Poésie et chant sont intimement liés en Corse, terre de
tradition
orale. Depuis les années du riacquistu, les échanges ont été
incessants.
Ecrire pour le chant est également pour les poètes
contemporains un moyen privilégié d’être entendu. Des auteurs comme
Ghjacumu Fusina, Ghjacumu Thiers, Ghjuvan Teramu Rocchi et bien
d'autres, ont écrit pour des groupes ou des chanteurs. Sans parler de
ceux qui, comme Patrizia Gattaceca ou Jean-Claude Acquaviva sont à la
fois d'authentiques poètes et des chanteurs de renom
international.
Auparavant, des poètes s’étaient
quelque peu affranchis du chant, et certains ont publié une œuvre
littéraire très aboutie.
Clin d’œil de l’histoire, ces textes ont été
retrouvés et chantés par de nombreux groupes ou chanteurs, comme
Antoine Ciosi ou A Filetta, qui rend hommage à Anton Francescu
Filippini en reprenant Cose Viste, Memorie ou Visioni care. La
production poétique d'aujourd'hui manifeste souvent chez des poètes
connus comme paroliers, le souci de s'affranchir quelque peu de cette
longue complicité avec le chant.
«Pourquoi écrire de la poésie en corse et pas en français ?
Peut-être
s'agit-il d'une sorte de besoin charnel, le besoin de respirer le
parfum de la pierre chaude, celui de la délicieuse pâte qui envoie ses
bouffées odorantes, besoin aussi de se souvenir de l'affection des
mères et des grands-mères.
Poiesis : faire, et faire en corse, ne serait-ce pas finalement faire
en être humain ; faire en homme ?»
Pasquale Ottavi
La présentation de
l'auteur :
Qui
connaît et lit cette littérature corse qui depuis plus d'une centaine
d'années tente de faire entendre sa voix au milieu d'un océan de
publications françaises ?
Les dernières années disent avec force son
essor. Grâce à nos polyphonies, chacun connaît la richesse de notre
tradition orale à côté de créations contemporaines qui chantent notre
île et nos valeurs. Nous avons aussi quelques poètes remarquables dont
la voix méritait d'être traduite et entendue au-delà de nos frontières.
Il se trouve que, dans un espace restreint, le Corse est simultanément
agrippé par deux infinis : l'espace, à travers la mer qui tourne ses
regards vers l'horizon ou la montagne dont les cimes se détachent dans
un ciel pur, et le temps qui rattache l'individu à une histoire d'où le
mythe n'a pas encore été tout à fait chassé.
Conjonction somme toute
bien Méditerranéenne, dont chacun des onze auteurs fait entendre une
modalité, grâce à PHI (Luxembourg) : Ghjacumu Biancarelli, Marcu
Biancarelli, Rinatu Coti, Ghjacumu Fusina, Patrizia Gattaceca,
Dumenicantone Geronimi, Alanu di Meglio, Pasquale Ottavi, Lucia
Santucci, Ghjacumu Thiers.
Francescu-Micheli Durazzo
17/01/2023
21-23/05/2022
A Travu ce weekend pour célébrer le Printemps des Poètes, une journée dédiée à la poésie coorganisée par la mairie de Travu sous la houlette d'Evelyne Adam , adjointe à la culture, et A Casa Di A Poesia.
Rencontres, présentations d'ouvrages, hommage au peintre Chisa et concert avec Michèle Sammarcelli et ses musiciens.
23/03/2022
Par: Propos recueillis par Laure Filippi
Publié le: 23 mars 2022
Dans: Corse Matin / Culture - Loisirs
Lui-même poète, le cofondateur de la Maison de la Poésie, A Casa di a Puisia, explique la vocation et les projets de cette nouvelle structure culturelle régionale, tout en évoquant la particularité d'un genre littéraire souvent mal-aimé, mais qui conserve une réelle vitalité sur l'île
Auteur de plusieurs ouvrages, lecteur passionné et acteur culturel engagé, Norbert Paganelli s'anime lorsqu'il s'agit de parler de poésie.
Aux côtés de l'éditeur Jean-Jacques Colonna d'Istria, il a d'ailleurs fondé la Maison de la Poésie de Corse, A Casa di a Puisia, afin de promouvoir ce genre qui occupe une place à part dans l'univers littéraire et artistique.
Comment est née l'idée de créer une Maison de la Poésie ?
J'avais cette idée en tête depuis au moins quatre ou cinq ans, mais sans avoir eu l'occasion de la concrétiser. En novembre 2019, la rencontre avec Gaston Bellemare a été déterminante. Lui-même organise un festival culturel au Canada et souhaitait entrer en contact avec des poètes insulaires. Il s'est alors étonné qu'il n'y ait pas d'instance dédiée en Corse, dans la mesure où de telles structures régionales, voire communales, existent un peu partout en France. Je me suis alors rendu compte que mon idée pouvait être pertinente et j'en ai parlé à Jean-Jacques (Colonna d'Istria, éditeur et fondateur de Scudo édition, ndlr), qui a tout de suite été enthousiaste. Nous avons alors contacté le président du conseil exécutif, Gilles Simeoni, qui nous a mis en relation avec les services de la collectivité concernés.
La structure a ensuite vu le jour rapidement...
Tout à fait, les services de la CdC ont voulu soutenir l'initiative et un budget a rapidement été mis en œuvre, dès janvier 2020. Mais est ensuite arrivée la crise sanitaire et cela a tout bloqué, c'était catastrophique. Nous avons renouvelé le programme l'année suivante, en 2021, en parvenant cette fois à réaliser la plupart des événements prévus. Parmi lesquels le Prix de la poésie, en langue corse et en langue française, que nous avons remis en novembre dernier à Saveriu Valentini et, à titre posthume, à Claudine Carette.
En dépit de son nom, la Maison de la Poésie n'est pas rattachée à un local. Quel est son mode de fonctionnement ?
