"Barbara Furtuna" (« cruelle destinée ») est le chant de l'exil des insulaires bannis de leur île. C'est le nom qu'ont choisi les membres du groupe créé en 2002, issus de diverses formations (Giramondu, A Filetta, Nouvelles Polyphonies Corses, I Messageri). Les quatre chanteurs qui composent le groupe (Maxime Merlandi, Jean-Philippe Guissani, Jean-Pierre Marchetti, remplacé en 2018 par Fabrice Andreani, et André Dominici) maîtrisent parfaitement les nuances et les harmonies.
Le groupe a choisi la voie de la tradition en reprenant des chants traditionnels sacrés, chants toujours interprétés lors des messes de mariage, des défunts ou de la Semaine Sainte. En plus du répertoire liturgique, Barbara Furtuna propose des mélodies profanes, sur des thèmes comme l’amour, l’exil, les ancêtres ainsi que des adaptations de textes français comme « Le temps des cerises » ou de textes étrangers (sarde, toscan, géorgien).Chantant aussi bien polyphonies traditionnelles sacrées et profanes, créations, adaptations et reprises de vieux chants, ils alternent couleurs et sonorités.
Depuis une quinzaine d’années le groupe est présent sur la scène internationale, en Europe, en Amérique du nord, ou en Australie, multipliant des scènes prestigieuses aussi bien en solo qu’à travers des collaborations inattendues. Que ce soit avec l’ensemble baroque l’Arpeggiata, l'ensemble Constantinople, le ténor Plàcido Domingo, ou plus récemment les musiciens belges du Duo Belem, le quatuor a su démontrer qu’il ne se laissait pas enfermer dans un registre unique et que la musique d’essence traditionnelle garde intacte sa capacité à nous surprendre et à nous émouvoir.
Quatre CD à leur actif : "Adasgiu" (2004) , "In Santa Pace" (2008), "Sì Vita Sì" (2015) et D'Anima (2016). Sans compter leurs collaborations à l'Ensemble L'Arpeggiata (Via Crucis, 2010).
Le groupe l'annonce ce lundi soir sur sa page Facebook où les commentaires de regret se multiplient : Barbara Furtuna s'arrête.
Après 20 ans de chants, de musique, de rencontres, d’échanges et d’intenses émotions à vos côtés, nous avons décidé en ce début d’année 2022 d’arrêter le projet Barbara Furtuna. Nous gardons en nous tous ces moments, ces paysages et ces voyages à travers le monde, d’un continent à l’autre.
Un immense merci à vous tous qui avez fait vivre notre musique à travers votre présence et votre écoute. Celle-ci reste au cœur de nos vies et nous nous retrouverons certainement autour d’autres projets artistiques… Nous ne manquerons pas de vous donner de nos nouvelles sur cette page.
Nous aimerions remercier tous les artistes et professionnels du spectacle qui ont croisé notre route, à travers nos concerts ou nos collaborations. Nous pensons aussi à ceux qui nous ont accueillis dans leurs théâtres, festivals, villes, villages et invités à leurs tables pendant toutes ces années.
Merci à nos proches, nos amis et à tous ceux qui nous ont accompagnés dans l’organisation de nos tournées, sans oublier les partenaires qui ont soutenu notre démarche et lui ont permis de rayonner. Cullettività di Corsica - Collectivité de Corse AIR CORSICA Corsica Ferries Decca Records
Un ringraziu tamantu à tutti quelli chì anu datu sensu à i nostri canti è permessu di fà li ribumbà aldilà di l’isula. Sò sta lingua è sta terra ch’anu datu u fiatu à e nostre voce. Vi tenimu ind’è i nostri cori.
La formation corse, qui vient d'enregistrer le renfort de Fabrice Andreani (I Messageri), s'est associée au duo belge Belem pour un spectacle intitulé Ad Lucem prochainement proposé à Ajaccio, Bastia et Porto-Vecchio
Par Jean-Marc Rafaelli--11 février 2018 à 18:05
La langue, l'identité, la culture, la force d'âme de la Corse,Barbara Furtuna les porte et les sublime depuis plus de quinze ans sans qu'il soit besoin de les transcrire dans la littérature constitutionnelle.
Depuis sa création dans le Nebbiu, le groupe a délibérément choisi de ne pas se forger une marque de fabrique, de ne pas se confiner dans un registre vocal ou polyphonique particulier.
Il a su composer avec l'itinéraire respectif de ses chanteurs, la musique sacrée, les chants profanes, les mélodies parfois proches de la variété de qualité.
Il s'est aussi inspiré du répertoire le plus traditionnel, celui que le public hors de Corse attend et apprécie, mais a également construit sa réputation sur ses propres compositions.
Jean-Pierre Marchetti quitte le groupe
Enfin, que ce soit a cappella ou avec des instruments, la formation a souvent joué la carte de l'ouverture, comme elle le fait encore en ce moment en s'associant sur scène au duo de musiciens belges, Belem. Il faut croire qu'elle a emprunté le meilleur chemin possible puisqu'elle a déjà franchi le cap symbolique des mille concerts. C'était à Toulon, au mois de novembre.
Et la musique est bien l'un des rares domaines où la quantité est indissociable de la qualité. Malgré tout, Barbara Furtuna vient de vivre une petite révolution interne. Un quart de son effectif est renouvelé. En réalité, sa configuration n'est pas bouleversée puisque ce changement ne représente que l'un des... quatre artistes. Jean-Pierre Marchetti (terza) a, pour des raisons personnelles, pris la décision - sans doute difficile tant l'aventure a été belle et riche - de quitter le groupe. Pour reconstituer le quatuor avec Jean-Philippe Giussani (bassu, contracantu), André Dominici (bassu) et le compositeur Maxime Merlandi (seconda), Barbara Furtuna a accompli son petit mercato sous la forme d'un prêt, avec l'arrivée de Fabrice Andreani de l'excellent groupe I Messageri.
"La venue de Fabrice à nos côtés n'a rien de fortuit. Il est notre compagnon de route depuis quatre ans, explique Jean-Philippe Giussani. Il a notamment participé à l'enregistrement de nos deux derniers albums."
Dont D'Anima, qui a rencontré un beau succès dès sa sortie en juin 2016 sous le label Universal Music, leur nouvelle maison de production. Barbara Furtuna a aussi revisité avec Fabrice Andreani tout le répertoire afin de renouer les fils d'une harmonie parfaite, celle d'une communion vocale millimétrée qui fait depuis le début toute la valeur du groupe.
Vers la lumière et vers d'autres contrées
C'est donc dans sa nouvelle formation que Barbara Furtuna s'apprête à donner trois concerts en Corse de son spectacle Ad Lucem ("Vers la lumière") avec Belem, duo composé de Didier Laloy (accordéon diatonique) et Kathy Adam (violoncelliste), deux musiciens généreux et atypiques qui, depuis vingt-cinq ans, promènent sur les scènes une musique subtile et surprenante où les souffles et les silences croisent avec élégance les rythmes les plus fous.
La fusion artistique avec Barbara Furtuna, sur la base du répertoire de ce dernier , pour l'essentiel, a déjà fait des étincelles sur le Continent et à l'étranger.
Le public corse pourra s'en rendre à son tour compte à Ajaccio (le 28 mars, à l'Espace Diamant), à Bastia (le 29 mars, au théâtre l'Alb'Oru) et à Porto-Vecchio (le 3 avril au centre culturel).
Dans la foulée, Barbara Furtuna reprendra la route dès le printemps pour de nouveaux concerts, avec de nouveaux titres en Espagne, au Portugal, en Allemagne et en Suisse mais aussi, à l'automne, au Mexique et aux États-Unis.
Avec, en tête, la perspective d'enregistrer un nouvel album et faire de nouvelles rencontres avec d'autres cultures qui n'ont de choc que leur double caractère - émotionnel et universel.
Demain, le public de l'Alhambra de Paris découvrira le nouvel album du groupe, D'Anima. L'occasion de présenter cette création et d'officialiser leur collaboration avec le duo belge, Belem, au public et à la presse
Apporter un bol d'air corse" à Paris telle est la mission que se sont fixés les membres du groupe Barbara Furtuna qui se produisent sur les planches de l'Alhambra.
C'est effectivement demain que le public parisien va, pour la première fois entendre leur nouvel album D'Anima. Pour mettre en valeur ce nouvel album, et à l'occasion de ce concert, Barbara Furtuna a proposé à Belem, un duo belge, de les accompagner.
Barbara Furtuna collabore avec ce groupe venu du Plat Pays pour former le duo Ad Lucem. Un duo belge, composé de Didier Laloy et son accordéon diatonique et de Kathy Adam au violoncelle. Jean Philippe Guissani, un des quatre chanteurs de Barbara Furtuna s'est prêté au jeu de l'interview. Entretien .
Mélanger un duo qui ne fait que de l'instrumental avec votre formation qui ne fait que de la voix, ça ne risque pas de dénaturer votre groupe ?
