enfin) à la portée de tous !
… le nouvel ouvrage de Jean-François BERNARDINI sera
disponible chez
tous les libraires de Corse, à partir du 10 juillet prochain.
- Sous la forme d'un "petit précis pyromantique", l'auteur y
égrène ses "corsopholies tendres ou féroces"... dans l'espoir de
souffler sur la tristesse pour qu'elle s'envole… et d’inspirer
peut-être quelques sourires.
Aux éditions AGFB - DICOCORSE - 228 pages -18 € à partir du
10 juillet et bientôt sur : www.dicocorse.fr
N. B. : Non encore distribué sur le continent : disponible en Corse
uniquement, et sur la boutique muvrini.com
AGFB éditions
Les Terrasses de Funtanone
Bât B
20200 Ville di Petrabugnu
France
+33 (0) 4 95 32 17 17 (tel)
+33 (0) 4 95 31 63 03 (fax)
http://www.muvrini.com/
Juin 2014
Huit récits retraçant le quotidien des poilus corses.
« Ce livre raconte un cheminement. D’abord ma rencontre avec Piana : un éblouissement qui m’a donné à moi, femme immigrée, le désir immédiat d’y faire pousser une racine. « Racine, au sens où l’écrit Khalil Gibran, cette fleur tournée vers la terre et qui néglige la gloire ».
Cela s’est poursuivi, avec les habitants de Piana et surtout les anciens, par un apprivoisement réciproque. J’ai commencé à écouter leurs vécus respectifs et eux même ne demandaient qu’à raconter. Je me suis mise à enregistrer leurs récits. C’est ainsi que le livre des anciens a pris naissance dans ma tête.
Puis arriva cette histoire de pierre sarrasine apprise de la bouche d’un ancien: elle fut trouvée dans sa boutique, au cœur du village, puis hélas perdue sans doute intégrée à la construction d’un muret. Cela m’a donné le goût d’aller chercher dans les livres et les Archives tout ce qui pouvait concerner Piana. Ce ne fut pas tâche facile eu égard à la petite taille du village, surtout que je ne suis pas historienne. Je restais entre histoire et mémoire : il me fut difficile de distinguer l’histoire locale de l’histoire générale de l’île, d’où le survol inévitable mais bref des différentes occupations, à l’affût du moindre détail sur Piana.
Enfin mon chemin s’est poursuivi par une question lancinante que je me suis toujours posée depuis que je vis dans l’île, question à laquelle les anciens ont bien voulu répondre : « qu’est ce que l’être corse ? » L’intérêt est dans la question, somme toute universelle, celle de l’identité que tout être ou tout peuple se posent à des moments critiques de leurs histoires. Question à laquelle je ne prétends pas avoir donné de réponse, mais simplement livré mon ressenti : celui de quelqu’un qui vient de « l’autre côté ». Mais après tant d’années vécues et partagées avec les gens de l’île, suis je restée vraiment de l’autre côté ? A quel moment on cesse de l’être pour aborder la même rive ensemble ? »
Dans le présent ouvrage, l'auteure, originaire d'Algérie installée en Corse depuis une cinquantaine d'années, a voulu au départ simplement témoigner de son attachement à la Corse et au village de Piana. Petit à petit, son histoire personnelle et l'histoire de la Corse se sont mêlées, et elle a découvert « les arborescences de la mémoire » C’est en écrivant sur Piana et son histoire et sur ses habitants qu’elle s’est rendu compte qu’elle écrivait aussi sur elle-même. « Nous ne connaitrons des autres que ce qui grâce à eux, devient ou redevient vivant en nous. Nous sommes poreux, perméables et donc attentifs aux rumeurs du monde qui vont réveiller de vieilles rumeurs en nous. »
Et de nouveau se sont imposées à elle les interrogations sur l’identité et l’appartenance. Elle ose le questionnement : que signifie cet « être corse » si souvent invoqué ?
Un livre passionnant que l'on lit d'une traite.
Auteur : Boni Baracucca
ISBN : 978-2-312-01073-1
Format : 150x230 mm
Nombre de pages : 336
Série / Collection : Les Editions du Net
C’est un ouvrage collectif, coordonné par Hélène Paolini-Saez - Directrice du Laboratoire régional d’archéologie - commandé par la Municipalité d’Alata, édité par « Colonna édition » qui sera présenté jeudi prochain 1er août à 11h. sur le parvis de l’église de la commune de ce charmant village aux portes d’Ajaccio. L’ensemble des co auteurs sera présent pour signer cet ouvrage.
Ouvrage collectif - plus de quinze collaborateurs parmi lesquels on citera entre autres, des historiens comme Jean-André Cancellieri, Philippe Colombani, John Mac Erlean, ou Francis Pomponi, « Alata, des origines aux années 1900 » met en valeur les découvertes archéologiques et historiques récentes certes, mais aussi dresse un inventaire exhaustif du patrimoine de la micro région, rappelle avec précisions les traditions et la vie des hommes jusqu’à une époque – le vingtième siècle – qui a vu des bouleversements irréversibles.
Jean Alesandri, Nadia Federzoni, Laurent Casanova, Pierre Comiti, Zelia Darnault-Orsoni, Jean Delmotte, Etienne Ferrandi le maire d’Alata, Astrid Huser, Kevin Pêche-Quilichini, Véronique Pietri, Noël Pinzuti, Emilie Tomas et Jean-Michel Weber ont également collaboré à cet ouvrage.
Cet ouvrage sera présenté à Alata jeudi 1er août à 11 h puis sera signé à Ajaccio par ses co auteurs, samedi prochain 3 août, de 10 à 12h30 dans la « Librairie des palmiers », place Foch.
"Colonna édition"
Jean-Jacques Colonna d'Istria
la maison bleue
San Benedetto 20167 Alata
fax : 04 95 25 30 67 tél : 06 75 33 50 49
Ne manquez pas d'aller sur le Site : www. éditeur-corse.com
Juillet 2013
sur des photos de Joseph
Nicolaï
avec une préface de Marie-Jean
Vinciguerra
Ce bel ouvrage invite le lecteur à un parcours dans l'histoire de Calvi, à la découverte de l'ensemble du patrimoine calvais au travers des monuments, oeuvres d'art, personnages illustres et traditions de la ville.
30 janvier 2012
Michèle Acquaviva-Pache
Source : Journal de la Corse
26/02/2011
Samedi prochain, 15 Août, de 10h00 à 12h30, dans la « librairie des palmiers », place Foch, à Ajaccio :
L’Historien Michel Vergé-Franceschi signera son tout-dernier livre : “ Pascal Paoli et les femmes” ( « Colonna édition ») et l’ensemble de ses œuvres.
Pascal Paoli (1725-1807).
L’homme politique est bien connu, mais l’homme privé beaucoup moins.
Dans cet ouvrage « Pascal Paoli et les femmes », pour lequel Michel Vergé-Franceschi s’est associé avec le Professeur Anna Moretti qui travaille sur l’histoire des Femmes et la littérature, ce double regard masculin/féminin permet de mieux cerner le Héros corse à travers trois réseaux : les femmes politiques, les femmes de son entourage, les femmes de sa famille…
Voilà un ouvrage qui répond enfin à bien des interrogations….
310 pages.
Le nouvel ouvrage de René Santoni, sorti le 24 juillet dernier, traite d'une face méconnue du cardinal Fesch : son œuvre pour l'éducation de la jeunesse corse.
C'est ce qui ressort de l'enquête menée par René Santoni. Ce dernier publie un ouvrage étonnant où l'on découvre que cent ans après la mort du Général, des enfants profitaient toujours de ses legs
René Santoni n'a pas la notoriété de l'historien auquel les maisons d'édition tendent les bras ? Qu'à cela ne tienne. Il a créé une structure dédiée à la publication de ses propres livres. Son travail n'est pas particulièrement connu du grand public ? Peu importe. Il poursuit sur sa lancée solitaire, préférant le tête à tête avec les documents d'archives à l'effervescence des séances de dédicaces. Enquêteur méthodique, il se plaît à explorer des sujets qui renvoient à un passé aux accents locaux, généralement méconnu. Du bagne pour enfant de Saint-Antoine au domaine des Milleli, en passant par la figure de Jacques-Pierre-Charles Abbatucci, il a ébauché une fresque version XVIIIe-XIXe qui n'a pas laissé insensible les amateurs.
Sa dernière production, L'oeuvre posthume de Pascal Paoli, a toutes les chances de susciter un intérêt encore plus important. Son thème : comment l'argent légué par le grand homme a permis la création et le financement d'écoles publiques à Morosaglia et Corte, qui ont contribué à former plusieurs milliers de jeunes Corses sur une période de plus de 70 ans.
Une facette de l'oeuvre de Pascal Paoli laissée en friche par les historiens. Vous avez dû exulter en mettant le doigt dessus.
Parfois, un détail vous met sur la piste. Lorsque je travaillais sur mon précédent livre consacré au domaine des Milelli, j'avais été intrigué par un article du Journal de la Corse du 12 décembre 1838. On y faisait mention de la lettre adressée par le cardinal Fesch, depuis Rome, au maire d'Ajaccio. Il demandait que son palais, initialement réservé aux arts, accueille également un établissement d'études supérieures, dans l'esprit de ce qui avait été réalisé à Corte grâce à Paoli. J'ai gardé cette information en tête. Et j'y suis revenu un peu plus tard. Mes recherches ont véritablement débuté lorsque je suis tombé sur l'ordonnance royale signée par Louis-Philippe, en date du 31 mars 1836, donnant l'autorisation d'ouvrir l'école Paoli à Corte. Un document où il est notamment fait mention du legs fait à la commune par le général Paoli.
En quoi consistait exactement ce legs ?
Après son départ de Corse, en 1795, Paoli a vécu à Londres avec des revenus confortables attribués par le roi Georges III, soit 2 000 livres sterling par an. En décembre 1804, alors qu'il avait rédigé son testament quelques mois plus tôt, il ajoute un codicille. Où il est question de prélever sur son héritage la somme nécessaire pour produire une rente annuelle de 250 livres sterling destinée à l'instruction des jeunes Corses. Le testament et son codicille sont parfaitement connus. Mais, tout le monde est resté sur l'aspect symbolique de cette décision. Or, il est question d'une somme conséquente. Pour générer ces 250 livres sterling, il fallut placer une somme totale de 8 300 livres, soit l'équivalent de 200 000 francs de l'époque. Et ce sont ainsi quelque 6 250 francs qui ont pris la direction de la Corse chaque année. Quand on sait que la loi Guizot de 1833, qui organisait l'instruction publique en France, a établi qu'un instituteur ne pouvait pas être payé moins de 200 francs par an, on se rend mieux compte de l'ampleur des moyens mobilisés. En outre, tout au long du XIXe siècle, il n'y a pas eu d'inflation ni d'érosion monétaire. Le legs de Pascal Paoli a ainsi produit des revenus constants pour les écoles de Corte et de Morosaglia.
Comment a été exactement réparti cet argent ?
200 livres à la commune de Corte pour le financement de quatre chaires d'enseignement et 50 livres pour l'entretien d'une école dans son village de Morosaglia. Cette dernière fut inaugurée le 12 mars 1833.
Un établissement conséquent ?
Et comment ! Vu l'importance du legs de Paoli, ce ne fut pas une, mais deux écoles, en fait, qui furent créées dans les bâtiments du couvent Saint-François. Une école primaire élémentaire comptant 167 enfants du village et des communes avoisinantes, ainsi qu'une école primaire supérieure qui accueillait vingt élèves, âgés de 16 à 18 ans. Ce dernier type d'établissement était alors très rare en France. En Corse, il s'agissait du troisième seulement. Il a formé des instituteurs, des cadres administratifs et militaires jusqu'après la Première guerre mondiale.
Et à Corte ?
L'inauguration a eu lieu le 12 décembre 1837, trente ans après la mort du Général. Ici, l'ambition était importante. Les enseignants y étaient tous licenciés. Jusqu'à 200 jeunes était accueilli chaque année dans les locaux du Palazzu naziunale. Mais, il se posa rapidement un souci. à savoir le faible niveau de nombreux élèves que l'on confiait à des professeurs de grande qualité. On envisagea alors une réorganisation, qui fut le premier de divers épisodes qui aboutirent à la transformation de l'école Paoli en collège communal.
Durant toutes ces années, le legs Paoli a continué à alimenter les caisses de ces écoles ?
À la veille de 1914, c'était toujours le cas. Plus de cent ans après sa mort, des enfants de Corse s'instruisaient toujours grâce à ses legs. On peut estimer que le nombre de jeunes qui ont pu profiter des libéralités de Paoli dépasse le nombre de 10 000, soit 150 par an en moyenne pendant une période de plus de 70 ans. Et encore, sans compter l'école primaire de Morosaglia.
Que sont devenus ses legs après 1914 ?
Je n'en ai plus trouvé trace dans les archives par la suite. Nous ne savons donc pas quand ces rentes prirent exactement fin, ni même si elles existent encore. Mais, il faut savoir qu'à partir de 1918 la valeur du franc se déprécia fortement et les rentes de l'état perdirent rapidement toute leur valeur.
Ce qui vous a le plus enthousiasmé dans cette étude ?
De constater combien ce chef de guerre, ce législateur et homme des Lumières plaçait les principes d'éducation du peuple comme éléments fondateurs d'une Nation. Et la façon dont il a illustré ce principe au-delà de sa mort. à ce titre, concernant la petite polémique autour du choix de la citation apposée sur le buste de Paoli inauguré récemment à Ajaccio, peut-être aurait-il été intéressant de choisir une phrase faisant référence à son amour pour l'éducation.
L'oeuvre posthume de Pascal Paoli, de René Santoni, chez René Santoni éditions, 128 pages, 15 euros.
L'héritage de pierre des premiers Corses renvoie à des considérations aussi variées que surprenantes et universelles. C'est ce que démontrent Jean-François Santucci, professeur des universités, et Ghjasippina Giannesini, docteur en anthropologie dans un ouvrage novateur
Jean-François Santucci et Ghjaseppina Giannesini se sont emparés des dolmens de Corse. Et dans leur manière d'agir, leur formation ainsi que leur champ d'expériences quotidiennes ont joué un rôle majeur.
Le premier a étudié les pierres surgies de la nuit des temps avec les clés du professeur des universités, spécialisé en informatique. Au passage, l'archéoastronomie sert de base solide à la compréhension du sujet. Le raisonnement de la seconde découle de son doctorat en anthropologie. La toponymie et les croyances entrent aussi en ligne de compte.
La grande aventure des premiers Corses incarnée dans le granite, avec en toile de fond un ballet sidéral, soulève alors bien des interrogations inédites. La pensée trouve sa cohérence dans les pages de leur ouvrage "Dolmens de Corse entre astronomie et croyances".
Elle se décline selon trois volets . "La première partie est consacrée à la présentation des dolmens corses. La seconde renvoie aux notions essentielles en astronomie. Dans un troisième temps, l'accent est mis sur l'étude des orientations astronomiques des dolmens corses. Afin d'analyser le lien entre les dolmens corses et d'éventuels événements célestes, nous privilégions une approche scientifique", résument les auteurs.