L'un des principes fondamentaux de cette structure à vocation régionale est effectivement de pouvoir rayonner partout, sans subir cette forme de pesanteur du local qui cloisonne certaines Maisons de la Poésie. Il s'agit d'une structure associative, composée d'un conseil exécutif, d'un président (Jean-Jacques Colonna d'Istria), d'un secrétaire général (moi-même) et d'un conseil d'administration d'une trentaine de membres, composé de poètes, de peintres, de personnes d'ici ou d'ailleurs, qui sont force de proposition. Parmi les autres principes qui nous guident, notre ambition est de mêler différentes pratiques artistiques, tout en ne privilégiant aucune forme de poésie, que ce soit le slam, les chjami è rispondi, ou encore la poésie classique. De la même manière, nous sommes attachés à l'idée d'ouverture sur le monde, en ne réduisant pas uniquement à la poésie corse, mais en encourageant les échanges avec l'extérieur. Car la culture ne connaît pas de frontières.
Quelle est la vocation de la structure ?
Comme je le disais, la Maison de la Poésie, A Casa di a Puisia, est régionale et a donc vocation à intervenir sur toute la Corse. Nous étions jusqu'alors l'une des rares régions à ne pas disposer d'une telle structure. Sa vocation première est d'assurer la promotion de la poésie en Corse, mais aussi au-delà, en favorisant les rencontres, en créant des événements et des prix pour mettre à l'honneur la création. Nos actions sont très variées. Cette année, nous avons par exemple organisé un geste de solidarité envers l'association Inseme, en offrant des livres de poésie pour les malades corses qui partent se faire soigner sur le Continent. Nous avons aussi le projet de réaliser une stèle, portant un poème de Ghjuvan Federiccu Terrazzoni, pour le Jardin d'Afrique, le cimetière pour les migrants morts en Méditerranée qui a été réalisé en Tunisie, à Zarzis, par l'artiste Rachid Koraïchi. La CdC participe à hauteur de 50 %, et nous avons déjà réuni la quasi-totalité des autres 50 % nécessaires, par le biais d'une souscription publique.
Quels sont les rendez-vous à venir ?
Au mois d'avril, pour célébrer le Printemps des poètes, nous avons notamment programmé une scène ouverte aux poètes de Corse en plaine orientale, suivie du concert Puetissimu de Michèle Sammarcelli. Nous renouvelons aussi le Prix annuel de la poésie, que nous avions décerné pour la première fois l'an passé, avec l'ouverture d'une troisième section pour les habitants de la Gallura. Outre le projet de caravanes poétiques, avec des déclamations de textes sur la voie publique, une performance, Entre Iles, est également prévue en septembre, à l'Espace Diamant d'Ajaccio, où l'artiste peintre Anne Papalia, la poétesse Mita Vostok, et le photographe Mickaël Faure présenteront une réalisation créatrice transversale. Au mois d'octobre, nous souhaitons aussi organiser, à Bastia, un symposium sur la poésie, ses perspectives d'évolution et les menaces qui pèsent sur elle, avec des intervenants de Corse et du Continent. Enfin, après Alata et Sarrola-Carcopino, nous voudrions aussi créer, d'ici la fin de l'année, deux nouveaux sentiers poétiques dans deux nouvelles communes.
Le genre poétique est souvent mal-aimé et boudé du lectorat. Que peut apporter la poésie, par rapport à la prose ?
La poésie ne se porte effectivement pas bien au niveau de l'édition, mais il est dans l'histoire même de la poésie de connaître des fluctuations, selon les époques. Au XVIIIe siècle, par exemple, le genre était inexistant, puis il a connu un rayonnement extraordinaire avec le Romantisme au XIXe siècle. Ensuite, un nouveau "boom" avec le surréalisme, puis la Résistance. Mais le fait est que, trop souvent, le poète a tendance à s'enfermer et à se complaire dans l'obscurité et l'hermétisme. Cela ne plaide pas pour le rayonnement de la poésie et il ne faut donc pas s'étonner que le public s'en détourne. Or, la poésie apporte précisément tout ce que n'apporte pas la prose. Celle-ci peut rendre compte d'une bataille, décrire un bouquet de fleurs, mais seule la poésie peut fait sentir les choses en quelques mots. Même la personne ayant la plus faible culture poétique se souvient du célèbre poème de Victor Hugo, "Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne"... Ces quelques vers disent la douleur mieux que des pages et des pages de texte.
De quelle manière, justement, sortir la poésie de sa "tour d'ivoire" et mieux la faire connaître du public ?
C'est tout l'enjeu de la médiation entre la création poétique et le grand public que nous mettons en œuvre, notamment à travers des rencontres avec des poètes et des créateurs. J'interviens aussi dans les écoles, pour travailler la créativité et sa dimension ludique autour des textes, ainsi que la question de l'œuvre d'art, dont la qualité réside non dans la représentation mais dans la présentation, au-delà d'une explication rationnelle. J'aimerais former aussi d'autres intervenants, dans ce rôle de "passeur". Toujours en lien avec le public scolaire, nous menons aussi un projet avec la section départementale de l'OCCE (Office central de la coopération à l'école, ndlr), qui sollicite les élèves de plusieurs établissements du grand Ajaccio pour compléter poétiquement des textes.
En tant qu'auteur, comment expliquez-vous que la poésie soit devenue votre genre de prédilection ?
J'ai commencé à m'intéresser à la poésie vers l'âge de 13 ou 14 ans. Mais lorsque je lisais les classiques, comme Hugo, Verlaine ou Lamartine, je me demandais comment écrire de la poésie de manière contemporaine. Lorsque j'ai découvert, grâce à l'école, le courant surréaliste, j'ai eu un véritable déclic et j'ai commencé à écrire mes premiers textes. Durant cette période, le fait d'avoir été présélectionné pour le prestigieux Prix François-Villon a représenté un formidable encouragement à continuer. À cette époque, je ne pensais pas forcément écrire en corse. Dans les années 1975, j'ai découvert des auteurs comme Jacques Fusina, qui ont créé un nouveau déclic en moi et j'ai commencé à produire des poèmes en langue corse. Même si le vocabulaire est moins riche qu'en français, cette économie de mots oblige justement à aller puiser au fond de soi lorsque l'on écrit en corse. De manière générale, j'affectionne la poésie car elle offre une plus grande liberté par rapport à la prose. Cette dernière dit, alors que la poésie joue sur le non-dit, les silences. Tout en devant aussi tenir par ce qui est dit.
La création littéraire insulaire est-elle suffisamment vivante à vos yeux ?