Barbara Furtuna a déjà 15 ans, et un millier de concerts à son actif, nous voulons nous renouveler. On retrouve aussi nos voyages et nos collaborations dans notre musique, une diversité qui se retrouve aussi dans l'album. Et puis même si ce concert est surtout l'occasion pour nous de faire connaître cet album, cela nous permet aussi de dévoiler ce duo belge en France. Ad lucem a jusqu'ici joué essentiellement en Belgique. Nous nous sommes également produits une fois en Corse, en novembre, à Patrimonio. Nous y avons reçu un accueil très particulier qui nous a touchés. Nous gardons notre identité dans le partage. Ce n'est pas deux groupes qui ont fusionné pour en former un troisième. Si nous restons cantonnés à ce que nous avons l'habitude de faire en ne faisant que du vocal ça nous empêche de nous renouveler. Parfois il faut se mettre en danger pour créer de nouvelles choses. Si nous avons été attirés par l'instrumental, eux ont été séduits par les voix. L'envie de collaborer était partagée.
Justement comment se passe la collaboration avec Belem ?
Quand nous jouons, il y a une réelle complicité qui s'installe. Les deux groupes partagent vraiment quelque chose, c'est intéressant. Humainement, la collaboration se passe bien et c'est le plus difficile, la musique ce n'est pas forcément complexe à mettre en place, ce ne sont souvent que des notes. Pendant une tournée, c'est parfois difficile. C'est surtout une aventure humaine, nous partageons tous les bons comme les mauvais moments. Nous avons été confrontés au choc des cultures. Et puis quand on rencontre les gens, on a tendance à ne voir d'abord que les travers et puis après, quand on a appris à se connaître, on se rend compte des qualités. C'est pour toutes ces raisons que c'est important qu'on s'entende bien. Au niveau musical, c'est enrichissant aussi. Nous avons une culture de l'oralité musicale. Eux, sont dans un univers de musique écrite. Nous nous enrichissons mutuellement.
Quelle suite avez-vous prévu pour Ad Lucem ?
Nous espérons pouvoir faire des créations communes, mélanger nos univers. Et puis faire venir Belem en corse, d'ailleurs normalement au mois de mars 2018 on devrait venir jouer au théâtre de Bastia.
De quelle nature est la relation que vous tissez avec votre public ?
Quand nous jouons en Corse, le public comprend les mots. On retrouve de la poésie, il y a toujours la musique, mais aussi un rapport au texte et aux mots qui retrouvent leurs sens.
Quand on part sur le continent ou à l'étranger et que nous avons un public essentiellement non corsophone, c'est vraiment juste de la musicalité, des sentiments bruts. Cet été et jusqu'à décembre, on sera en Corse et nous allons donc retrouver notre public, mais ici encore nous cherchons à nous renouveler et à surprendre même si nous chantons dans des églises. Les gens appréhendent les concerts à l'église, et si c'est vrai que nous avons eu tendance à instaurer cette espèce de gravité, c'est aussi le décor qui fait ça. On a le Christ au-dessus de nous, ce n'est pas anodin.
Sortie du nouveau CD de Barbara Furtuna, « D'Anima »
Ce disque est "disque du mois" pour juin 2016.
Nous reviendrons dans quelques jours sur cet important album. Mais dès maintenant, voici deux articles consacrés à ce nouvel opus du groupe du Nebbiu par Corse Matin et Corse Net Infos.
Source : Corse Matin du 14/06/2016
Un album « D’anima » superbe, instrumental et novateur dans les bacs depuis le 10 juin, un clip revisitant en le magnifiant le chant emblématique de la Corse « U lamentu di u castagna », deux concerts de présentation à ne pas rater à Ajaccio et Bastia les 14 et 15 juin. Une moisson de juin exceptionnelle pour le groupe Barbara Furtuna qui, depuis son entrée chez Universal Music et son duo avec Plàcido Domingo, se sent pousser des ailes.
Le quatuor du Nebbiu, Maxime Merlandi, Jean-Philippe Giussani, André Dominici et Jean-Pierre Marchetti, s’émancipe en musique des sentiers balisés de la polyphonie pour mieux sublimer le chant de l’« anima corsa » et insuffler un message d’espoir. Duetto d’explications, pour Corse Net Infos, de Jean-Philippe Giussani et André Dominici. Avec, en prime, le clip.
- Vous sortez votre premier album chez Universal. Comment avez-vous vécu cette nouvelle expérience ?
- Jean-Philippe Giussani : Nous avons enregistré ce nouvel album, « D’anima » l’année dernière au mois d’avril. Une gestation assez longue chez Universal qui a plutôt l’habitude de travailler sur des temps plus courts. Nous avons voulu prendre le temps de donner du sens aux choses. Universal nous a offert les moyens de faire ce que nous n’aurions pas pu faire par nous-mêmes, surtout au niveau instrumental, même si son projet était clairement de garder nos quatre voix, quatre hommes qui chantent. Pour l’orchestration, les arrangements et la prise de son, nous avons travaillé avec un réalisateur. Ce qui était totalement nouveau pour nous !
- André Dominici : Le travail s’est fait en imprégnation ! L’équipe d’Universal n’a pas voulu se tromper dans les arrangements et l’orientation artistique. Elle est venue nous rencontrer en Corse. Elle a partagé nos vies pendant quelques jours pour comprendre ce qui nous animait. Elle est montée à Morosaglia assister aux Fochi di Paoli... Elle a su trouver une direction artistique et visuelle intéressante. Nous voulions éviter l’écueil touristique et les clichés sur la Corse.
- En quoi cet album est-il novateur ?
- Jean-Philippe Giussani : Cet album comporte 11 titres, avec des reprises que nous avons totalement revisitées, et des inédits. Il est, déjà, novateur dans la prise de son qui casse l’effet « polyphonies enregistrées dans une église » qui imprégnait nos albums précédents. Il est enregistré dans un studio avec, non plus des voix qui fusionnent pour créer une harmonie globale, mais des voix détachées. La prise de son a mis chaque voix en valeur. On entend tous les timbres. C’est très nouveau ! Mais, c’est aussi une prise de risque !
- André Dominici : C’est presque un discours urbain ! Aujourd’hui, les Corses vivent essentiellement dans les villes. Imaginer de la polyphonie villageoise ou montagnarde serait presqu’exotique ! Le fait de traiter différemment la polyphonie et de l’urbaniser la modernise. L’approche est plus actuelle.
- Dans votre précédent opus, vous aviez introduit des instruments. Avec celui-ci, vous montez en puissance. Est-ce un pas désormais franchi ?
- Jean-Philippe Giussani : Nous avions fait un premier pas avec « Si Vita Si » qui a représenté, pour nous, un passage du monde polyphonique vers une transition plus arrangée. Nous avons vécu des expériences avec diverses formations instrumentales comme l’Arpeggiata, Constantinople ou Belem formé du duo Didier Laloy & Kathy Adam. Tout cela nous a, peu à peu, donné envie d’une composition avec des musiciens. Nous avions le sentiment de tourner en rond, d’être arrivés au bout de ce que nous pouvions faire à quatre a capella. Pour obtenir des arrangements vocaux plus sophistiqués, il aurait fallu être plus nombreux.
- André Dominici : Au delà du soutien, la musique crée un autre discours. Elle sert à magnifier la voix, à la sublimer. Elle nous porte vers un autre monde créatif parce qu’elle influe sur la création. Quand la musique arrive, elle nous sort des sentiers balisés de la polyphonie.
- Cette instrumentalisation était-elle voulue par Universal ?
- Jean-Philippe Giussani : Non ! Pas du tout ! C’est une évolution qui s’est faite naturellement, que nous avons voulu et que nous assumons. Toutes les chansons « D’anima », sauf une qui est a capella, ont des arrangements musicaux. Près d’une vingtaine de musiciens ont joué sur cet album, un orchestre de chambre, des cordes, des violoncelles, des alto… Universal nous a laissé une carte blanche totale sur les titres que nous avons enregistrés et sur la façon dont nous voulions le faire. Il nous a apporté sa connaissance technique, mais n’a en aucun cas influencé le répertoire de l’album.
- Votre album a été réalisé par Christophe Voisin qui a travaillé avec Julien Clair, Pascal Obispo, Zazie… Comment s’est passée cette collaboration ?
- André Dominici : C’est un réalisateur très à l’écoute qui a la faculté de servir au mieux les artistes. On peut travailler sur Zazie comme sur Barbara Furtuna, le tout est d’écouter et de comprendre ce que veut l’artiste, de sublimer son discours vocal par les arrangements musicaux.
- Jean-Philippe Giussani : Christophe Voisin a une culture musicale très large. C’est, à la fois, un autodidacte, un collectionneur et quelqu’un de très inventif qui a été novateur dans le domaine de la musique électronique. Il a créé les premiers claviers, les premiers sons. Il a l’oreille absolue.