Mythes et rites
Ils ont aussi choisi de se lancer dans un inventaire méticuleux . Le classement est régi à travers cinq microrégions insulaires: Le Nebbiu, Sagone, le Taravu, le Sartenais, Purti-Vechju.
Chaque dolmen possède sa fiche d'identité. Le document fait mention de "son état de conservation, de ses coordonnées, de son orientation, de sa localisation, de la description de sa structure et des éléments proches. L'historique des fouilles, les signes distinctifs, les mythes et les légendes qui s'y rattachent sont inscrits", expliquent Jean-François Santucci et Ghjaseppina Giannesini.
Le style est celui de la rigueur. Rien n'échappe aux chercheurs. Ils ordonnent le désordonné.
Les dolmens, pris jadis dans la frénésie des origines de l'univers, puis soumis au flux continu du temps, reviennent en permanence au chaos. Leur tendance a complexifier et à opacifier le sens est féconde.
D'autant plus que "de ces monuments, dans le meilleur des cas, ne nous est parvenu que la pierre. Tout ce qui était en bois a disparu. Le paysage qui a pu servir de décor aux mythes s'est transformé (...) Ensuite, encore plus impalpable, la mythologie, les rites, les chants et les danses qui les accompagnaient et les motivaient ont sombré dans l'oubli. Quelques bribes ont toutefois perduré dans les récits de l'île et dans certains rituels de la société traditionnelle."
Dans l'île, l'édifice trouve sa place à partir de 4200 avant Jesus Christ, tandis que sous sa dalle de pierre le défunt devient universel dans un calme d'éternité.
L'évolution est orchestrée sur le mode individuel ou bien collectif. Difficile de dire. "L'absence d'ossements, les remaniements divers, le délabrement de la majorité de ces structures empêchent toute certitude" à cet égard.
Le dolmen survit à l'âge de Bronze, traverse l'âge de Fer . Il tient face à l'Antiquité et "même de façon rituelle pour certains jusqu'au XIXe".
Son identité lexicale oscille dans le temps. Le dolmen devient tour à tour coffre, mégalithe ou complexe mégalithique au gré des hypothèses, des microrégions insulaires et des compétences des bâtisseurs primitifs.
Le regard des hommes change au passage. Les descendants des Corses d'autrefois ont l'approche moins mortifère. Les blocs de granite ainsi assemblés sont susceptibles d'abriter aussi les vivants, dans des circonstances bien précises. Ils fonctionnent alors comme un refuge éphémère pour les bergers jusqu'au XIXe siècle. Ils seront encore l'objet de bien des convoitises. Il y a un butin à prélever.
Les archéologues et par conséquent les musées insulaires ont eu leur part sous la forme de silex, d'obsidienne de quelques pendeloques ou bien de "rares perles de schistes et de serpentines".
L'Orcu de l'Agriate
Pour que le dernier voyage soit moins pénible, on se pare de bijoux, on reçoit des offrandes. La coquetterie jusque dans la tombe. Ce n'est qu'un épisode de plus de la saga. Car les monuments composent en effet un beau récit, parsemé de doutes et d'hésitations, riche en rebondissements.
Tout au long de l'intrigue, ils entretiendront un lien étroit avec des cercles, avec des alignements comme à "Ciuttulaghja, Sittiva et Muchjastru où ils sont bien conservés. Dans l'Agriate, le dolmen de l'Orcu présente cette même disposition : la file part du coffre et va jusqu'à l'arrière du dolmen", observent les deux chercheurs.
De petites pierres plantées, des menhirs se sont imposés dans la scène. "Cauria en présente un bel exemple. L'alignement de stantari, daté de 1200 avant JC est en relation avec le dolmen de Funtanaccia, bien plus ancien."
Dans cet espace, il faut aussi laisser le soleil agir. "Un axe est visible en allant du dolmen vers i stantari. L'omu di Cagna est aligné, à la perfection, avec ces deux sites. Cette ligne parfaite correspond aux levers de soleil début mai", note-t-on.
D'autres fois, la jonction s'opère avec "de gros blocs à la fonction énigmatique". La nature fournit le décor et l'équipement. À Casa di l'Orcu, à Musuleddu, à Ciuttulaghja, toutes ses possibilités sont exploitées, à l'image des "rochers troués laissant passer la lumière à certaines époques de l'année". Ils ont d'autres arguments que la luminosité. Car ils se vivent à l'échelle "de la communication entre les mondes".
De l'eau et des maux
Alors, leur raison d'être est de guérir des maladies, de contrer le mauvais œil ou encore de se rapprocher des défunts. Une pierre jetée dans le trou sert à enclencher le dialogue d'outre-tombe.
Au dolmen s'intègrent des rochers creusés de bassins pour recueillir l'eau de pluie. Cette prise en compte constitue une rupture de plus par rapport à l'ordinaire des jours. Les premiers Corses prennent en compte les confins du réel, nourrissent l'idée d'une conscience suprême. Ils deviennent plus inventifs, plus interrogatifs et se placent du côté des rituels.
Ainsi, "l'eau des pierres sacrées était, dans les sociétés traditionnelles, parée de nombreuses vertus et passait pour guérir de nombreux maux. Elle était recueillie selon un calendrier précis". Dans l'ordre des jours, la lune figure un repère fort.
En même temps, le choix des matériaux n'est jamais gratuit. Chaque élément de l'ensemble à un sens. Les constructeurs ont un pied dans l'imaginaire. Cette dimension est manifeste auprès du dolmen du Taravo qui "possédait une dalle d'entrée avec une ouverture à l'angle Nord-Est. À Fica a la Sarra, cette dalle trouée était en remploi dans le dolmen. Ce genre d'ouverture est le plus souvent nommée 'trou des âmes. On lui attribue une fonction plus symbolique qu'utilitaire; il permettrait aux âmes d'entrer et de sortir de la tombe." Les dalles en forme d'écusson donnent à leur tour à réfléchir à un au-delà du réel, y compris depuis la Bretagne.
Toutefois, les bâtisseurs locaux ne font pas dans le signe. Encore moins dans le dessin. Ainsi, "les gravures sont d'une rareté extrême dans les dolmens corses", admet-on. Ils préfèrent les cupules, comme à Cundutu, Paomia, Piana ou Tremica. Ils ont encore tendance à raisonner en panoramique et au plus près des cieux. Vue dégagée et altitude. Les éminences, puis les cols sont, par excellence, le lieu d'implantation des dolmens. "Ainsi plusieurs d'entre eux sont sur des lieux-dits Bocca di à Stazzona", remarquent les auteurs de l'ouvrage.
Le démon à un moment ou à un autre s'y invitera. Il piétinera le site à son tour. Le lexique est là pour rappeler les feux de l'enfer. "Le terme stazzona, forge, est une des désignations des dolmens compris comme étant les forges du diable, a stazzona di u Diavulu".
Les bâtisseurs pensent des frontières. La pratique est notable dans tout le sud. "Placer le tombeau de l'ancêtre fondateur à la limite du territoire, sur un sommet est une pratique attestée en Méditerranée". Ils jouent volontiers la carte de la proximité avec les cours d'eau. Sans doute ceux que les trépassés auront à franchir.
L'emplacement, mais aussi l'orientation compte pour beaucoup. Elle se révèle être d'une régularité exemplaire d'après les mesures effectuées. Les chercheurs sont catégoriques: "nous pouvons dire que les orientations des tombes néolithiques corses peuvent être classées dans la catégorie SR et SC -sun rise et sun climbing- soleil levant et soleil ascendant."
Les bâtisseurs à travers le bassin méditerranéens convoquent les mêmes points cardinaux. Le parti-pris matérialise un rêve de symbiose avec le soleil, la lune, et le ciel en général. On veut vivre et mourir à la lumière, à l'infini. C'est un fait, "le soleil et son cycle matérialisent la destinée humaine, symbolisent le temps et les lois universelles où tout ce qui naît croit, vit et meurt."
Le solstice d'hiver est moment plus précieux que les autres. "La volonté est cette fois de marquer ce moment clé de la course solaire, "cette porte de l'année" où il va stationner, lors des nuits les plus longues, avant de repartir". Les Grecs, les Égyptiens, les peuples d'Amérique Latine ne se lasseront pas non plus de regarder le soleil. En quête d'énergie cosmique.
Dolmens de Corse, entre astronomie et croyance, Jean-François Santucci et Ghjaseppina
Giannesini, ed Dumane, 20 euros, 249 pages.
À chaque dolmen sa fiche. L'exemple de Sittiva
Sittiva
État de conservation : bon
Coordonnées 41° 55' 35,0 /08° 54'07,2'' 150 m
Orientation
Azimut 98° altitude 10° déclinaison 0°
Localisation : Le dolmen se situe sur la commune d'Eccica-Suarella. Il est dans un lieu encaissé tout au fond d'un talweg aux pentes très abruptes. Il est à quelques mètres d'un petit ruisseau. Le lieu est humide et peu ensoleillé. À quelques dizaines de mètres au-dessus, un beau replat à la vue dégagée aurait représenté un choix plus habituel et plus rationnel pour implanter un monument. Sa situation si près du ruisseau est révélatrice d'un lien entre cette structure et l'eau.
Description de la structure
Il s'agit d'un dolmen assez brut. La chambre est petite, la largeur à l'entrée est de 70 cm et la hauteur de 84 cm. Le substrat rocheux y affleure en grande partie, accentuant l'exiguïté de la chambre. La table est remarquable et très particulière. Elle possède 7 côtés qui lui donnent un aspect biseauté et évoquent une feuille incurvée. Elle mesure 2,25 m dans sa plus grande longueur. Partant des supports du dolmen, deux files de gros blocs se dirigent dans la direction des deux axes solsticiaux : la première à 57°, la seconde à 123 °. Ces deux lignes solsticiales , l'entrée tournée vers le lever apparent aux équinoxes, le rocher qui empiètent sur la chambre et la localisation inhabituelle plaident en faveur d'un dolmen sanctuaire. Il évoque davantage un autel qu'un lieu de sépulture.
Historique, fouilles, découvertes fortuites
Il est signalé pour la première fois en 1952 par M Poggi, le propriétaire des lieux, à un journaliste de Nice-Matin-Corse.
Sorcières et chasseur de trésor
Quelques sorcières, ainsi que des dames blanches, et autres pythies nustrale auraient pris leurs marques auprès des dolmens grandioses et rustiques. Les bougresses apprécient l'atmosphère quasi surnaturelle qui règne dans ces parages, lorsque la raison cède la place au mystère. Elles puisent là l'inspiration indispensable à de maléfiques complots, à des sortilèges ou bien à des prophéties sibyllines. Elles ne seront pas les seules à se complaire autour des blocs de granite. Le dolmen appartient à la communauté rurale, en particulier dans la région de Sartène. Les bergers de A Sarra di Ghjunchetu allaient y allumer des bougies. Parmi les effets escomptés de la démarche, la fertilité et la guérison de maladies graves. À Grossa au milieu du XIXe siècle, les villageois poussaient plus loin. Ils faisaient face au dolmen de A Pazzanilatous ensemble à l'occasion de processions au flambeau. La guerre de 14 et une Europe désenchantée mettront un terme à ces comportements et à ces croyances. Les tranchées, les obus et les morts aux combats effacent les autres récits.
Seuls les chercheurs de trésor pensent que le monde et les dolmens peuvent encore fabriquer du merveilleux.Ils continuent à chercher le Veau d'or. Ils ne sont pas au bout de leurs peines.
"En Corse, on ne compte plus les lieux où on le dit enfoui". Mais l'abondance de biens se confond avec un destin funeste selon la légende. Car "certains dit-on l'ont trouvé et sont devenus fabuleusement riches, avant d'être maudits à jamais sur plusieurs générations". En général, la déchéance qui suit la fortune est violente et irrémédiable. "Certains sont devenus fous, d'autres sont morts ou d'autres ont été foudroyés. D'autres sont demeurés prisonniers de la pierre, la caverne s'étant refermée sur eux à jamais". À moins qu'ils n'aient un jour croisé la route de l'Orcu des Agriate, un alchimiste à la Corse capable de changer le petit-lait en cire. Une telle rencontre tragique aurait bien pu se produire avant l'intervention de bergers sans peur.
9000 ans
d'histoire à travers les grands
moments de la société insulaire et les grandes figures
Des hommes politiques, des généraux, des peintres, des enseignants, des
saintes, des mercenaires, des présidents, des bandits, des écrivains,
des papes, des préfets, des chanteurs, une sultane, des aventuriers,
des diplomates, des sculpteurs, des ministres, des inventeurs, des
professeurs, des rois, des aviateurs, des photographes, des
condottieri, des journalistes, des cardinaux, des industriels, des
historiens, des musiciens, des militaires, des sportifs, des hommes de
loi, des corsaires, des princesses, des résistants, des acteurs, des
prêtres, des médecins, des académiciens, des géographes, des
philosophes,....
Quatre ans de travaux
Cent trente-neuf auteurs
Deux mille quatre cent portraits
Cent cinquante articles analytiques
1032 pages.
Une biographie passionnante du "Babbu". Qu'on le considère comme un législateur démocrate ou un despote éclairé, Paoli reste une figure majeure de l'histoire universelle de la Liberté.
Le catalogue de l'exposition présentée au Musée de Corte en 2007.
Antoine-Toussaint Antona rend un bel hommage aux combattants corses de 1914-18, à travers ceux issus de Frassetu, et dresse le bilan pour la Corse de cette épouvantable hécatombe.
Le récit poignant (écrit dans la variante "sudiste" de la langue corse)
de la vie des bagnards de Cayenne.
« C'est compliqué, la Corse, pour un continental », faisait dire le dessinateur René Pétillon à l'un de ses personnages dans sa BD à succès, L'Enquête corse. Jean-François Bernardini dresse, lui aussi, le constat d'une relation d'incompréhension, faite parfois de défiance ou de stigmatisation entre l'île et le continent. Dans son dernier essai, intitulé L'Autre enquête corse, (éditions de l'Aube), le chanteur du groupe I Muvrini explore la complexité de ces rapports souvent nourris de clichés et de préjugés de part et d'autre. Face aux sirènes des idées préconçues, Jean-François Bernardini s'efforce de mettre des mots sur les maux. La figure de proue de la fondation Umani, qui œuvre pour la non-violence, analyse les « blessures réciproques de l'histoire » sous l'angle du « trauma », 250 après la conquête française de l'île, en 1769. Entretien.
Le Point : Deux cent cinquante ans après la conquête française de l'île, votre livre dépeint une relation d'incompréhensions et de tensions entre la Corse et la France. Qu'est-ce qui vous a incité à l'écrire ?
Jean-François Bernardini : L'énorme « éléphant » dans le salon du couple Corsica-France. Il continue à briser tant de destins, tant de chances, tant d'énergies indispensables face aux défis essentiels. Vous l'entendez de manière chronique : « Pourquoi ces tensions ? On ne comprend pas ? En Corse, rien n'est comme ailleurs, la Corse n'est jamais contente ! » Face à cette énigme, les hypothèses sont récurrentes, confinent à la fatalité ou à la résignation. On dit que les Corses sont spéciaux, que la violence est dans leur culture. Ou alors, ce sont les « vieux démons » de la Corse. Quelle banqueroute de l'intelligence ! Croyez-vous qu'avec le diagnostic des « vieux démons » on peut transformer les réalités ? Après ces vallées de larmes et de rage, il y a urgence à chercher d'autres clés. Ce livre n'est qu'un tout petit pas vers une prise de conscience radicalement différente, des deux côtés.