Oui, la création littéraire corse se porte bien, y compris la création poétique d'ailleurs. Le problème demeure toutefois le lectorat, car quels que soient les discours sur la langue, le nombre de personnes qui lisent en corse reste très faible. Il est donc très important que l'édition accompagne et porte ce mouvement, à la manière de ce que réalise d'ailleurs Jean-Jacques Colonna d'Istria, en ayant déjà publié plusieurs dizaines d'ouvrages de poésie. Cela n'est économiquement pas rentable mais cela représente un réel acte engagé, militant, et un appui fondamental à tous les poètes insulaires.
Comment envisagez-vous l'avenir de la poésie ?
Il est déjà important de ne pas confondre le poème et la poésie, en ne cantonnant pas la poésie aux textes écrits dans un livre. La poésie peut être présente partout, dans une chanson par exemple. De ce point de vue, je crois que la poésie revient en force, notamment à travers le slam, qui est aussi de la poésie. Tous les textes fondateurs, que ce soit la Bible, ou encore L'Iliade et l'Odyssée, sont des poèmes. Donc je pense que la poésie joue un rôle fondamental. Tout comme l'esprit du poète, en ayant un discours différent, peut apporter une parole éclairante dans notre société.
15/04/2021
23/03/2021
31/01/2021
Recueil de poèmes "Débusquer des soleils" publié au Nouvel Athanor.
Préface de Corinne Atlan
Dans ce recueil de poésie, Graziella Masia nous offre un hymne à la vie, à l’amour, à l’amitié, mais aussi à la Corse, son île : elle nous entraîne aux frontières de l’intime, nous ouvre les portes de son âme...
Quoi de plus beau que la Corse
Cette île qui nous donne sa force
De sa fierté nous sommes conscients
[...]
Elle me défie de passer à Bastia
Voir le Vieux Port et en rester là
Des rafales de vent du cap
Je m’y accorde une étape
Depuis sa tendre adolescence, Graziella Masia a toujours voulu écrire des poésies.
Les problèmes liés à son enfance ont perturbé sensiblement sa vie.
Aujourd’hui, elle se réfugie dans la poésie pour donner du rêve au plus sensible d’entre nous. Cependant, elle se donne entièrement en amitié et redouble d’énergie pour sa famille et ses amis auxquels elle consacre une grande partie de sa vie.
Juin 2018
Mai 2018
Mars 2018
Juillet 2017
Juin 2017
Avril 2017
Mai 2016
L’Institut Français d’Alger a invité les poètes Danièle Maoudj et Norbert Paganelli, le chanteur Dominique
« Dumé » Ottavi, et les éditions Colonna. Le Printemps des poètes 2016 est centré autour des expressions insulaires et contemporaines, notamment la célébration de la culture Corse, traduite et exprimée par un trio Corse, d’un côté, auxquels répondra l’œuvre du grand poète algérien épris de liberté, Malek Alloula.
Mars 2016
Août 2015
Juillet 2015
Avril 2015
Mars 2015
Février 2015
Janvier 2015
Décembre 2014
14 Décembre 2014
La librairie "Les 2 Mondes" s'est avérée trop exigüe samedi après-midi pour accueillir la foule de tous ceux qui étaient venues rue Napoléon, à Bastia, pour acquérir le recueil de poésies de Jean Valery, "Hedera"*
Médecin-radiologue à Bastia et poète depuis toujours Jean Valery a mis du temps avant de se décider à transcrire noir sur blanc tout ce qu'il a concentré dans Hedera - le nom latin du lierre - et que son ami éditeur, Henri Medori, a convaincu de publier. A bon escient on peut l'écrire aujourd'hui.
Jean Valery est né sur les bords de la Méditerranée, le 12 novembre 1952. Son enfance court l’été dans la vallée de Sisco et dans la vallée de Brando dans le cap Corse… puis la Nouvelle-Calédonie, l’Afrique, où son père exerce le métier de médecin. Ainsi, très tôt, le petit Jean est imprégné d’une multitude d’images et de sonorités du Monde.
L’âme du poète se révèle…
Il se décide enfin à publier Hedera (qui signifie le lierre en latin), son premier recueil de poèmes.
Après ses études à Paris, il regagne Bastia où il est installé comme radiologue depuis plus de trente ans. Faiseur d’images, comme il aime le dire en contemplant la mer depuis ce chemin où la mémoire transpire entre le lierre et les pierres.
Ses textes, au sein desquels la Corse est perpétuellement présente, ont, à l'évidence, fait recette samedi soir. En l'espace de quelques heures il a vendu 400 exemplaires de Hedera, du jamais vu à Bastia, du moins à la "librairie des 2 Mondes", selon son éditeur. A titre d'exemple Marcu Biancarelli aurait réalisé au même endroit 200 dédicaces et Jérôme Ferrari 130…
---
Hedera, Jean Valery. Aedis éditions, 120 pages, 8€
Mai 2014
Février 2014
Novembre 2012
Octobre 2012
Mars 2012
aa
Février 2012
Décembre 2012
Source : Corse Matin du 4 décembre 2012
Septembre 2012
Août 2012
Juillet 2012
Juin 2012
(Corse Matin du vendredi 8 juin 2012)
Avril 2012
Dans le cadre du Printemps des poètes 2012, une rencontre poétique est prévue à Bonifacio à l'espace Saint Jacques samedi 7 avril à partir de 17 h.
Alain di Meglio, Jean François Agostini et Norbert Paganelli accueilleront Tal NITZAN, poète israélienne militante pour la paix et Stefanu CESARI, poète insulaire.
Cette manifestation est le résultat d'un partenariat entre le CCU, la Mairie de Bonifacio et l'association Entrelignes.