- Vous avez l’habitude de composer l’intégralité des chants de vos albums. Avez-vous, cette fois, fait appel à des collaborations extérieures ?
- Jean-Philippe Giussani : Non ! Ce sont nos compositions. Le travail de préparation vocale et de réflexion sur la musique s’est fait à cinq avec notre complice, Fabrice Andreani. Malgré sa propre vie d’artiste, il s’est, encore une fois, comme il l’a fait sur « Si Vita Si », beaucoup impliqué dans le projet. Il nous a aidé à nous préparer à un enregistrement qui tranchait avec tout ce que nous savions faire, c’est-à-dire quatre voix qui fusionnent dans une acoustique assez particulière, assez réverbérante. Les voix ont été prises une par une avec une interprétation plus poussée de chacun. Ce travail de préparation avant l’enregistrement a duré presque quatre mois. Fabrice nous a, ensuite, assisté en studio pendant tout l’enregistrement. Il a, aussi, co-composé avec Maxime, certaines musiques.
- Qu’est-ce qui a déterminé le choix des thèmes, dont certains évoquent des sujets très actuels ?
- Jean-Philippe Giussani : Nous avons une façon particulière de travailler : la musique est toujours créée avant le texte qui est, donc, très influencé par la musique. Nous privilégions toujours la musicalité dans l’écriture, les thèmes arrivent en second. Certains sont liés à l’actualité. Par exemple, « Mare Nostrum » a été inspiré par les bateaux de migrants qui chavirent en pleine Méditerranée. Le silence, qui entoure ceux qui disparaissent dans les eaux, m’a indigné et m’a particulièrement ému. On ne connaît rien d’eux, même pas leur nom. On ne sait pas les dénombrer. Ce sont des victimes complètements anonymes. Ceci dit, la Corse et cet amour immodéré qu’on lui porte restent toujours en toile de fond de tous nos chants. Même si, de plus en plus, nous nous pensons comme des musiciens, des artistes, et pas comme des chanteurs corses, nous sommes toujours ramenés à cette corsitude. Quoi qu’on fasse, nous resterons des chanteurs corses ! Parce que nous chantons en corse qui est une langue qu’on ne parle qu’en Corse. En plus, l’île n’est pas anodine, elle concentre tous les fantasmes.
- Vous avez repris et complètement revisité « U lamentu di u castagnu ». Qu’est-ce qui a vous attiré dans ce chant traditionnel très célèbre ?
- André Dominici : Très célèbre, très ancien et, surtout, très moderne, très actuel ! « U lamentu di u castagnu » traverse tous les siècles. Aujourd’hui, on parle d’écologie, d’enfouissement de déchets, d’une île qui n’arrive pas à trouver une solution à ces problématiques, même si, heureusement, les choses avancent. U castagnu, c’est un peu chacun d’entre nous ! Il tient un discours que l’on peut tenir aujourd’hui en changeant juste quelques paroles, il parle des problématiques de la Corse, d’économie, d’une usine et d’une industrie qui s’écroulent. Qui dit industrie, dit dangers environnementaux. « U lamentu di u castagnu », c’est plus qu’une évidence avec le cynips !
- Votre relecture du texte est stupéfiante à tel point qu’on ne le reconnaît pas. Est-ce un parti-pris ?
- André Dominici : Les gens croient connaître ce texte, mais ils ne le connaissent pas vraiment. Ils l’ont romantisé. « U lamentu di u castagnu » est devenu romantique, alors qu’il ne l’est pas ! Comme la Corse l’est devenue par le prisme touristique, sans l’être vraiment. On romantise tout : l’île, le maquis… Mais, le maquis, a machja, symbolise notre échec ! Il recouvre les endroits qui, avant, étaient cultivés et où l’homme avait trouvé sa place. C’est une question d’écologie humaine dans laquelle nous devons retrouver notre place. On ne peut pas vivre dans un prisme touristique qui donne une vision complètement tronquée, distordue de ce que nous sommes.
- Jean-Philippe Giussani : Nous avons rajouté un couplet en imaginant que cet arbre nous parlait à travers les siècles. Antone Battisti Paoli a écrit ce chant alarmant au début du 20ème siècle. Nous nous sommes demandés quelle réponse nous Corses, descendants de cette génération, nous pourrions faire un siècle plus tard. Nous avons voulu que ce soit un message d’espoir. Nous lui répondons : Oui ! J’entends ta plainte et j’entends tes pleurs, mais ça me donne de la force et de la conviction pour changer les choses, pour construire l’avenir. Nous ne devons pas nous inscrire dans cette espèce de fatalité qu’on entend encore trop souvent : « In Corsica, un si po fà nunda ! Baccala per Corsi ! ». Ces mots, on nous les a tellement martelés qu’on a fini par y croire, par croire qu’en Corse, on ne peut rien faire. Arrêtons de larmoyer, de nous lamenter sur notre sort. Les choses ne sont pas figées. Les solutions, nous les cherchons.
- Cet espoir semble souffler sur tout l’album. Est-ce dans l’air du temps en Corse ?
- André Dominici : Oui ! C’est un album d’avenir qui parle d’engagement, de construction. Un autre chant « Un Ghjornu » dit « Chi vende sole, un basterà ». Notre île est baignée de soleil, elle est idyllique, mais elle a le taux de chômage, de RSA, de suicides… le plus important au niveau national. Comment peut-on dire que c’est une île paradisiaque ! Il y a une part de fantasme, une bipolarité dangereuse. Ce côté solaire, facile, est le véritable danger parce qu’on ne peut plus s’imaginer, se construire. Septembre, dans toutes les villes du monde, c’est la rentrée des cinémas, des théâtres… Chez nous, non ! On met du blanc d’Espagne sur les vitres et on rentre dans l’hiver humain. La fameuse saison touristique est importante, mais pas suffisante ! Misons sur les énergies nouvelles et les ressources que nous possédons au fond de nous, valorisons l’humain, ayons confiance en la jeunesse, avançons tous ensemble. Les cycles changent, la politique nous l’a montré. Mais, le changement n’est pas seulement politique, il est humain. C’est ce que dit cet album.
- Jean-Philippe Giussani : Dans « Un Ghjornu », nous disons « I cammini ci porta induve vulemu andà ». Nous devons rester maître de notre destin, savoir ce que nous voulons faire, ne pas subir le monde. Le monde est tel qu’on veut qu’il soit ! Chacun de nous a la possibilité de changer les choses. Chacun de nous représente une partie de la solution. Une autre chanson « Ti dicerà » parle de ce qu’il y a au plus profond de nous, de ces émotions primaires qui font apprécier la vie, mais qui sont parasitées par ce qui nous met en situation d’échec. La fin du chant le dit : « Fà tace li to pienti. Vedi senza paura, ciò ch'ellu ferma à fà ». Arrêtons de pleurer et regardons sans trembler ce qu’il reste à accomplir. C’est le message que nous voulons passer.
- Pourquoi avez-vous choisi de tourner le clip de l’album sur le site de l’Argentella ?
- André Dominici : Nous avons occulté cette image exotique, paradisiaque de l’île pour privilégier son côté minéral. Pour parler d’U lamentu di u castagniu, il fallait une friche industrielle qui renvoie à une époque, mais aussi à des rêves révolus. L’usine de l’Argentella, au delà d’être une usine de plomb argentifère, est le site des premières revendications corses, dès les années 60, bien avant les boues rouges. L’Argentella a été choisi pour être un site d’essai atomique. Ce qui a entrainé les premières manifestations et les premières prises de conscience de la richesse de notre île. Cela nous renvoie aux problématiques actuelles des énergies renouvelables.
- Jean-Philippe Giussani : L’Argentella avait deux avantages. D’abord, c’est un site très peu connu, que beaucoup de Corses ne connaissent pas, donc un peu vierge. Nous avons aussi pour l’EPK (Electronic Press Kit) tourné à Nonza qui est un site minier où certains de nos proches ont travaillé, à Asco, à Patrimoniu, à Olmi Capellu et dans les rues de Bastia. Ensuite, le site d’Argentella est complètement repris par la nature, ce qui est une belle revanche. Cette bipolarité de la nature renvoie à notre bipolarité corse. Cette Corse de l’hiver dont on a besoin pour se retrouver et cette Corse du printemps et de l’été, du tourisme et de l’influence qui nous transforme entre autre chose que ce que nous sommes.
- Que signifient les photos que vous avez posées sur les ruines de l’usine ?