D'où vient le « trauma historique », ce « mal jamais entendu » que vous décrivez ?
J'ai d'abord l'insolence de poser une autre question : d'où vient toute cette souffrance ? Le trauma est par définition une blessure jamais reconnue, jamais nommée, et ainsi non guérie. Il vient de l'histoire. C'est un refoulé que l'on feint d'ignorer. Pire : nous défigurons ou nous dénions l'histoire. Pour les uns, la Corse a été déclarée française par un simple « traité de Versailles » en 1768. Pour les autres, elle l'est devenue par une conquête militaire en 1769, une persécution brutale et les décennies de terreur qui ont suivi. Pour bien d'autres, il ne s'est rien passé. Sur les simples faits historiques, il y a donc une discordance des mémoires qui est ahurissante et dure depuis 250 ans.
Quels sont, selon vous, les effets de cette « guerre des mémoires » ?
Le déni est d'une puissance volcanique, un vrai réservoir de violences, des deux côtés. Nous pourrions dire qu'il faut oublier. Mais le trauma persiste de génération en génération. Il nous condamne en bien des situations à nous regarder comme d'anciens ennemis. C'est un terrain miné. Au moindre déclencheur, le trauma se réactive : sur un terrain de foot, pour un drapeau, face à un CRS, ou un nationaliste. Qu'allons-nous en faire ? C'est toute la question de ce livre. Continuer à le nier ? Reconnaître qu'il existe ? Prendre conscience que le trauma résolu est une bénédiction ?
Vous faites aussi la guerre aux clichés en vous élevant contre ce « vieux roman » qui associe Corse et violence. L'île détient pourtant des records de criminalité qu'il est difficile de nier, non ?
L'île détient surtout le record de l'impunité face à la criminalité organisée. Le vieux narratif, le narratif unique et en béton sur la Corse date de Mérimée, au XIXe siècle. Le vieux western corse est prospère et très utile. Lisez le livre Juges en Corse, visionnez les trois films sur Arte Mafia et République. Il y a des passages scandaleux sur le fonctionnement de la justice dans l'île, qui prouvent l'échec et les erreurs monumentales, jamais remises en cause officiellement. Les citoyens corses semblent condamnés à vivre sous le joug d'une « souveraineté criminelle ». Tout cela reste sans écho, sans réaction aucune, sans cri d'indignation et sans sursaut de l'État de droit. à quand un juge Falcone, un juge Borselino pour la Corse ?
Vous évoquez la relation Corse-France comme un héritage douloureux d'hostilités et de confrontations. Qui en porte la plus grande part de responsabilité ?
Il ne m'intéresse pas de jouer à « qui est plus coupable que l'autre », qui a tort, qui a raison ou qui a été le plus violent. Ce jeu-là nous condamne à échouer. Les citoyens, des deux côtés, en ont marre d'ailleurs. Ce qu'il nous faut, et d'urgence, ce sont des solutions, des prototypes qui marchent, des diagnostics justes et surtout des remèdes qui fonctionnent face aux problématiques que nous rencontrons en Corse. Les initiatives comme celle de l'association Terre de liens Corsica, qui vise à réguler l'utilisation du foncier, m'intéressent. Le mouvement Zeru Frazu-Zero Waste, qui milite pour le zéro déchet, les « clauses antispéculatives » à appliquer le plus vite possible – pour non-résidents et résidents –, les combats des petites ONG qui prennent des risques énormes en Corse pour sauver ce qu'ils peuvent. D'autre part, il nous faut nous hisser à la hauteur des défis d'aujourd'hui : crise climatique, gestion de l'eau, nourriture bio, spéculation, énergies propres...
L'actualité politique rappelle que les crispations sont vives entre l'État et les nationalistes, au pouvoir dans l'île, engagés dans un bras de fer interminable. D'aucuns parlent d'un « dialogue de sourds », vous d'un « dialogue de blessés ». Pourquoi ?
Parce que, à mes yeux, c'est une clé. Le trauma nous fige dans un tunnel « blessures et reproches ». Tant que le trauma nous gouverne, nous percevons l'autre comme l'unique danger, l'ancien ennemi. D'une part : « Tu n'as jamais reconnu le mal que tu m'as fait » ; d'autre part : « Ce que je déteste en toi, c'est le mal que je t'ai fait. » Dans ce contexte, comprendre l'autre, chercher la guérison, est perçue comme une trahison. C'est le piège qui nous est tendu. Il ne s'agit pas de « crispations », mais d'une paralysie, d'une banqueroute systémique et systématique, aussi bien politique que sociale. Sans la clé d'une analyse plus profonde, sans autre horizon que les « bras de fer », on n'avancera pas d'un pouce. On ne résout aucun trauma par le bras de fer ou par plus de dotations financières.
En s'accusant mutuellement de tous les maux et en alimentant les tensions, les gouvernants actuels, les nationalistes et l'État, sont-ils à la hauteur de l'enjeu et n'ont-ils pas, eux aussi, une responsabilité dans la continuité de ce « trauma » ?
Savoir qui a tort, qui a raison, qui a commencé le premier, qui est le plus méchant, ne sont pas des questions à la hauteur des enjeux. Il y a dans le monde tant d'exemples de traumas résolus. Des hommes et des femmes d'État visionnaires ont osé penser l'impossible, l'impensable entre ennemis héréditaires. L'exemple France-Allemagne est inspirant de ce point de vue. La continuité du trauma est surtout due à une paresse intellectuelle, à des intérêts qui se satisfont du vieux western corse, entre Peaux-Rouges insulaires et Paris. Il y a tant d'exploiteurs du trauma qui pensent, sotto voce : « Pourvu que ça dure, la Corse va mal, profitons-en ! »
Lors de sa visite en Corse, en avril, Emmanuel Macron a déploré le manque de « regrets » des nationalistes vis-à-vis de l'assassinat du préfet érignac, en février 1998. Est-ce le signe que les positions sont irréconciliables entre l'État et la Corse ?
Il n'y a pas de positions irréconciliables. Il y a des êtres humains qui sont capables et prêts, ou non, à transformer la catastrophe ingérable et souterraine d'un trauma, prolongé depuis 250 ans, en compréhension. Le meurtre n'est pas négociable. Mais on peut et on doit élucider les mécanismes, les énergies volcaniques, les bombes à retardement enfouies dans les âmes, les blessures mutuelles. L'homme peut parfaitement résoudre un trauma, le retourner en guérison, en chance pour les générations futures. Mais en terrain traumatique, reconnaître la douleur de l'autre n'est pas simple, et des deux côtés : « Comment commémorer ta douleur, si toi, tu n'as jamais reconnu la mienne. » C'est le « diktat » du trauma silencieux. C'est bien cela qui a guidé les esprits lors des cérémonies d'hommage au préfet érignac. Il n'y a pas d'absence de regrets, mais, des deux côtés, c'est le trauma qui est à l'œuvre. Et on rejoue, on propage la même vieille pièce malheureuse.
Comment résoudre finalement ce « trauma » et ce qui s'apparente à une éternelle incompréhension entre la Corse et la France ?
Par la vérité nommée et enfin partagée. Par la reconnaissance de la souffrance. De la mienne et celle de l'autre. Par une empathie réciproque. Il y a tant d'exemples dans le monde où, après de terribles blessures, en reconnaissant la souffrance de l'autre, en comprenant les colères, les vallées de larmes et de rages traversées, les hommes d'État et les peuples ont trouvé les voies de la guérison. La vie sur terre est faite de milliers de traumas résolus et transformés par nos intelligences. Il est temps de sortir des tranchées, d'ouvrir des portes condamnées depuis douze générations. Prendre au sérieux ce qui nous arrive, être à la hauteur. Voilà le défi.
L'Autre enquête corse, le trauma Corsica-France,
éditions de L'Aube, 174 pages, août 2019, 16 euros.
Dans son dernier essai, Jean-François Bernardini souhaite apporter une approche différente et offrir une autre lisibilité du difficile rapport entre la Corse et la Continent. "L'autre enquête corse - Corsica -France" dresse le constat d’une relation douloureuse faite de stigmatisation de part et d’autre. Un "trauma" qui résulte notamment des non-dits du déni de mémoire
Après A nostra lingua more mà ùn pienghjimu micca sorti en février dernier dans lequel il était question des risques de la perte des repères culturels, le leader d’I Muvrini continue sa réflexion sur sa Corse natale. Dans son nouvel essai, le fondateur d’Umani aborde la problématique Corse-Continent sous l'angle du trauma.
- Comment présenteriez-vous votre ouvrage ?
- En petit chercheur de vérité, face à des portes condamnées depuis des décennies, j’ai fait appel à des concepts relevant de la recherche historique, de la sociologie, de la psychologie traumatique, de l’intelligence émotionnelle, de la communication non-violente pour questionner , au-delà des symptômes, des façades et des apparences. Voir et entendre autrement ce que l’on a vu et entendu des milliers de fois.
-Pourquoi parlez-vous de trauma?
_Parce que c’est pour moi l’hypothèse qui permet de donner du sens à ce qui apparait insensé, inexplicable. Un sens autre que celui de « omerta, vendetta, culture et nature des Corses qui ne sont pas comme nous» , et des Français qui resteraient à tout jamais, « colons et oppresseurs dans l’âme» . Il y a entre Corsica et France un non-dit, un irréconcilié, un non-nommé. Des décennies de terreur après Ponte-Novu, des épisodes du Niolu, des déportés du Fiumorbu, de Maria Gentile... il n'y a à ce jour, aucun lieu de mémoire officielle et partagée, de commémoration partagée. Tout déni de mémoire laisse libre cours à la propagation du trauma de génération en génération. La tentation serait de dire que cela est « non lieu» . D’autres en ont abusé et ont fait carrière sur ce déni. Mais le « passé est imprévisible» . Le déni est d ‘une puissance volcanique.
L’histoire atteste de traces de blessures qui perdurent en nous et malgré nous , des deux côtés , et souvent inconsciemment. Inévitablement nous prolongeons ce qui ressemble quelquefois à un dialogue de sourds. Ce n’est en fait qu’un dialogue de blessés. La question est aujourd’hui de savoir, que voulons-nous, que faisons nous de cela? Le déni, la revanche ou la guérison ?
- Pourquoi une nouvelle enquête, en référence à celle de Petillon?
- Parce que vous comme moi , entendons dire de manière récurrente: la Corse est incompréhensible, illisible , ingouvernable ... Que veut la Corse? Que se passe-t-il chez vous ? Pourquoi ces tensions ? Pourquoi le problème semble -t-il insoluble ...Pourquoi la France nous en veut ?Pourquoi ils ne peuvent pas nous voir? Il y a vraiment matière à poser de nouvelles questions, à entrevoir le chemin des possibles .Si l’excellente BD« l’enquête corse» du regretté René Petillon a eu cet écho dans le public , c ‘est justement parce que derrière l’humour, il y a des réalités , des douleurs et des souffrances .D’ où vient toute cette souffrance ?Quelle enquête a un jour osé poser cette question? Effectivement, on a clôturé bien des enquêtes. Mais sans élucider l’affaire.
- Beaucoup de choses ont été écrites sur la relation Corse Continent. Que dites-vous de nouveau aujourd'hui ?
- Bien des choses ont été écrites, oui. Mais nous pourrions au moins nous questionner sur nos capacités à comprendre , faire comprendre , ouvrir d’ autres horizons et inventer le meilleur, pour sortir grandis des deux cotés.
Pour l’ heure, nous n’y parvenons pas , et le trauma continue son oeuvre.
Ce que je cherche à dire c’ est qu’ il y a souffrance des deux côtés. Ce que je cherche à dire c’est que Corsica et France doivent sortir de ce figement traumatique qui mobilise toutes nos énergies. « Prouver que c’est l’ autre qui a tort, prouver que c’ est l’ autre le coupable, prouver que c’ est l’autre le méchant» ... Il y a des grands-brûlés dans les deux "camps" , et comment pourrait-il en être autrement .
Mais il y a aussi et surtout énormément de citoyens debout, des 2 côtés. Ils savent qu’il y a là une tragédie plus grande que leur propre souffrance ? Ceux-là , celles-là sont et seront capables de transformer le trauma en bénédiction, en chance pour aujourd’hui et pour les générations futures .
Pour ma part , je sais bien que dans tout contexte traumatique, tout ce qui peut être dit sera inévitablement interprété comme trahison pour un camp ou pour l’autre . Le traumatisé n’entend que sa souffrance à lui, sa blessure à lui, ses morts à lui. Inévitablement, tout contexte traumatique valorise la violence. C’est un mécanisme biologique incontournable .On n’approche pas si aisément les plaies .
Dans un contexte où guérison signifie pour certains, trahison, celui qui cherche la clef, la guérison , celui qui sort de l’aveuglement que nous impose le trauma , est souvent qualifié de traître à la cause ?
Difficile alors pour lui d’ouvrir un espace pour de nouveaux questionnements .
Je connais ce prix à payer pour oser penser autrement. Mais je suis convaincu de nos noblesses collectives à voir plus grand , plus haut, à nous accorder les uns aux autres ces « gouttes d’empathie » qui peuvent soulever les montagnes, parce qu’elles soulèvent les cœurs.Et l’empathie, noblesse de l ‘humain et du politique, ça fait des miracles.
- Pensez-vous que la France et la Corse sont réconciliables ?
- Votre question pourrait en choquer plus d’un. « Réconcilier de quoi ? Nous sommes réconciliés depuis des décennies ...» .Le déni du trauma est aussi une logique de survie, une manière de croire s’en échapper. Et pourtant il y a des symptômes , des indicateurs qui attestent que ce couple Corsica-France est une famille dysfonctionnelle, où il y a des non-dits, des vieilles histoires de famille-tu ne reconnais pas mes morts, je ne reconnais pas les tiens - ... des sujets tabous ... A chaque déclencheur, sur un terrain de foot , autour d’un hymne ,une stèle ou un drapeau, des deux cotés, le trauma se réactive. C’est ce qui me fait dire, « il y a un éléphant dans le salon» ... mais personne ne semble le voir .Tout est normalité, ou plutôt, normose .
Les solutions ? Je ne suis qu’un modeste petit serrurier. Mais ma réponse serait la vérité. Suffisamment d’humanité pour avoir envie de libérer l’autre autant que soi -même. De l’intelligence pour comprendre que ce ne sera possible qu’ainsi. Aucun vivant d’aujourd’hui n’est coupable des anciennes pesanteurs historiques . Des deux côtés comprend-on vraiment ce qui nous est arrivé, et ce que qui nous arrive ? Saurons-nous nous libérer des mensonges, des rumeurs, capables de surmonter ce narratif unique et « funèbre" si utile mais néfaste pour notre peuple, et qui perdure, depuis Mérimée ?
Si nous nions le trauma, si les éléphants ne sont ni vus ni remis en question, le trauma continuera à agir en nous tel un volcan , à abîmer bien des vies et des destins. D autres l’exploiteront , profiteront de l’aubaine, car le trauma a aussi ses profiteurs et ses bénéficiaires . Si par contre , nous acceptons l’ hypothèse et le poids d’ un trauma qui se transmet de génération en génération et des deux cotés, alors nous pouvons imaginer , inventer , créer autre chose . Peter Levine nous dit: « le trauma résolu est une bénédiction» .