Février 2012
14/08/2011
Novembre 2010
Stasera u mondu veste u so velu di seta
A nebbia ingutuppa e tombe di bambace
Sottu à issu dolce pesu ogni sonu si cheta
È à mezu à i morti ancu u core si tace
In issu bughju grisgiore una fiara vacilla
Culurisce di rossu quella fumaccia pagna
È un vechju ritrattu e so lacrime stilla
Mentre chì a natura vuciareghja è si lagna
In isse stonde di vita intricciata di morte
Sorgenu in a me mente tante maghjine forte
D'ogni nome cunnoscu a furtuna o i guai
È benchì u me dolu mi brusgi sempre in core
Ogni petra mi parla è mi dice l'amore
È i morti mi sò più vicinu chè mai
Marilena Verheus (detta A Pumataghja)
Originaire
de Sartène, Norbert Paganelli a publié son premeir recueil "Soleil
entropique" en 1973, puis édite en 1977 une première plaquette en
langue corse : &A strada, a Vulpi è u Banditu& (dont le poème éponyme a
été repris par le groupe Canta u Populu Corsu dans son disque Festa
Zitellina), puis &Sept chants pour l'amnistie& en 1979 et &A Petra
Ferta& en 1981 et enfin &A Fiara&.
Il publie en 2007 Invistita (Errance),
Poèmes en langue corse, regroupant ses textes publiés dans différents
ouvrages.
Invistita est un recueil en quatre parties qui se présente tout à la fois comme une somme et le signe avant coureur d’un nouveau départ. Dans cette langue rude et belle de l’Alta Rocca, un poète du temps présent nous fait partager une perception du monde. L'esthétique n’y est pas absente, l’intransigeance non plus.
Il publie ensuite Canta à i sarri aux éditions Fior di Carta.
Si comunicano i nominativi dei vincitori del Concorso di
Poesia
“Lungòni”, premiati nel corso della cerimonia di premiazione, tenutasi
il 13 dicembre 2008 nel Centro Taphros di Santa Teresa Gallura.
Per le opere composte in lingua gallurese i riconoscimenti sono stati assegnati come segue:
1°
premio:
Andrea QUILIQUINI “LU CHJLCHJU DI TANDU”
2° premio ex aequo: Antonello BAZZU
“MIDICINA DUI”
2° premio ex aequo: Anna Maria Raga “NOTTI
D’AGLIOLA”
3°
premio:
Antonio CONTI “U FARZU EQUILIBRISTA”
4°
premio:
Gianfranco Garrucciu “SOLU CHICI”
1° premio: Norbert
PAGANELLI
“ANIMA
CUMUNA”
2° premio: Jean
AMBROGI
“RAMINTASSI,
RITRUVASSI”
3° premio: Maria di Fatima OTTOMANI
BARBARESCHI “A CHI CUMANDA”
4° premio: Ghjuvandumenicu
TAFANI
“U FOCU LLU CORI”
Per le opere composte in lingua corsa sezione giovani si
premiano 3 ragazzi della Scuola di Santa Lucia di Portovecchio:
Antoine PIETRI, Felicia BORSELLI e Mathieu
DETTORI “A TE CHI
PASSI”
Il premio speciale “Jean Baptiste Stromboni”, è assegnato a:
Lucia SANTUCCI “SITTEMBRINU”Visite à Invistita
Norbert a créé son site, c'est ici : http://invistita.fr/
Echange de bons procédés avec Norbert Paganelli, u webmaestru di Invistita :
Après l'entretien sur l'Invitu publié dans « Invistita», c'est au tour de l'Invitu d'interroger Norbert, qui vient de se voir décerner le prix « Lungoni » aux 14es Rencontres poétiques de Santa Teresa di Gallura pour son poème « Anima cumuna ».
Derrière l’austérité granitique du site, qui évoque la langue rude de ce Sud insulaire qu’il chérit par-dessus tout, derrière la puissance des textes de Norbert, se cache une grande sensibilité… et aussi beaucoup d’humour.
Peux-tu dire quelques mots de toi et de ton
parcours personnel ?
Je suis né en 1954 à Tunis mais j'ai passé ma prime enfance à Sartène, où mes grands parents tenaient un bar-tabac. Lorsque j'ai dû quitter la Corse à l'âge de 5 ans pour l'Algérie, où mon père était fonctionnaire, je parlais déjà notre langue car son usage était beaucoup plus répandu qu'il ne l'est aujourd'hui. J'ai passé ensuite plus d'une année à Sartène, au moment où mes parents ont quitté l'Algérie pour Paris. Ensuite, j'y suis systématiquement retourné passer mes vacances. En fait, je n'ai jamais rompu avec ma langue maternelle, car, au foyer, mes parents ne parlaient que le corse. J'ai donc eu la chance d'entendre, toute ma vie, chanter cette langue dont les sonorités m'ont séduit peu après m'être intéressé à la poésie, vers l'âge de 18 ans.
Très rapidement, j'ai complètement épousé la cause des langues minoritaires et ma passion de jeunesse pour l'expression poétique est devenue la compagne de ma vie. Au moment ce choisir un métier, je n'ai pas souhaité que cette liaison qui commençait à prendre racine me serve aussi à gagner ma vie. J'ai donc écarté l'idée d'études littéraires me conduisant au professorat pour une formation juridique m'assurant un emploi sans aucun rapport avec ma passion. Un peu comme Brassens dans &la non demande en mariage&, il m'a semblé préférable de faire de cette passion exigeante une maîtresse plutôt qu’une épouse. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai très peu publié, considérant que je ne devais pas tarir cette source que j'avais découverte par inadvertance.
Je dispose aujourd'hui d'un peu plus de temps et d’un nombre invraisemblable de papiers griffonnés qui sont demeurés, des années durant, dans mes tiroirs, attendant le moment propice...
Tu
as mis en ligne ton site en juin 2007.
L’idée d’origine était, me semble-t-il, avant tout de promouvoir ton
recueil.
Comment a évolué ta démarche ?
Oui,
je dois avouer que le monde de la
toile m'était largement étranger en juin 2007 lorsque mon fils m'a
proposé de
construire un site destiné à la promotion de mon ouvrage &INVISTITA&.
Je n'y ai pas accordé grande importance, mais j'avais souhaité que
chacun
puisse y déposer un texte s'il le souhaitait (en langue locale ...et
avec une
traduction) dans le but de constituer une anthologie de la poésie
minoritaire.
Mon
idée n'a pas été couronnée de succès,
je ne sais trop pour quelle raison. Par contre, une rubrique a
intéressé les
internautes, celle où je donnais mon sentiment sur certains ouvrages et
qui
fonctionnait un peu comme une sorte de bloc notes littéraire. Partant
de ce
constat, la version n°2 de mon site, en ligne depuis peu, met en avant
ce côté
&revue littéraire&, propose un choix plus important de textes et
abandonne le principe d'une anthologie vivante.