- Jean-Philippe Giussani : Les photos racontent notre histoire, à nous Corses qui chantons aujourd’hui. Nous ne sommes pas seuls. Derrière nous, des générations ont vécu, revendiqué et accompli des choses. Nous ne sommes pas orphelins parce que nous sentons encore la présence de tous ces gens qui nous ont porté et inspiré. Nous avons choisi des personnes représentatives de notre histoire personnelle et de l’histoire de la Corse : nos grands-parents, les écoliers de Poggiu d’Oletta de cette époque qui sont des proches ou des gens du village que nous avons connus et qui ne sont plus de ce monde, une résistante, Maria De Peretti, morte à Auschwitz… C’est une façon de leur rendre hommage. Il y aussi des portraits contemporains : une classe de Lupinu, Edmond Simeoni en 1975 à Aleria. L’Argentella fut son premier combat. C’est une symbolique forte. Egalement, Jean-Louis Leca brandissant a bandera, l’an dernier, sur le stade de Nice. Son geste est emblématique, il rentre dans l’histoire. La photo a fait le tour de la Corse. Nous avons voulu mêler les trois histoires de l’île : celles des hommes, de la nature et du bâti. Nous passons devant une photo qui nous représente pour dire que nous nous inscrivons aussi dans cette histoire.
- Universal a-t-il accepté facilement cette incursion politique, cet univers de combat ?
- Jean-Philippe Giussani : Il a fallu imposer nos idées. Universal et la production du clip ont été à l’écoute de nos revendications. Ils ont adhéré à la démarche. Ils ont vu un groupe qui avait son vécu, près de 15 d’existence et 900 concerts à son actif, une identité visuelle, sonore… Tout de suite, ils nous ont dit qu’ils ne voulaient pas nous transformer en autre chose que ce que nous sommes, ils nous voulaient justement pour ce que nous sommes.
- André Dominici : Il a fallu expliquer. Par exemple, le titre « Quantu volte », déjà présent dans « Si Vita Si », dénonce la spéculation immobilière. C’est un fait, mais c’est surtout un manque de créativité artistique pour l’île. Il y a tellement d’autres choses à faire, tellement d’autres façons de s’inventer, de se créer, de s’imaginer. Nous sommes dans un monde où tout est rapide, les choix de vie, les gains… alors qu’il faut prendre le temps de semer, de cultiver, de travailler sur la conscience des choses, de s’inscrire sur le long terme, de donner du sens à son engagement. Le véritable court terme, le dernier maillon de l’échec, c’est un immeuble posé avec dix appartements ! Est-ce ça un projet ? « Quantu volte » nous parle du choix facile des choses. Ce choix triste, faible, pauvre ! En dénonçant la spéculation, c’est nous-mêmes que nous dénonçons.
- Comment le clip a-t-il été reçu par vos fans ?
- André Dominici : Nous avons été très touchés de voir que le président de l’Exécutif de la Corse a partagé le clip sur son Facebook et parlé de voyage onirique, au cœur même de l’âme corse.
- Jean-Philippe Giussani : Cela prouve que le message est passé à deux vitesses. Il y a ceux qui ne voient que l’aspect esthétique et superficiel des choses, la beauté des images et de la chanson. Il y a aussi ceux qui voient l’aspect plus profond et qui comprennent ce que nous avons voulu dire.
- Deux concerts de présentation de l’album sont prévus cette semaine en Corse. Avez-vous d’autres projets ?
- Jean-Philippe Giussani : Oui ! Le 14 juin à Aiacciu à l’église Saint Roch, comme le lendemain à Bastia à la cathédrale Santa Maria, nous serons accompagnés de trois musiciens. Ces deux concerts s’inscrivent dans une tournée européenne. Nous étions en Alsace et en Bourgogne, nous retournerons dans le centre de la France. Cet été, nous serons en Belgique et en France. A la rentrée, nous irons au Mexique. L’album vient de sortir en France avec comme partenaires France Télévisions, RMC et la FNAC. Il sortira à l’international en septembre.
Sortie le 10 juin prochain du nouveau CD de Barbara Furtuna, « D'Anima »
Hier soir, nous étions les invités de Barbara Furtuna au "showcase" organisé par Universal Music à l'occasion de la sortie le 10 juin du nouvel album du groupe, D'Anima. Une soirée très chaleureuse autour de l'excellent buffet corse proposé par l'équipe du Cosi. Un petit concert d'accueil accompagné de belles images réalisées par Carole Mathieu Castelli, puis de nouveau quelques chants en fin de soirée. De beaux échanges aussi avec ces artistes talentueux et simples, qui nous ont notamment raconté leurs rencontres avec Christina Pluhar et Plàcido Domingo.
Nous attendons avec impatience ce D'Anima !
Découvrez l'extrait de Quantu Volte
Le nouvel album "d'Anima" sortira le 10 juin.
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Le groupe polyphonique de chants corses Barbara Furtuna compte près de 900 concerts et bientôt cinq albums. De passage à Épernay avec ses trois compères, Jean-Philippe Guissani livre les secrets de la réussite qui a emmené son groupe jusqu'aux Etats-Unis, en Australie et en Corée du Sud.
Comment avez-vous débuté votre carrière ?
C’est un projet musical qui a commencé il y a 15 ans autour du vocal, presque essentiellement a capella. Et puis, des aventures se sont présentées, comme des collaborations avec un ensemble baroque, un ensemble de musiques anciennes ou, plus récemment, Plàcido Domingo. On a fait beaucoup de scènes à travers le monde et désormais, on approche des 900 concerts. D’ailleurs, on était déjà venu à Épernay il y a cinq ou six ans et on y avait été très bien accueilli.
Comment expliquez-vous le succès de votre musique ?
Le problème de la langue corse n’en est pas un. Ce dont on parle est assez universel. On veut prendre le contre-pied de l’image de carte postale de la Corse et évoquer nos problèmes, nos désirs, nos rêves. C’est sûr, ça n’est pas innocent de chanter en corse, il y a un engagement culturel, parfois politique, de résistance, même si ce n’est pas une tribune. Cet attachement pour notre culture et notre terre, le public le ressent, car on l’a tous en nous, et se rapproche de notre musique.
Comment vivez-vous votre quotidien de chanteur international ?
On le vit pleinement et fortement. Chanter en corse, c’était un désir très lointain. On a tous eu des métiers qu’on a abandonnés et on se demande aujourd’hui comment on faisait avant. On a le sentiment d’être privilégié. Présenter nos albums, voyager, chanter aux Etats-Unis, en Corée, ça nous nourrit.
Quand on joue à l’étranger, on s’adapte dans la langue du pays. Il y a de la curiosité car la Corse, comme toutes les îles, fascine et attise le rêve, le fantasme. C’est un discours universel qui passe partout. En retour, les gens nous parlent de leurs pays.
par Nicole Mari - 26 Avril 2015
C’est une triple première que nous offre, jeudi soir à 20h30, au théâtre de Bastia, le groupe Barbara Furtuna lors d’un concert unique et exceptionnel à bien des titres. Une première, d’abord, parce que c’est la première fois que le groupe est tête d’affiche sur cette grande scène bastiaise. Une première ensuite, parce que les quatre hommes en noir, Maxime Merlandi, Jean-Philippe Giussani, André Dominici et Jean-Pierre Marchetti, seront accompagnés de musiciens dans une mise en scène inédite. Une première, enfin, parce que le groupe, en résidence au théâtre pendant quatre jours, va créer un spectacle spécialement pour cette occasion, qui ne sera pas rejoué ailleurs. Explications à deux voix, pour Corse Net Infos, de Jean-Philippe Giussani et d’André Dominici
- Que se passe-t-il le 30 avril au théâtre de Bastia ?
- Jean-Philippe Giussani : Nous présentons un concert inédit dans le cadre de la programmation du théâtre de Bastia. Ce sera une création spéciale pour cette occasion et inhabituelle par rapport à notre image. Un spectacle unique dans la mesure où il ne sera joué qu’à Bastia. Nous ne le rejouerons pas ailleurs. Du moins, ce n’est pas prévu.
- André Dominici : Ce concert est vraiment unique ! Il n’a pas vocation à être refait. Il part d’une envie liée à la scène du théâtre de Bastia. On ne pouvait pas venir sur cette scène sans créer quelque chose de particulier.
- En quoi ce concert est-il exceptionnel ?
- Jean-Philippe Giussani : L’image de Barbara Furtuna est celle d’un groupe vocal de quatre hommes. Là, nous serons neuf sur scène avec des musiciens. L’idée est de présenter des gens que nous avons rencontrés tout au long de notre parcours, lors de créations que nous avons faites ou auxquelles nous avons participé. Nous avons invité un musicien de l’Arpeggiata, deux musiciens belges avec qui nous venons de faire une création en Belgique et une tournée en décembre dernier, un musicien avec qui nous avions fait une tournée de chants de Noël dans le Sud de la France… Egalement, des musiciens corses avec lesquels nous avons travaillé, notamment Fabrice Andreani qui est devenu un collaborateur depuis le dernier album. Il a participé à la conception du nouvel album que nous sommes en train d’enregistrer.
- Présenterez-vous de nouvelles versions de vos succès ?