- Quelle est la réception de votre livre auprès de vos lecteurs ? De la classe politique?
- Je reçois des premiers échos bouleversants, des réponses tellement en résonance avec l’espérance pour ce peuple. Des réactions qui m'inspirent et me confortent dans ma conviction qu'il y a mieux à faire que de rester paralysé par les mécanismes néfastes du poids traumatique. J’entends aussi les résignations bien apprises : « ça ne changera jamais» . Il y a toujours eu tant de docteurs éminents rassemblés autour du lit de la Corse souffrante. J’entends énoncer toujours les mêmes remèdes. Comme les « médecins de Molière» , chacun vante les mérites de son traitement préféré. Chacun défend sa part de vérité . Mais les dégâts sont là, ils sont considérables. Les diagnostics usuels ne peuvent convaincre personne, ne nous guérissent pas et depuis longtemps.La guérison viendra du peuple, par des citoyens qui, en comprenant ce qui nous est arrivé et arrive, vont agir en connaissance des causes et effets, et reprendre en main leur propre destin. "Comprendre -" est la condition sine qua non d'un vrai changement durable, et en profondeur. Dans la cité, les politiques c’est nous tous , différents et plus intelligents, parce qu’ ‘ensemble et portés par l’esprit du bien commun, le souffle du bien pour tous.
Ecrivain, philosophe et professeur d’histoire-géographie, Daniel Arnaud, a signé, ce samedi à la librairie des Palmiers à Ajaccio, son dernier livre « La Corse et l’idée républicaine ». Une nouvelle édition augmentée par rapport à la première parue en 2006, motivée par les nouvelles données politiques, notamment, l’arrivée au pouvoir, en décembre 2015, de la mouvance nationaliste. A travers une réflexion sur la question corse, l’auteur poursuit trois objectifs : montrer que la France n’a pas le monopole de la République, revenir sur l’expérience paolienne de XVIIIe siècle et l’ambiguïté de la dérive identitaire de ces dernières années.
- Comment est née l’envie d’écrire ?
- C’est quelque chose de naturel et une vocation. J’ai, il est vrai, de par ma profession, un tempérament de chercheur universitaire. Je me suis aventuré dans le domaine de l’écrivain, un autre exercice. C’est, pour moi, un moyen de réfléchir, par le biais de la fiction, sur la société.
- Qu’est ce qui a motivé votre premier essai en 2006 ?
- J’avais, sans connaître beaucoup de choses sur la Corse et jamais n’y être venu, le sentiment de revenir chez moi. Un attachement se transmet. Ensuite, je dois avouer que Paoli m’a attiré. L’idée d’écrire a été motivée par la manière dont les médias traitent la Corse. L’île est mal comprise. Je me suis intéressé aux revendications : les boues rouges, Aléria et tout ce qui a suivi. Pourquoi ce sentiment d’injustice ? Je pense qu’un fossé s’est créé avec le modèle jacobin. Et comme la philosophie va à l’encontre des préjugés et des idées reçues, j’ai voulu essayer de comprendre cette spécificité corse et ses racines.
- Pourquoi une nouvelle édition dix ans plus tard ?
- J’étais parti sur d’autres sujets, de nouveaux débats. Mais il y a eu matière à nourrir le premier essai avec l’arrivée des nationalistes au pouvoir en décembre 2015. C’est, aujourd’hui, l’occasion d faire un nouveau point sur la situation du nationalisme corse. L’ancienne édition a donc été revue et enrichie de ces nouvelles données. Toujours sous un angle philosophique.
- Comme l’ouvrage se décline-t-il ?
- Il se scinde en trois parties distinctes.
La première « République et Nation » évoque la vision française et jacobine de la république. Je me suis attaché à expliquer pourquoi ce modèle républicain prône une vision centralisée du pays. C’est un autoritarisme républicain. La France n’a pas le monopole de la République. Puis,je présente la Corse du XVIIIe siècle, à travers l’expérience républicaine de Paoli. C’est un homme des Lumières. Aujourd’hui, un débat est ouvert. Etait-il un vrai démocrate ou un despote éclairé ? Les avis divergent. Ceci étant, la Corse a sa propre expérience républicaine et c’est là les raisons du fossé avec Paris. Le citoyen français ignore que la Corse a été une République indépendante. Or, c’est en comprenant le passé que l’on comprend le présent. Il y a deux définitions de la Nation et du Peuple. L’une à partir de l’identité, la culture et l’histoire. A ce titre, le Peuple corse et la Nation corse existent. L’autre définition est politique : l’ensemble des citoyens qui ont les mêmes droits et les mêmes devoirs sur un territoire. Paris s’appuie sur cette définition et réfute l’autre. Dans un camp ou dans l’autre, on ne parle pas de la même Nation.
La deuxième partie est la résurgence du nationalisme corse depuis les années soixante-dix. Des boues rouges, jusqu’à l’affaire Erignac. L’idée a été de montrer que la révolte corse a plus consisté dans l’exigence de l’État de Droit que dans son refus. L’État de Droit passe par l’égalité sur tout le territoire et la France a mené en Corse des politiques contraires à ses principes. Un traitement inégalitaire, une économie étouffée par le système des lois douanières et, dans l’île, des pratiques clanistes et clientélistes couvertes par l’État, bien souvent avec des irrégularités.
Enfin, dans un troisième temps, j’évoque les perspectives. C’est une réflexion à partir de la venue au pouvoir des nationalistes. On distingue, toutefois, une ambiguïté du nationalisme corse et des thématiques identitaires. La notion de Nation, peuple, identité, culture peut déboucher, si elle est mal appliquée, sur le rejet de l’autre. Et une partie du nationalisme corse a conforté, aujourd’hui, une idéologie de rejet de l’autre. Pour étayer cela, je m’appuie sur les élections. On s’aperçoit que le FN réalise des scores très faibles au niveau régional mais à l’échelle nationale, il a le taux le plus haut de France. Un sondage IPSOS met en exergue que deux électeurs nationalistes sur trois votent FN aux élections nationales.
- En conclusion ?
- Quelle sera la ligne idéologique du nationalisme corse dans les années à venir ? Le discours équilibré des présidents Talamoni et Simeoni semble dirigé l’île vers une ligne intéressante loin des dérives d’extrême droite. C’est un discours fondateur, de surcroît avec les montées extrémistes que l’on voit germer un peu partout dans le monde.
Source : www.corsenetinfos.corsica
Daniel ARNAUD, écrivain, philosophe
Gustave MASSIAH, économiste, altermondialiste
Angèle KREMER-MARIETTI, philosophe
Entretiens menés par Philippe MARTINETTI
« C'est pour prendre le temps de la réflexion et de l'analyse, que j'ai proposé ces échanges croisés entre intellectuels engagés dans la Cité. Des penseurs qui ont en commun une certaine éthique de la responsabilité. En revenant sur les concepts de « république et de démocratie » (Daniel Arnaud), en essayant de comprendre la « financiarisation de notre économie » (Gustave Massiah), et en décryptant « la nouvelle parole politique » (Angèle Kremer-Marietti), ces entretiens ont pour objectifs de replacer modestement les idées au cœur de la politique ».
Philippe Martinetti
Philippe Martinetti a publié un recueil de chroniques, intitulé « J'aime autant vous dire » aux éditions Colonna. Il présente une émission culturelle sur France 3 ViaStella, « 6 ½ », émission diffusée à 18h30 presque chaque soir et dans laquelle il invite une personnalité culturelle, locale ou internationale, à commenter son œuvre et l’actualité.
Mai 2013
Parmi les sources de l'histoire politique corse se trouvent un certain nombre de textes qui ont marqué et orienté le cours des événements… Depuis le traité de Versailles aux textes fondateurs de l'autonomisme et de l'indépendantisme.
Militant nationaliste de la 1ère heure, engagé depuis plus de 40 ans dans tous les combats politiques pour la reconnaissance des droits du peuple corse, Christian Mondoloni vient de publier « Corse, Renaissance d’une nation » avec une préface signée par Edmond Simeoni (cf interview dans nos prochaines éditions). Ce spécialiste politique dresse le bilan de 250 ans de présence française dans l’île pour mieux cerner, à travers l’évolution de la vision de l’État et les luttes d’influence, ce qui est devenu « le problème corse ». Analysant les enjeux de la construction du mouvement national, avançant des thèses personnelles et novatrices, il explique, à Corse Net Infos, que la recomposition du modèle sociétal européen et français est une chance pour la Corse d’obtenir la reconnaissance complète de sa spécificité.
- Pourquoi avez-vous décidé d’écrire un livre sur la présence française dans l’île ?
- Je me suis aperçu que les nouvelles générations sont dans une ignorance à peu près complète de la période 1960-1990. Comme réduire l’histoire à cette période ne permet pas d’apporter une explication globalisante, j’ai, donc, élargi mon sujet à l’intégralité de la période française que je fais commencer en 1768 (quand la Corse devient française, ndlr). Je montre la continuité de la vision de la France vis-à-vis de la Corse, ce qui permet d’aborder la politique de colonisation active, commencée en 1957, dans une logique qui s’étale sur environ 250 ans.
- A partir de 1957, comment les relations entre la Corse et l’État basculent-elles ?
- Après la guerre de 1939-45, la France entre dans une période de décolonisation qui provoque le départ de toutes les structures coloniales agraires installées en Afrique du Nord, structures qu’il faut, en partie, reclasser sur le territoire français. L’État cherche à le faire en Corse, à partir de 1957, par le biais d’une politique de colonisation active, en mettant au point le plan d’action régional et en créant la SOMIVAC (Société d'aménagement pour la mise en valeur de la Corse). Jusqu’en 1957, la France utilise la Corse, soit comme base stratégique contre l’Italie, soit pour protéger le port de commerce de Marseille ou le port militaire de Toulon, soit comme réserve de soldats. Ce qui fait que la société insulaire ne prend pas vraiment conscience de ce renversement total de la politique de l’État vis-à-vis de la Corse.
- Qu’appelez-vous une politique de colonisation active ?
- En 1957, la France crée deux sociétés d’économie mixte, l’une pour le secteur agraire, l’autre pour le secteur touristique. La première, dont le but principal est de recycler les structures coloniales agraires d’Afrique du Nord, colonise 30 000 hectares en Plaine orientale par le biais de la monoculture de la vigne. Ce vignoble, qui vit sur une chaptalisation plus ou moins frauduleuse, s’effondre avant 1975 et conduit au choc d’Aleria. La seconde opération concerne la colonisation touristique par le biais des grandes banques, des sociétés d’assurance et des trusts intervenant dans le tourisme de masse, non seulement en France, mais aussi partout en Europe : une banque anglaise, une société d’assurance belge…
- A vous lire, on a l’impression d’une sorte de hold-up sur le littoral…
- Tout à fait. La Caisse des dépôts et consignations, qui est le bras armé de l’État dans les opérations de développement économique, démarche directement les grands groupes pour les inciter à acheter des milliers d’hectares communaux en leur faisant miroiter la possibilité d’opérations touristiques. Les grands groupes investissent, donc, massivement, souvent en achetant des terres qui ont été spoliées aux communautés corses au début du 19ème siècle, voire au moment de la Conquête et dont les grandes familles insulaires se sont emparées. L’opération de la Testa Ventilegna est, à cet égard, emblématique. Sur ce site, un groupe d’escrocs, plus ou moins dirigé par la société d’assurances La Paternelle, projetait une opération de 100 000 lits. Pour permettre la création de cet immense complexe touristique, l’aéroport de Figari est concédé au député Jean-Paul De Rocca Serra.
- Comment ce hold-up tourne-t-il court ?
- Dans un premier temps, les infrastructures coloniales de tourisme accaparent environ 20 000 hectares sur le littoral de l’île, soit grosso modo 140 kilomètres de bord de mer. Ce qui représente 13 à 15% du littoral de la Corse. La banque Rothschild, par exemple, achète, ainsi, la moitié des Agriates. Tout ce système s’effondre dans le choc d’Aleria. Le Conservatoire du littoral est, alors, chargé par l’État, de racheter massivement les terres qui ne servent plus à rien puisque les évènements politiques bloquent leur rentabilisation. Elles n’ont, donc, plus aucune raison d’être dans le patrimoine des grands groupes. Ce rachat est un processus d’indemnisation des mauvaises opérations faites par ces trusts sous la garantie de l’État.
- Vous montrez que les lois douanières sont symptomatiques de la manière dont l’État traite la Corse. Que sont ces lois et quelle est leur importance ?
- Les lois douanières sont très importantes. A partir de 1768, la France cherche la rentabilisation économique de la Corse et impose des lois douanières qui permettent aux produits français d’inonder le marché insulaire, mais taxent, comme des produits étrangers d’importation, les produits corses exportés vers les marchés français. Les premières lois datent de 1768, avant même la signature du Traité de Versailles qui annexe la Corse. Elles sont directement reprises après l’effondrement de la construction napoléonienne en 1816-1818. Elles bloquent toute l’évolution économique de la Corse qui s’effondre, économiquement, à partir du Second Empire, entrainant une immigration massive.
- En quoi ces lois sont-elles responsables de la situation actuelle de l’île ?
- Les lois douanières ne sont abrogées qu’en 1908, une fois que le mal et la ruine se sont installés dans l’île. Entre 1870 et 1960, 200 000 à 230 000 Corses sont forcés d’émigrer. C’est dans ces lois, que se trouve la racine du mal qui a empêché le développement normal de l’île et le terreau qui a nourri la dégénérescence. Elles expliquent jusqu’à la crise actuelle que traverse la Corse due à son manque de développement. Un exemple simple : la forme de l’économie conditionne, bien entendu, la forme de la société. L’économie s’effondrant, la société s’est totalement fossilisée et sa représentation politique est devenue, elle aussi, fossile.
- C’est-à-dire ?
- Pendant plus d’un siècle, la vie politique corse a reconduit, génération après génération, le même système claniste basé sur des grandes familles. Au Sud, la famille De Rocca Serra, toujours au pouvoir aujourd’hui. Au Nord, Paul Giacobbi est le représentant d’un système et le descendant d’une famille qui, fait unique en France, détient un siège au Parlement depuis 4 générations. C’est la preuve d’une société immobile et fossile. L’explication profonde de cet immobilisme s’explique dans la ruine économique qui part du Second Empire et s’étend jusqu’aux événements d’Aleria. La Corse émerge à peine de cette ruine, les choses commencent un peu à bouger depuis 20 ou 30 ans, mais la société et l’économie continuent d’en subir les conséquences négatives.
- Que représente Aleria dans cette histoire qui s’étale sur 250 ans ?
- Aleria est le choc de deux volontés : d’un côté, celle du peuple corse à vouloir être maître de ses destinées économiques, sociales et culturelles et, de l’autre côté, celle de l’État d’imposer une colonisation touristique et agraire. C’est le peuple contre le pouvoir. C’est quatre pétoires de chasse contre des automitrailleuses blindées ! C’est la disproportion de la réaction de la France à l’occupation du domaine viticole d’un colon qui a été condamné, par la suite, pour fraude bancaire et autres opérations frauduleuses avec six comparses. Sur l’opération d’Aleria, Edmond Simeoni avait juridiquement et intégralement raison. La réaction de l’État a été tellement disproportionnée qu’elle a accéléré la prise de conscience du peuple corse qui se serait produite quand même, mais beaucoup plus lentement.