Par
ailleurs, l'idée première de faire du
site un moyen de promotion de mes ouvrages (il y en a d'autres en
préparation)
a également vécu puisque je reprends à mon compte la démarche
d'Huguette
Bertrand (poète du Québec) et publie désormais sur la toile la quasi
intégralité des textes ayant vocation à être imprimés. Je pense en
effet que le
temps de l'édition papier est en voie d'être dépassé et qu'il convient
de
mettre à disposition du plus grand nombre les productions finalisées.
Tu
as fait le choix, depuis longtemps déjà,
d’écrire en langue corse, et même dans la langue du sud de l’île.
Peux-tu
exposer les raisons de ce choix ?
Comment
conjugues-tu cette volonté
identitaire avec ton ouverture sur le monde ?
Mais si le monde était complètement uniforme (et c'est un risque sérieux), à quoi donc servirait l'ouverture puisqu'on y trouverait que du standard ? L'Universel ne peut se comprendre qu'au travers d'un dépassement de la diversité, mais encore faut-il que diversité il y ait ....
J'observe que le public est mieux sensibilisé à la nécessaire diversité des cultures du sol que des cultures de l'esprit, or, c'est bien du même problème qu'il s'agit... Le temps où l'Universel était synonyme d'uniformité est révolu et c'est tant mieux. Aujourd'hui, cette notion porteuse doit se combiner avec le respect des particularismes, non pas pour que rien ne bouge, mais pour accepter un changement négocié et non imposé. Edgar Morin a eu une magnifique formule en déclarant que le progrès véritable résultait du changement et de la résistance au changement, ce qui veut dire que sans cette faculté de résister nous ne sommes rien, nous perdons notre qualité d'être humain capable de modifier le cours des choses.
Je n'ai pas choisi de parler corse, mais je choisis de défendre une manière de dire, de crier et de chanter qui ne porte préjudice à aucune autre manière de le faire. Par contre si je ne résiste pas, je deviens le complice du rouleau compresseur. Je n'ai aucune vocation à devenir le complice de causes qui me sont étrangères !
N'as-tu pas parfois l'impression qu’en dépit des discours sur le caractère polynomique de la langue corse, les variétés du sud sont systématiquement maltraitées au profit du nord ? Comment vois-tu l’avenir de la langue corse et de sa diversité ?
Ce que tu dis semble aujourd'hui évident à beaucoup et ne pourra pas durer indéfiniment. Oui, il y a malgré les discours &politiquement corrects& utilisant le registre de la tolérance et de la polynomie, une réalité beaucoup plus prosaïque qui témoigne, encore et toujours, d'un impérialisme culturel du Cismonte par rapport au Pumonti. Pour s'en convaincre il n'y a qu'à comparer la production d'œuvres émanant du sud de l'île et le commentaire qui en est fait dans les médias insulaires: quotidien (il n'y en a plus qu'un seul...), périodiques, stations de radios...
Il y a là un vieux réflexe que rien ne justifie et qui semble le reflet de la conception très française de la culture. Cette dernière n'admet que très difficilement qu'elle n'est qu'une expression du monde parmi d’autres et n'a aucune leçon à donner aux autres cultures. Nous venons de fêter les 100 ans de Claude Lévi-Strauss et dans certaines têtes rien n'a changé. On raisonne encore en termes de verticalité et de hiérarchisation, alors que pour bien comprendre les faits de culture, il faut raisonner horizontalement (sous entendu : il n'y a pas de hiérarchie des valeurs entre les systèmes culturels).
Encore
une fois, il y a un abîme entre le
discours de hommes et les actions qu'ils mettent en œuvre. Si c’était
le cas,
la liberté, l’égalité et la fraternité seraient, en France, des
pratiques
courantes !
Ceci
étant posé, l'avenir de la langue
corse passe aussi par une indispensable homogénéisation de ses
différents
variantes. Il n'est pas possible d'avoir, pour un seul terme, un nombre
trop
grand de graphies car plus personne ne va s'y retrouver (c'est déjà un
peu le
cas). Personnellement, je serais d'avis d'admettre, une fois pour
toutes, qu'il
existe deux grandes variétés de corse et d'harmoniser à l'intérieur de
ces deux
variétés. Par exemple choisir, pour la graphie sudiste, entre iddu et eddu,
missa et messa,
pilu et pelu
et, bien
entendu admettre les prononciations différentes à partir d'une même
graphie.
Il me semble que nous devons éviter deux positions extrêmes: une homogénéisation intégrale qui ne satisferait personne et donnerait naissance à un corse artificiel, et l'émiettement actuel qui engendre des difficultés ingérables... Je dis bien &il me semble& car, en la matière, je suis un utilisateur de la langue corse et non un spécialiste...
Pourquoi as-tu pris le risque de la traduction, malgré la difficulté et les pièges de l’exercice ?
Je traduis ou fais traduire mes textes en lange corse précisément parce que je ne souhaite pas l'enfermement, je ne vois pas quel &péché originel& il y aurait à rendre accessible au plus grand nombre des textes mûris et écrits en langue corse alors que la très grande majorité de ceux qui s'intéressent à cette langue connaissent bien mieux le français ! Quelle que soit l'appréciation que l'on porte sur la manière dont la culture française a traité notre culture, on ne peut ignorer un état de fait. Il me semble que ne pas prendre en compte cet état de fait, c'est courir le risque de se couper de tous ceux qui ne sont ni spécialistes de la langue, ni enseignants de langue corse et qui constituent un énorme potentiel plutôt favorable à la cause que nous défendons.
Quand je parle des risques de la traduction, je fais référence à deux écueils inhérents à cette activité : rester trop près du texte initial (un mot étant rarement équivalent à sa traduction) ou au contraire trop s'en éloigner et trahir l'auteur. C'est à la façon d'éviter ces écueils qu'on reconnaît une bonne traduction, non ?
La plupart du temps, la traduction d’un texte écrit en langue corse ne pose pas de réelles difficultés. Je vais prendre l’exemple du poème Altu cantu.
Si
nous mettons les deux versions face à
face il nous est possible de voir que la traduction en langue française
est
tout à fait fidèle, qu’elle rend même très exactement le sens du texte
initial.