- Jean-Philippe Giussani : Oui ! Pour l’occasion, nous avons réarrangé certains titres de notre répertoire. Nous les magnifions par des instruments : un piano, un accordéon, un violoncelle, une contrebasse, des percussions, des guitares et une cetera. Nous garderons quelques titres en vocal, mais ce n’est pas le but de ce concert. Notre but est de peaufiner l’interprétation, aussi bien au niveau artistique qu’au niveau technique. Nous allons travailler sur le son, sur la conception lumière, sur la scénographie…
- André Dominici : C’est vraiment la première fois que nous avons l’occasion de le faire de manière aussi poussée dans le cadre d’une résidence et en revisitant notre répertoire avec des instruments.
- Ce concert clôturera, justement, quatre jours de résidence au théâtre. En quoi consiste cette résidence ?
- Jean-Philippe Giussani : La résidence fait partie intégrante de la création. L’idée consiste à travailler en amont pour mettre en place la technique, les instruments, une scénographie… Nous voulons essayer de surprendre, de faire bouger les lignes, de bousculer cette image un peu figée d’un groupe vocal de quatre hommes sur une scène.
- André Dominici : Ce travail de création est intéressant. Il nous permet de condenser l’histoire du groupe Barbara Furtuna, de ses créations, de ses diverses rencontres et collaborations, de ces scènes où nous nous sommes produits un peu partout dans le monde… pour en faire une seule histoire. Nous allons travailler autour des musiciens, des instruments, pour tenter de concentrer, en près de deux heures, sur la scène du théâtre, le temps de notre histoire et partager ces expériences avec le public. C’est toute la difficulté de ce travail.
- Cette programmation au théâtre de Bastia est-ce une première pour le groupe ?
- Jean-Philippe Giussani : Oui ! En tant que Barbara Furtuna, c’est notre première programmation. Se produire sur cette scène n’est pas anodin ! Le théâtre de Bastia nous a servi d’éveil musical, nous y avons, chacun, notre propre expérience. Nous y avons vu des artistes qui nous ont marqués : Nina Simone, Léo Ferré… Etre sur ce plateau-là a, pour nous, peut-être, plus d’importance que d’être sur n’importe quelle autre scène ailleurs, où nous n’avons pas le même historique. C’est une reconnaissance, une légitimité, qui nous sont accordées. En même temps, paradoxalement, cette scène nous impressionne ! C’est une des scènes les plus difficiles !
- André Dominici : C’est une première très importante. Le théâtre de Bastia et son histoire représentent beaucoup pour nous. Dans ces fauteuils, nous nous sommes surpris à rêver… A rêver à un autre monde, au plaisir qu’est la musique ! Et, puis un jour, on nous dit : « Viens rêver ! Tu peux, maintenant, rêver sur cette scène ! On peut te regarder rêver ! On peut même rêver avec toi ! ». Alors, rêvons ! Nous ne pouvons pas arriver sur cette scène sans cette idée d’une sublimation du groupe. Nous avons vraiment pensé et cristallisé ce concert pour le théâtre de Bastia et, au delà du théâtre, pour un public bastiais et, surtout, corse. C’est une étape nouvelle et plus compliquée.
- Pourquoi est-ce plus difficile ?
- Jean-Philippe Giussani : Parce que nous jouons à la maison, devant les nôtres ! C’est toute la différence avec les grandes salles que nous avons connues sur le continent ou à l’étranger et où nous étions des outsiders. Nous ne pouvions que surprendre puisque les gens ne nous attendaient pas forcément. Alors qu’à Bastia, nous avons le sentiment d’être un peu plus attendus ! Nous avons, en Corse, un parcours un peu particulier. Comme nous avons beaucoup travaillé sur le continent et à l’étranger, les gens nous considèrent comme des ambassadeurs du chant corse. Ils ont souvent des échos de notre travail sans avoir vraiment validé la connaissance de notre groupe, sans avoir vraiment assisté à un concert ou acheté un album. Nous avons besoin d’avoir, sur l’île, une existence plus légitime. Nous avons envie d’un public corse, fidélisé qui connaît le groupe et le suit.
- André Dominici : On a toujours du mal à se livrer devant les siens, devant la famille. Il est beaucoup plus simple de chanter à New-York que dans le salon devant ses proches ! Mais, c’est une belle expérience.
- Vous venez de signer chez Universal. Est-ce l’enregistrement avec Placido Domingo qui a permis ce grand pas en avant ?
- Jean-Philippe Giussani : Non, je ne crois pas ! La vraie cause de cette signature est l’enregistrement de notre précédent album Si vita si, qui a été un déclencheur. Nous avons, à ce moment-là, fait un pas en avant, en passant d’une formation vocale à un disque plus instrumental. Parce qu’ils la connaissent mal, les insulaires sont un peu méfiants vis-à-vis des polyphonies purement a capella. Je pense que le public insulaire a besoin de se construire dans une musique qui apporte une certaine forme de plaisir, une notion qu’il ne retrouve pas forcément dans le chant sacré qui a un rôle plus social. Ce pas, que nous avons fait, correspond à un besoin. La démarche à quatre engendre une forme de repli intime. Nous avons ressenti le besoin de nous ouvrir aux autres, d’élargir le cercle, la bulle. Cette démarche a été validée par Universal.
- Que pouvez-vous nous dire de votre prochain album ?
- Jean-Philippe Giussani : Le nouvel album, que nous sommes en train d’enregistrer, ne sera quasiment pas a capella. Il y aura, évidemment, des nouveaux titres, mais aussi quelques anciens, le tout orchestré différemment. Nous bénéficions, avec Universal, de moyens que nous n’aurions pas eu tout seuls ! La consigne reste le groupe vocal, car nous sommes tous conscients que notre passeport est dans nos voix. Mais, les voix sont sublimées par la musique qui sert d’écrin.
- Comment avez-vous vécu cette mutation du vocal à l’instrumental ?
- André Dominici : Nous avons dû faire un travail en deux temps. D’abord, un travail psychologique pour arriver à chanter vraiment dans un cadre musical établi où il faut trouver un équilibre entre l’instrument et la voix. Ensuite, un travail plus mécanique lors des répétitions où il faut arriver à s’isoler soi-même pour servir le collectif. La vraie démarche a été, dans cet enregistrement, de réussir à s’isoler vraiment. Au début, nous étions un peu sceptiques. Nous ne savions pas si le résultat allait sonner ! Nous en avons beaucoup parlé entre nous. Finalement, nous avons compris que cette isolation était une très bonne solution. Les premières écoutes l’ont confirmée.
- Le résultat a-t-il été à la hauteur de vos attentes ?
- André Dominici : Oui ! Nous avons atteint et même dépassé notre objectif. Nous avons été agréablement surpris, ce qui, pour nous, est compliqué parce que nous sommes très exigeants, nous pensons toujours que nous pouvons faire mieux ! Nous avons, aussi, rencontré un bon partenaire en Christophe Voisin, le réalisateur de l’album, qui a su trouver la bonne distance entre nous. Il savait où il voulait nous emmener, et nous avons cheminé ensemble.
- Jean-Philippe Giussani : Comme tous les réalisateurs, Christophe Voisin est un homme de l’ombre qui s’est mis au service de notre musique de manière étonnante. On connaît, tous, des albums qu’il a réalisés, mais on ne connaît pas son nom !
- Avez-vous fait appel à des collaborations extérieures pour l’écriture des titres ?
- Jean-Philippe Giussani : Non ! C’est toujours Maxime et moi qui faisons la première démarche d’écriture musicale et d’écriture des textes. Un travail collectif est fait, ensuite, avec le groupe au niveau des arrangements. Au niveau vocal, chaque membre du groupe a eu plus de place que d’habitude. Auparavant, nous étions, tous, au service d’une harmonie plus qu’au service d’une voix. Aujourd’hui, le défi est : comment être soi-même tout en étant au service des autres ? Je pense que, cette fois, chacun a pu, individuellement, mieux réaliser sa propre identité tout en servant l’album, tout en trouvant sa place au sein d’un collectif.
- André Dominici : Cela dit, la notion de groupe est vraiment la clé. Chanter seul à quatre, ça ne marche pas ! Il a fallu trouver notre identité tout en servant cet objectif. Nous nous demandons toujours : est-ce que là je suis juste ? Pas dans la justesse des notes, mais dans la justesse de l’humeur ! L’équilibre est très fragile ! C’est là-dessus qu’a porté le gros des répétitions. Le plus difficile n’est pas de savoir le texte, mais de se savoir…
- N’est-ce pas une démarche presque philosophique pour des notes et du chant ?