- Votre ouvrage met en lumière des dates phares. Depuis Aleria, quelle est, selon vous, la date la plus significative de l’histoire contemporaine insulaire ?
- Il y a plusieurs dates. A partir de 1982, la Corse est entrée dans un processus d’affirmation et de reconnaissance de sa spécificité avec trois statuts particuliers : le statut Deferre en 1982, le statut Joxe en 1991 et le dernier statut en 2002. La date, qui, malgré tout, me semble la plus importante, est : 1988 quand l’Assemblée de Corse reconnait l’existence d’un peuple corse sur cette terre. A partir de là, le comportement schizophrénique insulaire prend fin puisque les Corses se reconnaissent, eux-mêmes, comme étant un peuple. 1988 marque le basculement d’une société.
- Cette prise de conscience n’existait-elle pas avant ?
- Oui. Elle existait profondément, mais la société corse a mis du temps à l’accepter, à divorcer psychologiquement du modèle proposé par la France. A partir de 1975, la volonté de la société corse d’être elle-même monte en puissance. Il y a des signes marqueurs, notamment la prise de conscience culturelle et linguistique avec le groupe de Scola Corsa, l’enseignement de la langue, le Riacquistu et surtout la formation de Canta u populu corsu. Dans mon livre, je mets en perspective ce développement lent qui va s’accélérer. A l’heure actuelle, la gauche au pouvoir en Corse court derrière la société corse.
- Qu’entendez-vous par là ?
- Elle essaye d’appliquer le programme nationaliste sans les Nationalistes : coofficialité de la langue, statut de résident qui est une sorte de mini-supplétif honteux à la notion de peuple corse, réforme constitutionnelle… Tout cela peut-il aller bien loin ? Pour appliquer la politique menée par le président Giacobbi qui est, parmi la majorité de gauche, le plus conscient de la nécessité d’avancer sur cette voie, il faut qu’en face, l’État soit, lui aussi, conscient du fort désir d’évolution de la société corse.
- Vous dites qu’en 1975, l’État n’a rien compris. Mais 38 ans après, que pensez-vous qu’il comprend ?
- L’État, à l’heure actuelle, a très bien compris la poussée identitaire qui s’exprime, démocratiquement, soit par l’intermédiaire de la majorité de gauche, soit par une partie de la droite qui a pris conscience qu’il fallait bouger, soit par l’énorme poussée nationaliste qui représente plus d’un 1/3 d’un peuple. Mais, il est totalement bloqué sur des conservatismes jacobins. Si Paris reste dans l’autisme et dit : « Il n’y a rien à voir, circulez ! », il est évident que nous n’allons pas en rester là. Nous allons vers un affrontement déplorable. Depuis Aleria, le schisme n’a jamais été aussi grand qu’aujourd’hui entre Paris et la Corse.
- Pourquoi ?
- A l’heure actuelle, les deux sociétés, corse et française, divergent, lentement, de plus en plus. Je termine, d’ailleurs, mon ouvrage en posant ce problème. En 250 ans, la Corse a été, grosso modo, confrontée à 3 France. La première, la France monarchique qui court jusque en 1789, a poursuivi, roué, pendu, fusillé, conquis, écrasé... La deuxième France, laïque et républicaine, issue de la Révolution, a entretenu des relations très tendues qui ont conduit l’île à la ruine, à l’emprisonnement massif des Corses… et se sont terminées à Aleria dans un affrontement très violent. La France continue d’emprisonner et de juger beaucoup de patriotes. Aujourd’hui, la Corse est confrontée à une troisième France en train de naître, en devenir, hésitante, que les sociologues appellent : la France de la diversité.
- Quels seront les rapports de la Corse avec cette troisième France ?
- C’est un point d’interrogation. Nous sommes face à un État en train de se crisper sur la défense de sa souveraineté, de son passé et qui refuse toute évolution. Il comprend, de façon très douloureuse, qu’il n’est plus l’État d’autrefois. Il le comprend en niant la spécificité de sa périphérie, c’est-à-dire non seulement la Corse, mais les restes de son ancien domaine colonial. En Guadeloupe, en Martinique, voire en Polynésie française, on ne peut pas dire que ce gouvernement de gauche soit particulièrement progressiste et évolutionniste.
- Cette France de la diversité n’est-elle pas une chance pour la Corse ?
- Oui. La société française va, tôt ou tard, connaître un bouleversement dans lequel le mouvement revendicatif corse pourra s’infiltrer et obtenir ce qu’il cherche depuis une cinquantaine d’années et même depuis au moins deux siècles : une reconnaissance complète de sa spécificité. Ce qui ne veut pas dire que cette spécificité ira jusqu’à une forme d’indépendance parce que l’indépendance, telle qu’elle a été vécue autrefois, est en train de disparaître. On assiste, en Europe, à la fin des souverainetés des vieilles nations. On ne voit pas pourquoi la Corse deviendrait une nation totalement souveraine alors que la France, l’Allemagne ou l’Italie sont en train de perdre leur souveraineté économique, sociale, voire leur souveraineté politique.
- L’Europe signe-t-elle la mort des États-nations ?
- Les États-nations, tels qu’ils ont émergé en Europe au 19ème siècle, sont devenus obsolètes. Nous marchons vers une sorte de fédéralisme européen où la Corse a toute sa place, comme d’autres pays qui ont des problèmes similaires. La Catalogne marche vers un scrutin d’auto-détermination qui pose le problème de l’unité de l’Espagne. L’Ecosse aura un scrutin d’auto-détermination dans les prochains mois. La Belgique est presqu’une fiction juridique tellement les pouvoirs des deux régions, qui la composent, sont devenus exorbitants, l’État central n’est plus là que pour la forme. Tout le modèle sociétal de l’Europe se recompose. La France vit sur une sorte de négation des réalités qu’elle ne pourra pas éternellement prolonger.
Propos recueillis par Nicole MARI - Corse Net Infos
« Corse, Renaissance d’une nation », par Christian Mondoloni, avec une préface d’Edmond Simeoni - Editions Albiana – Cet ouvrage est accompagné d’un CD audio contenant le discours d’Edmond Simeoni, le 17 août 1975, lors du 8ème congrès de l’ARC (Action régionaliste corse).
Avril 2013
Jean-Pierre Poli revient dans cet ouvrage publié en 2009 sur un sujet resté longtemps tabou : la confusion entretenue entre la doctrine irrédentiste mussolinienne et le « corsisme »
Jean-Pierre Poli montre les amalgames assimilant encore parfois aujourd'hui autonomisme et fascisme italien, tout en relevant les erreurs fatales commises par Petru Rocca et les muvristes. Pourquoi se sont-ils obstinés, au nom de la sauvegarde de la langue et de la Nation corses, à ne pas dissiper l’équivoque savamment entretenu tant par les nationalistes mussoliniens que par les républicains français de gauche comme de droite ? Comment ont-ils pu minimiser la profonde opposition des Corses aux revendications annexionnistes du fascisme italien ?
Le chapitre consacré à l’irrédentisme recense l’important travail historique des intellectuels italiens qui n’étaient pas tous des irrédentistes.
L'ouvrage réhabilte partiellement, sans en cacher les erreurs, le corsisme de A Muvra. L’auteur relève qu’à l’origine ce journal défendait une autonomie institutionnelle de l’île en la présentant comme la solution permettant de préserver la spécificité de la Nation corse sans rompre les liens créés dans les siècles précédents avec la France. A partir de 1938, les muvristes sombrent dans une dérive dénonçant le seul nationalisme français, en refusant de dénoncer les dangers du nationalisme italien. Cependant, tout opposait les muvristes du fascisme : le nivellement des cultures locales, la glorification de l’État, l’absence de démocratie, l’embrigadement militaire, l’expansion coloniale, le culte de la technique, le futurisme, la volonté de créer un homme nouveau, la glorification de la puissance de l’élan vital et le triomphe du corps et de l’énergie prônés par Mussolini ne pouvaient recueillir les faveurs des muvristes attachés à la nation corse...
La conclusion de l’ouvrage est sans surprise : « vu rétrospectivement, le combat des corsistes pour la défense de la Nation corse autonome aurait dû logiquement conduire Petru Rocca et ses amis à considérer aussi illégitimes les positions des nationalistes italiens que celles des français, dans la mesure où elles induisent l’une et l’autre la négation de l’existence même d’une nation corse ».
L’Affaire Colonna par Gérard Amaté : une lecture indispensable !
Le sujet du livre est la justice antiterroriste, et surtout la façon
dont la presse a rapporté les procès d’Yvan Colonna.
Le livre raconte le procès en appel à l’issue duquel Yvan Colonna fut
condamné à perpétuité avec 22 ans de sûreté, sans preuve, sans aveux,
contre l’avis des expertises légales qui l’innocentaient, et contre les
dépositions des témoins directs du crime, jurant qu’il n’était pas
l’assassin. A travers les compte-rendus publiés par le Figaro,
France-Soir, Libération, le Nouvel Observateur, le Monde et le
Parisien, une vérité troublante apparait : le parti politique le plus
acharné à perdre Colonna ne fut pas l’UMP mais le PS. Et les plus
ardents défenseurs de la raison d’État contre les immortels principes
de 1789 furent Libération et le Nouvel Observateur.
Quatrième de couverture :
Le 27 mars 2009, Yvan Colonna fut, pour la seconde fois, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre du préfet Érignac, à l’issue d’un procès joué d’avance, par une cour d’assises spéciale héritière de la très décriée Cour de Sûreté de l’état.
Cette condamnation, prononcée sans preuve et sans aveux après des
débats qui n’avaient pu démontrer la culpabilité de l’accusé, suscita
l’indignation. On parla d’une nouvelle Affaire Dreyfus.
Mais, contrairement à ce qui s’était passé durant l’Affaire, ce n’est
pas la gauche qui se mobilisa au profit de Colonna.
Bien évidemment, les journaux rendirent compte des procès mais les
rôles traditionnellement dévolus à la ‘presse de gauche’ et à la
‘presse de droite’ ont été dans cette triste mascarade totalement
chamboulés.
Certains journaux s’indignèrent de cette justice d’exception.
La plupart se turent.
D’autres aidèrent au crime.
On assista alors à un spectacle étrange. Une presse, prétendument
soucieuse des droits de l’homme et des libertés fondamentales, préféra
à ces principes affichés ceux de la raison d’état, alors que des
quotidiens réputés plus conservateurs s’indignaient du comportement des
juges et d’une condamnation prévisible, décidée à l’avance et ailleurs
que devant une cour de justice.
Gérard Amaté n’aime pas l’État. Il est libraire à Lyon.
Le titre indique que l'on est en présence d'un roman. Le sous-titre, en revanche, souligne clairement que ce roman est un prétexte pour donner une interprétation de l'affaire Colonna. On pourra ergoter, critiquer cette démarche mêlant raison et émotion dans un "roman non fictionnel". Pour ma part, ce roman m'a passionné, ému et, ce qui est peut-être l'essentiel, a renforcé ma conviction.
Son auteur, Roland Laurette, que j'ai rencontré lors d'une séance de dédicaces, affirme n'avoir plus que des certitudes sur l'innocence d'Yvan Colonna, et le livre, qui repose sur les témoignages des proches d'Yvan Colonna, éclaire ces certitudes.
Pendant un mois, du 12 novembre au 13 décembre 2007, installés dans le prétoire, dessinateur Tignous (Charlie-Hebdo, Marianne, Télérama) et le rédacteur Dominique Paganelli ont suivi le procès d'Yvan Colonna. Le récit qu’ils en livrent, en images et en textes, est un hommage à la grande tradition de la chronique judiciaire.
A la rigueur de leurs compte-rendus, ils ajoutent la malice de leur double regard qui, au fil de ces centaines d’heures d’audience, a su capter le détail d’une attitude, la drôlerie d’un commentaire saisi dans les couloirs du palais, et tous ces petits riens qui sont aussi la vie de l’audience. Un micro qui siffle, un verre ou un mouchoir qui se tend, un fou rire qui emporte...
Sampiero Sanguinetti commence sa carrière en 1973 à Marseille et à la
radio en Corse. Au début des années quatre-vingt, il participe à la
création du JT Corse. "Trop sulfureux", il est écarté de l'antenne au
bout de trois ans et rentre à France 3 Marseille.
Le syndicat de la chaîne le sollicite pour enquêter sur les salaires de
ses journalistes. Il découvre que "les femmes, les JRI et les
journalistes régionaux sont sous payés" par rapport aux journalistes -
rédacteurs installés dans la capitale. Une polémique qui le conduit à
quitter France 3, trois ans plus tard pour aller sur la Rai. A Palerme
(Sicile), il monte un magazine hebdomadaire pour la chaîne italienne.
En 2001, la Direction générale de France 3 lui demande de revenir en
Corse pour réaliser son projet, Via Stella : une télévision corse par
satellite. L'homme est un habitué des arrestations : il est inculpé
trente-sept fois au cours de sa carrière et expulsé "deux fois de Corse
dans des conditions rocambolesques" entre les mains des autorités
judiciaires.
Quand il travaille pour le journal télévisé Corse, il exerce son métier
difficilement. Son esprit critique dérange. Il dénonce en 1986, la
fraude électorale d'Emile Zuccarelli, le député de la ville de Bastia
qui a fait disparaître une soixantaine de fausses procurations. Lorsque
le journaliste parle des attentats du FLNC, l'audiovisuel devient la
cible des hommes politiques et de quelques indépendantistes.
ll réalise et diffuse un documentaire de cinquante-deux minutes qui
révèle les conséquences de Tchernobyl sur l'Ile de Beauté. L'homme est
accusé d'affoler la population : "J'ai subi des pressions très
violentes de la part du Préfet. La presse m'a traité de charognard. Le
travail est difficile en Corse car il y a cette proximité entre les
familles et les rumeurs sont courantes dans les villages. Le travail du
journaliste est de démonter ces rumeurs".
Ces mésaventures ne l'empêchent pas de poursuivre la création d'une
télévision satellite sur l'île qui touchera "les 250 000 habitants, les
Corses sur le continent (à Marseille, Nice et Paris) et les deux
millions de vacanciers annuels".
Il fut aussi le rédacteur en chef pour la France de l'émission
Mediterraneo, une coproduction méditerranéenne unique en son genre.
Il est l'auteur de deux essais sur l'exercice du métier de journaliste
à partir de ses propres expériences professionnelles, dont "Les jours
d'un témoin" (Albiana, 2002)
"Corse, le syndrome de Pénélope" est un essai d'interprétation des
effets des différentes mesures et lois qu'à "infligé" le pouvoir
central français à la Corse depuis le début du 19ème siècle.
Pourquoi sous-développement, démographie atone, apathie économique et
révolte sociale sont-ils devenus l'apanage de la Corse d'aujourd'hui ?
Que s'est-il passé aux XIXè et XXè siècles dans les rapports entre le
pouvoir central et la Corse, fraîchement "intégrée", pour que cette
dernière apparaisse désormais aux yeux de beaucoup comme la région
emblématique de l'assistanat, du gaspilage et de l'archaïsme ?
