Paesi è pievi

Calinzana (Calenzana)
Dernière mise à jour : 23/03/2022

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La commune de Calinzana est la plus étendue de Haute-Corse (183 km2). Elle s'étend jusqu'à la mer, avec la plage de Crovani et vers la montagne : les sommets de a Muvrella (2 148 m), du Capu di u Carrozzu (2 139 m), du capu Ladroncellu (2 145 m) et du Monte Corona (2 144 m) sont sur le territoire de la commune, de même que le vallon du Marzulinu. Elle comprenait même au XIXe siècle Galeria, la vallée du Fangu, Mansu et Moncale. La ville s'est développée autour du quartier de Torra. A l'extrême-nord-est, au milieu des oliviers, Santa Restituta abrite une châsse renfermant les reliques, un magnifique baptistère et une statue en bois polychrome de la "Santa".
Dans le village, la pro-cathédrale San Biasgiu a été construite entre 1691 et 1714.

Calenzana : grandeur et décadence aux mines d'Argentella

Par: Olivier Bianconi
Publié le: 21 mars 2022
Dans: Corse Matin / Environnement / Histoire / Patrimoine

argentella
A 500 m d'altitude, la grande tranchée entaille le mont sur environ 100 m de longueur et 30 m de profondeur , de nombrfeuses galeries en partent - Photos OLIVIER SANCHEZ / CRYSTAL PICTURES

En 1959, le fantôme du plus grand complexe industriel du XIXe siècle en Corse, dominé par sa haute cheminée de briques rouges, évoque encore aux rares visiteurs, le souvenir des centaines de mineurs et d'ouvriers besogneux qui sont passés par là.

En amont, le barrage et ses 80 000 m3, offre déjà un panorama que la nature sauvage a mis en scène. Un paysage romantique, telle une toile de l'école de Barbizon, avec ses grands arbres qui se reflètent dans les eaux impassibles du lac artificiellement constitué, où en bordure, les hautes ruines d'un bâtiment se dressent encore. À 500 mètres, sur un flanc ouest du Capu d'Argentella, les pentes couvertes d'éboulis issus de l'excavation du mont, offrent une vaste perspective minérale et stérile. Autour de la Grande Tranchée, c'est près de 3 hectares de pierriers qui entourent les galeries ! Après plus d'un siècle d'immenses espoirs et de cruelles désillusions, c'est un simple arrêté administratif qui, le 22 juin 1964, annule la concession obtenue en 1856, et met un terme définitif à l'aventure minière des lieux.

Des essais nucléaires dans les galeries ?

En avril 1960, en pleine Guerre froide, et après quelques années de secrètes prospections dans l'île, le ministre délégué à l'énergie atomique, Pierre Guillaumat arrive en Corse pour tenter de convaincre la population du bénéfice des futurs essais nucléaires français. Ils auront lieu à une vingtaine de kilomètres au sud de Calvi, dans les anciennes galeries minières d'Argentella, et assureront à la nation une place de choix sur l'échiquier géostratégique international.

Le 14 avril à Ajaccio, pour rassurer les sceptiques, le ministre se fait pédagogue et avance des éléments scientifiques. "Son volume, sa roche granitique dure et ses importantes pentes permettront en effet d'absorber, dans des conditions de sécurité optimales, les explosions chimiques et nucléaires de faible importance que provoqueront ces essais [...] les effets sonores de ces explosions seront comparables à ceux d'une mine pour l'ouverture d'une route. L'évacuation des villages voisins ne sera pas nécessaire, ces essais ne seront pas tributaires des conditions météorologiques, et aucune retombée radioactive ne sera à craindre du fait de la fusion et la vitrification de la roche", assure-t-il. Dans la presse de l'époque, un berger du Filosorma s'alarme. "Comment continuer à vivre ici ? À proximité de l'Argentella ? Jamais ! Je m'y refuse !", s'exclame-t-il. "Je prends mes gosses et je pars. Où ? Eh bien le gouvernement me logera où il voudra. Je ne peux rester là où je risque de mettre un monstre au monde, et où l'air que nous allons respirer va être empoisonné. Oui, je le sais, ils ont dit qu'il n'y avait aucun danger. Mais s'il n'y a pas danger, seraient-ils venus ici ? Non je vous le dis, il ne faut pas permettre une telle chose chez nous. Pour nos enfants, pour nos enfants, pitié !".