J’ai presque envie de dire qu’on ne voit pas trop qu’elle autre
traduction on
pourrait proposer sauf à ergoter sur de choses sans importance.
Altu cantu
Sò a lingua straniera
Di a me bocca aparta
A me bocca chì ridi
A me bocca chì canta è chì pienghji
Sò a lingua imprighjunata
Chì voli campà fora
Apriti i balcona
Bugheti porti è sulaghja
Sò lingua paisana
Antica cucina di l’acqua è di a tarra
Isulana
Sò lingua chì và caminendu
Par i stradi d’aprili
Purtendu
à u me passu un cantu chjaru
Un altu cantu fieru
Stu cantu si chjama lamentu
Stu lamentu hè a me stodia
Nova
Haut chant
Je suis la langue étrangère
A ma bouche ouverte
Ma bouche qui rit
Ma bouche qui chante et qui pleure
Je suis la langue emprisonnée
Qui veut vivre dehors
Ouvrez les fenêtres
Poussez portes et planchers
Je suis la langue populaire
Vieille cousine de l’eau et de la terre
Insulaire
Je suis la langue qui va
Par les routes d’avril
Tenant à mon pas un chant clair
Un chant haut et fier
Ce chant se nomme lamento
Ce lamento est mon histoire
Nouvelle
Voici un exemple tiré de mon poème U focu hè soli. La traduction du titre s’évade légèrement de la langue source puisqu’on aurait dû traduire Le feu est soleil mais, en fait, autant l’expression corse est euphonique autant sa traduction littérale ne l’est pas. C’est la raison pour laquelle, Dominique Colonna a choisi une formulation idiomatique renvoyant à l’idée de lumière intense : Plein feu. Le premier vers du poème est : Aghju missu l’ochja in u fenu, ce qui pourrait se traduire littéralement par : J’ai mis les yeux dans le foin mais c’est absolument indicible, à l’extrême limite on aurait pu traduire : J’ai mis l’œil dans le foin, remplaçant ainsi un pluriel par un singulier mais, là aussi, ce que l’on voit c’est un œil qu’on aurait déposé à l’intérieur d’une meule de foin (image un peu déroutante qui ne correspond pas au texte premier. Dans ce cas, avec Dominique, nous tentons de remonter à la source, un peu comme les juristes recherchent l’intention du législateur, nous recherchons l’intention initiale, intention qui n’est pas obligatoirement évidente pour celui qui a écrit le texte… Il nous a donc semblé que dire : J’ai observé le foin, tout simplement, était la manière la plus fidèle de rendre l’intention initiale.
La
plus grande difficulté m’a été fournie
par la traduction de mon texte Principiu
(que nous avons traduit par : Genèse puisqu’il
évoque la naissance minérale de l’île de Corse), qui débute le recueil Canta à i sarri.
Au milieu du poème nous
trouvons ces deux vers : U razzinu
si ni volta/Quand’è u nidicali hè
prontu. Le terme razzinu
signifie
tout à la fois le génie, la race, la souche, quant au terme nidicali il correspond en français au
nichet (l’œuf factice que l’on place à l’endroit où l’on désire que la
poule
ponde). Une traduction tout à fait littérale pourrait donner :
La race fait retour/ Lorsque le nichet est
prêt. C’est rigoureusement incompréhensible. On pourrait
aussi avoir :
Le génie resurgit/ Lorsqu’on prépare le
nid mais cela ne veut pas dire grand-chose non plus. Alors,
après plusieurs
tentatives aussi infructueuses les unes que les autres, Dominique m’a
demandé: « Réfléchis
bien, dis-moi exactement en langage de tous les jours ce que tu
souhaitais
dire. » Je lui ai expliqué qu’ il fallait comprendre que
lorsqu’une
situation est mûre, ce qui fait l’originalité d’un être (ou d’une
collectivité)
réapparaît. Autrement dit, la personnalité profonde d’un homme peut
être
enfouie très longtemps pour resurgir, comme neuve, lorsque certains
événements
la sollicitent. Dès lors la traduction a donné : La souche reverdit /Quand la terre se fait mère.
Si la littérature en langue corse peine à trouver un public, le chant connaît un essor étonnant depuis les années 70. Penses-tu que c'est un moyen de sauver la langue ?
Tout ce qui utilise le vecteur de langue contribue, à sa manière, à la sauver: les chants, les écrits, les enseignes commerciales, les discussions au café du coin... il ne faut surtout pas faire la fine bouche et considérer, bien au contraire, que nous avons besoin de toutes les bonnes volontés.
Mais il faut être réaliste: le succès de la chanson en langue corse masque en fait un déclin qui ne fait que s'accélérer comme en témoignent les récentes enquêtes. En effet, dans une chanson il y a les mots, la voix et la musique et les mots ne sont pas ce qu'il y a de plus fondamental. Il peut exister de très belles chansons dont les paroles sont insignifiantes, inversement un texte très dense et très beau peut ne pas se prêter à la mise en musique.
Tout cela pour dire que de nombreuses chansons en langue corse ne sont pas obligatoirement &comprises& par leurs auditeurs, un peu comme dans les années soixante, les chansons anglo-saxonnes, faisant la une des hit-parades, n'étaient pas obligatoirement comprises par les jeunes auditeurs... Je connais, autour de moi, de fervents admirateurs de groupes corses qui possèdent des collections complètes de CD mais qui ne comprennent que très imparfaitement notre langue....
Donc, oui à la chanson en langue corse bien entendu, mais attention aux limites du remède...
Tes textes ont été utilisés dans le passé par un groupe musical célèbre, Canta u Populu Corsu ; comment s'est passé le travail avec le groupe ? Serais-tu prêt à renouveler pareille expérience ? Si oui, avec qui ?
Canta u Populu Corsu n'a pas mis en musique mes textes, il en a repris un qu'il a laissé sous forme de poème et cela n'a pas donné lieu à un travail entre nous. J'ai découvert le texte lorsque l'album est sorti, mais cela ne m'a pas dérangé dans le sens où je n'ai jamais eu, sur ce que j'écris, un grand sentiment de propriété, bien au contraire.