L'auteur propose de revenir sur ce que furent les lois douanières au
XIXè siècle et fait l'analyse des raisons pour lesquelles elles furent
imposées à la Corse pendant quatre-vingt-quatorze ans. Ces lois
montrent que la France à considéré la Corse, dans ses relations avec la
métropole, comme un pays étranger jusqu'en 1912. Elles se sont soldées
par l'affaiblissement des savoir-faire traditionnels, l'exode de la
population et une crise économique majeure.
Au XXè siècle, le constat est celui du maintien d'un système qui a
constamment favorisé la consommation au détriment de la production et
donc du développement économique.
La Corse qui était, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dans une
situation de faiblesse alarmante, s'est brutalement trouvée confrontée
à deux grands défis : celui des atteintes à l'environnement et celui du
tourisme de masse. Elle n'était pas armée pour répondre à ces questions
et, paradoxalement, loin de l'aider à les affronter, l'administration
française a multiplié les erreurs et les maladresses à son encontre.
C'est sur ce terrain d'un bilan problématique, vécu sur l'île comme une
injustice, que s'est développée une forme spécifique de violence. Une
violence que l'auteur compare, pour un temps, à celle de Pénélope
détruisant la nuit ce qu'elle produit le jour... en attendant le retour
d'un mythique Ulysse. Le tableau est inquiétant mais il n'est pas
désespéré. Le sursaut de la fin du XXè siècle n'a pas permis d'éviter
tous les pièges, mais il a conduit a des avancées. Et il se pourrait
même qu' "Ulysse existe".
Ce gros ouvrage prolonge la période étudiée pour la thèse de doctorat
soutenue en 2000 par J-P. Pellegrinetti jusqu'aux débuts du XXIe
siècle.
Les années allant de la chute du régime impérial à la Première Guerre
mondiale occupent une place prépondérante dans l'histoire de la Corse
dans la mesure où elles constituent une époque charnière correspondant
à l'ancrage de l'île dans la République.
L'ouvrage rappelle l'empreinte du bonapartisme, le phénomène clanique
et clientéliste et l'importance de la politique, véritable passion pour
les insulaires car synonyme de puissance, de pouvoir et d'honneur. On
pourra juger que ce livre est trop favorable à la vision
dite "républicaine", mais il est passionnant de bout en bout et très bien
documenté par deux historiens de talent.
Les trente dernières années sont,
pour la société corse, celle d’un
bouleversement économique, social, politique et institutionnel, sans
précédent pour elle-même et sans équivalent au niveau national.
Paradoxalement, assez éloignée de
nombre de régions françaises –
périphérique, montagneuse et insulaire, démographiquement
insignifiante, porteuse d’une communauté et d’une culture plus proche
de l’Italie qu’aucune autre, économiquement sous perfusion depuis de
longues décennies et politiquement peu encline au changement -, la
Corse a eu à relever un certain nombre de défis qui ont profondément
changé la courbe de sa destinée et qui lui ont souvent valu d’être
qualifiée de » laboratoire «.
Or ces trente dernières années sont
aussi pour Wanda Dressler celles
d’un long travail de recherche et d’études sociopolitiques sur l’île,
entamé dès 1977 par la soutenance d’une thèse (Développement économique
et mouvement autonomiste). En réunissant les articles fondamentaux qui
jalonnent pas à pas son parcours, en réactualisant certains d’entre eux
puis en les organisant autour de thématiques majeures, c’est un large
panorama inédit de cette évolution qui est offert ici au lecteur.
Les questions des structures
sociales, des dynamiques à l’œuvre au sein
de la société corse, des identités sont abordées avec le regard de
l’analyste, mais elles laissent aussi en conclusion la place à des
réflexions prospectives relatives à la place nouvelle de l’île au sein
de l’Europe.
Dans ce premier roman, Sampiero
Sanguinetti (voir plus haut sa
biographie) se penche sur la fatalité de voyage et d'exil qui frappe
les Corses depuis toujours, obligés à des déplacements continentaux
pour vivre et travailler, l'île étant trop petite pour les accueillir
et les nourrir tous. Son héros va et vient sans cesse, rencontrant des
archétypes de continentaux et îliens qui provoquent le rire, la
tristesse et quelquefois l'indignation.
Une écriture remarquable, souple et
coulée, intelligente et nourrie de
facéties souvent nostalgiques. Un premier roman par une personnalité
corse qui pose avec acuité la polémique majeure de l'île, hors des
fantasmes et des dérives: peut-on être soi hors de chez soi, et qui
est-on lorsque l'on est de retour?
Combien de temps le littoral corse résistera-t-il à la pression immobilière ? L’île de Beauté est encore remarquablement sauvage et préservée, comparée à la Côte d’Azur ou aux Baléares.
Elle était pourtant promise au même type de tourisme intensif. Dans les années 1960, des projets fous ont été stoppés net par la violence nationaliste. Les plasticages et le racket, rebaptisé impôt révolutionnaire, ont durablement découragé les investisseurs. Le conservatoire du littoral en a profité pour acheter et sanctuariser des sites d’une beauté exceptionnelle.
Mais, depuis dix ans, la spéculation s’est intensifiée. Les golfes et les criques sont de plus en plus bétonnés par des promoteurs sans scrupules et des célébrités au bras long qui rêvent de piscines avec vue sur le large. Ces opérations se font souvent en violation de la loi littoral de 1986, qui organise dans toute la France la protection des bords de mer. Face à ces menaces, une nouvelle forme de résistance s’organise. Cependant, les associations écologistes se sentent bien seules à mener le combat, tant les pouvoirs publics, à qui l’on conseille en haut lieu de lascia corre (laisser courir), paraissent souvent défaillants.
Car les menaces sont à la hauteur des enjeux financiers : le grand banditisme corse, qui a longtemps fait ses affaires hors de l’île, blanchit désormais des fonds d’origine douteuse dans de gros projets de construction, parfois en rivalité avec des nationalistes reconvertis, eux aussi, dans les affaires.
Juillet 2012
Dans son ouvrage " Corse et Télévision ", paru aux éditions Alain Piazzola il y a quelques jours, Lisa D’Orazio nous propose un décryptage de l’image de la Corse à la télévision, au travers d’analyses d’émissions. Une image noire et négative sur l’île qui s’est construite au fil du temps avec ce média, que le docteur en Histoire tente de comprendre. Une étude qui porte sur plus de 50 ans de " petit écran " au niveau régional et national, fruit de la thèse de l’auteur.
Lisa D’Orazio dédicacera son livre le jeudi 2 août à partir de 17h30 à la librairie Piazzola, 1 rue Sainte Lucie, à Ajaccio.
A découvrir sur Alta frequenza.
13/04/2012
En Corse dans les années 1970, une société villageoise s'accroche à la montagne. Elle y maintient, avec le concours de la diaspora, un modèle d'existence en commun largement hérité de son passé proche mais dont les évolutions en cours sur le littoral semblent préparer à terme la disparition. Ce serait alors la fin d'une longue histoire sur laquelle cette société avait gravé sa signature, à défaut d'y exercer sa mainmise.
La Corse est, en effet, l'abri d'une civilisation dont le creuset est villageois. Les textes rassemblés dans ce volume dressent le portrait de certaines des institutions portant la marque de cette civilisation et en reconstituent les valeurs. Un idéal en organise le jeu ; il est cultivé dans chaque vallée, dans chaque communauté de village, dans chaque maisonnée : l'idéal de souveraineté. La Corse d'hier était un archipel dont chaque île, façonnée à l'identique sur le principe du quant-à-soi, proclamait avec force le refus de la vassalité.
L'idée d'État était donc étrangère à cette société en mosaïque, mais tout autant celle d'une cause commune, quand bien même s'agissait-il de s'opposer aux institutions de l'État.
Parution d’un album jeunesse bilingue, Corse/ français, dans toutes les librairies insulaires.
Illustration : Armelle Guissani, Poésie en français : Dominique Baur, Poésie en corse : Jean Philippe Guissani
Les deux textes peuvent être lus séparément, l’un n’étant pas la traduction littérale de l’autre.
Cari amichi,
Sabbatu u 7 di Dicembre, da 10 à 12 ore, v’invitemu in Calvi, à a libreria Le Hall de la Presse, à a prisintazione è à a signatura di u libru A Barcella Incantata, fola scritta da Petru Bertoni è Orlando Forioso, cù e fiure d’Eva Montanari, un’antra taliana, edizione U Svegliu Calvese.
Issu libru hè natu da l’incontru d’una fola tradiziunale calvese è di u parcorsu culturale è linguisticu mossu da anni da u Svegliu Calvese.
Petru è Orlando contanu i fatti è e maraviglie di u piscadore Antone dettu a Muccica in un chjam’è rispondi trà prosa è puesia, accumpagnati da e fiure d’un Calvi suniatu da Eva.
Cù issu picculu racontu, da leghje in famiglia o à a scola, l’autori vi portanu à visità e loche calvese, à scopre i so nomi, a so magia è un suppulellu di storia in una lingua sciolta è libara, u corsu d’oghje.
Un bellu rigalu di Natale!
Chers amis,
Ce samedi 7 décembre, U Svegliu Calvese vous invite à partir de 10h, librairie le Hall de la presse (Bd Wilson) à la présentation et la signature du livre A Barcella Incantata, conte écrit par Pierre Bertoni et Orlando Forioso, avec les illustrations de l’italienne Eva Montanari, éditions du Svegliu Calvese.
Ce livre est issu de la rencontre d’un conte traditionnel calvais et du parcours culturel engagé depuis plus de 30 ans par U Svegliu Calvese.
Pierre et Orlando nous racontent les exploits du pêcheur Antone, surnommé "a Muccica", dans un échange entre prose et poésie, remarquablement souligné par l’imagination d’Eva Montanari.
Avec ce petit récit, à lire en famille ou à l’école, les auteurs vous mènent sur les chemins de Calvi pour redécouvrir les lieux oubliés, leurs noms et leur magie, avec un soupçon d’histoire, dans une langue d’aujourd’hui.
Cet ouvrage est né du travail réalisé par Orlando Forioso sur La Grammaire de l'imagination de Gianni Rodari : des centaines d'élèves ont participé au spectacle tiré du livre de Rodari, et le livre d'Orlando raconte l'aventure de ce spectacle.
Pour ceux qui ont vu Fantastica, la
grammaire de l'imagination aux Rencontres de Calvi,
l'ouvrage de Gianni Rodari :
Deux romans du journaliste
Jean-Louis Andreani mettant en scène la
pulpeuse pinzuta Delphine. Une vision pleine d'amour et d'humour de la
Corse.
Et voici le
troisième volume :
Publié sous forme numérique, il y a tout juste un an...
..."Un Paysage à l'arbre près, ombres et lumières en Custera/Haute-Corse" entame sa vie de livre papier.
Avec un tirage soigné et limité (100 exemplaires) réalisé par un éditeur helvète épris des montagnes corses !
Toutes les infos sur ce recueil mêlant poésie et photographie :
Etienne Orsini publie "Un Paysage, à l'arbre près - Ombres et lumières en Custera".
Ce recueil de poèmes et photographies évoque une Corse de l'intérieur, voire de l'intime.
L'ouvrage se présente sous la forme numérique, mais l'esprit de la lettre est bien là ! C'est précisément le nom de son éditeur suisse.
Vous trouverez tous les renseignements utiles en cliquant ci-dessous :
Pas un "livre" mais le catalogue de la belle expo de Caroline Dattner Blankstein, visible encore quelques jours à la Galerie Batignolle's ART - 35 rue la Condamine - Paris 75017 (Métro La Fourche ou Place de Clichy). Ce projet se concentre sur la partie est de l'extrême-sud, entre Porto-Vecchio, Ospedale, Bavella, Coscionu et Bonifacio. Caroline prépare déjà un autre projet autour des textures (bois, pierre...)
UN PLONGEON PHOTOGRAPHIQUE ET INITIATIQUE AU COEUR DE LA CORSE
Le Fleuve¨, un livre magique, une immersion graphique dans la rivière du temps, depuis le village d’Albertacce. Une invitation à parcourir la Corse au fil de l’eau et de ses rochers. Un ouvrage signé Pascal Luciani.
Prix : 28€
En vente en librairie et sur le site de l’auteur : www.pascalluciani.com
Extraits :
Depuis le village jusqu’à l’eau : Petra Pinzuta, Pont’Altu, Ponte Muriccioli… lieux magiques de l’enfance, légèreté et
insouciance. Sentiers et chemins ancestraux bordés de rochers sculptés par les éléments, je les ai parcourus depuis
tout petit, avec mes parents, puis comme un grand, avec mes enfants.
Devenu photographe, j’ai recommencé à jouer avec ces formes liquides et minérales, empreintes de souvenirs, là où
l’eau relie et mixe de multiples roches de granit aux formes fantasmagoriques. Certaines incarnent des sites de vie,
d’autres des lieux de repos éternel, gardant une part de leur mystère, communion avec l’imaginaire onirique de
l’enfance, passerelle entre l’univers de l’instinct et le monde du rêve.
A propos de L’auteur :
¨Le Fleuve¨ est le premier livre de Pascal Luciani. Il s’agit d’une aventure personnelle, menée en parallèle de sa vie professionnelle de photographe publicitaire en studio à Lyon. Son objectif consiste à faire partager une vision onirique, étrange et poétique, d’un monde qui nous relie tous.
Pascal Luciani sera l'invité de Sera Inseme le mercredi 26 Juin à 18h30,L'émission sera rediffusée sur Via Stella et visible sur le site internet de la chaîne :
http://corse.france3.fr/emissions/sera-inseme.
Après la réalisation des ouvrages Corsica Muntagna*, consacré à l’univers de la montagne corse, et Un voyage Intérieur au Burkina Faso*, premier beau livre dédié à ce pays d’Afrique, le photographe éditeur Antoine Perigot vient de boucler un nouveau projet d’envergure : l’édition de Opera Umana (l’œuvre humaine), le grand livre d’art consacré au patrimoine bâti en Corse.
En un voyage imaginaire de 216 photos couleur réunies sur 144 pages, l’auteur emmène le lecteur, ou plutôt le spectateur, à la découverte des multiples architectures de la Corse, qu’elles soient modestes ou ostentatoires.
Du simple mur de pierre recouvert de mousse à la maison de maître ornée de fresques romantiques, il émane de ces édifice un sentiment de respect dû aux témoins de l’Aventure humaine depuis l’aube des temps.
Avec Opera Umana nous plongeons dans le maquis pour pénétrer un vaste musée à ciel ouvert, dont les chefs d’œuvres attendent patiemment le visiteur pour lui conter des légendes confondant les faits historiques et les mythologies du bassin méditerranéen.
L’ouvrage Opera Umana consiste en un ensemble de familles d’images maquettées sur un fond de couleur terre, et réunies par les thèmes où les ambiances qu’elles évoquent : Art roman, ponts, tours génoises, terres à blé, intérieurs paysans en bois sombre, gros plans sur les différentes constructions en pierre de toute l’île…
*Corsica Muntagna : un des ouvrages de référence sur la montagne, qui figure dans les meilleures ventes de beaux-livres sur la Corse.