Des comités de défense sont créés dans toute la Corse, mais aussi à Marseille et Paris. Michel Debré alors Premier ministre, en charge du dossier, tente, dans un contexte économique déjà difficile pour les insulaires, de rassurer les professionnels du tourisme en indiquant que ces essais, par ailleurs sans danger, n'auront lieu que de novembre à avril pour ne pas perturber les vacanciers. Il avance également qu'ils permettront une dynamique économique après la saison touristique, par l'apport de personnels qualifiés résidant sur place.

En un temps record, la classe politique locale dans sa diversité, mais aussi les syndicats et associations se mobilisent et cristallisent l'opposition au projet. Le 28 avril, une grande manifestation rassemble la population de Balagne derrière le docteur Orabona, maire de Calvi et conseiller général. Malgré un fort ancrage gaulliste, les arguments du gouvernement ne parviennent pas à convaincre.

Partout, la mobilisation s'oppose au projet, et les manifestations se multiplient en Corse et ailleurs, où se joignent des personnalités comme le commandant Cousteau. Le 14 juin, alors qu'un rassemblement sans précédent est annoncé sur le site des futurs essais, la fronde contraint l'État au renoncement. En trois semaines, le peuple aura fait plier le pouvoir. Pour Edmond Simeoni, alors étudiant en médecine à Marseille et cofondateur de l'association des étudiants corses des Bouches-du-Rhône, très mobilisée contre le projet, cette affaire constitue la première lutte autonomiste. Précédant le futur scandale des boues rouges en 1973, et Aleria en 1975.

Les archéologues d'Arkemine, spécialistes des vestiges miniers, ont investi les lieux en partenariat avec la DRAC/SRA, la CdC et les communes de Calenzana et de Galeria. -
Les archéologues d'Arkemine, spécialistes des vestiges miniers, ont investi les lieux en partenariat avec la DRAC/SRA, la CdC et les communes de Calenzana et de Galeria

Un projet patrimonial ambitieux

À partir de 1966, près de 200 essais nucléaires sont effectués à Mururoa, atoll de l'archipel des Tuamotu, situé en Polynésie française. Vingt-cinq ans après la dernière explosion, la nature qui semble reprendre ses droits n'est qu'illusion. Le plutonium subsiste dans les entrailles de l'île, mais aussi partout à sa surface...

Comme le dit le professeur Alain Gauthier dans son ouvrage de référence Mines et mineurs de Corse, paru aux Éditions Albiana en 2011, "à l'Argentella, on se croirait dans un musée à ciel ouvert. Les bâtiments ont des airs de monuments historiques, ils mériteraient d'ailleurs d'être classés ou au moins inscrits au patrimoine avant de servir de carrière publique." Un constat que fait également François Marchetti, président de la communauté de communes de Calvi-Balagne, et premier adjoint au maire de Calenzana : "L'ancien domaine minier s'entend sur un vaste territoire, entre les communes de Galeria, de Calenzana et de Moncale. Lors de la dissolution de la société minière, l'État a rétrocédé l'ouvrage à notre commune. En août 2015, la préfecture de Bastia a pris un arrêté sommant les communes de Moncale et Calenzana à mettre en sécurité le barrage de l'ancienne usine. Cette structure n'avait jamais fait l'objet d'un entretien, et pouvait représenter un danger pour la population et le voisinage. On nous a alors demandé de réaliser une étude pour en définir les modalités. En 2017, la grosse sécheresse que nous avons connue, a conduit les agriculteurs à nous demander de créer des retenues d'eau. Nous avons alors décidé de conserver le barrage dans son intégrité, et de lui donner une vocation agricole. Par la suite, l'inspecteur général des sites en visite, a évoqué la possibilité d'une exploitation patrimoniale et culturelle. Le lieu est chargé d'histoire, et avec la vallée voisine de Luzzipeo, où se trouvent le château du prince Pierre Napoléon Bonaparte et un site archéologique de premier plan, nous disposons là d'un patrimoine d'exception !"