- Jean-Philippe Giussani : Oui ! Mais, la démarche est, pour nous, avant tout philosophique. C’est une démarche individuelle qui exige une introspection assez importante. Elle a été assez déstabilisante. Au départ, nous avons eu beaucoup de doutes, mais nous avons, à l’arrivée, une bonne surprise devant le résultat. C’est un peu ce qui s’est passé pour Christophe Voisin qui a fait les arrangements, quand il nous a dit les formations qu’il allait diriger pour notre album : un orchestre de cordes, des percussions, des guitares... Il a utilisé tous les instruments que nous voulions et les a mis au service de la musique. Il nous disait : « Je ne ne veux surtout pas qu’on dise : quelle belle instrumentation autour des chants ! Je veux qu’on les oublie totalement ! Je veux qu’on oublie le travail qui a été fait ». Le travail a été, pour nous, très surprenant et, en plus, excitant.
- Qu’apporte la musique à vos voix ?
- André Dominici : La musique aide, souvent, à dire les choses avec plus de force que lorsque nous les disons à quatre, dans notre dénuement. Les mots sont sublimés par les arrangements. Avec des violons, des guitares…, une phrase prend sa juste puissance. La musique est vraiment au service de l’équilibre des mots. Quand on est à quatre a capella, on chante, parfois, plus fort pour se faire entendre. Là, en occurrence, la musique aide à dire des choses très fortes avec des mots très doux, à nous apaiser pour nous donner plus de puissance. Elle est un écho à nos paroles, les grandit et les rend, aussi, plus esthétiques.
- Jean-Philippe Giussani : Nous ne sommes pas éloignés de ce que nous savons faire. Le chant est, juste, plus rythmique. La musique est comme un résonateur. L’album est, de ce fait, beaucoup plus large que les précédents et beaucoup plus consistant.
- Pensez-vous toucher un autre public ?
- Jean-Philippe Giussani : Peut-être ! Mais, nous n’y avons pas pensé. Nous ne nous sommes pas vraiment souciés de cet aspect-là. La maison de disques, peut-être ! Elle est plus axée sur le marketing, c’est son rôle. Peut-être, cet album parlera-t-il à un plus grand nombre de gens. On verra bien !
Propos recueillis par Nicole MARI.
Source : CorseNetInfos
Un reportage de France 3 Corse Via Stella : http://france3-regions.francetvinfo.fr/... (avril 2015)
Sur le nouvel album du ténor, ils interprètent ensemble Anghjulina, un des titres- phares du groupe.
Une collaboration inattendue, dirigée par l'alchimiste Robert Sadin (Herbie Hancock, Stevie Wonder, Sting...), ce chef d'orchestre, compositeur, arrangeur et producteur américain se joue une fois de plus des genres musicaux et réalise sur mesure l'hommage du grand ténor à la Méditerranée.
Plácido Domingo a choisi, pour chanter la Corse, "Anghjulina" composé et écrit par Barbara Furtuna et a invité les quatre chanteurs à le rejoindre sur son album. Une rencontre surprenante entre ces voix d'essence traditionnelle et le Maître du Bel Canto. Une expérience inoubliable pour le quatuor.
Juin 2013
Et voici le nouveau CD de Barbara Furtuna !
Le nouvel album arrive, d'abord en Corse (c'est prévu pour le 11 juin). Pour le continent et l'étranger il faudra attendre septembre...
Au grand jour. C'est ainsi que Barbara Furtuna nous apparait sur la couverture de ce troisième album. De leurs pérégrinations sur les scènes insulaires et internationales, au gré de leurs rencontres et collaborations prestigieuses, les quatre garçons ont ramené de nouvelles envies et une ambition décuplée. De la polyphonie traditionnelle toujours, bien sûr. Oui, mais pas seulement. Barbara Furtuna ne s'interdit plus rien et accueille désormais de manière quasi permanente un cinquième larron en son sein : l'instrument. La rencontre est belle et foisonnante et le spectre balayé par les nombreuses créations est étonnant. C'est donc ça, « Si Vita si », rien moins qu'une volonté affichée d'embrasser passé et présent, racines et envol, en un même geste artistique, pour inventer le futur de la musique populaire corse. Savoir d'où l'on vient, savoir où l'on va et surtout comment on veut y aller : Barbara Furtuna est bien à l'image de son île. Frédérique Balbinot
- En quoi cet album se distingue-t-il des précédents ?
- Jean Philippe Giussani : Par le fait que huit titres sur douze ont reçu des arrangements instrumentaux. C’est nouveau pour nous puisque les deux albums précédents contenaient surtout des titres a capella, vraiment polyphoniques. Cet album marque un petit virage que nous avions envie d’effectuer avec des titres plus aboutis, plus travaillés, et avec le concours d’arrangeurs et d’un réalisateur.
- Maxime Merlandi : Les mélodies et les chansons sont arrivées au fur et à mesure, avec le temps. J’avais gardé des mélodies de côté sans savoir si je pourrais, un jour, les mettre dans un album. La réflexion nous a guidé vers un album plus soutenu d’un point de vue instrumental, mais qui s’inscrit dans une continuité.
- Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d’unir des instruments à vos voix. Est-ce pour toucher un public plus large ?
- Jean Philippe Giussani : Peut-être ! Nous restons, quand même, fidèles au vocal qui est l’axe central de l’album. Notre idée de départ était, d’ailleurs, de faire un album très dépouillé, uniquement vocal. Puis, nous est venu un désir d’instruments. Maxime, dans sa composition, a eu envie d’accompagner certains titres d’une guitare. De là, nous nous sommes dits : pourquoi ne pas mettre tout un arrangement d’instruments… Le désir n’a pas été prémédité ou réfléchi, mais est devenu effectif.
- Maxime Merlandi : L’aide de Fabrice Andréani du groupe I Messageri et de Jean-Marie Gianelli, qui ont fait les arrangements, a été vraiment déterminante. En écoutant l’album du groupe, nous avons trouvé les arrangements de Fabrice intéressants. Il a commencé par travailler sur un titre, puis, finalement, s’est pris au jeu et a fait tout l’album. Il a même assisté à tout l’enregistrement, même des chants a capella.
- Travaille-t-on différemment des titres instrumentaux et des titres à capella ?
- Jean Philippe Giussani : Notre méthode de travail est restée la même. Elle est un peu particulière. Maxime commence par créer une mélode sans paroles. Il jouit d’une totale liberté dans la composition. Il fait sa mélodie et la chante en yaourt, c’est-à-dire qu’il met des mots au fur et à mesure qu’il chante, des mots qui ne sont jamais les mêmes, qui parfois ne veulent rien dire, d’autres qui reviennent ensuite dans l’écriture du texte. Son chant se forme d’une langue improbable… qui ressemble quand même au corse ! Comme nous mettons en avant la musicalité, j’écris le texte en fonction de la mélodie que Maxime a imaginée.
- Maxime Merlandi : Les mots, parfois, ne veulent absolument rien dire, ils surgissent spontanément et m’aident à donner une direction. La mélodie vient en premier, le texte, même a capella, s’écrit après. Ce qui nous permet de travailler vraiment sur mesure.
- En règle générale, ne fait-on pas le contraire ? N’écrit-on pas une mélodie sur un texte existant ?
- Maxime Merlandi : Oui. Notre manière de procéder est peu commune, même s’il existe quelques compositeurs qui travaillent, aussi, de cette façon. Je préfère agir de cette manière-là, comme ça je n’ai pas de cadre et je peux aller exactement où je veux.
- Jean Philippe Giussani : Le fait qu’il n’y ait pas de texte préalable donne à Maxime une plus grande liberté de changement d’accords et de rythmes. Ensuite, le texte n’est plus qu’une adaptation, parfois de mots qu’il a prononcés et qui ont donné une orientation. C’est la musicalité, le rythme, le tempo qui donnent naissance au texte et à l’idée du texte. Parfois, nous discutons du thème ensemble. Je choisis librement le thème, mais en fonction de ce qu’exprime la musique.
- Comme les précédents, cet album comporte des chants sacrés. Pourquoi le sacré est-il si important ?
- Jean Philippe Giussani : Le sacré est une continuité par rapport à ce que nous avons fait jusqu’à présent. Nous chantons souvent dans des lieux sacrés, dans des églises. Nous continuons de nous abreuver à cette source. Nous n’arrivons pas à faire un album totalement profane.
- Maxime Merlandi : Le sacré est une forme dans laquelle nous nous exprimons, au quotidien, à travers des messes aux défunts que nous chantons souvent. Ce mode d’expression fait partie de nous, de notre culture.
- Composer une mélodie sur du sacré est-ce un exercice particulier ?
- Maxime Merlandi : Pas vraiment ! Quand je compose une mélodie sur la Corse ou la mélodie de Si Vita Si, ce qui m’anime est aussi sacré que de composer la musique d’un Stabat Mater, d’un Sanctus ou d’un Agnus Dei. La Corse, pour nous, est quelque chose de sacré au même titre que les chants religieux. Même I Verani, la chanson sur les printemps arabes part d’un sentiment sacré. En tous cas, nous le vivons comme tel !
- Outre le sacré, quels autres thèmes abordez-vous dans l’album ?