Par contre, récemment, le musicien Rolland Ferrandi est tombé par hasard sur mon site et a repris un certain nombre de poèmes pour son prochain album. Certains textes convenaient tout à fait, d'autres ont nécessité une légère adaptation et d'autres ont été créés tout spécialement pour lui.
Pourquoi certains textes ont-ils nécessité une adaptation ?
Parce que toute chanson repose sur une structure mélodique fixe qui doit obligatoirement s'appuyer sur des vers ayant, eux aussi, une structure homogène (en gros nous dirons qu'il faut un nombre similaire de pieds entre les vers). En fait, je n'ai pas la vocation d'un parolier mais l'exercice ne me déplaît pas, il m'oblige à me plier à certaines règles, à m'accommoder de certaines contraintes et ces obstacles, curieusement, peuvent devenir des vecteurs de créativité.
Il existerait donc une différence profonde entre poésie et chanson ?
Pas du tout, il existe une différence entre une certaine forme de poésie (notamment celle qui pratique le vers libre et affectionne les ruptures de rythme) et la chanson qui repose toujours sur une certaine régularité, c'est tout. En fait, comme le faisait remarquer Georges Pompidou dans l'introduction de son excellente Anthologie de la poésie française, la poésie est un état qui peut se retrouver dans un tableau, un paysage, un visage, une chanson, un objet ou un texte. Il n'y a pas identité entre poésie et poème. La prose de Rousseau est poétique, les poèmes de Voltaire ne le sont pas...On oublie trop souvent cette dimension spécifique de la poésie qui renvoie, non pas à un genre littéraire particulier mais, de manière plus fondamentale, à l'acte même de créer. Le poète est toujours celui qui offre une nouvelle conception de la beauté. On ne saura jamais s'il l'invente ou s'il la découvre... Il y a là un grand mystère qui a torturé bien des esprits !
Quels sont les auteurs qui t'ont influencé ?
Je mentirais si je n'avouais pas ma dette envers Apollinaire auquel je voue un véritable culte. C'est lui, cet apatride anarchisant mort pour la France, qui a vraiment été à l'origine de ma passion pour la poésie. Pourquoi ? Parce qu'il est ce touche-à-tout qui improvise sans cesse avec toutes les bizarreries qu'il rencontre sur sa route: un dialogue anodin, une pipe, un terme désuet, un paysage sans importance... Il est, pour moi, celui qui donne des lettres de noblesses à ces choses que nous fréquentons, sans nous rendre compte de leur beauté. Il découvre (ou il invente) le beau là où les yeux de l'homme ordinaire n'ont rien vu. On doit obligatoirement retrouver sa trace dans ce que je fais: cette manière de couper les vers, de suggérer l'imprévu et puis, tout à coup, d'évoquer avec tendresse quelque chose de simple... Enfin j'imagine....
J'ai aussi beaucoup apprécié Jules Supervielle qui est très exactement l'opposé d'Apollinaire en ce sens qu'il n'est pas un novateur le Jules, qu'il ne cherche nullement à &décoiffer& mais son humilité intrinsèque me va droit au cœur.
Je ne peux passer sous silence René Char, que j'ai découvert en même temps qu'Héraclite (qui n'est pas à proprement parler un poète), et que j'apprécie énormément pour la force tellurique de ses propos.
Si ta question concernait les poètes corses je te dirais bien volontiers que mon ami Jacques Fusina n'a pas été sans influence sur moi... J'ai découvert, avec lui que notre langue pouvait être d'une grande élégance (ce qui est surprenant pour un peuple spécialisé dans la garde des chèvres....), mais je voue aussi une grande admiration à Ghj. Ghj. Franchi qui possède une sorte de lyrisme cosmique qui me m’impressionne. Je ne saurais passer sous silence Marie Paule Lavezzi qui écrit en langue française mais dont les textes comportent une dimension insulaire à laquelle je suis sensible et Stefanu Cesari qui est, réellement, un poète de tout premier plan. Je m'arrête là, je sais bien que j'ai oublié bien des gens, mais j'ai laissé parler mon cœur et il lui arrive d'être oublieux.
Quelles difficultés éventuelles as-tu rencontré au démarrage du site ?
A vrai dire, je ne m'en suis pas vraiment intéressé au départ... Lorsqu'il a été mis en ligne, je le regardais un peu comme une bête dangereuse et évitais de m'en approcher...Il m'a fallu un certain temps pour me l'approprier....
As-tu rencontré des difficultés pour faire référencer ton site ?
Au départ, j'ai utilisé les services d'un organisme de référencement pour faire le gros du travail, et j'ai appris ensuite que cela ne servait à rien...ou presque. J'ai ensuite contacté quelques sites traitant de la Corse et/ou de la poésie et pratiqué des échanges de liens.
Il arrive parfois que les webmasters ne répondent pas, ou ne veulent pas s'engager, comme le webmaster de ce site que je ne nommerai pas qui me répond qu'il transmet ma demande... bigre il doit y avoir une sacré bureaucratie au sein du site pour que deux mois plus tard il ne me soit fait aucune réponse....
Et puis, il y a ceux qui viennent spontanément proposer d'eux-mêmes un échange de liens que je ne refuse jamais.
Actuellement je fais faire pratiquer un audit car il y des choses que je ne comprends pas... Par exemple, j'ai profondément modifié mon site en novembre-décembre, y ai ajouté un certain nombre de liens et cela ne se traduit ni par une augmentation du PK ni par un surcroît de visiteurs... Il y a quelques choses que je ne comprends pas et j'ai besoin d'une expertise externe.
A qui s’adresse principalement Invistita ?
Je dirais que le cœur de cible est constitué par les amateurs de poésie et les défenseurs des langues régionales mais, comme les sujets abordés dans les news dépassent et dépasseront de plus en plus ce cadre, toute personne intéressée par le mouvement des idées peut y trouver pitance... C'est en tout cas, non pas le cœur de cible mais la cible élargie
Comment organises-tu ton travail, as-tu de l'aide pour la création ou le contenu ?
Soyons clairs: je suis totalement incompétent pour tout ce qui est technique. C'est un ami qui a élaboré le design du site (il dirige une entreprise de conseil en communication ayant pour nom Alta Rocca et pourtant il n'est pas Corse...), c'est mon fils Noël qui s'est chargé de toute la partie conception. Je n'ai aucune compétence en la matière et je dois dire que cela m'arrange bien.