Proposition d'espace culturel dans les murs de l'ancienne usine, par l'architecte balanine Amélia Gazzo, de l'École nationale supérieure de Paris. - STELLA CHAHMIRIAN FUTUGRAFFIA
Proposition d'espace culturel dans les murs de l'ancienne usine, par l'architecte balanine Amélia Gazzo, de l'École nationale supérieure de Paris. - STELLA CHAHMIRIAN FUTUGRAFFI

La mairie souhaiterait maintenant valoriser ce bien, en dépolluant le site et en créant un chemin sécurisé de randonnée, qui permette de visiter toutes les installations, avec des indications devant chaque ouvrage.

Calenzana : la mine de l'Argentella livre encore ses secrets 

Par: Jean-François Pacelli
Publié le: 14 octobre 2021
Dans: Corse Matin

Les archéologues d'Arkemine, société spécialisée dans les vestiges industriels et miniers, prospectent jusqu'à jeudi sur le site de l'Argentella. 
Les archéologues d'Arkemine, société spécialisée dans les vestiges industriels et miniers, prospectent jusqu'à jeudi sur le site de l'Argentella.  - Olivier Sanchez/Crystal Picture

Une équipe d'archéologues spécialistes des vestiges miniers travaille, depuis quelques jours, dans la laverie de l'ancienne exploitation argentifère de Calenzana. Un siècle après l'abandon du site, ces scientifiques cherchent à documenter une période allant de 1850 à 1920

Que reste-t-il aujourd'hui du passé industriel et minier de la Corse ? Quelques mines de cuivre ou d'arsenic encore béantes, les ruines d'usines de tanin, la carrière d'amiante de Canari ou encore l'exploitation minière de Calenzana sont parmi les plus connues.

Depuis une dizaine de jours, une équipe de quatre archéologues a réinvesti le site de l'Argentella dans le cadre d'une campagne de prospection, de relevés de terrain et de cartographie. 

L'exploitation, particulièrement moderne et imposante pour son époque, a fonctionné à plein régime de 1872 à 1895 environ. 
L'exploitation, particulièrement moderne et imposante pour son époque, a fonctionné à plein régime de 1872 à 1895 environ. 
Olivier Sanchez/Crystal Picture

« Les fouilles à proprement parler interviendront peut-être dans un second temps, précise Florian Leleu, chef des archéologues. Aujourd'hui, nous sommes là pour faire un inventaire du site, pour le modéliser et pour documenter l'ensemble des vestiges encore visibles dans la laverie. Nous avons déjà effectué deux campagnes de prospection, en 2018 et en 2019, qui ont concerné d'abord les galeries périphériques puis le gisement principal. L'Argentella est un site minier important, même au niveau national. » 

Le massif de l'Argentella attire à nouveau de riches industriels à la fin des années 1840. La concession accordée en 1856 permettra à l'homme d'affaires Bernard-Camille Collas d'investir quelque 2,5 millions de francs, une somme colossale, dans la construction d'un impressionnant site industriel. 

Sous l'humus laissé par un siècle d'abandon, les archéologues cherchent à comprendre le fonctionnement exact de ce site majeur dans l'histoire industrielle du pays. 
Sous l'humus laissé par un siècle d'abandon, les archéologues cherchent à comprendre le fonctionnement exact de ce site majeur dans l'histoire industrielle du pays.  - Olivier Sanchez/Crystal Picture