*Un voyage Intérieur au Burkina Faso : classé par le magazine Géo parmi les 20 plus beaux livres de l’année 2005
Un très beau livre, que l'on peut découvrir sur le site (très bien fait) de l'auteur/éditeur.
20/05/2012
De très
belles photos de Michel Luccioni et des textes
d'Alain Gauthier
: un livre qui donne envie d'être un oiseau !
Aucun éditeur corse n'ayant accepté d'éditer son magnifique ouvrage sur la Balagne, Stéphane Guiraud est allé se faire éditer en Allemagne. Et c'est heureux car c'est vraiment un livre remarquable, hymne à la Balagne en 165 photos.
Les quatre saisons corses déclinées par Gabriel-Xavier Culioli et le photographe Jean-Christophe Attard.
Une invitation à découvrir la Corse avec un texte dense et plein d'humour (je pense notamment à la scène dans la boucherie de Porti Vecchju) de Gabriel-Xavier Culioli et de magnifiques photos d'Emmanuel Saïller.
Les livres de la collection "Coffret d'images" de l'éditeur marseillais Crès se présentent sous la forme de portfolios de cent pages au format 40x30 cm. Ils contiennent cent photographies en couleur accompagnées de légendes et de textes poétiques et descriptifs. Leur réalisation permet d'apprécier les magnifiques images dans un format large en évitant le trait de la reliure, et permet même d'utiliser une image en encadrement http://www.editions-cres.com/
Tomas Heuer a sous-titré son ouvrage : "tribulations noctambules sur
l’île des arbres de beauté".
Sa passion des arbres et du ciel l’a conduit, au-delà de la Corse, en
l’Aubrac et dans le Vercors.
La plupart de ces photos sont prises en pose longue, et même très
longue. Il lui est même arrivé de poser une vingtaine d’heures en
reprenant la pose durant plusieurs nuits.
Lors de ces poses, il laisse la clarté lunaire teinter le paysage, et
parfois souligne d’un fin pinceau lumineux les lignes de forces de
l’arbre qu'il photographie.
Accompagnées de textes de l’auteur, de poèmes et d’écrits en Corse de Santu Massiani et Dumè Colonna, Racines célestes est préfacé par Jacques Brosse, l’un des meilleurs spécialistes français des arbres et de leurs mythologies.
Un très beau livre, à partir duquel le groupe L'Alba a construit un disque éponyme.
Préface de Michel Duterme
Chateauroux, éditions La Bouinotte, 2012.
Une belle monographie consacrée au peintre bastiais José Lorenzi.
Le printemps venu, on ne compte plus les magazines «Spécial Corse» qui fleurissent dans les kiosques et librairies avec plus ou moins de bonheur, d’intérêt ou de justesse. Pourquoi, dès lors, faire le choix d’une nouvelle parution sur la Corse ? Au risque de paraître présomptueux, nous voulons emprunter une autre voie que celle de la carte postale flatteuse d’une île, fût-elle paradisiaque ! Nous souhaitons également sortir des sentiers battus et étriqués de la presse de territoire et son cortège de clichés éculés. À l’instar de titres existants à l’échelon national, nous innovons sur la forme en proposant le premier magazine-livre sur la Corse. avec un tel titre, nous prenons le pari de l’extraordinaire, de l’original et de l’exceptionnel tout en veillant à ne jamais sacrifier notre identité ou notre authenticité. Certes, vous trouverez dans nos colonnes de belles photos de Corse, certes, vous aurez toujours de quoi vous nourrir physiquement ou spirituellement mais pour nous, l’essentiel est ailleurs. Un ailleurs presque indicible, une dimension plus impalpable qui parcourt nos pages et laisse transparaître une île sans fard parce que naturellement belle, une île complexe aussi, parce que souvent paradoxale, mais une Corse toujours passionnante et singulière ! (Exceptions Corses) décide de regarder la Corse en face, en laissant le charme agir mais en préservant cette lucidité et cette franchise qui font la force et la beauté des relations durables.
« PORTRAITS DE CORSES » : présentation et signature à « la marge », jeudi ( 18), de 17 à 19h30, avec Jean-Pierre Castellani, Christine Bottero et Edmond Siméoni...
Un livre très attendu, rédigé par Jean-Pierre Castellani, l’ « éditeur », le Directeur de la Collection, et Christine Bottero, mais aussi avec la participation de Marie-Amandine Sain et de Laura Biancamaria, pour deux textes. 22 portraits de « personnalités corses qui ont marqué et marquent encore leur secteur d’activités ». C’est ce recueil de portraits que les deux auteurs vont présenter et signer :
Jean-Claude Acquaviva, L’aventure collective de A Filetta
Jean-François Bernardini, Des polyphonies villageoises à la non-violence universelle
Marc Biancarelli, L’insoumis, la révolte d’un mutin ou d’un écrivain voyou
Jean-Claude Casanova, Un homme de convictions
Laetitia Casta, Le destin d’une diva corse
Isabelle Ciaravola, étoile parmi les étoiles
Dominique Colonna, Le gardien de... la Restonica
Jérôme Ferrari, Le philosophe romancier
Patrice Franceschi, L’engagement d’un écrivain aventurier
Antoine Giacomoni, Miroir de vie, miroirs des princes
Pierre Graziani, La tête dans les nuages...
Nicolas Grimaldi, Le veilleur du sémaphore
Laurent Lantieri, Le rêve d’une vie
Ange Leccia, Le voyage de la pensée visuelle, entre Nonza et Tokyo
Marie-Josée Nat, Un destin tressé à l’aube de la liberté
Jean-Noêl Pancrazi, Un écrivain du soleil
Marie-Claude Pietragalla, La volonté d’un cygne du destin.
Jean-Paul Poletti, La quête de l’impossible rêve
Philippe Pozzo di Borgo, L’intouchable
Robin Renucci, La philosophie de la forge
Edmond Simeoni, Le militant
Jean-Christophe Spinosi, La passion de la musique
La première de ces séances de signature est prévue à Ajaccio jeudi prochain 18 août, de 17 à 19h30 dans la librairie « La marge »; Une deuxième, à Bastia, dans la librairie « des deux mondes » le jeudi suivant, soit le 25 août, de 17 à 19h, et une troisième, de nouveau à Ajaccio, le jeudi 8 septembre dans la « librairie des palmiers ».
Nous avons demandé aux « portraiturés » de venir se joindre aux auteurs lors des signatures. Quelques uns viendront à chacune des signatures.
Ainsi, jeudi prochain, à Ajaccio Edmond Siméoni signera « son portrait » aux côtés des deux auteurs, Christine Bottero et Jean-Pierre Castellani.
Jean-Jacques Colonna d'Istria
Une nouvelle maison d'édition, pas comme les autres, dans le paysage littéraire insulaire. Une équipe de flibustiers, menée par Marc Biancarelli, bien décidée à mettre un coup de pied dans la fourmilière de l'édition insulaire. Tonu è Timpesta. T&T. Le nom a le mérite d'annoncer la couleur.
Par Sébastien Bonifay-Publié le 05/10/2019
Une longue table a été disposée devant la vitrine de la librairie A Piuma Lesta, au Polygone de Bastia.
Entre une auto-école et une boutique de stores pour fenêtres.
Dessus, des piles de livres, à la couverture ténébreuse.
En jaune et blanc s'étale un titre, sobre, Nuvelle/Nouvelles.
Et en guise d'auteur, un nom riche de promesses.
Tonu è Timpesta.
Un peu à l'écart, saluant les retardataires avec l'affectueuse brusquerie qui lui est coutumière, une partie de l'équipe de Tonu è Timpesta.
Jean-Yves Acquaviva, Jo Antonetti, Fabien Raffali, Marc Biancarelli et Pierre Savalli.
Enthousiastes à l'idée de présenter au public le premier ouvrage de la toute nouvelle maison d'édition qu'ils ont créée.
Et encore incrédules, à l'idée d'avoir réussi à mener leur projet à bien.
Pierre Savalli s'en amuse : "On avait fait une prévente sur le blog Tonu è Timpesta,
au moment où on a décidé de sauter le pas, et qu'on a annoncé
officiellement la création de la maison d'édition. Une quarantaine de
personnes, qui croyaient au projet et voulaient nous soutenir, nous ont
filé 25 euros. C'était encourageant, ça nous a permis d'avoir un peu
d'argent pour lancer le truc, mais ils ont attendu deux ans pour avoir
le livre en main. Deux ans !"
Le chemin a été long.
Tout a commencé il y a de longues années, avec la création du blog Tonu è Timpesta par l'écrivain Marc Biancarelli.
Sur
le site, dès sa création, le principe est tout simple. Des gens
d'ici ou d'ailleurs envoient des textes, qui sont publiés. Ces
textes, ils les écrivent pour le plaisir. La plupart ne sont même pas
des écrivains en herbe. Juste des hommes et des femmes qui aiment
écrire. Et n'ont pour ambition que d'être lus par quelqu'un
d'autre.
La communauté grossit, de mois en mois. Le blog Tonu è Timpesta devient
un véritable incubateur de talents insulaires, qui écrivent en Corse ou
en Français, et s'impose comme le site culturel le plus fréquenté de
l'île. Un prix est créé, qui récompense les meilleures nouvelles.
La suite logique, c'était une maison d'édition.
Ces gens-là n'avaient pas droit de cité chez les éditeurs insulaires - Pierre Savalli
Reste à savoir si Tonu è Timpesta, eux, seront à la hauteur.L'édition corse ne fera jamais son autocritique - Marc Biancarelli
24
nouvelles, signées par des hommes et des femmes, de tout âge, de toute
origine, célèbres ou inconnus, prix Goncourt ou menuisiers, qui écrivent
en Corse ou en Français.
Et qui se passent à Belfast en 78,
lors d'une Saint-Valentin lourde de souffrances, dans le Colorado au
XIXème siècle, qui racontent ce que c'est que d'être homosexuel à
Porto-Vecchio dans les années 80, plongent dans l'horreur de Kinshasa,
où au côté de la résistance dans le maquis corse...
Le premier livre publié par Tonu è Timpesta est fidèle à la règle édictée depuis la création du blog, il y a des années.
Pas de règles. Pas d'interdits. pas de sujets tabous.
Et surtout, pas d'obligations.
Hormis celle d'écrire, bien, et fort.
C'est un panorama formidable, et rare, d'une Corse qui s'est emparée de la littérature pour la faire (re)vivre, qui nourrit ses histoires de ses expériences, des violences de notre époque, des traditions de ses ancètres, des petits détails observés mille fois au comptoir d'un bar de village, comme des influences pop de ce début de XXIème siècle.
C'est
tellement éclaté, vibrant, foutraque, dense et gonflé que vous adorerez
certaines nouvelles, et peut-être en détesterez vous
quelques-unes.
Mais une chose est sûre, le voyage en vaut la peine.
En marge de la rentrée littéraire...
Depuis une décennie environ, les eaux du fleuve tranquille appelé « édition » qui se la coulait douce depuis plus d’un demi millénaire, sont troublées par l’apparition d’un trublion qui le titille, le dérange, le martyrise même parfois, et que l’on appellera « ubérisation »... une pratique révolutionnaire qui se passe de certaines contraintes traditionnelles. Pour aller plus vite, sauter des étapes jugées non indispensables et surtout, en fin de compte, coûter moins cher. L’ubérisation envahit tous les domaines, pourquoi l’édition y aurait-elle échappé ? La Corse ne sera pas non plus épargnée par ce phénomène mondial, elle qui avait pourtant sauté - en partie du moins - la révolution industrielle... Alors, qu’en est-il de l’édition en Corse, et de quelle édition parle-t-on ? L’ubérisation en Corse, ça se traduit comment ? Petit historique...
1/ L’édition en Corse depuis 40 ans.
J’ai recensé sur le territoire corse, à ce jour de septembre 2019, plus de 70 « éditeurs » - je dis bien soixante-dix - ayant pignon sur rue, avec coordonnées fiables et catalogues à disposition (1). A ce jour, car demain il y en aura un de plus et après-demain un autre, et ainsi de suite, comme une comptine...Lorsque j’ai édité mes premiers livres, dans les années « 80 », j’étais quasiment le seul éditeur dans l’île, et le premier depuis la guerre... celle dite de 39/45...
Les livres « traitant » de la Corse que l’on trouvait sur les tables de la librairie « Hachette » à Ajaccio tenaient dans une seule main de son directeur Albin Buteau... Guide vert, Guide bleu, La Corse de Dorothy Carrington (par bonheur, heureusement). Depuis, et en à peine 40 années, il en est paru des milliers, dont près « d’un millier », sous ma responsabilité : entre « La Marge-édition » «Colonna édition » et « les éditions du Scudo » à ce jour le compte y est presque ! Si quasiment aucun autre éditeur ne sévissait dans l’île à cette époque, ils furent nombreux ensuite à prendre le relais peu à peu, et ce, jusqu’à nos jours, où aujourd’hui tout le monde « fait de l’édition ». Durant une petite quarantaine d’années, une douzaine d’éditeurs a donc occupé le marché, avec bonheur il faut le dire car ils ont occupé un vide, mais ils ont surtout rempli une véritable mission : celle de donner un sens à l’histoire, à notre Histoire, à la vie en société, à la nature, à l’homme vivant sur cette terre, à en fixer les spécificités... Ils ont permis cette connaissance - celle de nous-mêmes - et la faculté de pouvoir y accéder, grâce à la matérialisation du savoir - la fixation évolutive - qu’ils ont réalisée au fil des ans, fixant et pérennisant ainsi les travaux des chercheurs, des historiens, géographes, romanciers, poètes, scientifiques et autres artistes qui se sont penchés sur notre île depuis qu’elle existe...
Cette douzaine d’éditeurs, en Corse, formant ainsi « l’édition corse » a donc permis la création et la mise à disposition d’une « Somme » de savoirs qui semble aujourd’hui naturelle et évidente à tous, car devenue indispensable pour la connaissance, mais aussi et surtout pour la gestion et l’avenir de notre pays. L’édition a joué un rôle, « son » rôle, « historique » et social.
2/ Qu’en est-il aujourd’hui, de l’édition en Corse ?
Les technologies digitales ont bouleversé le monde, c’est une lapalissade que de le dire. L’édition n’a pas échappé à cette révolution. Les plates-formes dites d’auto-édition et de commercialisation de livres numériques ou sur papier se sont créées et multipliées. Ces structures, parfois légères (un jeune auto- entrepreneur suffit), la plupart du temps très « commerciales » se sont affranchies du circuit traditionnel : auteur, éditeur, diffuseur, distributeur, libraire pour « faire de l’édition »sans eux. C’est ce que l’on peut appeler « l’ubérisation » de l’édition.