- Jean Philippe Giussani : La vie, dans le premier chant. L’amour, qui est un thème universel et parce qu’il n’y a pas d’album sans chanson d’amour. Dans nos chants, nous avons toujours voulu exclure la lamentation, l’auto-flagellation et la leçon donnée. Nos textes laissent beaucoup de place au doute, aux questionnements et comportent plus de questions posées que d’affirmations assenées. L’album se compose, aussi, d’un chant pour les marins ou d’une barcarole, d’une sérénade, ces chants d’amour que le Riacquistu a injustement qualifiés de légers et qui, de ce fait, ont été délaissés au profit de textes plus engagés. Nous avons voulu les chanter juste pour leur fraicheur, pour le plaisir.
- Pourquoi une chanson sur les marins ?
- Jean Philippe Giussani : Elle est extraite d’un projet issu d’une pièce de théâtre sur Joseph Conrad, d’après le livre de Madaleina Antoniotti-Rodriguez. Dans la pièce, Joseph Conrad venait retrouver le maître qui l’avait formé à la navigation, Dominique Cervoni de Luri.
- Une autre chanson parle des printemps arabes. Qu’est-ce qui vous a inspiré ?
- Jean Philippe Giussani : C’est un témoignage sur les révolutions humaines. Nous avons été frappés par les images que nous avons vues, par les faits plus que par les conséquences car les révolutions mènent parfois à l’inverse de ce qui les a initiées. C’était émouvant de voir ces milliers de personnes rassemblées sur une place et si déterminées. Ce qui est intéressant, c’est que des hommes, à un moment donné, remettent en question les choses, s’indignent, se révoltent, se réunissent pour jeter à bas une société qui ne leur convient pas ou une dictature. La chanson parle de cette révolte, de la volonté qui engendre des révolutions et change un mode de vie pour en instaurer un autre.
- L’album comporte une reprise de Jacques Brel. Vous faites peu d’adaptations de chant français. Qu’est-ce qui a motivé celui-ci ?
- Jean Philippe Giussani : Nous aimons beaucoup Jacques Brel. Et, puis, Maxime avait une idée originale d’arrangements sur ce chant qui lui plaisait beaucoup.
- Maxime Merlandi : L’idée m’est venue sous la douche ! J’avais, depuis quelques temps, la chanson en tête. Puis, m’est venue l’idée de la percussion vocale sur les mots : Amore meiu… Nous avons mis ce morceau en place avec beaucoup de patience. L’arrangement vocal, qui n’est pas simple, nous a demandé beaucoup de travail.
- Chanter des chants traditionnels n’est-ce pas ressenti, parfois, comme un acte passéiste ?
- Jean Philippe Giussani : Nous nous défendons de galvauder le répertoire traditionnel et de nous y enfermer parce que les chants ont été usés jusqu’à la corde. Après le Riacquistu, il y a eu beaucoup de bégaiements, de choses dites et redites jusqu'à épuisement du genre. Mais, le chant traditionnel n’est pas figé, formaté, nous ne nous interdisons rien dans le nombre de voix, la rythmique ou la forme musicale.
- Maxime Merlandi : Faire un spectacle entier avec des chants traditionnels est épuisant pour nous qui chantons, comme pour les gens qui écoutent. Nous avons besoin d’autres formes rythmiques et harmoniques, de fraicheur, de choses nouvelles. La musique corse doit se renouveler, faire autre chose, prendre des risques. Je suis étonné de ne pas voir des jeunes Corses, dont beaucoup chantent très bien, faire de l’électro, du rap ou du hip hop…
- Vous donnez beaucoup de concerts à l’étranger. Que ressentez-vous quand vous portez le chant corse ailleurs ?
- Jean Philippe Giussani : Ce qui nous habite, c’est de représenter notre culture et de voir, qu’aussi petit soit-on, aussi peu nombreux sommes-nous à nous revendiquer d’une culture, nous pouvons la porter loin et, aussi loin qu’on aille, cette culture minorisée peut trouver un auditoire pour l’écouter. Nous chantons en langue corse n’importe où dans le monde, il n’y a pas de barrière de la langue, mais il y a des gens pour écouter. C’est la preuve même qu’il n’existe pas de petites cultures minoritaires, mais des cultures fortes, identitaires. Souvent, sur le continent, les gens nous disent que notre chant, notre culture, cette identité que nous revendiquons est, pour eux qui ont tout perdu, un trésor inestimable. Notre chant réveille chez eux le besoin de racines propres à chaque humain. C’est, pour nous, une grande satisfaction et une grande fierté.
- Maxime Merlandi : Le soir où nous avons chanté à Carnegie Hall, je me suis dit que cette langue, qui connaît tant de tribulations, nous l’avons portée même jusqu’ici. Nous l’avons fait résonner à Chicago, dans les pierres de Westminster et dans tant d’autres villes. Nous chanterons début juillet à la Chapelle royale à Versailles, puis dans l’abbaye du Mont Saint-Michel. En septembre et octobre, nous ferons une tournée aux Etats-Unis et au Canada. Je suis, à chaque fois, ému et content plus pour la langue et le peuple corses que pour nous quatre.
Propos recueillis par Nicole MARI
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Depuis 10 ans, ils contribuent à transmettre tout un pan de la culture insulaire en chantant exclusivement en corse, une langue qui évoque décidément plus l'italien que le français. "Barbara Furtuna" surprend d'abord par sa capacité à émouvoir par la seule beauté du chant et de la musique, qui prend dans "Si Vita Si" une place plus centrale. Nourris de multiples rencontres, ils semblent peu à peu intégrer des éléments issus d'autres cultures qui offrent un contraste particulièrement riche.
Entre racines et envols, passé et présent, les Corses enchantent nos oreilles par des mélodies plus contemporaines qui s'écartent des sentiers battus et rendent plus accessible une musique par trop associée au répertoire sacré. Pour autant, les voix, d'une pureté exemplaire, semblent vibrer avec une intensité divine. Même nos amis Américains apprécient, malgré l'éloignement des deux cultures.
Les compte-rendus de quelques concerts de Barbara Furtuna (notamment Salle Pleyel en février 2012 et au Carnegie Hall avec L'Arpeggiata se trouvent en page "Concerts".
Barbara Furtuna et Constantinople : Folias
© Michael Slobodian - 2 avril 2012, à la Salle Pierre-Mercure, Montréal.
Dans le cadre de la saison 2011/2012 de Constantinople et de la tournée de printemps de Canti di a Terra (Québec).
"Barbara Furtuna" sera en concert dimanche 7 juillet à la Chapelle Royale de Versailles puis reviendra en Corse avant de s'envoler en septembre direction l'Iowa.
Un article pour "La Corse Votre Hebdo" du 9 avril 2010 est reproduit ci-dessous :
Août 2008 : Le nouveau CD de Barbara Furtuna "In Santa Pace".
Quand on aborde le domaine de la musique d’inspiration traditionnelle, on peut rarement dissocier celle-ci du pays qui la porte tant elle en est imprégnée. C’est peut être encore plus vrai pour le chant car en plus, il est le véhicule de la langue qui, au-delà des mots, transporte la pensée.
Même à une heure seulement du continent, nous restons insulaires et peut être plus que jamais, à travers les voyages, les rencontres humaines et musicales, nous prenons conscience de notre fragilité, mais aussi de notre force. C’est celle-ci qui nous a permis de nous inscrire aujourd’hui dans une culture bien vivante dont nos pères ne soupçonnaient pas la richesse, et nous pouvons à notre tour l’enrichir et la vivre pleinement.
C’est sans aucun doute l’amour immodéré que nous portons à notre terre qui façonne nos chants et nous pousse à continuer avec la même passion intacte une aventure commencée au sortir de l’enfance. Nous poursuivons simplement notre chemin, sans presser le pas, avec nos doutes, certains cependant que l’avenir nous apportera autant de beauté que de douleur et bien décidés à jouir de chaque moment qui nous est donné, in Santa pace.
Ce deuxième album de la formation garde une esthétique musicale identique que pour le premier opus mais on y retrouve un répertoire beaucoup plus personnel où les créations ont pris une place plus importante. Les deux répertoires, sacré et profane, restent intimement liés, se nourrissant l’un de l’autre comme ils l’ont certainement fait depuis longtemps. Des chants de facture contemporaine comme le Lux æterna, le O Salutaris Hostia ou bien le Kyrie Eleison viennent se confronter aux traditionnels Suda sangue et Tota pulchra es Maria et parfois même se mêler dans un même chant comme pour le Maria le sette spade, matériau ancien pour un édifice plus contemporain, comme si la tradition refusait de se laisser enfermer dans un espace temps.
De la même façon, l’Oru trouve le même écho tragique que les chants d’amour du XXème siècle comme Veni O bella et Lamentu chì ti cerca qui ont bercé la génération précédente. Seul l’Innamurati tend vers un idéal plus serein.