« Jusqu'à 500 personnes ont travaillé simultanément sur l'exploitation, entre les années 1870 et 1890, reprend Florian Leleu. Le propriétaire a fait construire une série de pans inclinés longs de 3 kilomètres qui permettaient de descendre les wagonnets plein de minerais sur des rails. L'immense laverie étant très gourmande en eau, il a dû bâtir un barrage et, pour ce faire, créer des carrières de pierres locales. Il a aussi fallu construire des logements pour tout le monde, un port pour acheminer l'argent vers des fonderies du Continent, une machinerie à vapeur, alimentée par du charbon, pour faire tourner la mécanique de la laverie. C'était une usine ultra-moderne pour l'époque. Comme elle était très automatisée, elle n'a nécessité que relativement peu de main-d'œuvre. »  

La faillite, l'incendie et l'abandon du site 

Malgré un incendie en 1902 et le démantèlement des machines, le site reste particulièrement bien conservé. 
Malgré un incendie en 1902 et le démantèlement des machines, le site reste particulièrement bien conservé. 
Olivier Sanchez/Crystal Picture

Durant un peu plus de deux décennies, l'Argentella a été un fleuron industriel de la Corse. Les installations en place étaient sans commune mesure avec celles des autres mines de l'île.

Jusqu'à 150 chariots, sur leurs pans inclinés respectifs, ramenaient des dizaines de tonnes de minerais à la laverie. Cette dernière concassait, tamisait, lavait, enrichissait puis concentrait l'argent avant son export vers les fonderies. 

« La laverie devait être pleine d'animation, très bruyante, avec des machines et des courroies de partout, suppose l'archéologue. Cela devait sentir la fumée des moteurs à charbon qui alimentait les machines. Il devait aussi régner une odeur de soufre. Il y avait de la main-d'œuvre locale mais aussi beaucoup d'Italiens qualifiés. » 

Si le sulfure de plomb argentifère est de très bonne qualité, les quantités espérées sont loin d'être au rendez-vous.

« L'exploitation sera finalement un gouffre financier puisque l'estimation du gisement n'avait pas été faite comme il fallait, relatent les scientifiques. Le stock s'est épuisé très vite et Collas, qui n'était pas du métier, a compris qu'il avait été floué et qu'il aurait dû insister sur les recherches préliminaires avant d'investir autant d'argent. Il va finalement revendre à des Anglais et une série de péripéties suivra. »

Compléter les archives déjà existantes 

Jusqu'à 500 personnes ont travaillé, vers 1880, à la laverie, l'extraction ou encore le transport du minerai. 
Jusqu'à 500 personnes ont travaillé, vers 1880, à la laverie, l'extraction ou encore le transport du minerai. 
Olivier Sanchez/Crystal Picture

L'usine a été démantelée et l'ensemble des machines a été revendu lorsqu'en 1902, un feu de végétation se propage à la laverie, provoquant l'effondrement de sa toiture en tôles ondulées. L'Argentella aura vécu ses plus belles années et les timides tentatives de reprise, jusqu'aux années 1920, se sont soldées par des échecs. Le gisement n'est tout simplement pas exploitable. 

« Les vestiges de l'exploitation minière sont très bien conservés ici puisque le bâtiment n'a jamais été réutilisé, note Florian Leleu. Il est donc resté dans son état d'abandon, si ce n'est que les parties métalliques ont été revendues. Notre travail consiste à reconstituer la chaîne opératoire de la laverie, à déterminer quel appareil fonctionnait à quel endroit, à définir ses caractéristiques et même à retrouver des machines comparables. Nous allons aussi réaliser un plan précis et une modélisation en 3D du site. »

Le travail des archéologues sur l'histoire contemporaine de l'île vise surtout à compléter les nombreuses archives encore disponibles sur l'usine de l'Argentella. 

La société privée Arkemine, qui emploie les quatre chercheurs, est spécialisée dans l'archéologie de l'ère industrielle. Depuis Valence, où elle est basée, elle fige le passé industriel et minier de la France à des fins de documentation. Le travail réalisé sur l'Argentella pourra être consulté à la Direction régionale des affaires culturelles, à Ajaccio. La Drac et la société Arkemine ont toutes deux financé à parts égales les 8 000 euros de cette campagne de prospection.

Les archéologues envisagent déjà de revenir l'année prochaine pour entamer des fouilles sur place. 

 

 


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