Aujourd’hui, « l’auteur » peut être son propre éditeur - du moins le croit-il - en se faisant aussi diffuseur, distributeur et en se passant bientôt du libraire. Avec un investissement à minima, le Baudelaire du Niolu comme le Léonard de Vinci de Moca Croce peut « éditer » son œuvre, c’est-à-dire la faire exister sur papier - elle sera imprimée en numérique - mais qui voit la différence entre une impression numérique et une autre en offset, voire en typographie ? - pour une mise de fonds ridiculement basse - à condition quand même qu’il réalise sa maquette lui-même et qu’il ait quelques notions de mise en pages - qu’un logiciel lui apportera pour quelques euros de plus. Ainsi, la fabrication- impression comprise - d’un livre en numérique peut revenir à quelques euros l’exemplaire chez un imprimeur « honnête », et, surtout, le commanditaire n’est plus contraint d’en faire imprimer un grand nombre pour faire baisser le coût unitaire : le coût - à l’unité - d’un exemplaire imprimé en numérique est le même que l’on en tire 10 exemplaires ou 1000. Le livre existe alors. Il est « édité » comme chez Gallimard ou Laffont. Rien ne le diffère dans son apparence, d’ailleurs. Il a même un numéro ISBN et un prix public avec un code barre ! Il suffit maintenant à nos Charles et Léonard :
La boucle est bouclée.
Qui oserait dire qu’il ne s’agit pas d’édition ?
Quels avantages l’auto-édition a t-elle sur l’édition dite « traditionnelle » ?:
Ces avantages sont surtout pécuniaires, il faut bien le dire, pour les Houellebecq en mal de reconnaissance. C’est à la portée de tous et surtout de toutes les bourses. On est édité. La gloire est possible... plus d’intermédiaires : chacun au passage prenait son écot, son pourcentage : les techniciens, le correcteur, le relecteur, le metteur en pages, le maquettiste, le revendeur, le libraire, la grande surface, le grossiste, le transporteur, le livreur, la Poste, le dépôt, l’auteur... voire l’éditeur quand il reste quelques « soldi ». Aujourd’hui on remet un fichier à l’imprimeur, et « hop »... c’est livré !
Des inconvénients ?
Ils sont multiples cependant, mais sournois. On les met cependant sous le tapis car les avantages de la formule- essentiellement pécuniaires on l’a dit - font passer à la trappe les difficultés que le néophyte va rencontrer et qu’il contournera comme il peut.
Il doit tout faire à la place des « pro » qu’il n’a pas à rétribuer : ok. Mais alors qui vérifie quoi ? Personne.
La qualité du texte ... son contenu...les erreurs et les fautes de frappe ou pas....qui en est garant ? Personne, sinon l’auteur lui-même - juge et partie. La mise en page ? La présentation et l’aspect du livre ? Le choix du papier...sa qualité, son format...aucun « pro » pour ces tâches ! Mais surtout, l’objet-livre n’existera réellement que le jour où un libraire - ou une grand surface ou encore un revendeur - l’auteur lui-même ? - un « acheteur » en tout état de cause - aura fait la démarche d’un achat ferme auprès du commanditaire, celui que l’on a appelé l’auto-éditeur, et qui peut-être soit un particulier (l’auteur lui-même en général) soit l’une de ces pseudo « maisons d’édition » à la mode, courtisées à cause de la formule alléchante qu’elles proposent, pas tout-à fait à compte d’auteur veulent faire croire ceux qui y ont recours (2), mais cependant adeptes et conseillères du crowdfunding...Elles font florès actuellement sur le marché.
« L’Harmattan » « Maïa » « Baudelaire » « The Book édition » « Amazon » sont les plus connues, mais l’ami Goggle vous en proposera à la pelle. Ainsi le nouvel écrivain peut faire croire que son remarquable travail a enfin été reconnu et retenu par un éditeur prestigieux, puisque « connu » (La pub est partout, car « ça » marche « du tonnerre ») et installé sur le « continent » bien sûr - ça c’est indispensable quand on vit en Corse !
3/ l’auto-édition est-elle encore de l’édition ?
En ce qui me concerne, c’est non, bien sûr. Le rôle de l’éditeur est essentiel. Là, il n’existe plus : on lui a enlevé toute fonction, toute utilité. On se passe de ses services tout en faisant croire qu’il existe simplement parce que l’on joue sur les mots. On devrait dire « le livre est fabriqué » alors que l’on persiste à dire : « le livre est édité ». Il a été fabriqué certes mais pas édité. L’éditeur n’est pas seulement un « prestataire de service », ou un technicien ou encore un outil et encore moins celui qui seul, prend le risque de la création ... il fait d’abord un choix, avec un auteur qui devient son complice. Il doit y avoir volonté commune, engagement en vue d’une belle aventure, humaine avant tout. L’éditeur fait un choix, celui de faire exister un livre, ce livre-là, en particulier, et pour ses qualités. Pour moi, il y a un couple, les parents s’unissent pour décider ensemble de faire naître un enfant. L’un ne peut pas « être » ni exister sans l’autre ; l’un a besoin de l’autre. Il faut être deux pour faire, puis élever un enfant. Un livre, c’est pareil : il y a l’auteur et l’éditeur. Une fois né, le livre doit être élevé, soutenu, défendu, promu, porté aux nues, choyé, soigné, nourri, aidé...mis au pinacle... et c’est là, aussi, tout le travail de l’éditeur. Un travail que ne font pas les auto-éditeurs, car c’est ce qui coûte, en temps, en investissement, en argent aussi. Rappelons que le livre reste virtuel tant qu’un exemplaire au moins n’aura pas été commandé, acheté et payé.
4/ Suis-je un fabricant de livres ou un éditeur ?
Je ne fais que constater l’existence de l’auto-édition. Elle existe et je ne conteste ni son utilité, ni sa présence, même en Corse aujourd’hui, comme ailleurs déjà depuis quelques décennies. Tout arrive en Corse, avec quelques années de décalage, le bien comme le mal, la drogue aussi, comme le câble ou les technologies digitales aujourd’hui. Cette technique de remplacement bon marché peut être utile à ceux qui n’ont pas la chance d’être sélectionnés par le peu de vrais éditeurs qu’il reste dans l’île aujourd’hui, tant le métier est devenu quasi impossible à pratiquer. Certains qui avaient pignon sur rue ont même choisi cette facilité « d’auto-édition » pour laisser croire qu’ils existent encore. Un reniement que je ne m’explique pas et qui est contraire à l’idée que je me fais de l’édition, suivant en cela mon maître à penser en la matière, je veux parler de José Corti. Une maison d’édition que j’avais créée il y a une douzaine d’années, m’ayant malencontreusement échappé a suivi cette voie renégate... Je ferai le même reproche à certains auteurs « de mes amis », qui eux aussi ont choisi de s’illustrer à travers la pseudo auto édition... et j’en suis meurtri d’autant plus que ceux-là - parce qu’ils ont déjà édité chez de « vrais éditeurs » - Les professionnels en question, en l’occurrence - avaient le choix ! Alors pourquoi ont-ils fait ce choix ? Le besoin impulsif de publier à tout prix, tout ce qu’ils pondent ? Tout et n’importe quoi ! Ils participent par cet acte, à la médiocrité ambiante de l’édition, et, ce qui me parait plus grave, ils mettent en danger toute la chaine de distribution, en mettant sur le marché des œuvres... inachevées - alors que les librairies - de l’île en particulier - mettent la clef sous la porte les unes après les autres. Ils déboutent et trahissent ceux qui les ont fait exister jusque là...ces professionnels qu’ils trahissent aujourd’hui.
Chacun d’entre nous a ainsi les moyens aujourd’hui de publier ou d’être édité. Est-ce un bien ? Certes, « abondance de biens de nuit pas » mais « trop de démocratie tue la démocratie » aussi. Dieu reconnaîtra- t- il les siens ? Ouvrez notre quotidien unique et vous lirez chaque jour la recension du livre du siècle – quand ce ne sont pas deux ou trois œuvres - éditées dans l’une de ces officines qui laissent croire que vous êtes le Baudelaire ou le Léonard de Vinci du XXIème. Siècle. Ce peut être une thérapie pour son auteur et c’est tant mieux pour lui, mais la littérature n’a rien à y gagner, l’édition non plus.
Avec cette nouvelle technique, le public ciblé était jusqu’à nos jours, « monsieur tout le monde » pour immortaliser la vie de ses grands-parents, par exemple, ou l’adolescente qui rêve la nuit une vie meilleure en l’écrivant, l’imaginatif en mal de roman...un acte créatif, comme on prenait une photo de famille autrefois. Ce peut être aussi celui dont le manuscrit a été refusé par deux ou trois éditeurs et qui se lasse, bref par un particulier en mal d’éditeur, ou encore un auteur boulimique.
5/ L’édition, demain en Corse...
Nul n’est prophète en son pays mais gageons que les parutions de livres imprimés ou pas, virtuels ou en version numérique, comme peuvent proposer les GAFA, seront multipliées à l’infini et prendront le pas sur l’édition dite « traditionnelle » qui ne disparaîtra pas cependant. Il ne s’agit pas de regretter un paradis perdu, mais de s’alarmer d’une situation qui a pour conséquence la déconsidération de l’art - en l’occurrence la création littéraire par la banalisation et l’uniformatisation des œuvres. L’édition de demain s’adaptera et trouvera les moyens - financiers y compris - de faire respecter tous les aspects de l’édition que nous avons évoqués ci-dessus. En ce qui me concerne, et tant que je le pourrais, je continuerais d’éditer les auteurs qui me feront confiance, sans autre objectif que de permettre au plus grand nombre d’accéder à de « belles choses » qui méritent selon moi d’être partagées pour notre bonheur, et selon les critères qui ont toujours été les miens. Les moyens financiers indispensables à la mise en route de tout projet éditorial resteront cependant une priorité. Il faudra être « inventif » pour atteindre ce but qui est bien de faire partager au plus grand nombre ce que l’on croit être beau, vrai, utile....
Alors longue vie aux auto-éditeurs et aux auto - édités, mais attention... « a forza d’allungà, a funa strappa... ».
Jean-Jacques Colonna d’Istria, ce 10 septembre 2019.
Notes.
1/ Nous tenons ce document à jour et à la disposition des lecteurs que cela intéresserait.
2/. Pas tout-à fait à compte d’auteur, mais ces maisons dites d’auto-édition exigent de l'auteur d'acheter au moins 50 exemplaires de son propre livre. Mettons que ce livre soit vendu 20 euros, l'auteur doit débourser 1000 euros pour espérer voir son livre imprimé, 1000 euros qui iront directement dans la poche de cet "éditeur". (SIC Maïa édition : un « client » sur Facebook). Et c’est là qu’on fait intervenir discrètement le crowdfunding, en le suggérant, pour celui qui n’aurait pas les moyens... Vous avez-dit « pas à compte d’auteur » ????? De toute façon, si vous n’en achetez pas à « l’auto-éditeur » et si personne n’en n’achète, le livre n’existe pas. Il est virtuel. Il n’existe que quand il est acheté. Appelons un chat un chat.
Après « la marge édition » (Plus de 500 titres), après, mais encore et toujours avec «Colonna édition » (Près de 200 titres), voici aujourd’hui « les éditions du Scudo » et ses premiers titres.
Quel chemin parcouru ! La route que nous avons choisi de parcourir depuis 40 ans se veut respecter d’abord une éthique professionnelle malgré les vicissitudes et les aléas que l’aspect « commercial » remet souvent en cause parce que le comptable s’oppose souvent au poète.
Oui il a fallu avancer, lentement, composer, déposer le bilan, repartir, arrêter à nouveau, recréer, repartir à zéro, recommencer encore ...et poser ainsi pierre après pierre, livre après livre, pour arriver à affermir les bases d’un édifice encore inachevé à ce jour.
Un édifice qui contribuera à mieux connaitre notre île, son histoire, la vie de ses habitants depuis l’érection des dolmens jusqu’à ce jour.
Pour mieux connaitre et comprendre, aussi bien ses envahisseurs que ses visiteurs toujours émerveillés, pour mieux nous connaitre nous-mêmes aussi, chaque titre étant en définitive une des pierres qui, ajoutées les unes aux autres, ajoutées aussi à celles posées par d’autres éditeurs professionnels, constitueront, bien assemblées, un édifice, authentique, un Temple de la connaissance, de notre île, mais aussi de ses habitants et donc de nous-mêmes.
Que vivent les éditions du Scudo !
Découvrez les titres de Scudo Edition : https://www.scudoedition.corsica/
Communiqué de Jean-Jacques Colonna d’Istria :
Je quitte « Colonna édition ».
Suite aux problèmes financiers que connaissait « Colonna édition », de nouveaux associés sont entrés dans le capital de la SARL avec mon assentiment, et un nouveau gérant a été nommé en la personne de Jean-Paul Filippini. Ce dont je me suis félicité. Les efforts des nouveaux gestionnaires pour « redresser la situation » sont incontestables et louables.
Cependant, les responsables de la nouvelle équipe dirigeante ont fait le choix d’une formule d’édition qui relève de ce que l’on appelle couramment le « compte d’auteur ». Etant fermement opposé à ce choix, il me sera impossible d’avoir la responsabilité des nouveaux titres à paraître sous le label « Colonna édition ».
En désaccord avec les gestionnaires, ne pouvant plus en toute liberté exercer mon métier dans ces conditions, du moins au sein de cette structure, je quitte aujourd’hui jeudi 5 juillet 2018 « Colonna édition » en tant qu’éditeur. Je reste actionnaire de la SARL mais aussi et surtout, soucieux de la vie des 75 titres édités à ce jour, je continuerai à les promouvoir (signatures ; journées du livre, manifestations diverses, rencontres) dans la mesure des moyens qui me seront attribués.
La maison d’édition continue donc heureusement à fonctionner. Les auteurs déjà édités, comme les futurs auteurs en quête d’édition peuvent s’adresser au gérant pour toutes questions relevant de la gestion. Quant à moi, je ne serai pas responsable des prochains livres à paraître sous le label « Colonna édition », à dater de ce jour, bien qu’en ayant été son fondateur, puis son seul éditeur durant 13 années d’affilée.
D’autres aventures m’attendent peut-être, si ma santé le permet.
Jean-Jacques Colonna d’Istria, ce 5 juillet 2018
colonnadistria.jj@wanadoo.fr
Jean-Jacques Colonna, passionné par la culture en général et la littérature en particulier, attaché à ses racines corses, s'est toujours investi dans le domaine du livre corse.
Nommé secrétaire général de la Maison de la Culture Corse en 1969, à l'âge de 23 ans, il quitte ses fonctions en 1977 pour créer à Ajaccio la librairie La Marge. Pendant plus de vingt ans, La Marge est un haut lieu de la vie culturelle et artistique corse, avec plus de 800 expositions et 100 rencontres organisées. En parallèle, Jean-Jacques Colonna d'Istria reprend l'organisation des Journées du Livre Corse et édite plus de 200 ouvrages.
Après avoir cédé La Marge en 1999, Jean-Jacques Colonna d'Istria s'intéresse fortement à la création et l'organisation de manifestations culturelles : le Salon du Livre Napoléonien, l'Université Populaire d'Eté ou encore les Journées du Corail sont quelques exemples de manifestations organisées entre 2000 et 2004. Il continue en parallèle son travail d'éditeur.
Depuis 2004, Jean-Jacques Colonna d'Istria partage son temps entre trois activités : il assure la direction et l'administration du Lazaret Ollandini/Musée Marc Petit à Ajaccio, représente les associations populaires au Conseil Economique, Social et Culturel de la Corse, et s'occupe de sa maison d'édition, Colonna Edition.
Jean-Jacques Colonna d'Istria a reçu des mains de Jack Lang l'insigne de Chevalier des Arts et des Lettres.
Voir la page "Archive" pour les années antérieures.