Par contre, je travaille seul pour le contenu, je suis le seul maître à bord et je trouve cela extraordinaire de pouvoir faire seul, sans avoir à demander d'avis, d'autorisation, sans réunion préparatoire et groupe de validation... Cela est réellement génial.... La seule mise à jour régulière concerne les news et je vais me contraindre (je n'aime pas trop ce mot...) à un petit papier tous les dix jours.
Dans ce cas j'agis de ma propre initiative ou je sollicite une bonne volonté afin qu'elle réponde à mes questions. Un certain Jean-Claude Casanova s'est d'ailleurs plié récemment à cet exercice avec toute la mauvaise volonté qu'on lui connaît...
Si tu devais définir le principal défaut du site et son point fort, quels seraient-ils ?
Je ne suis pas satisfait du design que mon ami Olivier Lenoir a concocté en un temps record. Je ne retrouve pas, dans l'ambiance graphique qu'il a retenue, l'âme corse. Mais encore une fois, nous avons mis en ligne ce site sans le nécessaire travail de réflexion préalable, je ne peux donc m'en pendre qu'à moi-même...
Il me semble que son point fort réside dans ce mix entre site personnel, qui présentera à terme un choix très large de textes de mon cru, et revue littéraire en ligne plutôt centrée sur la production en langues régionales ou minoritaires des autres contributeurs. J'espère en tout cas que c'est la perception qu'en ont les visiteurs.
Quelles sont les innovations que tu souhaiterais apporter à ton site dans un proche avenir ?
A court terme je vais y introduire des enregistrements de textes. J'ai déjà le micro et je commence à m'entraîner... Il me semble que la poésie est faite pour être entendue et le visiteur pourra très rapidement voir et entendre certains textes.
A moyen terme, comme je le disais précédemment, je voudrais revoir le design du site. Le problème avec mon spécialiste de fils est qu'il me parle un langage incompréhensible, un véritable dialecte dont je n'ai pas la clef, et qu'il m'affole avec ses projets qui me semblent changer tous les quatre matins... Question de générations sans aucun doute.
Quelle belle idée que de mettre des enregistrements en ligne…
Peux-tu me dire quels sont tes sites préférés ?
Je voudrais te dire que je ne suis en aucune manière un mordu de la toile.... Je crois l'avoir déjà mentionné et les sites qui me plaisent sont ceux qui sont les plus simples, ceux ou je ne perds pas, et je dois avouer que je me perds très souvent... sur la toile ou ailleurs.
Alors, le site qui fait toute mon admiration est celui de Robin Renucci : Aria, il est centré sur la création théâtrale mais, vraiment, je le trouve extraordinaire de simplicité et de fraîcheur.
Dans un tout autre registre, j'adore fréquenter Gattivi ochja, le site poétique de Stefanu Cesari, en raison de l'atmosphère intime et inquiétante qui s'en dégage (j'aime beaucoup moins la navigation mais il est vrai qu'il ne s'agit pas d'un site mais d'un blog). Par ailleurs mon ami Nicolas Cotton a également un remarquable espace qui présente, avec beaucoup de clarté, ses peintures non figuratives avec, en plus, un fond sonore qui s'harmonise parfaitement avec son travail. Voilà, j'adorerais avoir un site qui s'inspire un peu de ces trois références...Difficile n'est-ce pas ?
Et si tu devais tirer un bilan ?
Je te dirais que la mise en ligne de mon site a eu le mérite de m'obliger à entrer dans le monde du web, ce qui est déjà extraordinaire en soi. Je te dirais ensuite que j'y ai rencontré des gens fort intéressants et cela est génial. Mais surtout, surtout, j'ai compris que le support papier était, pour l'écrit, en voie d'être dépassé... ainsi que tout le circuit habituel qui va de l'impression à la diffusion en passant par l'édition. Aujourd'hui, et c'est une véritable révolution, tout créateur peut s'adresser directement à son public sans passer par une série d'intermédiaires... Je comprends que cela fasse grincer quelques dents mais quelque chose de nouveau est en train d'émerger...
Web tu m'affoles et me séduis tout à la fois !
Un grand merci à Norbert pour cet entretien très dense et passionnant.
La pénombre et la nuit attirent bien plus les poètes que l’aveuglante clarté du jour avec son cortège de certitudes et de vérités révélées. On ne s’étonnera pas, dans ces conditions, que la poésie insulaire y soit également sensible, malgré le rayonnement solaire intense qui baigne la Corse une bonne partie de l’année.
Mais de quelle nuit s’agit-il donc ? De celle qui rend visible les étoiles lointaines ? De celle dont on attend la venue, après la brûlure d’un feu intense, ou de celle dont la beauté insolente est un défi permanent à la vanité du monde visible. Les textes du présent recueil semblent renvoyer à cette intuition d’une grande étendue nocturne, source de vie et de plénitude, dont la poésie est susceptible d’en recueillir le suc.
Source : "La Corse Votre Hebdo", 15 juillet 2011
Si
son parcours est contesté de par son exil en Italie sous le régime
fasciste, il est reconnu comme un des plus grands poètes corses
: « Pueta di lingua corsa, forse u più bonu. » (Anton
Dumenicu Monti) ; « pueta di spressione corsa senza paru è,
ci vole à dilla, u più bonu è u più marchevule di tutti… »
(Ghjacintu Yvia-Croce), même si certains lui reprochent d'être trop
influencé par l'italien.
Ses poésies sont empreintes de la nostalgie de l'exil, comme dans Visioni cari,
chanté par A Filetta :
« Ancu s’o un videragghiu più
La miò terra prima di more,
A miò patria a mi portu in core
E l’agghiu sempre a tu per tu. »
Anton
Francescu Filippini fut également traducteur en italien des textes
de Prosper Mérimée et de poésies de Paul Valery. En
1993, son
oeuvre Flumen
Dei (ed. Marzocchi), a reçu le Prix du livre corse.
Une initiative passionnante et courageuse.
Lire l'article de Corse
matin
(format pdf) et également l'entretien
entre Pierre-Joseph Ferrali et Norbert Paganelli sur Invistita.