Le dalmate Plavi putevi mora vient, lui, apporter une harmonie différente pour parfaire le tout.
Le temps, celui perdu passé loin d’Anghjulina et celui que l’on aimerait maîtriser de S’hè discitatu, semble le seul Maître d’Œuvre de ce répertoire où passé, présent et avenir ne font qu’un.
... et sur "Corse Matin", juillet 2008 :
Le groupe collabore depuis 2007 avec Christina Pluhar et l'Arpeggiata sur un Via Crucis.
L'article du mensuel "Corsica" consacré à ce disque est reproduit ci-dessous. Il peut également être téléchargé.
« Mélanger musiques classique, sacrée et populaire »
Sa discrétion en Corse ne doit pas tromper : depuis son apparition au début des années 2000, Barbara Furtuna s’est taillé une réputation flatteuse dans le monde de la musique, bien au-delà des frontières de l’île. Le quatuor s’est imposé comme l’un des meilleurs groupes polyphoniques insulaires. Un groupe qui n’a jamais caché son amour du chant sacré, et qui franchit aujourd’hui un cap supplémentaire, en enregistrant un album avec Christina Pluhar, la plus grande vedette mondiale de la musique baroque.
Comment s’est nouée cette collaboration avec l’ensemble l’Arpeggiata, qui a abouti à la création musicale de Via Crucis ?
Il y a quelques années, nous avions assuré la première partie de la chanteuse italienne Lucilla Galeazzi à Paris, et Christina Pluhar, qui assure la direction artistique de l’Arpeggiata, était dans la salle. Notre prestation l’a intéressée, et elle nous a contacté dans la foulée pour nous entretenir d’un projet qu’elle voulait mener à bien, et qui mélangeait musique savante et musique populaire. Elle ne voulait pas des chanteurs de baroque, mais mettre à profit ce qui faisait notre différence, un art du chant issu de la tradition. Le projet nous a tout de suite emballé, vu que nous partageons cette vision d’une proximité des musiques classique, sacrée et populaire. En Corse, peut-être encore plus qu’ailleurs, elles se sont en effet perpétuellement influencées.
De quelle manière avez-vous travaillé ?
Il faut savoir que l’Arpeggiata est un ensemble vocal et instrumental à géométrie variable totalement centré autour de Christina Pluhar. C’est elle qui, au gré de ses projets, fait appel à des musiciens issus de traditions, de milieux et de pays différents pour atteindre cet équilibre et cette osmose qui font l’originalité et la force de sa musique. À partir du répertoire du premier baroque romain, napolitain, français ou espagnol, elle vient mêler d’autres influences, pour un résultat extraordinaire. Cette fois-ci, elle voulait créer une « passion latine », mélange de pièces du répertoire savant du XVIIe siècle et de pièces issues de la tradition corse et italienne. Barbara Furtuna ayant toujours fait des choses autour de ce thème, et le répertoire insulaire proposant un vaste choix, nous avons pu lui proposer des choses durant la création, qui a eu lieu à Zamora, en Espagne, il y a plus de deux ans déjà. Ensuite, les concerts se sont succédé, dans des salles prestigieuses, l’Arpeggiata bénéficiant d’une renommée énorme dans le monde de la musique classique. Nous avons joué à la salle Gaveau, à Paris, au Luxembourg, en Espagne, à Périgueux, à l’Opéra de Bordeaux, à Bâle, bientôt à Zurich, et nous foulerons même les planches du Carnegie Hall à New York en 2012 !
Comment vivez-vous cette nouvelle expérience ?
C’est assez intimidant, on découvre un monde totalement inconnu, celui du classique, de l’Opéra, un monde qui a ses codes, ses traditions, ses stars, mais on nous a très vite mis à l’aise, et le fait que notre collaboration à la création, autant dans le chant que dans l’écriture, ait été accueillie avec enthousiasme, nous a facilité les choses. On s’est sentis acceptés. Pour autant, c’est vrai, l’exercice est complètement différent de ce que l’on avait l’habitude de faire. C’est un répertoire classique, on interprète une seule œuvre qui dure une heure et demie, il n’y a pas d’applaudissements entre les morceaux, la gestuelle, les déplacements sur scène sont millimétrés. Là-bas, tout le monde parle musique écrite, mesures, il nous faut nous adapter à cette rigueur du classique, mais c’est intéressant pour nous, cela nous sort de nos habitudes, nous oblige à évoluer, et la collaboration se passe à merveille.
Quel est votre rôle dans Via Crucis ?
L’Arpeggiata est une structure lourde, quand tout le monde est là, que la formation est au complet, on est 18 sur scène, avec orgue, luth, psalterion, dulcimer, violon, théorbe, contrebasse…, et six chanteurs : nous, la grande soprano Nuria Real et le contre-ténor Philippe Jaroussky, une sommité dans le monde du chant lyrique. Tout cela est une mécanique de précision, dans laquelle nous nous sommes fondus, et nous sommes très fiers de dire que, au milieu de tous ces grands artistes, la musique corse n’est pas anecdotique, mais joue un vrai rôle. Ainsi nous chantons par exemple le morceau d’ouverture et souvent le morceau en rappel qui clôt la représentation, ainsi que quatre autres pièces.
C’est aussi le moyen de toucher un nouveau public ?
Les gens qui viennent voir l’Arpeggiata sont un public de mélomanes avertis, pointus, qui connaissent bien le baroque, et sont souvent très exigeants et exclusifs dans leurs choix musicaux. En nous produisant devant des salles qui ne nous sont pas acquises et nous découvrent, bien sûr, c’est le moyen de toucher un nouveau public. Et on ressent fréquemment chez lui un étonnement devant cette spontanéité qui vient du chant populaire, et qui fait que l’on peut parfois toucher plus en profondeur, parler plus au cœur et à l’âme…
Est-ce que cette formation de l’Arpeggiata viendra un jour donner Via Crucis en Corse ?
Nous aimerions beaucoup venir présenter l’œuvre sur l’île, mais la structure est très importante, et cela paraît très difficile à réaliser. On a amorcé des contacts, notamment avec la ville d’Ajaccio, alors qui sait…
En parallèle avec l’Arpeggiata, que vous allez régulièrement rejoindre pendant encore au moins deux ans, quels sont les projets de Barbara Furtuna ?
Le groupe continue de se produire de son côté, bien sûr, rien que d’ici la fin de l’année, une cinquantaine de concerts sont déjà prévus, au Canada, à Fez, en Autriche, au Portugal ou en Angleterre, et peut-être une tournée aux États-Unis en septembre, même si les choses sont un peu compliquées dès qu’il s’agit de se produire là-bas.
Et la Corse ?
On aura du mal à se produire sur l’île plus de deux ou trois fois, d’abord parce que notre agenda est plein, mais aussi parce que, paradoxalement, il est difficile de jouer en Corse lorsque l’on fait des polyphonies. C’est d’autant plus embêtant que l’on peut vite vous oublier. Si l’on n’y joue pas régulièrement, les Corses imaginent vite que le groupe s’est arrêté… On a acquis une renommée internationale, au-delà de la France, qui garde une vision un peu péjorative, « folklo », du chant traditionnel, alors qu’ailleurs on est plus vus comme un ensemble de chant classique et sacré que comme un groupe de « world music » ou de folklore… Mais en Corse, on souffre encore d’un déficit d’image.
Comment l’expliquez-vous ?
On dit que nul n’est prophète en son pays, et je pense qu’en Corse c’est plus vrai encore qu’ailleurs. Contrairement à ce que l’on croit parfois, sur l’île, le chant monodique, à une voix donc, a toujours été plus populaire que la polyphonie. Et puis c’est un public de proximité, qui ne se déplace pas vraiment pour voir ce genre de spectacle, comme un parisien, par exemple, n’irait pas voir la Tour Eiffel. Ils pensent connaître ça par cœur.
De plus, à une époque, on a rattaché ce style de chant à une forme de vie passée et difficile, ce qui fait que pour les générations antérieures aux nôtres, la polyphonie n’évoque rien de très agréable. Quant aux autres, ils l’ont reléguée au rang des choses du passé, des souvenirs sinistres. Les Corses sont attachés à la polyphonie mais dans une fonction sociale, utilitaire, pas comme une forme de divertissement.
Vous êtes donc condamnés à vous exporter ?
Non, et pas question non plus d’en tenir rigueur au public. C’est à nous de prouver que l’on peut proposer quelque chose de différent, de nouveau, d’original. Lors des concerts, on a souvent des remarques de gens surpris, qui ignoraient même que l’on pouvait aborder la polyphonie à notre manière. Le plus dur, c’est de convaincre les gens de venir jusqu’à nous… Et puis la solution c’est aussi de partir comme nous l’avons fait, et de revenir adoubés par le reste du monde. Pour la Corse, l’extérieur reste un miroir qui lui permet de porter un autre regard sur elle-même et sur les siens.
Sébastien Bonifay
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